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  • Les médias : «gardiens» de la bonne gouvernance? Cas de la crise post-électorale ivoirienne-Judith Effo

     «Les médias indépendants, libres et pluralistes jouent un rôle crucial dans la bonne gouvernance des sociétés démocratiques, en assurant la transparence et le respect des principes de responsabilité, en promouvant la participation et l'état de droit et en contribuant à la lutte contre la pauvreté»[1]. Les médias seraient donc «indispensables pour garantir la transparence, la responsabilité et la participation, qui sont des aspects fondamentaux de la bonne gouvernance et du développement fondé sur les droits de l'homme» [2].

     

    Qu’en est-il de la réalité ? Est-ce que ces vertus s’appliquent à tous les médias ? Les médias sont-ils tous les «chiens de garde» contre la corruption et les défendeurs du public contre les intérêts particuliers? [3]. Selon Luc Lavoie, membre du cabinet de l’ex-premier ministre Brian Mulroney, «[Les journalistes] sont tous habités d’une espèce de conviction qu’ils sont eux-mêmes des espèces de défenseurs de la démocratie devant l’éternel» [4].

     

    Le cas de la crise postélectorale ivoirienne ne témoigne-t-il pas d’une autre image des médias? Au contraire, les journalistes ne seraient-ils pas instrumentalisés par la politique? [5]

     

    Pour bien comprendre la situation, il est nécessaire de revenir sur le contexte dans lequel les dernières élections présidentielles se sont déroulées en Côte-D’ivoire (CI).

     

    Les élections présidentielles organisées au mois d’octobre 2010 en Côte-d’Ivoire, devaient représenter le point culminant du processus de sortie de crise dans laquelle la CI est plongée depuis une décennie. Crise, dont l’émergence remonte à septembre 2002, date à laquelle une tentative de coup d’État contre le gouvernement de Laurent Gbagbo, a donné naissance à une rébellion armée qui s’est emparée du Nord du pays, marquant ainsi la division de la CI en deux. S’en suivra de 2003 à 2007, une série d’Accords de gestion de crise, avec en mars 2007, la signature de l’Accord politique de Ouagadougou qui consacre l’appropriation par les parties ivoiriennes, du processus de sortie de crise. Cet accord a permis de mettre en place un nouveau gouvernement d’unité nationale chargé de l’organisation des prochaines élections présidentielles. Après avoir été maintes fois repoussée pour diverses raisons avancées, c’est finalement la date du 31 octobre 2010 qui fut retenue pour l’appel aux urnes des citoyens ivoiriens.

     

    Le premier tour de l’élection présidentielle a connu une participation massive et s’est déroulé sans ‘défaut majeur’. Cependant les choses se sont corsées lors du second tour, organisé le 28 novembre 2010, au moment de la proclamation des résultats devant sacrer le nouveau président de la République ivoirienne. En effet, alors qu’en date du 2 décembre 2010, la Commission électorale indépendante(CEI) chargée de divulguer les résultats dans un délai de trois jours n’était pas encore parvenue à un consensus sur la consolidation ou non de certains suffrages; le président du Conseil constitutionnel a saisi le Conseil pour statuer sur les résultats définitifs en lieu et place de la CEI au motif que le délai qui lui était imparti pour proclamer les résultats avait expiré à minuit, le 1er décembre 2010. Il revenait donc, selon le code électoral ivoirien, à l’autorité suprême de l’État ivoirien, soit le Conseil constitutionnel de statuer sur les contestations et les requêtes introduites afin de se prononcer sur les résultats définitifs dans un délai impératif de sept jours. Cependant, le président de la CEI s’appuiera sur les résultats provisoires pour déclarer  l’opposant Alassane Ouattara vainqueur à la télévision française, et ce, avant même que la décision du Conseil ne soit connue. Le Conseil constitutionnel déclarera à son tour Laurent Gbagbo président, après comptage des scrutins. C’est ainsi que la Côte-d’Ivoire est apparue dans la presse internationale comme le premier pays au monde à avoir deux présidents pour un seul siège présidentiel!

     

    Il n’est pas question ici de chercher à savoir qui a vraiment gagné les élections mais plutôt de se focaliser sur le rôle joué par les médias et la stratégie de communication adoptée, sous prétexte d’être les justiciers de la démocratie et du respect des urnes.

     

    Comment peut-on prétendre être «les chiens de garde» de la démocratie lorsque sans même attendre que l’autorité suprême d’un pays souverain n’ait statué, on puisse prendre le parti d’un candidat et le déclarer comme étant le président reconnu par la communauté internationale ? La primauté du droit n’est-elle pas ici bafouée ? Où sont passées les obligations déontologiques d’impartialité, d’objectivité et de neutralité dont tout journaliste doit se prévaloir ?

     

    En effet, malgré l’ambigüité des résultats de la présidentielle, les médias français sont restés unanimes sur l’élection du président Alassane Ouattara quitte à outrepasser l’avis du Conseil Constitutionnel. Dans un pays souverain, la légitimité revenait donc uniquement à la  « communauté internationale » de proclamer les  résultats des élections présidentielles.

     

    Le lynchage médiatique ira d’ailleurs assez loin lorsque le président sortant refusera de quitter le pouvoir et contestera le scrutin dans le Nord du pays.  Les médias internationaux iront jusqu’à diaboliser Laurent Gbagbo en qualifiant son régime d’ultranationaliste, xénophobe et génocidaire. Le cartel médiatique mettra en place une véritable campagne de désinformation à l’encontre du président déchu [7]. À longueur de temps sur les ondes, des mots et concepts seront choisis par les médias et répétés. Pour eux «Laurent Gbagbo doit partir» et «Alassane Ouattara est le président reconnu par la communauté internationale», on entendra parler aussi de « crimes contre  l’humanité », «Escadrons de la mort », « charniers »,  « actes génocidaires», etc.

     

    Selon Tobner [8], l’uniformisation de  l’information concernant la crise ivoirienne, constatée dans la  quasi-totalité de la presse française et journaux télévisés, soulève la question d’un risque de formatage de l’opinion publique.

     

    Moi-même ayant vécu tous ces évènements depuis le Québec, j’ai pu constater cette complicité multiforme dans les médias à travers la presse canadienne qui s’alignait toujours derrière la presse française en véhiculant l’image d’un ancien président qui se maintenait au pouvoir illégitimement.

     

    Je me souviens d’ailleurs de l’accrochage diffusé dans la nuit du 30 décembre 2010, qui a fait le tour du monde, amplifiant l’image exécrable déjà attribuée au gouvernement de Laurent Gbagbo et de ses partisans. Nous pouvions y voir l’un des représentants, au sein de la CEI, de l’ancien chef de l’État empêcher l’annonce des résultats partiels du second tour. La presse qualifiera cet évènement de ‘tentative de hold up électoral’ des partisans de Laurent Gbagbo. En réalité, les protagonistes cherchaient surtout à empêcher la divulgation de résultats n’ayant pas obtenu l’assentiment de la Commission.

     

    Notons aussi que les seules fois où la position du Conseil constitutionnel sera évoquée dans la presse, ce sera pour semer le doute sur son impartialité en prétextant que ses membres ont été nommés par Laurent Gbagbo. Or, si on regarde au Canada par exemple, les juges de la Cour suprême sont certes nommés par le gouverneur général mais sur recommandation du premier ministre, qui choisit aussi d'autres juges ainsi que les sénateurs, les ministres, les sous-ministres, les présidents des sociétés d'État et le commissaire de la GRC. Cependant, ni la France, ni les USA n'ont mis en doute l'objectivité de la Cour suprême lorsqu'elle s'est prononcée en réponse au renvoi sur la sécession du Québec [9].

     

    L’exemple de cette crise montre à quel point les médias ont représenté un enjeu majeur dans le débat politique ivoirien. Loin de toujours répondre à leur mission d’informer en toute impartialité, ils franchissent parfois la limite et deviennent des armes de guerre pour marquer des positions stratégiques.

     

     

     

    Judith Cynthia

    enp-7505 (lundi soir)

  • «Occupons le monde: le cri d'alarme est lancé !»Marie-Noëlle Fortin

     

    La crise est là, elle nous guette. Après s’en être prise aux pays de l’Europe occidentale, elle pèse de plus en plus sur les institutions financières nord-américaines. Comment pourrons-nous l’affronter et  pourquoi s’est-elle développée sans que l’on n’ait pu réagir avant? Plus précisément : «Nous, en tant que travailleurs, citoyens, participants actifs à la société, qu’avons-nous fait pour en arriver là? Sommes-nous responsables de cette débâcle économique? Est-ce du au faible taux de fécondité, aux conditions de travail trop profitables, au fond de pension trop onéreux? Je doute fort que quiconque puisse se sentir coupable d’avoir des programmes sociaux trop avantageux.

     

    Pourtant, il s'agit présentement du «nous» qui est dans la rue en train de mobiliser la majorité pour que l’on reprendre les rênes du monde financier qui part à la dérive. «Nous» sommes là, «nous» sommes la force globale[1], la volonté collective de faire les choses différemment et de rétablir le balancier en faveur de l’être humain, de la démocratie. La société postmoderne hyperindustrialisée a trop longtemps sévit, apportant avec elle la représentation du citoyen comme un consommateur abruti plutôt que d’un participant actif à la politique publique. Mais le «nous» a crié, haut et fort, ici comme ailleurs, que «nous» voulons participer à la vie publique, être représentant de cet État de droit qui nous constitue, jouer le rôle que nous avons inscrit dans la Constitution en tant qu’acteur principal de cette démocratie représentative.

     

    C’est la naissance d’un contre-pouvoir mondial.

     

    La population veut du changement, un renouveau qui remettra les pendules à l’heure de l’humanisation du capitalisme. On crie pour mettre fin à cette «culture noire», comme le mentionne Kalle Lasn, initiateur du mouvement et anticapitaliste spécialiste de la guerre d’image[2]. Mais à qui destinons-nous nos cris? Qui sont donc les réels responsables? Ceux qui peuvent activement rétablir l’équité entre les deux pouvoirs de forces que sont la population et les marchés financiers ?

     

    Vous l’aurez deviné: il s’agit bien des politiciens et des institutions gouvernementales.  Pourquoi donc nos dirigeants politiques ont-ils abandonné la partie, ou plutôt, pourquoi ce sont-ils mis au rang de victimes des contrefaits de ce capitalisme financier outrancier? Le «nous» vient ainsi au secours de l’État en lui ouvrant les yeux sur les effets d’une mondialisation dictée par les tenants de la haute finance[3].

     

    En effet, les gouvernements ne doivent pas oublier qu’ils sont en fait eux-mêmes responsables des lois sur la réglementation des marchés financiers de leur État respectif.

     

    Revoyons quelques principes à ce propos :

     

    L’intervention de l’État touche l’allocation des ressources au sein de la société et l’orientation de l’économie nationale par l’entremise d’investissements publics, de politiques d’achat, de réglementation des industries ou de subventions, de prêts ou de dégrèvements fiscaux.

     

    L’État sur le plan économique se présente tour à tour comme producteur, investisseur, consommateur, régulateur, employeur ainsi que leader et promoteur[4].

     

    La classe politique doit prendre les responsabilités qui lui revient. Rappelons que de par leur pouvoir de réglementation du marché financier, ils ont décidé de laisser le marché s’autogérer par une dérèglementation générale[5]. La libéralisation des échanges de capitaux est ainsi venue augmenter la spéculation sur le marché des biens et services, sans toutefois que l’on produise aucun bien et accroitre le marché du crédit. De plus, le développement des technologies des produits a mis en danger de nombreux emplois au Nord comme au Sud. On ne peut nier que le capitalisme fut nécessaire au développement de notre société, mais nous sommes maintenant arrivés au cul-de-sac de cet enrichissement économique qui met à présent en péril la société démocratique affaiblie par la pauvreté, et souffrant devant l’injustice et la corruption.

     

    On le sait, l’État de droit doit répondre de ses actes et tout doit être approuvé ou du moins contrôlé. C’est ce principe de base de l’administration publique que le peuple revendique  explicitement auprès de l’État, lui qui, sous l’endettement public, a trop souvent délégué son pouvoir entre les mains des entreprises privées. Des solutions sont pourtant possibles. C’est ce que dont nous explique Claude Béland, président du Mouvement démocratie et citoyenneté au Québec, en proposant comme solution la taxation de la spéculation et une limite sur les marges de profits[6]. Le gouvernement pourrait s’inspirer de ces méthodes pour répondre plus adéquatement de ses actes devant ses concitoyens. Quelles que soient les futures actions gouvernementales, si celles-ci veulent être approuvées par la population, elles devront dans tous les cas se soumettre à la transparence et à l’évaluation constante de la société civile[7]. Sinon, le mouvement des indignés risque d’atteindre une ampleur des plus redoutables.

     

    En se mobilisant dans la rue, le «nous» représente la goutte qui fait déborder le vase. Prêts à soulever l’État à bout de bras, les citoyens ne veulent plus que cette situation soit la matrice du développement économique mondial. Comme l’a mentionné le président Sarkozy dans le journal Le Monde, on doit «moraliser le capitalisme». Ainsi, on pourra espérer le «retour des États» après trente ans de la prétendue gloire de «l’efficience des marchés» et de «l’État minimal»[8].

     

    Que veut-on dire par le «retour des États»? Prêchons-nous l’État-providence au sens strict? L’économiste David Thesmar (Cercle des économistes) illustre avec justesse la base du désir de société actuel : «l’aspiration à la libéralisation de la société est devenue plus forte que l’aspiration à la protection d’un État tutélaire»[9]. En effet, la société civile veut que les gouvernements lui redonnent le pouvoir de s’exprimer, tout en ayant la certitude d’être entendue et prise en considération. Les gouvernements doivent démontrer leur capacité à réellement préserver le bien-être de leurs citoyens, tâche définie par une écoute réelle et une prise en charge effective de leurs besoins. Les gouvernements doivent se souvenir de leur mandat premier: celui de représenter les 99% de la population, rôle auquel ils se sont dissociés depuis les trente dernières années.

