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Blog no. 2 LAPLANTE, Joannie

 

Jusqu’à quel point faut-il être solidaire?

Un de mes collègues de classe, lors de notre conseil des ministres, a présenté un mémoire ayant pour objectif de réduire le nombre de conseillers municipaux à la Ville de Longueuil. Plus tôt la semaine dernière, dans un journal local de la Rive-Sud, nous avons appris que le ministre des Affaires municipales avait accepté un projet réel de réduction du nombre d’élus à Longueuil (Rive-Sud Express.ca, 2011) et le 8 décembre dernier, que les députés de l’Assemblée nationale avaient adopté le projet de loi 30.

Cependant, cette décision ne fait pas l’unanimité, certains citoyens de l’arrondissement Greenfield Park de la Ville de Longueuil ont manifesté leur désaccord et ont demandé à madame Nicole Ménard, députée de Laporte (circonscription incluant Longueuil) et ministre du Tourisme et ministre responsable de la Montérégie de déposer, à l’Assemblée parlementaire, une pétition signée par 1100 personnes s’opposant au projet.

Dans l’article, on mentionnait que madame Ménard n’allait pas déposer la pétition puisqu’elle ne pouvait le faire à titre de ministre et aussi par solidarité envers son collègue ministre des Affaires municipales.

Cette situation est un exemple illustrant parfaitement bien ce qu’est la solidarité ministérielle. Comme nous l’avons vu, la solidarité ministérielle est un principe selon lequel « chaque ministre est tenu de défendre publiquement les orientations et les décisions du gouvernement » (CHARLAND dans MICHAUD ET ALL., 2011). En cas de désaccord avec son gouvernement, un ministre n’a d’autre choix que de démissionner. On peut donner ici l’exemple de John A. Fraser, ministre des Pêches et des Océans sous le gouvernement de Brian Mulroney. En 1985, John A. Fraser a autorisé l’entreprise Starkist à vendre un million de boîtes de thon qui avaient été déclarées comme avariées par les inspecteurs du ministère. Lorsque le scandale éclata, le ministre Fraser déclara que le premier ministre Mulroney était au courant et qu’il avait autorisé la vente. Le ministre Mulroney nia ces allégations et John A. Fraser fût forcé de démissionner (RADIO-CANADA ARCHIVES, 2008).

En ce qui concerne l’exemple de la réduction des élus de Longueuil, on comprend donc pourquoi la ministre Ménard n’a pu déposer la pétition des citoyens de sa circonscription, elle devait rester solidaire à la décision de son collègue du ministère des Affaires municipales et ne pouvait contester publiquement sa décision et celles des députés de l’Assemblée parlementaire. C’est finalement le député libéral d’Huntington, Stéphane Billette, qui a dû remette la pétition.

Cette situation m’amène à me demander si le principe de solidarité ministérielle peut et doit toujours être respecté. Je crois que dans certains cas, ce principe peut amener des dilemmes éthiques et des conflits de valeurs chez les membres de la classe politique; la peur de se retrouver sous les projecteurs et de devoir démissionner les amenant à tenir des propos qui vont à l’opposer de leur pensées. Ce conflit moral peut, à mon sens, amener un profond malaise chez les gens qui le vivent.  

Dans la situation qui nous occupe, la ministre Ménard s’est retrouvée prise entre deux feux : rester solidaire à la décision de son gouvernement ou défendre les intérêts des citoyens de sa circonscription. Comme nous l’avons vu, les députés ont, entre autres, un rôle d’intermédiaire, de « relayeur des besoins de [leur] circonscription et de l’humeur de [leurs] commettants » (GRENIER ET ROCHEFORT dans MICHAUD ET ALL, 2011). Quel rôle la ministre Ménard aurait-elle dû privilégier au détriment de l’autre, celui de ministre ou de député? N’a-t-elle pas le droit d’être en désaccord avec son gouvernement pour défendre les intérêts de ses commettants? Car, si pour être ministre, il faut d’abord et avant tout être député, n’est-ce pas ce rôle qui devrait être privilégié. Est-il normal que ce soit le député d’une autre circonscription qui doive, au bout du compte, déposer la pétition et défendre les intérêts de ces citoyens?

Un autre exemple, plus extrémiste, qui démontre qu’éthique et solidarité ministérielle ne font pas toujours bon ménage concerne les allégations de possession d’armes de destructions massives du président américain Georges W. Bush envers l‘Irak. En effet, peu après les attentats du 11 septembre, ce dernier a clamé haut et fort que l’Irak possédait des armes de destructions massives afin de justifier l’envoi des troupes américaines dans ce pays. Son secrétaire d’État, Collin Powell, a toujours défendu la position de son président. En 2003, il s’est même présenté devant le conseil de sécurité de l’ONU, avec des preuves très controversées, falsifiées et fausses sur la présence d’armes de destructions massives. Ce discours avait contribué à accroître la crédibilité des accusations de Bush. Cependant, quelques années plus tard, sur la chaîne de télévision ABC, Collin Powell a publiquement avoué qu’il n’avait pas de preuves réelles (LE NOUVEL OBSERVATEUR, 2005). Si Collin Powell s’était objecté contre les allégations du président Bush, aurions-nous pu éviter toutes ces années de guerre? Un homme aussi crédible que Collin Powell aurait sans doute été entendu. La solidarité ministérielle, dans cette situation, l’a emporté sur la vérité, avec les conséquences que nous connaissons tous.

À la lumière de ces exemples, je crois que la solidarité ministérielle ne devrait pas être un principe devant être absolument respecté. Je crois qu’il faut savoir faire preuve de jugement. Certes la solidarité ministérielle assure la cohésion et la légitimité du gouvernement. Cependant, dans certaines situations, lorsque l’éthique, la vérité et le bien-être de la population sont en jeu, un ministre ne devrait pas se retrouver face à un dilemme moral et avoir peur de clamer son désaccord sous peine de commettre un suicide politique.

Joannie Laplante

ENP 7505, lundi soir

LAPOINTE, Diane (2011). « Réduction du nombre de conseillers municipaux : la députée Ménard refuse de déposer une pétition », Le Rive-Sud Express.ca, p. 10

CHARLAND, Gilbert (2011). « Le rôle du premier ministre dans notre système de gouvernement », dans Nelson Michaud (dir.), Secrets d’États?, Saint-Foy, Presses de l’Université du Québec, p. 177

GRENIER, André et Martin ROCHEFORT (2011). « La fonction législative : les pouvoirs du Parlement et les rôles des députés », dans Nelson Michaud (dir.), Secrets d’États?, Saint-Foy, Presses de l’Université du Québec, p. 140-141

RADIO-CANADA ARCHIVES (Page consultée le 8 décembre 2011), « Thon : odeurs nauséabondes au Parlement »  dans Politique, Partis et chefs politiques, [En ligne], http://archives.radio-canada.ca/politique/partis_chefs_politiques/clips/11642/


LE NOUVELLE OBSRVATEUR (page consultée le 8 décembre 2011), Site Le Nouvel Observateur , [En ligne], http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20050909.OBS8727/colin-powell-regretteson-discours-a-l-onu.html

Mor Ndiouga Diop, Elhadji (Page consultée le 8 décembre 2011), « Mentir ou déguerpir, faites votre choix monsieur le ministre! » dans Articles,[En ligne], http://community.jhr.ca/articles/articles_frame_single.php?Lang=French&contentID=669

 

Commentaires

  • Voilà une deuxième courageuse publication. Maintenant
    sous l'oeil correctif du prof. Bonne suites professionnelles
    Joannie.

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