#1-FJ S.-Présomption d’innocence, reddition compte et liberté de presse, la Commission Charbonneau est fertile en sujets d’administration publique! - par Jean-François D'Amour
La Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction soulève plusieurs doutes en ce qui concerne la participation de certains élus ou groupes d’élus dans le trucage des contrats adjugés notamment par la Ville de Montréal et Ville de Laval. Jusqu’à présent, les interrogatoires de la Commission aura tout de moins fait admettre à M. Lino Zambito et M. Gilles Surprenant que des élus ou groupes d’élus aurait pu bénéficier de montant d’argent provenant du gonflement de contrat adjugé à des entreprises de la construction. D’énormes soupçons pèsent contre l’administration du maire Gérald Tremblay et du maire Gilles Vaillancourt.
De son côté, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) a effectué des perquisitions à l’hôtel de ville de Ville de Laval en plus d’effectuer des perquisitions aux domiciles et dans les coffrets de sûreté appartenant au maire, M. Gilles Vaillancourt. Beaucoup de doute plane contre le Maire Gilles Vaillancourt, surtout depuis qu’il a annoncé son retrait temporaire.
Plusieurs médias ont déjà condamné Messieurs Tremblay et Vaillancourt sans même que des accusations n’aient été portées. Cela soulève donc plusieurs questions, notamment la présomption d’innocence d’un élu malgré la reddition de compte effectué dans le cadre de ses fonctions et le travail des médias.
L’article 11, paragraphe d) de la Loi constitutionnelle de 1982 établit la présomption d’innocence en matière pénale et criminelle par les termes suivants : «Tout inculpé a le droit : …
d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable ».
Dans les cas de Messieurs Tremblay et Vaillancourt, aucune accusation n’a été portée à ce jour. Suivant le paragraphe d) de l’article 11 de la Loi constitutionnelle de 1982, Messieurs Tremblay et Vaillancourt son présumé innocent jusqu’à la preuve du contraire.
En ce qui concerne M. Gérald Tremblay, l’information entachant son administration et son parti provient majoritairement de la Commission Charbonneau. Il est important de noter que tout ce qui est dévoilé dans une commission d’enquête ne pourra être repris devant une cour criminelle ou pénale afin de condamner un individu à moins de refaire la preuve à cet effet. Une commission d’enquête est formée : « Lorsque le gouvernement juge à propos de faire faire une enquête sur quelque objet qui a trait au bon gouvernement du Québec, sur la gestion de quelque partie des affaires publiques, sur l'administration de la justice ou sur quelque matière importante se rattachant à la santé publique ou au bien-être de la population, il peut, par une commission émise à cette fin, nommer un ou plusieurs commissaires pour conduire cette enquête. » La commission d’enquête est donc une tribune exceptionnelle pour condamner publiquement un individu avant même qu’un procès ait été tenu.
En ce qui concerne M. Vaillancourt, la commission d’enquête a révélé qu’il aurait bénéficié du stratagème du gonflement des contrats. De plus, les perquisitions médiatisées des dernières semaines n’ont pas pour effet d’attiser la perception de la population à l’effet que ce dernier est présumé coupable. Les médias rapportent que M. Vaillancourt aurait pu détourner des millions de dollars résultant du gonflement des contrats municipaux. Qu’en est-il en réalité? Toutes les preuves pouvant l’incriminer seront dévoilées dans le cadre d’un procès si, je dis bien si, des accusations sont portées à l’endroit de M. Gilles Vaillancourt.
Avec de telles allégations, est-ce que les maires Tremblay et Vaillancourt doivent démissionner comme il a été demandé dernièrement dans des vox populi? Est-ce que le gouvernement provincial devrait suspendre de leur fonction les maires le temps qu’une enquête soit effectuée? À ces deux questions, je réponds non. Le Canada est fondé sur deux principes suivant le préambule de la Loi constitutionnelle de 1982. L’un d’eux est la primauté du droit. Partant de ce principe, nous ne pouvons écarter le droit de Messieurs Tremblay et Vaillancourt d’être présumé innocent tant et aussi longtemps qu’ils n’auront pas été jugés coupables par un tribunal.