     

    Que l’on soit pour ou contre le mouvement des indignés, cela n’empêche pas qu’un changement est inévitablement en train de se produire. Les gouvernements qui le considèreront et sauront ajuster l’équilibre entre les marchés financiers et le peuple seront ceux qui se sortiront le mieux de cette crise.

     

    Aucun citoyen au Québec, ni nul par ailleurs sur la planète,  ne peut rester inerte face à l’indéniable déséquilibre économique qui fait de nous les perdants sur toute la ligne. Comme le mentionnait Joseph E. Stiglitz, professeur en économiste et premier vice-président de la Banque mondiale, «pourquoi y eut-il des milliards de dollars pour renflouer les banques, alors que quelques millions de dollars de subvention en nourriture et carburant ne pouvaient être dégagés pour les Indonésiens les plus démunis?»[10] Au Québec, comme ailleurs, on se saigne à blanc pour pouvoir amasser les fonds de retraite raisonnables pour les nombreux travailleurs qui partent bientôt du marché du travail, alors que les bonus des traders sont toujours aussi flamboyants et les paradis fiscaux se portent parfaitement bien[11]. Un déséquilibre est là, bien visible devant nous. Les indignés sont là pour nous le rappeler, nous ouvrir les yeux sur l’importance de participer activement à la société civile.

     

    Je ne suis moi-même pas une grande militante, mais je salue avec admiration les valeureux téméraires qui osent mettre de côté leur confort au nom d’une cause qui nous touche tous.  Ils sont les occupationnels, le reste du «nous» sommes la force tranquille qui les appuyons et ferons en sorte que les élections représentent réellement les besoins de la population. Cela me désole de voir que notre propre gouvernement ose ne pas reconnaître que le peuple prend son pouvoir en main, fermant ainsi les yeux sur les changements qui sont en train de se vivre partout sur la planète. La motion rejetée d’Amir Khadir, député Québec solidaire de Mercier, montre bien le chemin que nous avons encore à parcourir pour que notre gouvernement provincial réagisse à la voix du peuple.

     

     Il est l’heure que le gouvernement du Québec regarde dans les yeux des gens qui l’ont élu et qu'il réponde à leur demande d'une meilleure justice sociale et d'une répartition égale des richesses. Ce n’est pas une situation qui pourra se régler avec le truchement d’une commission d’enquête, le gouvernement est donc mieux de bien se préparer cette fois. La crise présente a des racines solides et profondes qui se nourrissent d'une indignation qui risque d’être bientôt incontrôlable !

     

     

    Marie-Noëlle Fortin

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     



    [1]CYBERPRESSE.CA (2011) Peuples du monde, levez-vous! [En ligne], Québec, Cyberpresse.ca, «Nouvelles du 16 octobre 2011», http://www.cyberpresse.ca/international/201110/16/01-4457719-peuples-du-monde-levez-vous.php  (Page consultée le 17 octobre 2011)

    [2] ADBUSTERS (2009). Kalle Lasn : Clearing the Mindscape, [En ligne], Vancouver, Adbusters.com, http://www.adbusters.org/blogs/adbusters_blog/kalle_lasn_clearing_mindscape.html (Page consultée le 20 octobre 2011)

    [3]KOROGHLI,Ammar (2011). La crise financière mondiale et l’Algérie, [En ligne], Algérie, Algérie-Focus : le devoir de savoir, http://www.algerie-focus.com/2011/08/23/la-crise-financiere-mondiale-et-lalgerie/  (Page consultée le 19 octobre 2011)

    [4]TRUDEL, Rémy (2011). Scéance 2: Des principes fondamentaux, Montréal, École nationale d’administration publique. Document interne.

    [5]LES FRANCS TIREURS (2011). Émission du 19 octobre 2011 : Entrevue avec Claude Béland. [Émission télévisée], Montréal, Les Francs tireurs Télé-Québec.

    [6]Idem

    [7]LAVOIE, Guillaume (2011) Recueil de texte : Crise, dette, urgence sociale : les États submergés de Antoine Reverchon, Le Monde 13 septembre 2011. Montréal, École nationale d’administration publique.

    [8]Idem

    [9] Idem

    [10]LAVOIE, Guillaume (2011) Recueil de texte : Relève de la garde au FMI de Joseph E. Stiglitz du 06 juin 2001. Montréal, École nationale d’administration publique.

    [11]LAVOIE, Guillaume (2011) Recueil de texte : Crise, dette, urgence sociale : les États submergés de Antoine Reverchon, Le Monde 13 septembre 2011. Montréal, École nationale d’administration publique

     

  • Blogue #1-Audet-La vie privée et les hommes d'état

    La vie privée et les hommes d’état - Nathalie Audet

     

    Les méfiances envers le gouvernement sont omniprésentes et à l’ère des communications infinies, il devient difficile pour les élus de cacher leur jeu. Les hommes et les femmes qui oeuvrent dans les postes les plus exposés de l’administration publique sont de plus en plus surveillés par les médias et la population. On relate et critique les moindres gestes, ces serviteurs de l’état doivent démontrer un comportement sans faille dans leur profession comme dans leur vie privée. Dans un monde où la désillusion politique s’affiche largement, on doit prévenir les dérapages.

     

    Mais la question se pose : les politiciens sont-ils tenus d’avoir un comportement exemplaire? Peuvent-ils avoir être au-dessus de la loi ou de l’éthique? Un bon nombre d’électeurs diront que si ces gens qui adoptent les lois n’agissent pas eux-mêmes selon les lois qui régissent cette société, comment pouvons-nous leur faire confiance? Ces personnalités doivent inspirer positivement en incarnant des valeurs respectables. Leur intégrité est un élément essentiel pour la population qui les a nommés et en qui, on donne le pouvoir d’influencer notre quotidien et décider de notre avenir individuel et commun.   

     

    Les événements concernant la vie privée des personnalités politiques se bousculent au cours des derniers mois. Tout d’abord, on connaît les bévues du représentant démocrate des États-Unis, Anthony Weiner, qui a candidement envoyé à des inconnues des photos compromettantes de lui-même via un site internet. Il a d’abord nié mais devant les preuves et l’ampleur de la situation, il a admis sa culpabilité. Malgré tout, il n’avait pas l’intention de démissionner parce qu’il dit ne pas avoir enfreint la loi et que de toutes façons les photos osées n’ont pas été envoyées de son compte professionnel. Juridiquement, c’est vrai, mais ces hommes d’état ne sont-ils pas soumis par des règles d’éthique? D’ailleurs, une enquête de la commission d’éthique a été demandée par les démocrates afin d’éclaircir la situation. Il a finalement démissionné suite aux pressions des collègues démocrates qui craignaient probablement pour leur réputation à la veille des élections américaines.

     

    La survie en politique dépend principalement de sa popularité. Les politiciens doivent soigner leur image, s’assurer de conserver un appui du peuple, il faut entre autres inspirer confiance. Parmi les qualités d’un bon représentant, on retrouve les compétences, l’honnêteté, la discrétion, la loyauté et non seulement envers les électeurs mais envers ses collègues et son parti. Quand le ministre croit que la présence de quelqu’un nuit à sa réputation ou à celle du parti, il est dans son droit de demander une démission.

     

    L’affaire DSK a aussi occupé une bonne place dans l’actualité pour des actes indécents. Au moment de son arrestation, Dominique Strauss-Kahn était toujours le directeur du Fonds monétaire international et favori dans les sondages pour l’élection présidentielle en France. Il était accusé d’agression sexuelle et de tentative de viol sur une femme chambre d’un hôtel de New York où il séjournait en vacances pour le week-end. Quand les policiers l’ont interpellé, il a évoqué l’immunité diplomatique pour qu’on arrête ce cirque. Or, l’événement ne serait pas arrivé dans le cadre de ses fonctions, l’immunité a ses limites et ne peut pas s’appliquer dans toutes circonstances ! C’est quand même le premier argument qu’il a instinctivement déposé. Ces individus travaillant pour une institution des Nations Unis sont-ils à l’abri de toutes accusations selon le droit international? Une décision en sa faveur serait décevante, on vit plutôt dans un mouvement de justice et d’égalité pour tous, aucun ne devrait être au-dessus de la loi, peu importe la position.

     

    Plus proche de nous, un homme de confiance du gouvernement Harper, Bob Dechert, le secrétaire parlementaire du ministre des affaires étrangères a échangé des courriels à caractères amoureux avec une journaliste chinoise liée aux renseignements de son pays. Ces messages, anodins et assez inoffensifs ont été dévoilés sans gêne par les médias. Suite à une analyse de la situation par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service canadien du renseignement de sécurité  (SCRS), il semble qu’aucune information pouvant compromettre l’état n’aurait été transmise. Est-ce malgré tout un comportement acceptable? Peut-on faire confiance à cet homme? Son manque de jugement démontre une faille qui pourrait coûter cher dans une autre situation.

     

    Dechert a déclenché une mobilisation d’organisations fédérales de haute sécurité pour examiner l’impact de ses actes personnels irresponsables. Ces gestes qui pourraient causer préjudice à l’institution gouvernementale coûte cher à l’état. Les citoyens n’ont pas à payer des investigations pour des bêtises d’hommes de pouvoir.

     

    Connaissant leur statut dans la société, ces individus doivent être davantage prudents dans leurs échanges et actions liés à leur vie privée. Peut-être qu’ils ne sont pas assez bien encadrés à leur entrée en fonction. Un cours sur la prudence face aux réseaux sociaux et médiatiques ainsi qu’une leçon de discrétion devraient faire partie de leur programme d’accueil. Certains ne semblent pas connaître les risques des modes de communication émergents.

     

    On pourrait aussi reprocher aux médias d’alimenter des histoires sans importance, qu’une certaine responsabilité leur revient. D’un autre côté, les médias ont eux aussi un devoir envers la population. Choisir de publier ou non est un atout précieux. Ce choix peut jouer un rôle important dans l’opinion public. Les nouvelles et les messages doivent faire l’objet d’une analyse avant leur diffusion. Est-ce que cette information est pertinente? Peut-elle éclairer l’électeur sur l’intégrité de la personnalité en tant que leader politique? Un jugement imprégné de professionnalisme est de mise. En cas de doutes, la diffusion de l’information s’impose. L’électorat a droit de savoir et on doit lui laisser l’opportunité de porter ses propres conclusions.

     

    Profiter de sa popularité et de sa position stratégique pour agir de façon inappropriée mais sans impact catastrophique est une chose mais de profiter de son pouvoir pour enrichir ses avoirs personnels et ceux de ses proches est une faute grave. Utiliser le statut politique pour se permettre des actes non acceptables socialement est une question de valeurs morales plus que légales, utiliser son pouvoir pour en faire profiter sa propre vie privée est illégal. Les politiciens bénéficient de certains avantages que les fonds publics financent. Il peut être tentant d’abuser de ce privilège.

     

    Les exemples d’abus sont nombreux, et imaginer ce qu’on ne sait pas…On s’est premièrement étonné de l’annonce des dépenses de Mme Michaëlle Jean, notre ex-gouverneure générale exemplaire qui aurait abusé des ressources publiques pour ses voyages et vacances personnelles. Elle aurait utilisé les avions gouvernementaux pour effectuer à maintes reprises ses déplacements personnels et ceux de sa famille pour des dépenses totalisant 500 000$. Selon le bureau du gouverneur général, ces avions ne servent normalement qu’aux déplacements officiels sauf exceptions qui sont étudiées cas par cas. À titre de justification, on a cité des raisons de sécurité pour Mme Jean, explication qui n’a pas satisfait l’opposition, à suivre…. Cette latitude que s’est donnée la gouverneure générale est assez surprenante compte tenu que ce n’est pas première fois qu’un gouverneur général se fait prendre à abuser des fonds publics pour des raisons personnelles. Il est temps que ceux-ci aient des comptes à rendre, que ces dépenses soient anticipées, approuvées et qu’elles fassent l’objet d’une reddition de comptes régulière. Les citoyens doivent comprendre pourquoi on utilise leurs impôts à ces fins, l’explication se doit d’être claire et accessible à tous. Heureusement que la loi d’accès à l’information existe et qu’il nous sera toujours possible d’identifier les fautifs et de dissuader d’autres de faire des abus semblables.

     

    Autre cas récent, après avoir quitter promptement le parti libéral en mai dernier, l’ex-ministre de la famille M. Tomassi a été accusé en octobre de fraudes et d’abus de confiance. Il aurait accepté une récompense d’une firme ayant un lien d’affaire avec le gouvernement, il aurait accepté une récompense en échange d’influence auprès de son gouvernement et il aurait commis un abus de confiance dans le cadre de ses fonctions. Ces accusations découlent d’une enquête effectuée par la Sûreté du Québec. De plus, rappelons-nous qu’il a déjà été soupçonné de favoritisme dans l’attribution des places en garderie. Cette histoire n’est pas terminée, ce pourrait être que la pointe de l’iceberg. Cela justifie la décision du premier ministre qui l’a l’expulsé du caucus mais cela attise les craintes de la population face à la gestion des fonds publics et crée de la méfiance envers ceux qui restent. L’abus et la corruption ont probablement toujours existé mais aujourd’hui, les modes de communication permettent plus facilement les fuites, les dénonciations et les accusations.

