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#1 - ????? L'autruche dans un désert sans sable

L’autruche dans un désert sans sable…

 

Depuis les dernières années, les médias se font un festin avec les déboires concernant le lobbyisme et la corruption en jouant les justiciers sur la place publique. De ce fait, nous n'avons qu’à penser aux discours amnésiques des gens d’affaires de la commission Gomery, où en chorale, les gens étaient appelés à témoigner en fredonnant le fameux refrain « Je ne me souviens pas ». Au cours de la dernière année, c’est le secteur de la construction et le milieu municipal qui ont été ouvertement condamnés par les médias, et ce, avant même les recommandations de la Commission Charbonneau ou le début des procédures juridiques. Cette fois-ci, les gens visés, dont certains maires de municipalité, ont changé de refrain pour celui de l’irréprochabilité : « Je n’ai rien à me reprocher », et ce, au-delà des mandats de perquisition qui doivent être obtenus après de longues enquêtes par des gens compétents et professionnels. Résultat devant ce bel orchestre qui ne semble plus avoir de chef; l’opinion publique n’écoute même plus la musique allégeant ne plus faire confiance à ce virtuose de fausses notes. Mais qu’en est-il des premiers ministres? Ceux qui sont élus par voie démocratique et qui ont le mandat de gouverner l’État; de répondre au besoin du peuple? Ceux qui sont nommés par le premier ministre et qui sont appelés à diriger un ministère en s’assurant de son bon fonctionnement et à l’application des lois. Est-ce que ce dernier pourrait, lui aussi, s’adonner à un discours amnésique ou à un discours d’irréprochabilité laissant la population dans l’ignorance et dans le doute? En somme, est-ce que la responsabilité ministérielle qui stipule que le ministre doit répondre de tout ce qui relève de lui est illusoire et impossible?

Cette question, je l’ai posée à mes collègues de travail. Des gens professionnels travaillant pour l’État sous le ministère de la Santé et des Services sociaux. Résultat; la réponse fait consensus et son contenu est discordant; en théorie un ministre devrait tout savoir, mais en pratique c’est impossible. Bien entendu, en essayant de démystifier le rôle de l’Administration publique, on ne peut que témoigner de sa complexité. Nous n’avons qu’à penser aux diverses finalités de l’Administration publique qui n’ont pas toujours des objectifs mesurables et une finalité en soi et qui s’adressent à des principes et des valeurs comme l’égalité, l’équité, l’universalité et la gestion du bien commun. Une Administration publique qui s’étend sur un vaste territoire, avec des réalités régionales divergentes et qui doit offrir des services de qualité de plus en plus complexes dans une perspective d’interdépendance. Cette interdépendance s’explique au fait que les domaines touchés sont diversifiés amenant la santé, l’éducation, la culture, le politique, l’environnement, la pauvreté et l’économique à se côtoyer. Que

dire du rôle actif de l’État dans l’économie où il est impliqué dans 50 % (plus ou moins) du PIB et qu’il se doit d’intervenir, de stimuler et de réglementer l’économie par des moyens fiscaux ou autres mesures complexes? Il se doit d’être un leader et un promoteur en matière d’emploi où il est lui-même l’employeur. Soulignons que la gestion de l’économie ne s’arrête pas aux frontières de l’État, mais elle doit suivre le mouvement de la mondialisation, de la compétition internationale et de l’évolution constante des nouvelles technologies. La sphère économie fait aussi référence aux dépenses que l’Administration publique doit gérer. Des dépenses qui, historiquement, s’accroissent de façon constante (loi de Wagner) et qui parallèlement gonfle la dette de l’État. Cette dette qui est un enjeu incontournable de la scène électorale. Nous pourrions peindre davantage le tableau de la complexité en disant que dans les rouages de cette Administration publique tout doit être approuvé et tout doit être fait dans un cadre légal sous faute de sanctions. Nous pourrions dire afin de vous convaincre de sa complexité qu’elle est une science, car elle peut être étudiée, analysée, décortiquée, mais qu’elle est aussi un art, car elle est teintée de valeurs des humains qui la composent, de règles et de principes informels qui régissent les interactions. Si on s’arrête ici, on peut aisément conclure que devant cette complexité, le principe de responsabilité ministérielle est théorique et non praticable; qu’il est illusoire et impossible!