En ce qui concerne la reddition de compte dans un organisme municipal, cette dernière s’effectue par la voix de son conseil municipal. Annuellement, un conseil municipal vote un budget pour l’année à venir. Suivant l’adoption de ce budget qui définit le budget pour les opérations courantes et les projets ponctuels, des crédits sont disponibles pour l’année financière donnée. Il s’agit donc d’une approbation expresse du conseil municipal à l’endroit de l’administration afin d’effectuer les dépenses d’opération courantes et des projets ponctuels. Suivant cette approbation expresse du conseil, tous les contrats de vingt-cinq mille dollars (25 000) et plus sont soumis à des règles strictes dans le domaine municipal. Tous contrats de vingt-cinq mille dollars (25 000$) à cent mille dollars (100 000$) et moins doivent suivre le processus des appels d’offres sur invitation et les contrats cent mille dollars (100 000$) et plus doivent suivre le processus des appels d’offres publics. Suivant l’accomplissement des processus prévus à la Loi sur les cités et villes, une résolution du conseil municipal doit être adoptée afin d’adjuger le contrat au plus bas soumissionnaire conforme ou au soumissionnaire ayant obtenu le meilleur pointage dans le cas d’un appel d’offres en service professionnel (ingénieur, architecte, etc.). Comme vous êtes à même de le constater, chaque conseil municipal d’une ville ou municipalité approuve les contrats à être adjugé et est à même de constater l’ampleur des contrats et se doit de questionner l’administration municipale à cet effet. La décision finale de la dépense d’un denier est imputable au conseil municipal. Dans le cas de M. Gérald Tremblay, de le voir dire qu’il n’était pas au courant lors de la prise de décision du stratagème de gonflement des prix des contrats, cela est peut-être vrai, mais a-t-il questionné l’administration à cet effet???
Finalement, les médias ont une grosse part de responsabilité dans la perception véhiculée par les déclarations faites dans le cadre de la Commission Charbonneau ainsi que dans plusieurs dossiers de nature pénale ou criminelle. Malheureusement, il n’est pas rare de voir au Québec, un individu être arrêté sans être déclaré coupable mais parallèlement l’être uniquement par l’image véhiculée dans les médias. La perception des gens de voir quelqu’un menotté sortir d’un fourgon cellulaire se rendant au Palais de justice est très significatif. L’exemple le plus notoire des derniers temps est l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn à New York. Le peuple français avait été choqué de voir que la justice américaine présentait M. Strauss-Kahn comme un criminel, avant même qu’il puisse être jugée par un tribunal. Comble du malheur, tous les chefs d’accusations contre M. Strauss-Khan sont tombés… Me direz-vous qu’il y a d’autres motifs que des motifs légaux en arrière de la fin des accusations contre M. Strauss-Khan, mais le parallèle est bon.
Dans le cas de M. Gilles Vaillancourt, les médias le présente comme étant coupable suivant les perquisitions effectuées et certains propos tenus lors de la Commission Charbonneau. Une perquisition est normalement effectuée suivant l’émission d’un mandat de perquisition après la présentation de certaines preuves à un juge, mais cela n’a pas pour effet de déclarer coupable M. Vaillancourt!
RÉFÉRENCES :
Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, [en ligne], https://www.ceic.gouv.qc.ca/audiences/en-direct.html
DE PIERREBOURG, Fabrice, SANTERRE, David et GOSSELIN, Janie (Page consultée le 31 octobre 2012). Site de La Presse, [en ligne], http://www.lapresse.ca/actualites/201210/24/01-4586714-100-000-en-liquide-dans-les-coffrets-de-gilles-vaillancourt.php
DE PIERREBOURG, Fabrice et SANTERRE, David, (Page consultée le 31 octobre 2012). Site de La Presse, [en ligne], http://www.lapresse.ca/actualites/regional/montreal/201210/24/01-4586607-perquisition-la-sq-cible-des-coffres-bancaires-de-gilles-vaillancourt.php
RIOUFOL, Ivan, (Page consultée le 31 octobre 2012). Site de Le Figaro, [en ligne], http://blog.lefigaro.fr/rioufol/2011/05/a-propos-de-larrestation-de-ds.html
Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. C-11.
Loi sur les cités et villes, L.R.Q., c. C-19.
Loi sur les commissions d’enquête, L.R.Q., c. C-37.