     

    La population se méfie, perd confiance, elle est désabusée. Mais peut-être aussi se réveillera-t-elle ! On peut espérer que l’intérêt à comprendre le fonctionnement gouvernemental va peut-être s’intensifier, que les taux de participation aux élections vont peut-être augmenter. Pour le moment, les conséquences directes de ces phénomènes grandissant de corruption, de déloyauté donnent une nouvelle définition au mot « éthique », amènent une plus grande place aux vérificateurs généraux et possiblement une explosion de commissions d’enquête publique. 

     

    Nathalie Audet

    Principes et enjeux de l’administration publique

    ENP 7505 - Mercredi matin

     

    Bibliographie

     

    Le Monde (13 juin 2011) : http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/06/07/le-democrate-anthony-weiner-nouvelle-cible-des-tabloids-new-yorkais_1532760_3222.html

     

    Lapresse.ca (13 juin 20110 : http://www.cyberpresse.ca/international/etats-unis/201106/12/01-4408563-anthony-weiner-chronique-dune-therapie-annoncee.php

     

    http://www.lefigaro.fr/politique/affaire-dsk/

     

    Globe and mail, 13 septembre 2011. « Bob Dechert is flirting with trouble »

     

    http://fr-ca.actualites.yahoo.com/dechert-naurait-pas-viol%C3%A9-la-s%C3%A9curit%C3%A9-092224565.html « La Presse Canadienne, 19 septembre 2011 – Dechert n’aurait pas violé la sécurité ».

     

    La Presse, Montréal, jeudi le 1er septembre 2011 « Michaëlle Jean en vacances avec les avions de l’État »

     

    http://www.droit-inc.com/article6402-Trois-accusations-contre-l-ex-ministre-Tony-Tomassi

     

    http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2011/10/11/003-tony-tomassi-trois-chefs-accusations-actes-criminels.shtml

     

     Michaud et al. (2011) Secrets d'États ? Les principes guident l'administration et ses enjeux contemporains. Les Presses de l'Université Laval. Chap 21 et 22.

     

  • Recours au Péage pour la construction du nouveau pont Champlain-Erik Thibeault

    Actuellement au Québec nous assistons au vieillissement des nos infrastructures routières.  Qui dans notre société de consommation ne rêve pas de ponts, routes et viaducs neufs et en excellent état.  Pourtant, nous sommes bien loin de cela; plusieurs de nos infrastructures doivent être rénovées et/ou refaites pour en assurer leur fiabilité à long terme.  Les gouvernements investissent actuellement plusieurs millions de dollars pour le rehaussement et le développement de nos routes.   

     

    Le gouvernement conservateur a récemment fait une annonce sur l’avenir de l’axe Montréal Rive-Sud que relie actuellement le pont Champlain.  Après plusieurs mois de pression, une annonce a été faite.  Selon l’annonce faite par le ministre Lebel, la construction d’un nouveau pont Champlain inclurait l’ajout de 2 voies, soient 8 voies au lieu des 6 voies actuelles et donc augmenterait le niveau de service du pont en augmentant la capacité et, souhaitons le, la fluidité de la circulation.  Le ministre a par le fait même annoncé que le projet retenu allait ramener le péage sur le pont Champlain.  

     

    Une question se pose dans le contexte des finances publiques actuelles: sommes-nous en accord avec le recours au péage sur le nouveau pont Champlain?  

     

    Si nous regardons nos impôts et nos taxes qui sont déjà élevé, le montant de la dette ainsi que les nombreux engagements financiers de nos gouvernements; la construction d’un tout nouveau pont financé à 100% par le gouvernement, c’est-à-dire sans avoir recours au péage, semble peu envisageable.

     

    En ayant recours au péage, le gouvernement privilégie le financement de l’infrastructure par le concept d’utilisateur payeur.  En privilégiant l'option utilisateur payeur, le gouvernement peut alors cibler d'une certaine manière l'imposition.  Par exemple, un résident de Vancouver qui n'empruntera peut-être jamais le nouveau pont Champlain n'aura pas à le financer via le péage.  À l'inverse, un résident de la région de Montréal qui utilise le pont quotidiennement ou occasionnellement en assumera une partie des coûts via le péage.  Le mode péage permettra de financer l'infrastructure du nouveau pont par ses utilisateurs.  Plus l’utilisateur utilisera le pont, plus sa contribution au financement du pont sera élevée.  Ceci évite que les non-utilisateurs en assument le coût.  

     

    Certains citoyens vont croire qu'ils doivent payer une taxe supplémentaire associée au passage sur le pont alors que maintenant ils ne paient pas.  Cette affirmation n’est pas totalement vraie car le financement du pont actuel vient à 100% du gouvernement.  Leur passage est donc payé par l’ensemble des taxes et impôts de tous les contribuables.  Rien n'est vraiment gratuit. 

     

    Plusieurs citoyens se rendent à Montréal quotidiennement, pour travailler, pour étudier, pour se divertir, etc.  Tous ces déplacements occasionnent beaucoup de circulation.  Selon l'étude de préfaisabilité[1] portant sur le remplacement de l'actuel pont Champlain, plus de 120,000 déplacements ont lieu matin et soir en voiture.  Nous pouvons penser qu’un péage sur le pont permettrait de désengorger l’utilisation du pont en décourageant certaines personnes d’utiliser leur voiture.  Il pourrait alors en résulter d’une utilisation accrue aux transports collectifs ou des moyens alternatifs pour réduire les coûts de transport tels que le co-voiturage ou même l’usage de la bicyclette.  Le gouvernement et les environnementalistes encouragent et instaurent des mesures pour inciter les gens à utiliser d'avantage les transports en commun en remplacement de leur voiture.  Nous pouvons penser que le péage pourrait être un élément additionnel pour dissuader certains usagers de la route à utiliser le pont Champlain en voiture et donc augmenter  l'utilisation de mode de transport collectif ou alternatif, voire même éviter certains déplacements.

      

    Le nouveau pont Champlain va également servir à maintenir un axe essentiel et majeur pour le transport commercial entre l'ensemble du Québec et les États-Unis.  La congestion actuelle occasionne des pertes financières considérables pour les compagnies de transport.  Le commerce avec les États-Unis est essentiel au maintient de notre économie et nous devons donc s’assurer de maintenir une infrastructure fiable et efficace à long terme pour s’assurer d’une fluidité de circulation du transport des biens qui transitent entre nos deux pays.  Le transport lourd engendre une usure importante de nos routes et infrastructures.  En imposant un péage adapté au type de véhicule nous pourrions s'assurer de la contribution supérieure des camions qui causent l'usure prématurée sur le pont et utiliser ces sommes perçues pour le financement et le maintient de l'infrastructure, tout en maximisant l'efficacité et la fiabilité pour l'ensemble des usagers du nouveau pont.  Les compagnies vont certainement refiler la facture de passage aux consommateurs dans leur prix des biens consommés.  Ceci permettra de faire payer les consommateurs un juste prix pour les biens qu’ils consomment.  Ainsi, même si un citoyen de Vancouver n’utilisera jamais le pont Champlain, le bien qu’il consomme y transite peut-être et il en paiera une redevance dans le coût de ce bien.  On peut toutefois se demander si le nouveau pont a péage, avec une meilleure fluidité, sera plus onéreuse que les pertes financières qu’ils accusent actuellement avec la congestion.

     

    La ville de Montréal constitue une plaque tournante économique du Canada.  Certains diront alors qu’elle appartient à l’ensemble des citoyens et qu’il faut donc favoriser la gratuité à l’accès de ceux-ci.  En contrepartie, on pourrait leur demander s’ils sont favorables à payer les infrastructures d’une autre ville qu’ils n’utiliseront peut-être jamais.  

     

    Le péage a été présent sur le pont Champlain de sa construction jusqu'en 1990 où il a été remplacé par une taxe sur l'essence.  Est-ce que le gouvernement retirera cette taxe pour remettre en place le système de péage?

     

    Richard Bergeron a récemment déclaré ce qui suit:  «ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est la création de péages à la pièce qui serviront à financer de nouvelles infrastructures routières, sans avoir, en contrepartie, l’engagement des gouvernements supérieurs à offrir des alternatives en transport en commun aux citoyens...»[2]

    M. Bergeron a raison.  Le gouvernement veut peut-être favoriser le transport en commun, mais est-ce qu’un plan de transport a été développé?  Est-ce que les infrastructures de transport en commun actuelles permettent d’absorber une nouvelle clientèle?

     

    Les ménages Québécois sont actuellement les plus taxés en Amérique du Nord.  Comment expliquer que nous allons maintenant leur demander de payer d'avantage pour utiliser une infrastructure?  Pensons aux ménages à faible revenu.  Le péage pourrait représenter une somme considérable de leur budget.  

     

    Même si certain diront que le gouvernement fédéral se décharge du financement du nouveau pont, n’oublions pas que l’actuel pont Champlain a été financé par le péage (jusqu’en 1990) puis par une taxe sur l’essence.  La réintroduction du péage ne constitue qu’un moyen de financement du pont.  Il n’y a donc pas de nouveau transfert des coûts aux citoyens.

     

    Il ne faut pas oublier qu’un pont est un service ayant une durée de vie.  Les citoyens ne doivent donc pas prendre pour acquis ce service.  Il doit être conscient que sa contribution financière, qu’elle soit sous forme de péage, de taxe ou d’impôt, celle-ci a une limite à l’espérance de vie du service offert.

     

    Aux yeux de certains, le péage sur le nouveau pont Champlain pourrait être source d'iniquité face aux utilisateurs des autres ponts sans péage (ex: pont Jacques-Cartier et Mercier).  Il ne faut pas oublier que ces autres ponts ont également été financé par le péage et, puis, par la taxe sur l’essence.  Les citoyens ont donc contribué au financement de ceux-ci. Lorsque la durée de vie de ceux-ci sera atteinte, le gouvernement devra avoir recours à un mode de financement que ce soit au moyen d’une taxe, d’un impôt ou d’un péage.  Je n’y vois donc pas d’injustice en ce sens.  

      

    En bref, si on regarde la tendance mondiale actuelle, les gouvernements ont de plus en plus recours au péage.  On le constate même au Québec avec le pont de l’autoroute 25 et l’autoroute 30.  Les gouvernements ont des ressources financières limitées et ils doivent trouver des moyens de financement pour nos infrastructures.  Le trésor public provient des cotisations des contribuables.  Donc, d’une manière ou d’une autre, ce sont les citoyens qui doivent débourser pour le service d’un nouveau pont lorsque l’infrastructure en vient à sa durée de vie utile.  

     

     

    Erik Thibeault

    ENP 7505

  • Ukraine : tentation autoritaire dans un État de droit-Michael Tremblay

    Par Michaël Tremblay

     

    Le 11 octobre 2011, l’ancienne première ministre de l’Ukraine, Ioulia Timochenko, est condamnée à sept années de prison pour avoir abusé de son autorité à des fins criminelles, au motif qu’elle «aurait signé des accords gaziers avec la Russie défavorables à son pays»[1]. Ce jugement controversé n’a pas laissé indifférentes les sociétés basées sur l’État de droit. Plusieurs pays, dont le Canada, ont soulevé le caractère partisan de cette décision judiciaire, en énonçant que la décision «a été faussée par des intérêts politiques biaisés» et en ajoutant «que la primauté du droit en Ukraine sort affaiblie dans la foulée de cette cause importante».[2] Pour bien saisir la teneure de ces affirmations, il est nécessaire de comprendre le contexte dans lesquelles elles s’inscrivent.

     

    Bien sûr, l’histoire de l’Ukraine ne peut se résumer en quelques lignes, tant elle est riche. Notons seulement que son évolution récente est marquée par la déclaration de son indépendance le 24 août 1991, officialisant sa souveraineté face une Union soviétique, qui sera dissolue le 25 décembre de la même année par le Président Eltsine. Le 28 juin 1996, l’Ukraine a adopté une constitution qui est l’«acte fondateur de tout État de droit»[3]. Dans un communiqué célébrant le 20e anniversaire de son indépendance, le gouvernement ukrainien décrit ces tournants historiques comme étant le moment où «on a jeté les bases d’un développement de la nation [ukrainienne] conformément aux principes de droit, de la construction de la démocratie, d’une économie de marché socialement orientée, de la garantie des droits de l’homme à travers une coopération pacifique et mutuellement avantageuse avec tous les membres de la communauté internationale»[4]. Bien que les deux dernières décennies aient été porteuses d’espoir pour la population de cette ancienne république soviétique, elles ont été marquées par de fortes luttes politiques sous-jacentes à une recherche identitaire où des acteurs, comme Ioulia Timochenko, préconisent un rapprochement de l’Ukraine avec l’Europe occidentale, au profit d’un attachement fidèle à la Russie, idée portée par le parti de Viktor Ianoukovytch.

     

    C’est dans ce contexte que le gouvernement pro-russe de Viktor Ianoukovytch est soupçonné d’ingérence dans le procès visant la première ministre de l’ancienne administration pro-occidentale, Ioulia Timochenko. Il ne s’agit pas ici de faire le procès des agissements du gouvernement en place, qui, selon la presse internationale, consiste en «une manœuvre destinée à écarter une concurrente gênante pour le pouvoir»[5].Néanmoins, le débat qui est né de l’association présumée entre le pouvoir et le tribunal, tel que rapporté par les observateurs internationaux, portent atteinte à la crédibilité de l’État de droit ukrainien, où devrait prédominer l’indépendance du législatif, de l’exécutif et du judiciaire. Par le biais d’une lettre de protestation, le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, a averti l’Ukraine des effets négatifs qu’auraient les agissements de son gouvernement : «Le Canada vous implore, en tant que président de l'Ukraine, de vous assurer que tout procès en Ukraine se déroule sans ingérence politique et de tout mettre en œuvre pour renforcer l'indépendance du système judiciaire»[6].