En théorie, le fonctionnement de l’Administration publique au Québec, qui gravite dans un État de droit, se fonde sur trois pouvoirs distincts (modèle de Westminster) d’origine constitutionnelle où le fonctionnement de l’État s’articule par le législatif (loi), l’exécutif (l’application) et le juridique (sanction). Le principe fondamental de la responsabilité ministérielle se trouve dans les fondements du fonctionnement de l’exécutif, soit le gouvernement. Ce principe faisant partie des fondements du fonctionnement de l’exécutif; il ne peut pas rester que théorique sous prétexte de la complexité. C’est pour cette raison que le gouvernement s’est doté de plusieurs mécanismes qui permettent aux ministres d’avoir réponse à tout et de tout savoir. Pour le premier ministre qui a la charge de l’application de la règle de droit, de l’action de ses ministères et des organismes chargés d’appliquer les décisions, il dispose de puissants organismes centraux lui permettant la cohérence et la régulation de ses actions. En vocabulaire imagé, ces organismes centraux ont la responsabilité de tout, tout, tout filtrer. Sans en faire une tête de chapitre, donnons deux exemples, soit le Conseil exécutif qui, entre autres, par l’intermédiaire du secrétaire général du gouvernement à Québec dirige l’équipe des sous-ministres des ministres. Autre exemple, celui du Conseil du Trésor qui agit comme filtre, comme conseiller du gouvernement à tout ce qui touche la puissante machine des finances de l’État; budgets, dépenses, surplus, État-employeur. Pour les ministres responsables d’un ministère, ils ont à leur disposition du personnel

administratif composé de sous-ministres, de sous-ministres adjoints, de différents directeurs, etc. Ici, comme pour la composition des organismes centraux, oublions l’époque du bénévolat où la composition du conseil des ministres était de fidèles partisans et des amis proches des élus. Aujourd’hui, les gouvernements investissent des sommes considérables afin d’avoir un administratif performant et compétent. Les personnes qui composent l’administratif sont décrites comme des bureaucrates et des technocrates qui sont choisies par le premier ministre, de par leur expertise, leur formation et leur expérience. Ces personnes assurent la continuité dans les changements de gouvernement, car elles ne sont pas choisies pour leurs allégeances politiques, mais bien pour leurs compétences au sens large et dans l’intérêt du bon fonctionnement du ministère dont elles sont nommées et attachées. Au quotidien, le politicien et les administrateurs sont appelés à travailler ensemble, de façon interdépendante, car l’administrateur s’occupe de la mise en œuvre de programmes et le politicien a la tâche de diffuser les orientations sur la scène publique. Lorsque les problèmes surviennent, le principe de l’interdépendance s’applique toujours, au fait que l’administratif doit constamment aller chercher l’information et les réponses, afin que son ministre puisse apporter les correctifs publiquement. 

Conclusion; un ministre ne peut pas faire l’autruche et se mettre la tête dans le sable, de par le fondement de l’état de droit qu’il tend à diriger, et de par les mécanismes d’interface entre le politique et l’administratif. Le gouvernement s’est doté de ces mécanismes afin de répondre à sa responsabilité ministérielle. Il doit donc avoir réponse à tout et il est dans l’obligation de connaître tous les faits. En cas contraire, il sera la risée de l’opposition et les rumeurs circuleront sur la présence d’une bureaucratie faible, affaiblissant du même coup le gouvernement. D’un autre côté, les médias pourront faire de leurs machettes sur l’existence de frictions existantes entre le ministre et ses bureaucrates, dont les variables peuvent être nombreuses; jeux de pouvoir, valeurs différentes, objectifs non partagés, etc. 

À l’heure actuelle où la presse influence largement la population à se méfier des intentions des dirigeants, les ministres se doivent de rester bien à la surface et de donner des notes justes afin de ramener la confiance chez les citoyens.

Commentaires

  • Ce n'est pas le temps de se mettre la tête dans l'Autruche...
    comme dirait l'autre.
    Prof

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