     

    Si la tradition de l’État de droit est profondément enracinée dans la culture occidentale, on ne peut en dire autant pour les pays, comme l’URSS, dont le système politique a été marqué par une séparation des pouvoirs qui, en pratique, n’était pas respectée et où la structure du Parti au pouvoir doublait la structure de l’État. À mon avis, ce que le journal Le Figaro a nommé la «dérive autoritaire de l’Ukraine»[7] peut s’expliquer par une culture du contrôle absolu, qui amène les dirigeants à retourner naturellement aux pratiques datant d’une époque maintenant révolue.

     

    Aujourd’hui, nous avons plusieurs raisons pour dépeindre la mondialisation. Cependant, un effet positif de cette tendance est que les comportements litigieux des politiciens peuvent être rapidement mis au jour. Ainsi, la communauté internationale peut efficacement faire pression auprès des autorités concernées pour faire valoir le consensus social sur lequel doit reposer la gouvernance d’un pays basé sur l’État de droit. Avec le cas Ianoukovytch – Timonchenko, nous avons eu la preuve que les gouvernements sont sensibles à l’opinion publique; que ce soit par pur sentiment d’éthique ou, le plus souvent, par obligation. Malgré le fait que le gouvernement cherche à se définir comme étant pro-russe, l’Ukraine, durement affectée par la crise économique de 2008, est à négocier un accord d’association avec l’union européenne. Il est donc à l’avantage du gouvernement de réaligner les façons de faire de l’État, qui, autrement, pourraient mettre en doute le respect de ses principes fondamentaux. C’est possiblement  ce qui a motivé le président Ianoukovytch à affirmer que ce «jugement n'est pas définitif, et qu'un appel est toujours possible»[8]. Bien sûr, je suis d’avis que justice doit être faite. Cependant, j’abonde dans le même sens que ma collègue Annie-Claude Desrochers[9] en croyant que le système de justice doit agir indépendamment de l’exécutif.

     

    Dans une autre perspective, je trouve intéressant, comme citoyen, de savoir qu’il existe une véritable imputabilité de la part des acteurs politiques, face aux décisions que ces derniers prennent. Cela n’est pas sans rappeler le cas de Tony Tomassi, d’ailleurs très populaire sur ce blogue! Selon Marie-Soleil Tremblay, «le principe d’imputabilité fait appel à la responsabilité de chaque gestionnaire de répondre de ses gestes et de ses choix à ses supérieurs et, éventuellement, à la population»[10]. Ainsi, toutes les parties prenantes à la décision doivent agir conformément à ce qui est prescrit dans la loi, peu importe l’échelle de l’intervention. Que ce soit dans l’attribution de places en garderie ou dans la négociation de contrat gazier de l’ampleur de quelques milliards de dollars, l’enjeu reste le même et s’appelle la reddition de compte. Par conséquent, si Timochenko a mal agi dans la négociation des tarifs gaziers, l’Ukraine est justifiée d’engager ces poursuites.

     

    Il sera donc très intéressant de suivre l’appel de cette décision, sachant que la défenderesse tentera de démontrer la proximité dont a fait preuve l’appareil gouvernemental et le système de justice pour ainsi, décrédibiliser le jugement. Cependant, au lendemain de sa condamnation, une nouvelle accusation a été déposée contre Ioulia Timochenko, pour tentative de dilapidation des deniers publics. Je ne voulais pas finir sur une note négative mais cela me paraît inévitable! Ici, j’ai en tête le scandale qui touche le domaine de la construction au Québec. L’actualité donne aux populations du Québec et à l’Ukraine un dénominateur commun : une confiance ébranlée envers un système politique qui, parfois, semble déconnecté des principes fondamentaux de l’État de droit.

     

     


     

    [1] SUPINSKY, Sergei (2011). «Ukraine : Ioulia Timonchenko condamnée à sept ans de prison», L’express.fr, 11 octobre 2011.

    [2] BELLAVANCE, Joël-Denis (2011). «John Baird sermonne l’Ukraine», La Presse, 13 octobre 2011.

    [3] TRUDEL, Rémy (2011). Notes de cours. Principes et enjeux de l’administration publique.Séance 4

    [4] Ambassade d’Ukraine au Royaume du Maroc (page consultée le 20 octobre 2011). Site de l’ambassade d’Ukraine au Royaume du Maroc [En ligne]. http://www.mfa.gov.ua/

    [5] SUPINSKY, Sergei (2011). «Ukraine : Ioulia Timonchenko condamnée à sept ans de prison», L’express.fr, 11 octobre 2011.

    [6] BELLAVANCE, Joël-Denis (2011). «John Baird sermonne l’Ukraine», La Presse, 13 octobre 2011.

    [7] THEDREL, Arielle (2011). «Varsovie à la peine avec ses voisins orientaux», Le Figaro, 29 septembre 2011.

    [8] SUPINSKY, Sergei (2011). «Ukraine : Ioulia Timonchenko condamnée à sept ans de prison», L’express.fr, 11 octobre 2011.

    [9] DESROCHERS, Annie-Claude (2011). «Des accusations portées contre Tony Tomassi!» Blogue Proftrudel2. Consulté le 23 octobre 2011 [En ligne]. http://ojjvqd.hautetfort.com/

    [10] MICHAUD et all. (2011). Secret d’état? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains. Presses de l’Université Laval. Page 468

     

  • L'intégration des médecins diplômés à l'étranger


    L’intégration des médecins diplômés à l’étranger est l’un des problèmes les moins médiatisés au Québec. Raison pour laquelle j’ai pensé à aborder ce sujet.

    Certaines statistiques indiquent que 3000 médecins diplômés à l’étranger ne peuvent pas exercer dans la Belle Province [1].

    Le collège des médecins du Québec (CMQ) et les facultés de médecine ne facilitent pas leur (MDE) intégration et leur empêchent de pratiquer leur métier.

    Je citerai le cas frappant des postes de résidence laissés vacants pendant trois années consécutives alors que les médecins diplômés à l’étranger avaient appliqué pour ces postes : « En 2007, les quatre facultés de médecine du Québec (Université de Laval, Université de McGill, Université de Montréal, Université de Sherbrooke) ont laissé vacants 87 postes en résidence, alors que 174 médecins diplômés à l’étranger dont le diplôme avait été reconnu par le Collège des médecins du Québec étaient en attente de stage en résidence.

    En 2008, 102 postes de résidents  ont été laissés vacants sur un total de 724 postes attribués après le premier tour de jumelage.

    En 2009, même constat où 94 postes de  résidence sont restés vacants alors que plus de 130 des médecins diplômés à l’étranger avient appliqué. » [2]. On voit que les chiffres parlent d’eux-mêmes concernant les difficultés d’obtention des stages en résidence.

    Une mesure contraignante des facultés de médecine de famille comme celle de l’université de Montréal exclut à l’admission en résidence certains médecins diplômés hors du Canada et des États-Unis, pour raison de durée de non pratique ou durée d’éloignement de la pratique. Mais, autre paradoxe du système de santé, certains médecins à qui on refusait de pratiquer dispensaient des cours à l’Université ! [3].

    Ces médecins sont aussi confrontés à d’autres difficultés telles que : le corporatisme du CMQ; le manque d’expérience de travail au canada; la non reconnaissance des expériences de travail acquises à l’étranger.

    Le gouvernement libéral du Québec qui revendique sa proactivité dans l’épineux dossier des médecins étrangers se justifie souvent par le fait que l’évaluation des compétences des médecins diplômés hors Canada et États-Unis tout comme la question des résidences ne ressortent pas de ses compétences.

    Les difficultés d’intégration des MDE doivent interpeller le gouvernement québécois sur sa politique d’immigration qui risque de ternir l’image du Québec au niveau du recrutement, de la sélection et de l’intégration des immigrants.

    Face à ces obstacles, on s’attend à des conséquences.

    Les conséquences :

    -          Des médecins chauffeurs de taxi [4] ou livreurs de pizzas. L’auteur du rapport sur le stage d’intégration (de mise à niveau de 6 mois) le Dr Vincent Échavé reconnaissait lui-même qu’à Montréal on voit beaucoup d’immigrants qui conduisent des taxis dans l’émission du 21 juillet 2009 à « Croyez-vous à l’utilité de stage de formation pour faciliter l’intégration des médecins étrangers au système québécois?» [5].

    -          Migration des médecins étrangers vers d’autres provinces du canada

    -          Problèmes psychologiques

    -          Perte de dignité humaine

    -          Rupture familiale

     Je suis d’accord avec le Docteur Victor C. Goldbloom,  professeur de pédiatrie, de sociologue et d’économie de la médecine à l’université McGill de 1950 à 1970 lorsqu’il dit : « Je trouve que nous sommes sévères, indûment sévères dans cela. Je n’exagère qu’à peine en disant que c’est comme si nous disons aux Québécois et Québécoises : Vous êtes mieux de ne pas avoir un médecin que d’avoir un médecin qui à nos yeux n’est pas encore parfait. Je trouve que nous n’avons pas eu recours suffisamment au mentorat. Et je souligne que, lorsqu’on demande à un médecin qui vient d’un autre pays de faire, disons, deux années de résidence dans un hôpital, ce genre d’expérience n’est pas absolument pertinent aux soins des familles. Et nous savons qu’il y a énormément de familles québécoises qui cherchent désespérément à trouver un médecin de famille et sans succès ». Il souligne le mentorat comme l’une des solutions pertinentes de l’insertion des médecins étrangers. Ces médecins sont des professionnels qui ont pratiqué tant d’années, sont compétents et ont fait des preuves dans l’exercice de leur métier. Et je pense qu’avec leurs compétences et leur professionnalisme, le mentorat serait bénéfique pour le Québec  qui est en pénurie de médecine de famille et faciliterait leur intégration.

    L’une des principales recommandations de la coalition des médecins étrangers consiste à mettre directement en stage le médecin étranger dès qu’il arrive pour ne pas perdre de temps. Selon le Dr Amouzou, la médecine c’est à l’hôpital. En clair la pratique de la médecine doit se faire à l’Hôpital, orienter directement le médecin à l’hôpital  pour voir ensuite son évaluation et voir s’il lui manque quelque chose. Je suis tout à fait d’accord avec la recommandation de la coalition des médecins étrangers car on ne peut pas directement juger les compétences de ces médecins diplômés à l’étranger si on ne leur donner même pas la chance de pratiquer.

    Une autre solution consisterait à ralentir la sélection des médecins diplômés à l’étranger en attendant de trouver des solutions concrètes facilitant leur intégration.

    Mais moi je préconiserais la première solution qui est le mentorat et  pourrait résoudre la crise de médecine de famille.

     Jusqu’à aujourd’hui, les solutions proposées par le Collège des Médecins du Québec (CMQ) et par les facultés de médecine ne tournent pas en faveur des médecins diplômés à l’étranger (MDE). A mon avis, ça serait dommageable pour le Québec de perdre des ressources humaines compétentes face à la crise de médecins de famille que traverse Québec en ce moment. Ces médecins ont fait de leur vocation la médecine et aiment aider les gens à retrouver leur santé. Hippocrate, le père de la médecine grecque, aurait apprécié !!!

    Le travail étant l’un des facteurs essentiels de l’intégration d’un individu dans la société; alors faut-il laisser ces médecins qualifiés, expérimentés, échapper à la belle province (Québec) ou trouver un consensus pour faciliter leur intégration ?


    Seydou Sall


    ENP 7505 - Lundi  Soir

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    [1] Source : Médecins d’Ailleurs, 2008

    [2] Ibid.

    [3] Doudou Sow, Faut-il fermer les vannes de l’immigration aux médecins diplômés à l’étranger ? , octobre 2010, CJE Bourassa-Sauvé

    [4]Quand on parle de chauffeurs médecins de taxi, il ne faut pas y inclure les nouveaux médecins étrangers. Le prix de la licence (250 000$) n’est pas à la portée de la bourse des médecins nouvellement arrivés au Québec. Aussi, l’industrie du taxi est fortement concurrencée par le BIXI, (nouveaux vélos en libre-service de Montréal), la navette Autobus Express 747 Aéroport Trudeau au centre-ville et le projet de train de l’Est. À chaque fois que nous prenons ce mode de transport, nous profitons du voyage pour demander aux chauffeurs étrangers s’ils étaient des médecins ou des ingénieurs dans leur pays d’origine, leur date d’arrivée au Québec, s’ils ont choisi délibérément ce métier  ou par contrainte à cause des difficultés d’intégration.

    [5]SRC Radio 95,1 FM, Maisonneuve en direct-Stage pour médecins étrangers, Jacques Beauchamp-21 juillet 2009.

     

     

     

  • Lionel Floristin-Financement des écoles du Québec sur la base du rendement : Luttes de rationalités.

    J’ai été très attentif à la levée de bouclier provoquée par l’annonce de la ministre de l’éducation du Québec cette semaine concernant les commissions scolaires. Madame Line Beauchamp a en effet déclaré jeudi dernier 20 octobre lors d’une entrevue à Radio Canada[1], que le gouvernement a l’intention de réduire de plus de  moitié le budget alloué aux 69 commissions scolaires d’ici 2015 à raison de 100 millions par année. Il s’agira donc d’une coupe de 300 millions de dollars sur  un budget actuel de 571 millions. Le congrès du parti libéral du Québec (PLQ) cette fin de semaine  devra statuer sur cette décision qui va au-delà d’une simple réduction budgétaire. Il s’agit en fait d’une réforme structurelle dans le système de l’éducation. Entre ceux qui préconisent comme François Legault l’abolition pure et simple des commissions scolaires et la ministre qui soutient un dégraissage sous forme de changement de mission, les organes représentatifs des commissions scolaires[2] tels la CSQ, la FCSQ et l’ADIGECS  montent au créneau pour faire bloquer cette initiative. Les directions d’école présentées comme principales bénéficiaires avec plus d’autonomie dénoncent le fait que le financement soit conditionné par le rendement selon la déclaration de la présidente de la Fédération québécoise des directions d'établissements d'enseignement (FQDE), Chantal Longpré.  On peut même supposer que cette autonomie peut même être accompagnée de moins de moyens dans le cas où le rendement n’est pas atteint car la ministre a bien dit que les 300 millions économisés n’iront nulle part d’autre dans le système éducatif. Donc une école aura plus au détriment d’une autre, c’est la concurrence féroce entre les écoles selon les différentes réactions.  Ce qui n’est pas clairement  dit,  c’est ce qui motive cette décision. Est-ce une nécessité budgétaire ou un manque de performance du système scolaire ? Puisqu’il n’est prévu aucune augmentation du portefeuille budgétaire ou de réaffectation des économies réalisées, en ce sens, faire plus avec moins (ou faire la même chose avec moins) semble prévaloir. Et là, on est surtout dans le domaine du rendement, de l’efficience et pas nécessairement dans celui de l’efficacité qui supposerait de meilleurs services à tous les citoyens. Selon moi, il est clair que la question principale c’est comment faire des économies et non comment améliorer l’éducation. Cet objectif est peut être dans un autre registre du gouvernement mais pas dans celui de réduire le budget de l’éducation. 

    Je ne sais pas ce qu’aura décidé le congrès du PLQ, ni l’issue du bras de fer qui va opposer le gouvernement aux divers groupes de pressions mais cette actualité toute fraîche dans le monde de l’éducation met au devant de la scène la transition de l’administration publique vers ce qu’on désigne par le nouveau management public (NMP). En effet, le passage de l’État providence vers un État moins social s’appuie sur le NMP comme nouveau cadre de gouvernance et de gestion des organisations publiques. En effet, l’État est toujours présenté comme gaspilleur et le secteur privé devient le temple et la référence de l’efficacité et de l’efficience. État gaspilleur, car il se trouve  qu’il y avait 300 millions dans le système éducatif sans raison d’être puisque on peut les enlever sans affecter le service.

    Nous n’avons pas encore la réaction des parents face à cette annonce  mais nous savons que leurs revendications pour  être l’un d’entre eux est la qualité de l’éducation et la sécurité de leurs enfants. Quant aux autres parties prenantes principales que sont les commissions scolaires, le corps enseignant et les directions d’école, ils se rejoignent tous pour dénoncer le financement des écoles sur la base du rendement et la mise en concurrence ouverte des établissements quant au budget de l’éducation. Il n’est pas besoin de faire la démonstration que ce sont les écoles qui accueillent les enfants difficiles qui seront les plus affectées car leurs rendements seront relativement moindres et leurs efforts de loin supérieurs. Avec moins de financement, elles n’auront d’autre choix de s’enfoncer au creux de la vague avec toutes les conséquences qu’on peut supposer de décrochage, d’un enseignement au rabais, etc. Des écarts vont encore se creuser dans la société et les conditions sont réunies pour une éducation à plusieurs vitesses comme le déplorent plus d’un.

    S’il est un modèle qui est mis à l’index pour justifier la décision, c’est la bureaucratie. D’ailleurs, l’un des arguments principaux est la réduction de la bureaucratie des commissions scolaires. Donc, il suffit d’associer les commissions scolaires à ce vocable pour que sa sentence de mort programmée soit justifiée. Mon propos n’est pas de défendre les commissions scolaires ou non car je ne connais pas suffisamment le système éducatif pour me faire un jugement. Mon intention, ce n’est pas non plus de dire que le gouvernement ne devait pas réduire le budget ou non. Je ne veux pas non plus dire que l’administration publique ne doit pas réagir face aux excès du modèle bureaucratique qui ont instauré lenteur, léthargie et inefficience dans les organisations tant publiques que privées d’ailleurs. J’encourage l’introduction de nouvelles méthodes et de nouvelles pratiques dans l’administration publique pour faire face aux défis tels l’augmentation des déficits budgétaires, un électorat de plus en plus exigeant. Ce que je n’appuie pas c’est le mimétisme, c'est-à-dire singer le secteur privé et importer tel quel ses recettes et son vocabulaire dans l’administration publique.

    Il y a un principe fondamental que promeut le modèle wébérien, il s’agit de l’équité. Ce principe est aussi fondamental dans un État de droit. L’équité n’est certes pas l’égalité elle est surtout justice. Wéber prônait le plan de carrière, la formalisation des règles au sein de l’administration pour éviter des cas d’abus dans le traitement des employés et il recommande de codifier les relations de l’organisation avec l’extérieur pour que tout citoyen et citoyenne soient traités sans favoritisme. Nous savons tous les dérives de ces principes qui poussent à une rigidité, une froideur caricaturales dans certaines administrations et un frein à toute émergence de l’esprit entrepreneurial et le leadership. Il y a lieu vraiment de questionner et de changer de culture dans les organisations publiques mais cela ne doit pas se faire au détriment de certaines valeurs fondamentales. La levée de bouclier unanime du monde enseignant contre le financement associé au rendement tient du principe de l’équité. Tout enfant et jeune du Québec doivent avoir accès à la même qualité d’éducation publique. Par égalité, on donnerait le même budget à chaque école mais par équité on donnera plus à ceux qui font plus d’effort pour réduire les inégalités et s’assurer que les enfants en conditions difficiles arrivent à s’en sortir. Tout le monde sent le danger. Pour celui que le gouvernement est prêt à payer plus, il va recevoir une meilleure éducation et celui qui éprouve plus de difficultés pour qui il faudrait plus de moyens recevra moins. C’est ainsi que la situation est perçue et cela me suffit en l’absence de détails sur le plan de la ministre pour saisir l’importance de la décision. Il est vrai que la ministre dans l’interview, parle d’affectation de budget selon l’atteinte des objectifs fixés, ce qui laisserait penser que l’objectif défini (qui n’est pas nécessairement  le rendement) sera l’objet d’appréciation. Cela nous amène encore à l’une des distinctions entre le secteur privé et le secteur public. Pour le privé , le rendement se mesure clairement et presqu’exclusivement par le taux de profit alors que pour le secteur public aussi efficace et efficient qu’il voudrait être, il ne peut faire l’économie des objectifs sociaux. Si la décision pour chaque dollar investi est liée au retour financier pour une organisation privée, pour le secteur public et dans un domaine aussi social que l’éducation la décision sur chaque dollar investi ou à ne pas investir ne saurait être liée à une logique économique de réduction des coûts aussi légitime que cela puisse être. Nous sommes en pleine lutte de rationalités différentes : économique, politique, sociale…Un dollar à investir ou à ne pas investir à la SAQ et apparentées ne peut suivre la même logique de décision dans une école du secteur public dont la recherche de l’équité dans l’éducation est l’une des raisons d’être sinon on pourrait tout confier au privé.  

    Lionel Fleuristin

    Étudiant : cours Principes et enjeux en administration publique

    ENAP

                    

     



    [2] CSQ: Centrale des syndicats du Québec ; FCSQ : Fédération des commissions scolaires du Québec ; ADIGECS : Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec.

  • L'éducation, un enjeu pour le futur -Nadine Gharios

     

    Ce ne sont pas les idées qui manquent dans le secteur de l’éducation c’est plutôt l’absence d’une vision de ce qu’on veut que l’éducation soit au Québec. On entend des idées sur des sections du secteur de l’éducation et de ce qu’il faut faire, cela vient juste garnir les nids de poules de ce secteur selon la convenance de la partie qui l’élabore. On propose des coupures de budget avec des changements dans les façons de faire, des coupures de budget sans affecter les services et même une abolition des Cégeps. On parle aussi de décrochage scolaire ou bien de raccrochage scolaire (compte tenu de qui parle!!!) bref, on parle d’administration publique en éducation sans se concentrer sur l’éducation, sur la lourdeur des problèmes de terrain avec lesquelles directions, enseignants, étudiants et parents sont confrontés au quotidien. On ne mentionne pas la valeur de l’éducation ni sa contribution sur l’amélioration de notre avenir au Québec, on ne parle pas non plus du niveau des études que l’école offre aux jeunes ni de notre responsabilité d’offrir la meilleure possibilité pour l’avenir.

     

    Récemment, la ministre de l’Éducation annonce l’intention de transformer les commissions scolaires en « coopératives de services ”, pour diminuer la bureaucratie, en laissant à la commission le pouvoir sur le choix de leurs personnels : « les écoles et leur direction deviendront les maîtres du jeu », ainsi qu’une suggestion d’un regroupement des services et sa distribution selon le besoin des écoles. La transformation « révolutionnaire » que Mme Beauchamp propose fut accompagnée de l’intention de réduire le budget de moitié d’ici trois ans, c’est un facteur prévisible étant donné qu’on est dans l’ère de réduction de budget et de coupure. La vraie « révolution » c’est que « le financement des écoles dépendra de leur RENDEMENT » autrement dit l’école qui réussit le plus, aura plus d'argent que les autres !! Les critères de réussite des écoles étant : le taux de réussite des jeunes qui fréquentent cette école, principalement.

     

    Est-ce qu’on vient de dire qu’il y aura plus de financement pour les écoles privées aux dépens de l’école publique? Les écoles privées bénéficient déjà d’une subvention du gouvernement, et selon Solange Blanchard de mouvement Sortie 13, ce financement pèse déjà beaucoup sur le budget de l’éducation et affaiblit le financement de l’école publique. Est-ce qu’on vient offrir une meilleure possibilité d’éducation pour une classe sociale déjà en avantage?

    Est-ce qu’on vient de dire qu’il y aura plus de financement pour les écoles situées dans des milieux aisés aux dépens du financement pour les écoles des milieux défavorisés? Est-ce qu’on vient de dire qu’il y aura plus de financement pour les écoles qui font des tests de classement pour accepter les étudiants? Est-ce on veut dire modifier les exigences des résultats pour obtenir plus de financement? Sans aborder le débat du financement selon les résultats en fonction de la langue d’enseignement des commissions scolaires.

     

    Par contre de quoi l’on est sûr, c’est que cette révolution mets en place la concurrence et donne lieu à un système à deux niveaux et à deux vitesses, pareil comme dans le système de santé, à l’exception que dans ce dernier, ceux qui veulent aller plus vite payent les services de leurs poches, tandis qu’ici, on propose, encore plus, on encourage, ceux qui veut aller plus vite et on les récompense en leur payant plus d’argent. La transformation ressemble plus à un système privé qu’à un système public, où la distribution de la richesse est partagée équitablement.

     

    La réduction des coûts est un enjeu majeur pour les gestionnaires de la fonction publique mais, est –il possible d’élargir nos horizons dans le domaine de l’éducation  et penser à s’investir dans le futur de nos jeunes de manière productive ?en donnant la chance d’avoir accès au même service et d’en tirer les meilleurs bénéfices. Dépenser dans l’éducation, intelligemment, c’est nous permettre de nous assurer un meilleur avenir en offrant un meilleur choix scolaire à nos jeunes, donc de meilleures alternatives d’emploi ainsi que la possibilité d’une meilleure vie. Dépenser pour l’éducation c’est s’investir dans notre futur.

     

    Nadine Gharios

    ENP 7505

     

     

     

       

     

  • Unité permanente anti-corruption (16 sept 2011) Chantal Soucy

     

    Depuis plusieurs jours, tous les bulletins de nouvelles et tous les journaux  parlent du rapport Duchesneau et de la grogne des payeurs de taxe, pour ne pas dire, leur « ras-le bol ».

     

    Devant tant de mobilisation et intérêt de la population en général et des médias, comment peut-on expliquer que notre premier ministre n’a pas daigné lire le rapport Duchesneau avant sa conférence de presse du vendredi 16 septembre?  Ce rapport, fruit important de l’unité qui a lui même crée.  Pour ajouter l’insulte à l’injure, les autres ministres à ses côtés lors de la conférence de presse prétendent eux aussi ne pas l’avoir lu. Pourquoi se permettent-ils tous alors de commenter quelque chose qu’ils n’ont pas lu?  Que les trois ministres ne l’aye pas lu et qu’ils convoquent une conférence de presse pour réagir surcelui-ci : est-ce du mépris à l’égard du rapport de ses auteursou du mépris envers la population? De l’inconscience? Ou tout simplement un mensonge?

     

    Il serait étonnant et inadmissible que le premier ministre Charest prenne monsieur Duchesneau et son rapport autant à la légère!  Monsieur Charest devrait parrainer ce rapport, à l’instar d’autres obscurs intérêts.  Selon toute évidence, notre premier ministre minimise le rapport en disant de son contenu qu’il contient des « allégations ». M. Charest que de dire qu’il lui faut des preuves, est-ce pour acheter du temps, pour ne pas faire face à la musique? Au bénéfice de qui? Au détriment de qui? Nous avons un problème majeur si la réponse à ces deux questions n’est strictement pas la même. Si elle diffère, le problème n’est peut-être politique. Mais dans les deux cas, monsieur Charest au coeur des deux problèmes, et orthogonal à toute les pistes de solutions. 

     

    En tant que citoyenne, libre et sans agenda; je ne comprends pas qu’un rapport ayant nécessité plus de 18 mois d’enquête à l’équipe Duchesneau puisse selon les qualificatifs du premier ministre renfermer des « d’allégations ». Ce terme méprisant reflète-t-il en fait la façon dont la population devrait voir les initiatives du gouvernement sous sa direction?

     

    Le rapport Duchesneau décrit les façons de faire du crime organisé, parle de corruption, d’infiltration de la mafia, de détournement de fond pour augmenter les coffres des partis politiques, de la collusion des firmes de génie-conseil etc. Bref, on parle de corruption à la grande échelle qui semble faire partie intégrante de notre gouvernement.  Malgré toutes les affirmations qui découlent de l’enquête, le gouvernement demande à la population ‘’de faire la part des choses’’.     

     

    Sans oublier la ministre Courchesne qui allègue que le gouvernement Charest éliminera les ‘’tracasseries administratives’’ qui poussent des enquêteurs d’expérience à déserter l’unité permanente anti-corruption et qu’ils aient  le statut qu’ils désirent avoir.  Il faudrait rappeler à l’ordre Madame la ministre, afin qu’elle fournisse les ressources financière au commissaire indépendant  et qu’elle ne commette pas d’ingérence dans le choix du personnel.  La séparation des pouvoirs doit être respectée dans ce dossier, si le gouvernement veut des recommandations, qu’il nomme une commission d’enquête et s’il veut des arrestations et des accusations au criminel, qu’il laisse le judiciaire faire son boulot. 

     

    Voilà ce que Jean Charest aurait dû clairement exprimer lors de sa conférence de presse au lieu de minimiser le rapport et prétendre paradoxalement à cela qu’il ne l’avait pas lu.

     

     

     

     

     

     

  • La construction et la corruption

     

    L’industrie de la construction est un secteur très sensible qui touche l’économie d’un pays, et le bien être d’une population.

    Ces dernières années  au regard de situation de concurrence imparfaite, le gouvernement du Québec et son ministère des transports ont taché  de resserrer leurs règles d’attribution des contrats et de gestion des projets.

    Or de récentes vagues d’allégation de corruption dans le monde municipal laissaient présager qu’il fallait faire davantage à l’échelle même du Québec. En pareil contexte, il importait d’ajuster le tir.[1]Pour ce faire, une unité anticollusion (UAC) a été crée en février 2010  par le gouvernement du Québec au sein du ministère des transports, sous la responsabilité de M. Jacques Duchesneau ancien patron du service de police de la ville de Montréal (SPVM), dans le but de prévenir la collusion, d’empêcher la fraude et la malversation dans le milieu de la construction qui date depuis longtemps.

    Une unité permanant anticorruption  a été crée une année plus tard, soit en février 2011 pour épauler soit disant l’unité anticollusion (UAC), son objectif était de lutter contre le trafic d’influence, la corruption ainsi que la collusion à laquelle l’UAC sera intégrée. Ça ne serait pas une autre forme de pression pour minimiser les marges de manœuvres de Jacques Duchesneau? Pourquoi une autre unité ? Il est plus simple de rajouter d’autres tâches pour l’escouade Duchesneau, que de créer une autre unité avec d’autres employés et un autre budget! De plus il était possible de mettre l’UPAC sous la responsabilité de l’UAC en  rajoutant à cette dernière le  P  du caractère permanant, si on voulait vraiment allonger le groupe vu l’ampleur des problèmes!?   D’ailleurs une inimité dominait l’atmosphère  entre les deux escouades (UAC) et (UPAC). Ces dernières sensée être fusionnée physiquement, mais cela ne s’est pas réalisé sous prétexte de non disponibilité de locaux.[2] Sous ces conflits, un rapport secret de l’unité anticollusion a fait l’objet d’une fuite.

    Fruit d’un an et demi sur le terrain, il vient divulguer  les pratiques douteuses dans le l’industrie de la construction. Il dresse un portrait accablant pour le ministère des transports, des pratiques immorales, voir illégales, d’acteurs de l’industrie des travaux routiers et établi  un lien direct entre l’industrie et les partis politiques.[3]  Il dévoile  parallèlement la perte d’expertise au sein du ministère des transports du Québec, ce dernier devient  par conséquent sans estimateurs spécialisés capables  d’évaluer les couts réels d’un projet de construction et faire face à ce genre de dépassement.

    L’exode de compétences humaines vers le secteur privé est un sérieux problème. Comment peut on vérifier les erreurs commises dans les  plans,  les devis, la conformité aux règles et lois? C’est la sécurité de tout un peuple qui est en jeu!!! Suite à cette tempête d’allégations une ample frustration a été provoquée au près de 80%environ des québécois, qui revendiquent à voie haute une commission d’enquête publique. Cette demande est légitime vu qu’il y a « 43miliards de fond public qui se dépensent en infrastructures…c’est important.[4] Toute la rage des milliers des québécois, de connaitre la réalité des choses n’a pas fait bouger le chef du gouvernement du Québec Jean Charest qui reste indifférent, et il ne cesse pas de répéter qu’une commission d’enquête va entraver les travaux des policiers et qu’une telle commission n’est pas nécessaire, puisque son gouvernement fait de son mieux pour assainir et faire le ménage dans le milieu de la construction. Ce grand cri n’est juste un droit. On est pourtant dans une administration publique où tout  doit être approuvé c’est un des ces  principes fondamentaux.  Pourquoi s’opposer à la totale volonté du peuple  qui demande juste de leur gouvernement d’agir avec transparence vu qu’il s’agit des fonds publics, de leurs contributions des impôts qui ont été mal usagés, et aussi de leur sécurité qui est grandement en jeu. D’ailleurs les images de l’effondrement du viaduc de la Concord qui a eu lieu le 30 septembre2006 restent toujours gravées dans leurs  mémoires. Cette tragédie à  couter la vie de 5personnes dont une femme enceinte.  Alors réduire les couts au détriment de la sécurité des citoyens est inadmissible. On ne veut pas comprendre qu’on est là face à un abus de pouvoir!!!Mais non… on est dans une démocratie. Le rapport Duchesneau vient de dénoncer les faiblesses de nos institutions démocratiques, alors une commission d’enquête doit revoir tout le système et non pas juste le secteur de la construction.



    [1] Rapport de l’unité anticollusion (UAC) www.Radio-canada.ca

    [2] Selon Anne-Frederik Laurence porte parole de l’UPAC La guerre des polices /Denis Lessard / Le Devoir

    [3] Collusion et corruption dans l’industrie de la construction.  www.Radio-Canada.ca du 17septembre2011

    [4] Député de shefford, membre du comité de direction de la CAP/ Denis Lessard et Pierre-André Normandin

        www.cyberpress.ca

  • Si chacun fait son métier

    Pour qu'un État de droit démocratique soit fonctionnel, la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est nécessaire. En administration publique, le principe de la séparation a pour principale fonction d'éviter que quiconque puisse utiliser les pouvoirs qui lui sont attribués avec excès, sans respect des règles de l'État de droit.

    Au fondement d’un tel État, il y a la constitution, qui donne les principales règles de fonctionnement. Ensuite viennent le pouvoir législatif qui peut édicter lois (pour créer différents programmes, créer des institutions, prévoir le financement) et l'exécutif qui a le pouvoir de les mettre en application ces lois. Finalement, le judiciaire qui a le dernier mot quant au respect des lois et de leur conformité avec la constitution.

    Au Québec comme au Canada, l'organe législatif comprend une chambre directement élue par les citoyens. C’est donc celle qui a la plus grande légitimité, d’un point de vue démocratique. Puisque le Sénat canadien intervient relativement peu, on peut dire que ce sont généralement les députés élus qui exercent le pouvoir législatif. Ils sont imputables directement devant la population. Quant à l’organe exécutif, ses hauts dirigeants (ministres et sous-ministres) sont responsables devant le Parlement. Généralement choisis à même les députés élus, ils ont aussi une grande légitimité face à la population. Un « mauvais » gouvernement risque fort de perdre sa majorité au moment d’élections.

    Finalement, l’organe judiciaire est composé, pour simplifier, d’une hiérarchie de tribunaux au sommet de laquelle on retrouve la Cour suprême du Canada. Les juges des tribunaux étant nommés « à vie » par le gouvernement, ils semblent avoir une moins grande légitimité devant la population. En effet, ils ne sont imputables ni devant le Parlement, ni devant la population. Cette indépendance est toutefois nécessaire afin d’assurer la stabilité du droit et protéger les décisions judiciaires de l’influence politique. Il faut donc faire confiance aux juges et à leur compétence. D’ailleurs, il est intéressant de noter que, selon un sondage commandé par l’Actualité cette année, 73% des Québécois font confiance aux juges, alors qu’on sait que les politiciens sont généralement en queue de peloton sur la question de la confiance du public.

    Si chacun joue bien son rôle, tout va pour le mieux. En théorie. Car en pratique, les frontières ne sont pas toujours clairement définies. Il arrive régulièrement que les pouvoirs de l’un empiètent sur les pouvoirs de l’autre.

    Par exemple, l’organe législatif confiera souvent à l’exécutif un pouvoir réglementaire, qui consiste ni plus ni moins à compléter un texte de Loi, en conformité avec les grandes lignes de celle-ci. Il est souhaitable qu’il en soit ainsi car l’organe exécutif est, de loin, plus outillé pour prendre des décisions pratiques et efficaces. Avec leur « armée » de fonctionnaires, les ministères et organismes sont plus facilement informés de toutes les données à prendre en considération. Ils sont plus complexes, mais aussi plus spécialisés que les parlements lorsque vient le temps de se pencher sur des questions particulières. Au surplus, avec la responsabilité ministérielle, le Parlement garde toujours un certain contrôle sur les décisions du gouvernement.

    Mais qu'arrive-t-il si le pouvoir judiciaire empiète sur le pouvoir législatif? Si les juges non élus invalident les lois adoptées par les députés démocratiquement élus? Si ultimement la Cour suprême du Canada ne corrige pas cet empiètement? Et bien rien. Il y a empiètement, puisque les tribunaux ont le dernier mot sur la validité des lois. Il est donc souhaitable que les juges du plus haut Tribunal fassent preuve de réserve lorsque les questions qui leur sont soumises sont éminemment politiques.

    Or, au moment du « rapatriement de la constitution », en 1982, on a ajouté à celle-ci la Charte canadienne des droits et libertés. Ce texte, composé de 32 articles, a créé un bouleversement juridique au cours des 30 dernières années. Les tribunaux ont depuis eu à se prononcer, de façon générale, sur la validité de plusieurs textes de loi vis-à-vis des droits garantis par la Charte. Se faisant, plusieurs décisions du plus haut tribunal du pays ont semblé très politisées, empiétant sur le rôle des députés élus. On n’a qu’à penser aux questions du mariage entre personnes de même sexe1, du droit à l’avortement2, ou encore de l’accès aux soins de santé3. Dans plusieurs cas, la Cour suprême a renvoyé les députés élus faire leurs devoirs.

    Cette approche crée une situation embêtante en ce que des décisions hautement politiques sembles émaner d’un organisme non élu. Au surplus, avec les délais d’adoption des lois et les délais de contestation judiciaire, il est improductif que les pouvoirs législatif et judiciaire se renvoient la balle. Les droits des minorités doivent certes être protégés, mais il faut éviter que les cas particuliers mettent le pouvoir politique entre les mains de décideurs non élus.

    Avec l’arrêt Insite4, rendu cet automne, au lieu de reconnaître le droit général aux toxicomanes à l’accès à un centre d’injection supervisé, la Cour suprême entérine unanimement une approche particulière de la séparation des pouvoirs. Dans ce cas, la validité de la Loi sur les drogues et autres substances était remise en question en raison du droit à la vie garanti par la Charte. Mais cette Loi avait une particularité : elle donne au pouvoir exécutif (ministre de la Santé) la possibilité d’écarter l’application de la Loi s’il estime que des raisons médicales, scientifiques ou d’intérêt public le justifient.

    Ainsi, la Cour suprême reconnaît que la Loi est tout à fait conforme à la Constitution, même si elle pourrait porter atteinte à certains droits garantis par la Charte pour certaines personnes, puisqu’elle comporte une « soupape » qui permet déjà sa non-application aux cas limites. Dans ce cas-ci, il a cependant été considéré que le ministre avait mal appliqué son pouvoir discrétionnaire. Il n'a donc pas été nécessaire de modifier la Loi à portée générale pour corriger une situation contraire à la Charte.

    Autrement dit, cette approche permet d’éviter que la Cour suprême ait à se prononcer sur des questions générales qui doivent relever du législatif, en raison de la légitimité démocratique des députés.

    Elle permet donc aussi que les députés élus n’aient pas à adopter des textes de lois épurés de toute atteinte potentielle, souvent involontaire, aux droits garantis par la Charte. 

    Cette façon de faire remet alors la question de la conformité à la Charte entre les mains du pouvoir exécutif. Celui-ci étant généralement plus outillé que le législatif pour examiner les cas particuliers, il est généralement en mesure de prendre une meilleure décision. Dans le cas où la décision retenue est déraisonnable ou injustifiée, les tribunaux ont alors toujours un pouvoir de contrôle sur celle-ci, comme ce fut le cas dans l’affaire Insite.

    Bien qu’elle ne soit pas nouvelle, il pourrait être intéressant que la « clause d’exception d’application » fasse son apparition dans d’autres textes de loi à portée générale. On peut penser, par exemple, au cas du régime public de santé et à la possibilité d’être traité au privé. Est-il souhaitable qu’en contrôlant les lois, les tribunaux établissent les règles d’application et les délais à suivre à partir de cas particuliers? Ou n’est-il pas préférable que le pouvoir exécutif détermine, au cas par cas, à quelles conditions une personne puisse sortir du régime public?

    L’approche de la gestion d’exception par le pouvoir exécutif m’apparait nettement préférable à la recherche d’une loi sans écueil. Elle présente des avantages tant par sur le plan de la légitimité démocratique que de l’utilisation des connaissances spécifiques de l’exécutif, tout en permettant la protection des cas particuliers. Les députés devraient donc prendre en considération cette possibilité lorsque vient le temps d'élaborer des lois à portée générale.

     

     

     

    François Desroches Lapointe

     

     

    1Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, 2004 CSC 79, [2004] 3 RCS 698

    2 R. c. Morgentaler, [1993] 3 RCS 463

    3 Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 RCS 791

    4 Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44 (CanLII)

  • Le Sénat : pour ou contre le statu quo?

     

    Le Sénat canadien est depuis longtemps au cœur de nombreux débats. Cet héritage du système de Westminster devait à l’époque représenter l’élite sociale et économique du pays à l’instar de la Chambre des Lords britannique au Royaume-Uni. Sa mission était principalement de freiner « les excès démocratiques de la Chambre des communes »[1]. De nos jours, le Sénat se définit plutôt comme un organe qui vise à examiner et modifier les lois, à approfondir les questions nationales et à défendre les intérêts des régions, des provinces et des minorités[2]. Avec les récents débats sur la représentativité des provinces, la durée des mandats et le processus de nominations des sénateurs, une question survient; la Chambre haute est-elle un organe obsolète, est-elle toujours pertinente dans le contexte actuel?

     

    Plusieurs détracteurs de la Chambre rouge affirment haut et fort que le sénat est un vestige du passé, qu’on devrait tout simplement l’abolir. D’autres sont par contre plus nuancés à ce sujet, mais tardent à mettre de l’avant un plan de réformes qui aurait un impact réel sur cette composante qui fait partie de notre patrimoine politique depuis maintenant plus de 140 ans. L’idée d’un Sénat « Triple-E »,élu, égal et efficace[3], revient souvent dans les discours entendus au Parlement ou même dans la rue, en réponse aux plus récents débats

     

    L’une des tentatives de transformation de la Chambre haute la plus connue au Québec est l’Accord du Lac Meech de 1987. Le projet de réforme visait à revoir le mode de sélection des sénateurs afin de remettre le pouvoir de nominations au gouvernement des provinces. L’Accord de Charlottetown constitue aussi une tentative qui visait à équilibrer la représentativité des provinces au Sénat, mais encore une fois le projet se termina sans consensus. Plus récemment, le gouvernement de Stephen Harper a tenté de faire voter des amendements. Dès 2006, son projet de loi S-4  voulait faire passer le mandat d’un sénateur à huit ans, sans toutefois affecter les droits des sénateurs déjà en fonction. Ce projet de loi est par contre demeuré sans suite. Harper réplique quelques mois plus tard avec un projet de loi (C-43) plus ambitieux, visant le remaniement du processus de nomination des sénateurs. Encore une fois, Stephen Harper sera débouté devant l’impossibilité de mettre de l’avant ces changements au Sénat. Le projet de loi C-20 s’en suit, avec des objectifs forts semblables mais toujours sans résultats. En 2011, le gouvernement Harper, maintenant majoritaire à Ottawa, en profite pour aller de l’avant avec des projets de réformes. Le projet de loi C-7 déposé en juin reprend les grandes idées des textes précédents en voulant limiter le mandat d’un sénateur à neuf ans pour tous les sénateurs nommés depuis novembre 2008. Encore une fois, le projet de loi ne fait pas l’unanimité, même auprès des sénateurs conservateurs[4]. Devant l’insistance du premier ministre, on peut questionner la pertinence d’effectuer ces changements au Sénat. Quel est le bien-fondé des réformes proposé? Originellement, les sièges au Sénat se comptaient au nombre de 72. Le Québec et l’Ontario constituaient chacun une région en soit, avec 24 sièges respectivement en plus des maritimes (N.B. & N.E.) qui elle aussi comptait 24 sièges. Plus tard, L’île du Prince Édouard s’est ajoutée aux régions des maritimes réduisant l’influence du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse et contribuant à l’insatisfaction des provinces maritimes. L’Ouest devint officiellement une nouvelle région en 1915 avec lui aussi 24 sièges. Toutefois, les 24 sièges représentent l’ensemble des provinces de l’Ouest. C’est à cause de déséquilibre de la sorte que les provinces insistent pour un remaniement de la Chambre. La question demeure : le Sénat représente-t-il vraiment la situation actuelle au Canada? On comprend tout de suite le mécontentement des provinces affectées par ces iniquités. N’y a-t-il pas un problème dans l’arrangement actuel du Sénat, sachant que sa mission se base sur la représentativité des intérêts des minorités et des provinces?

     

    J’y vois personnellement une contradiction, mais il semble qu’un plan de réforme n’est pas aussi facile à faire accepter. Il est, cela va sans dire, beaucoup plus simple de reconnaitre le problème que d’y apporter une solution concrète. Un des problèmes majeurs selon moi est le manque de support de la population pour le Sénat. La Chambre haute est méconnue et seulement une minorité des Canadiens semblent avoir un intérêt pour ce qui se passe à l’intérieur de ces murs. La faible implication de la population canadienne pour les questions qui concernent le Sénat précipite le recours à la solution facile; l’abolition. Cette situation est fort probablement imputable au manque de communication entre le Sénat et la population qu’elle représente. Je crois qu’un Sénat réformé, respectant le principe de représentativité des minorités et des provinces, représenterait mieux la population canadienne.  Cette transformation de la Chambre ne pourra s’effectuer que si une communication transparente est établie avec la population. Ce n’est que de cette manière qu’il sera possible de mettre en évidence le besoin urgent d’une « mise à jour ». Je pense qu’avant de songer à l’abolition, on devrait tenter de lui redonner ses lettres de noblesse. Premièrement en communiquant plus ouvertement ses projets à la population. Également, il faudra s’entendre sur les réformes à apporter et bâtir sur les assises en tenant compte du contexte actuel. Je refuse de me contenter d’un Sénat « Triple-I » : (inacceptable, irréformable et inabolissable[5] et je crois que la Chambre haute a toujours sa place dans la société canadienne d’aujourd’hui.

     

     

     

    P.Guillaume St-Laurent

    ENP 7505 Groupe 27

     



    [3] Idem

    [5]Michaud, Nelson et coll. (2011). Secret d’État : Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, p.173

     

  • L'impact de la Charte canadienne des droits et libertés sur l'étanchéité des pouvoirs de l'État de droit

     

    Dans un autre blogue posté sur ce site, une de mes collègues analyse la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire « Insite ». Elle nous fait remarquer que cette décision « confirme la séparation nette entre l'exécutif et le judiciaire au sein de notre état de droit. » Mais est-ce la compartimentation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire est aussi étanche qu'elle ne paraît sur papier?


     

    Loin de moi l'idée de faire l'analyse du processus de nomination des juges, ce n'est pas l'influence que pourrait avoir le pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire qui m'inquiète mais plutôt le glissement de compétences du législatif vers le judiciaire. En effet, l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 comportant la Charte canadienne des droits et libertés a produit des effets que même Pierre-Elliott Trudeau n'aurait pu prévoir.

     


    L'interprétation faite par la Cour suprême du Canada des articles 1, 2 et 15 de la Charte est à l'origine de ces débordements. L'article 2 énonce les libertés fondamentales comprenant, entre autre, la liberté de conscience et de religion et la liberté d'expression. Bien que cet article protège d'autres libertés fondamentales, c'est principalement ces dernières qui ont fait l'objet d'une importante interprétation au cours des trente dernières années. L'article 15, pour sa part, protège tout citoyen contre la discrimination provenant d'une loi. Les motifs de discrimination sont énumérés, mais la liste n'est pas exhaustive, comprenant entre autre l'âge, le sexe, la religion et l'origine ethnique.

     


    Sur papier, il n'y a pas de quoi en faire tout un plat. Nombreuses sont les conventions internationales signées par le Canada qui reconnaissent ces différents droits et libertés. Cela dit, ce ne serait pas tenir compte de l'article premier de la Charte, et surtout de l'usage que la Cour suprême du Canada lui a réservé.

     


    « La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. »

     


     

    Ainsi, en 1986, dans l'arrêt R. c. Oakes, on instaura un test qui, bien qu'ayant été quelque peu modifié, est toujours utilisé aujourd'hui à chaque fois que l'on constate la violation d'un droit protégé par la Charte. Sans entrer dans les détails, le test de l'article premier exige entre autre que le tribunal se penche sur les effets bénéfiques et les effets préjudiciables de la mesure attaquée. Le tribunal doit donc conclure qu'il y a violation d'un droit de manière injustifié dans une société démocratique quand les effets préjudiciables observés sont plus grands que les effets bénéfiques de la loi.

     

    Et c'est exactement à ce moment que la séparation des pouvoirs n'est plus tout à fait étanche.

     

    Au Québec, notre chambre législative est composé uniquement de gens élus. Ce sont les représentants du peuple. Ils doivent débattre, en chambre comme en commission parlementaire, de toutes les lois qu'ils adopteront. C'est à ce moment que se fait l'analyse effets préjudiciables / effets bénéfiques. C'est logique, car les députés sont là pour décider des grandes orientations de notre État, pour faire transparaître notre système de valeurs à travers nos lois. Ce rôle est légitime puisqu'ils sont élus et imputables et que nous pouvons donc changer le « représentant de nos valeurs » à tous les quatre ans, s'il ne représente plus nos intérêts.

     


    Or, les juges de la Cour suprême du Canada ne sont pas imputables. Ils n'ont de compte à rendre à personne. Le travail de la plus haute cour au pays est d'interpréter la constitution et l'ensemble de nos lois. Il y a cependant eu dérapage lorsque l'on a interprété l'article 1 aussi profondément, remettant ainsi le choix de nos valeurs sociétales dans les mains de neuf individus.

     

     

     

    Et on peut aller encore plus loin. Comment neuf personnes, dont maintenant deux unilingues anglophones, peuvent ils imposer ce qui est bien et moralement acceptable à la population québécoise et canadienne? C'est ce que fera la Cour suprême du Canada en se prononçant sur l'affaire Éric c. Lola, au sujet des pensions alimentaires pour conjoint de fait. C'est également ce qu'elle a fait à plusieurs reprises notamment en statuant sur l'aide au suicide (Affaire Sue Rodriguez, 1993) et en s'immisçant dans les contrats de nature privé (Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004) pour faire triompher la liberté de religion.

     

    Il ne faut cependant pas jeter le bébé avec l'eau du bain. L'interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés par la Cour suprême du Canada en matière de garanties judiciaires pour les accusés est très bien développée et démontre la force de notre État de droit. La Cour suprême se doit également d'être pleinement compétente pour régler les litiges constitutionnels concernant les compétences provinciales / fédérales.

     

     

     

    Enfin, le droit des minorités DOIT être protégé par une Charte. Il est important de protéger notre société contre l'émotivité de la majorité. Par contre, il serait souhaitable, au nom du principe de la séparation des pouvoirs, que la Cour suprême du Canada fasse preuve de déférence envers le politique dans les cas où il est question de morale, de valeurs, et non de droit. Autrement, cela reviendrait à dire que nous avons figé notre système de valeurs dans le temps en 1982 et que nous laissons cela à la discrétion d'un pouvoir dont nous n'avons pas l'opportunité d'influencer.



    Jordan Wilson

    Principes et enjeux de l'administration publique


     

  • Mon école est meilleure que la tienne... Quand l'éducation devient une course à la performance!

    Alors que toute l’école de mes enfants est en pleine campagne de financement et que je harcèle collègues, amis, famille avec des barres de chocolat noir, aux noix ou au caramel et des noix de soja pour obtenir des services d’ergothérapie, des arbres pour amener un peu d’ombre dans une cour d’école trop ensoleillée ou des nouveaux ballons pour l’éducation physique, on parle de réforme des commissions scolaires...

     

    Après avoir compliqué la vie des parents dans la compréhension des bulletins scolaires il y a quelques années, on se questionne maintenant sur des questions de structure. La question de centralisation, décentralisation, très d’actualité depuis une vingtaine d'années, se pose encore relativement aux commissions scolaires.

     

    Pendant que mes enfants pataugent dans la piscine de leur cours de natation, je lis dans le Journal de Montréal du 22 octobre 2011, que Mme Line Beauchamp, ministre de l’éducation, songe à réformer les commissions scolaires.  Elle souhaite réduire leur budget pour donner, en contrepartie, des sommes supplémentaires aux écoles performantes et redistribuer plus de pouvoir aux écoles.

     

    L’idée de redonner du pouvoir aux écoles peut sembler intéressante.  Cette décentralisation accrue du pouvoir aurait pour effet de mieux cibler les besoins des populations scolaires.  En effet, selon les aires de desserte scolaire on note une différentialisation des besoins.  La décentralisation aurait pour effet de donner une certaine latitude aux directions et conseils d’établissement afin de déterminer leurs priorités et leurs besoins et d’allouer les fonds en accord avec ces mêmes priorités et besoins. Cette notion répond au principe de subsidiarité abordé entre autres par Mercier1 et Larocque2.  La subsidiarité consiste à confier tout ce que l’on peut aux administrations proches du citoyen.  Tel que le souligne Trudel3, « dans le contexte du Québec et du Canada, l’ampleur du territoire et la répartition de la population exigent une décentralisation qui ne fait aucun doute ».  Cette décentralisation du pouvoir, rapprochant les décisions du citoyen, répondrait en partie à cette exigence...

     

    Cependant, dans un contexte où l’on souhaite récompenser les écoles plus performantes, n’entre-t-on pas dans un tout autre débat ?  Dans un système qui prône la « gratuité » scolaire, l’égalité et l’accès pour tous à l’éducation, ne risque-t-on pas de tomber, encore une fois, dans un système à deux vitesses ? 

     

    La centralisation des services assure équité et justice.  La décentralisation des pouvoirs des commissions scolaires redistribués aux écoles met déjà en péril cet équilibre.  Si en plus il faut entrer dans une course à la performance...

     

    Tous ne sont pas sans savoir que les dessertes scolaires délimitent un territoire regroupant un ou plusieurs quartiers,  qu’habituellement un quartier correspond à une classe sociale prépondérante et que, sans vouloir généraliser ou être péjorative, classe sociale équivaut également à besoins sociaux différents.  Si les quartiers mieux nantis, requérant moins de services connexes au niveau scolaire pour palier aux besoins sociaux habituellement associés aux classes sociales plus démunies (ergothérapie, psychologie, travailleur sociaux...), nous retrouverons-nous pas avec des écoles « riches » qui priorisent la performance (et pouvant se le permettre selon sa clientèle et son nouveau pouvoir de distribution de ses fonds) en obtenant plus de services d’aide aux devoirs, de tutoriats, de cours enrichis...  et n’augmenterons-nous pas, du même coup, les chances de réussite et donc de performance donnant accès aux sommes supplémentaires de récompense ?  Alors que dans les écoles moins bien nantis, où l’on n’a pas le choix de répondre aux besoins sociaux souvent associés à la pauvreté, on risque d’être moins performant, ne pouvant se permettre les « upgrades » ou le «  luxe » scolaire comme le tutoriat et autre...  au profit des services d’ergothérapie, psychologie, travailleur sociaux.

     

    Il est évident, dans une telle perspective, que nous tombons dans le piège des écoles de quartier « riches » qui reçoivent plus et des écoles de quartier « pauvres » qui reçoivent moins.  Où est l’équité dans tout ça ?  Où est l’égalité dans l’accès à l’éducation pour tous... 

     

    L’idée de décentraliser le pouvoir et l’étendre davantage aux écoles m’apparaît intéressante dans la mesure où les écoles de quartier sont les mieux placées pour répondre aux besoins de SA population, mais seulement et seulement si, ce jugement n’est pas altéré par une course à la performance en quel cas, les écoles pourraient être tentées de prioriser les services moins essentiels, axés sur la performance, et moi au lieu de vendre du simple chocolat pour une école qui ne peut déjà pas répondre aux besoins de sa population en service d’ergothérapie, je devrai vendre une gamme complète de produits cosmétiques.

     

    Nadia Chenard

    Groupe du lundi soir

    Journal de Montréal, Samedi le 22 octobre 2011.

    1. Mercier, J. (2002). L’administration publique, de l’école classique au nouveau management, Québec : Presses de l’Université Laval, 518 p., p 74-75.

    2. Michaud et all. (2011). Secrets d’etats? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapître 10 par André Larocque : Le citoyen et l’État, p 219-239.

    3. Michaud et all. (2011). Secrets d’etats? Québec : Presses de l’Université Laval, 778 p., Chapître 16 par Rémy Trudel : Les organismes centraux dans la gouverne des États de droit, p 361-379.

     

     

     

     

     

     

     

  • Entre théorie et réalité

    Entre théorie et réalité

    Par France Bastien

    « Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. »  Bien que vieille de plus de quatre siècles, cette citation de Montaigne est brûlante d’actualité. La situation actuelle, concernant le monde la construction, en est une preuve assez éloquente. Corruption, collusion, fraude et redevances, voilà des termes qui ébranlent. Lorsqu’on les lie aux partis politiques, « scandaleux » devient l’épithète le plus approprié pour les qualifier. Et quand cet adjectif peut également s’appliquer aux faits et gestes de notre gouvernement, cela est d’autant plus troublant...

    Vous aurez certainement compris que j’ai l’intention de vous entretenir au sujet de notre gouvernement et de ses acrobaties des deux dernières années relativement au phénomène de la corruption dans le milieu de la construction. Il y a maintenant plus de deux ans que les premiers appels en faveur d'une commission d'enquête publique sur la construction ont été lancés à l’endroit du gouvernement. Avec le temps, la pression s’est intensifiée, autant de la part des élus et des citoyens que de celle Fédération des travailleurs du Québec (FTQ).  D’aucuns auraient pu croire que cette pression généralisée aurait convaincu le chef de notre gouvernement d’acquiescer à cette demande. Il a plutôt tenté de calmer les esprits en créant, en octobre 2009, une unité policière provinciale ayant pour objectif de faire la lumière sur la corruption et la collusion dans le domaine de la construction. C’était le point de départ de l’Opération Marteau. Il s’agissait, selon notre Premier ministre, de la meilleure façon de procéder car elle permettrait de porter des accusations criminelles contre les personnes reconnues coupables, ce qui serait impossible dans le cadre d’une commission d’enquête publique[1].

    L’Opération a en effet permis de faire quelques arrestations et accusations de fraude, d'extorsion, de menaces et d'abus de confiance. Mais cela n’a pas été jugé suffisant par les opposants de M. Charest. Se refusant toujours de créer la Commission d’enquête publique, Québec a annoncé, en février 2011, la mise sur pied de l'Unité anticollusion, avec à sa tête M. Jacques Duchesneau, ancien chef de police de Montréal. À peine six mois plus tard, le rapport de M. Duchesneau a fait l’objet d’une fuite. Le contenu du rapport confirmait malheureusement que le crime organisé avait infiltré le milieu de la construction, qu’un système de collusion et d’intimidation très bien organisé faisait en sorte que le prix des infrastructures au Québec était décuplé et que le ministère des Transports était impuissant face à tout cela.  Fait encore plus stupéfiant : le rapport Duchesneau révélait qu’une partie du profit généré par cette majoration des coûts était transférée vers les caisses des différents partis politiques.

    Devant de telles affirmations, le devoir du gouvernement envers le bien commun ou simplement son sens de l’éthique allaient-ils faire changer d’avis notre ami Jean? La réponse est malheureusement non, et c’est à ce moment que les faits ont commencé à devenir de plus en plus inquiétants. 

    Dans un premier temps, Robert Lafrenière, chef de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), a critiqué les conclusions du Rapport Duchesneau en apportant exactement le même argument que le chef libéral, à savoir qu’une commission d'enquête publique risquerait de nuire aux enquêtes menées par ses policiers. Il devait certainement s’agir d’une coïncidence, car dans un état de droit tel que le nôtre, il ne devrait y avoir aucune ingérence du gouvernement au niveau du pouvoir judiciaire.

    Petit rappel de ce principe…

    Un État de droit se caractérise par sa division en trois instances :

    ·         le pouvoir exécutif;

    ·         le pouvoir législatif; et

    ·         le pouvoir judiciaire.

    Chacune de ces instances a un rôle bien précis[2].

    Le pouvoir exécutif correspond au gouvernement. Il a pour fonction de mettre en œuvre  les lois adoptées par le pouvoir législatif. Le pouvoir exécutif inclut le premier ministre, son cabinet et par extension,  l'ensemble des organes gouvernementaux et administratifs qui participent à cette mise en œuvre. Il importe de savoir que l'exécutif dispose aussi de  pouvoirs «discrétionnaires», qui sont le fruit de décisions prises directement par le gouvernement sans le consentement spécifique du parlement. Ces pouvoirs de l'exécutif sont nécessaires pour les situations de crise ou d’urgence nécessitant une action urgente du gouvernement.

    Le pouvoir législatif correspond pour sa part au parlement. Son rôle est de faire les lois. Les projets de loi qu’il dépose sont examinés, soumis à des débats et à terme, ils être sanctionnés par le pouvoir exécutif pour devenir des lois.

    Le pouvoir judiciaire a quant à lui le mandat d'interpréter les lois faites par le pouvoir législatif. Il tranche les litiges qu'on lui soumet en s’assurant de la concordance entre une situation concrète et la loi elle-même, afin de s’assurer de la bonne application des règles de droit.

    Dans un État de droit, il est impératif que le pouvoir judiciaire soit indépendant des pouvoirs exécutifs et législatifs. Cela permet notamment aux juges de juger d'une manière impartiale des actes commis par l'État, la constitutionnalité de certaines lois ou même juger des actes commis par un gouvernant.

    Cette séparation du pouvoir judiciaire constitue le fondement d'un État de droit. Au Canada, cette valeur fondamentale était même déjà inscrite dans le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, et réitérée à l’article 11 b) de la Charte Canadienne des droits et libertés. De nombreux jugements de Cour ont depuis confirmé l’interprétation de ces écrits, notamment à l’article 2.02 de la Déclaration universelle sur l’indépendance de la justice, qui énonce:

    « Le juge est libre et tenu de régler les affaires dont il est saisi en toute impartialité, selon son interprétation des faits et de la loi, sans être soumis à des restrictions, des influences, des incitations, des pressions, des menaces ou des ingérences, directes ou indirectes, de quelque origine que ce soit. »[3]

     

    Tout ce qui précède ne laisse donc place à aucune ambiguïté quant à la nécessité de séparer le pouvoir judiciaire des pouvoirs exécutif et législatif. Le fait que M. Lafrenière soit sorti de son devoir de réserve et qu’il ait ouvertement critiqué le rapport Duchesneau en utilisant les mêmes termes que M. Charest, pour que celui-ci soit un peu moins isolé, ne saurait donc être que pure coïncidence.

    Et que penser des policiers de la Sûreté du Québec qui ont confié à La Presse que le gouvernement s'ingérait dans leurs enquêtes sur la corruption? Ils doivent assurément se tromper…

    La semaine dernière, M. Charest a fini par plier sous la pression et a annoncé la création d’une commission d’enquête « sur mesure ». Au lieu de « sur mesure », il aurait pu dire « contraire à la Loi sur les commissions d’enquête », car dans cette commission, les témoins ne pourront être contraints à témoigner en raison du fait qu’aucune immunité ne leur sera accordée. Pourquoi le gouvernement se soumettrait-il à la loi quand il peut utiliser ses pouvoirs discrétionnaires et passer à côté des règles? Après tout, ne sommes-nous pas dans une situation de crise qui justifie un tel comportement?

    Et que dire du fait que la Cour supérieure ait accepté de nommer un de ses juges pour présider la commission telle que proposée par le gouvernement ?  Pourtant, le Protocole sur la nomination de juges à des commissions d’enquête est on ne peut plus clair : “le projet de décret en conseil doit aussi être examiné attentivement, surtout par le juge qui va présider l’enquête. Le juge – peut-être par l’intermédiaire du bureau du juge en chef – ne devrait pas hésiter à proposer des modifications appropriées au décret en conseil avant que celui-ci soit adopté. [...] Même devant une urgence apparente, il est important pour le gouvernement, la magistrature et le public de prendre le temps qu’il faut
    pour structurer l’enquête convenablement. [...] Le mandat ne devrait pas non plus exclure des questions auxquelles le public s’attend d’obtenir des réponses, afin que l’enquête soit complète, indépendante et objective. [...] Plus les restrictions énoncées dans la loi d’autorisation et/ou le décret en conseil sont grandes, plus il faut faire preuve de circonspection.”
    [4]

    Questionné à cet effet, le juge en chef François Rolland s’est expliqué au journaliste Simon Boivin du Soleil :

    «Évidemment, c’est une demande qui vient du premier ministre et du juge en chef, a observé François Rolland. C’est dur de dire : “Bien, non, je préfère un mandat dans ces termes-là plutôt que ces termes.”[5]

    Devant cette intrusion évidente de M. Charest au niveau du pouvoir judiciaire, je crois qu’il est maintenant impossible de nier que la réalité n’est pas conforme à la théorie.

           

    Pourtant, le juge Robert Michel disait, il n’y a pas si longtemps, que le pouvoir judiciaire, maintenant projeté sous les feux de la rampe des média, était davantage apte « à garantir les droits et libertés des citoyens et l'impartialité des décisions, ce qui somme toute s'avérera bénéfique pour la qualité de l'administration de la justice »[6].

     

    Cette affirmation, qui semble tout à fait logique, nous fait d’autant plus se questionner face aux comportements du Gouvernement Charest qui ne pourraient être plus sous les feux des projecteurs qu’ils ne le sont actuellement. Venant de la part d’un homme intelligent qui se sait observé, la principale seule question pertinente qu’on est en droit de se poser est : Pourquoi?

     



    [1] « Immunité des témoins.

    Toutefois, nulle réponse donnée par une personne ainsi entendue comme témoin ne peut être invoquée contre elle dans une poursuite en vertu d'une loi, sauf le cas de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires. » 

     

    QUÉBEC (octobre 2011) « Loi sur les commissions d’enquête »,  lois et règlements, Québec, Éditeur officiel du Québec, chapitre C-37, article 11.

     

    [2] Perspective Monde, Glossaire (Page consultée le 20 octobre 2011). Site pédagogique de l’Université de Sherbrooke, [en ligne],  http://perspective.usherbrooke.ca/

     

    [3] Shetreet, S. et Deschênes, J. (1985), Judicial Independence : The Contemporary Debate, Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht/Boston/Lancaster,  p. 465.

     

    [4] Conseil canadien de la magistrature, (Page consultée le 20 octobre 2011). Protocole sur la nomination de juges à des commissions d’enquête, p. 4-5, [en ligne], (http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ccm-cjc/JU14-21-2010-fra.pdf

     

    [5] BOIVIN, Simon (2011). « France Charbonneau désignée par le juge en chef de la Cour supérieure », Le Soleil, 21 octobre. 

    [6]L’honorable J.J ROBERT, Michel (2004), L'indépendance judiciaire de Valente à aujourd'hui : les zones claires et les zones grises, 6e Conférence Albert-Mayrand , Éditions Thémis, Faculté de droit, Université de Montréal, p. 36.