Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

par luciano

  • Le contrôle social dans le système de santé brésilien

    Le contrôle social dans le système de santé brésilien

    (Blog # 2, par Luciano, Jeudi soir - Montréal)

    Le secteur public est inévitablement soumis à la surveillance et à la reddition de comptes.

    À travers les mécanismes de contrôle de l’administration publique, nous pouvons vérifier la performance des administrateurs et le respect de la loi. La tâche de contrôler l’administration publique est traditionnellement exercée par les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Toutefois, dans les démocraties modernes, le contrôle social est un mécanisme nouveau qui vient à l’aider dans cette tâche.

    Démocratique et participatif dans son essence, le contrôle social permet aux citoyens non seulement de vérifier directement les actions des administrateurs publics, mais aussi de contribuer à la définition des politiques publiques. Ce type de contrôle a comme caractéristique de permettre aux membres de la communauté de contrôler, eux-mêmes, les activités de l’administration et les dépenses publiques. En même temps, ils peuvent délibérer sur les questions d’intérêt de la communauté.

    Lors d’une conférence donnée à l’École Nationale d’Administration Publique (ENAP/Université du Québec), à Montréal, en janvier 2010, deux spécialistes du système de santé du Brésil (Mme. B. Dobashi et Monsieur F. Copertino) ont parlé de la façon dont le contrôle social est intégré au système de santé dans ce pays. Considérant l’importance que le thème occupe dans nos études sur les principes et les enjeux de l’administration publique de nous jours, nous présenterons certaines informations rapportées par les experts brésiliens et nous ajouterons également des informations complémentaires sur le contrôle social promu dans le système de santé de ce grand pays sud-américain.

    Tout abord, il faut considérer que la Constitution du Brésil de 1988 a établi que la santé compte parmi les droits sociaux garantis aux citoyens brésiliens (article 6). Dans une section spécifique sur le droit à la santé, ce même document légal détermine qu’il est un devoir de l’État d’offrir un accès universel et égal à tous aux services de santé (article 196). Enfin, dans un point ultérieur, la Constitution stipule que le système de santé doit avoir comme directives la gestion décentralisée, les services de soins intégrés et  la participation de la communauté (article 198).

    Découlant de ces principes constitutionnels, les lois numéros 8080/90 et 8142/90 ont été préparées et promulguées. La première loi traite spécifiquement de la création et du fonctionnement du Système Unique de Santé (SUS) et la seconde concerne la participation de la communauté dans la gestion du système de santé. En fait, c’est à partir cette dernière (loi 8142/90) que prend naissance la pratique du contrôle social dans le système de santé du Brésil. Cette norme exige que les trois paliers gouvernementaux (le fédéral, les états et les municipalités) aient des conseils permanents et délibératifs, comprenant un certain nombre de représentants du gouvernement, des fournisseurs de services, des professionnels de la santé et des usagers-citoyens. Cela a pour objectif de permettre au peuple de participer à la formulation de stratégies, au contrôle et au suivi de la mise en œuvre des politiques de santé.

    Presque 20 ans après la date effective de la loi, nous constatons qu’à l’exception de quelques petits villages, ces conseils jouent un rôle important et produisent des résultats positifs dans le système de santé brésilien. Nous pouvons croire que les raisons pour lesquelles ces quelques municipalités n’ont pas encore formé de conseils sont liées à l’absence de structures, à la taille de ces villes ou à la distance de celles-ci par rapport aux centres où se trouve le pouvoir fédéral ou de l’état. En effet, parmi les 5560 municipalités dispersées à travers le territoire national du Brésil, la grande majorité semble avoir déjà son conseil local de santé qui compte sur la participation de membres de la société locale. La composition d’un tel conseil est, de plus, une condition préalable pour la municipalité à l’obtention de certains fonds gouvernementaux destinés aux soins médicaux et aux programmes de santé publique.

    Notons également que la loi ne détermine pas le nombre minimum et maximum de membres dans les conseils d’administration de la santé. Ce que la loi précise, c’est le pourcentage que chaque secteur de la société doit représenter dans la composition du conseil. En effet, selon la loi, chaque conseil doit être composé de 50% de membres qui sont des utilisateurs du système de santé, 25% des membres doivent être des professionnels de la santé, 12,5% sont des gestionnaires et l’autre 12,5% sont des fournisseurs de services. Comme on peut le constater, le législateur a considéré les usagers-citoyens comme un élément majeur dans le contrôle de l’administration publique et pour la définition des politiques publiques.

    Effectivement, ce qui est observé, c’est que les conseils locaux sont formés d’un nombre variable de membres, généralement 24, 32 ou 36 personnes en fonction de la population de leur ville. Quant aux états, les conseils des états sont souvent composés d’un nombre de membres plus élevé afin que toutes les régions soient représentées. Par exemple, le conseil de l’état du Paraná au sud du Brésil, qui compte environ 10 millions d’habitants et qui est divisée en 26 régions, compte 68 membres. Quant au Conseil National, il dispose de 48 membres qui se préoccupent uniquement des enjeux d’intérêt national.

    Dans les faits, chaque conseil est libre d’élaborer ses propres statuts et règlements en établissant ses propres règles d’organisation et de fonctionnement. Bien que les décisions prises par les conseils doivent être approuvées par l’exécutif correspondant, c’est-à-dire la municipalité, l’état ou le fédéral, ces décisions proviennent réellement de la contribution directe des citoyens dans l’exercice de leur droit à la participation sociale qui leur a été conféré par la Constitution, par la loi et par les règlements administratifs.

    Il est important de dire aussi que dans l’évolution de ce nouveau modèle de contrôle, le souci de préparer les citoyens avant d’accéder au rôle de membre du conseil est très présent, car le renouvellement des membres est fait périodiquement. Alors, autant du côté gouvernemental que du côté non gouvernemental, des outils sont développés dans le but d’instruire les citoyens afin que le contrôle social soit en évolution et en construction permanente. Le travail des universités et des associations professionnelles ainsi que la publication de guides par le gouvernement sont des exemples de moyens utilisés pour aider les citoyens à mieux jouer leur rôle au niveau du contrôle social. Au Brésil, cette évolution est observée non seulement en matière de contrôle de la santé, mais aussi dans d’autres domaines du secteur public qui valorisent également ce principe de la participation sociale, tels que le système de l’éducation et le secteur de l’assistance sociale.

    Nous pouvons ainsi conclure que le rôle de ces conseils, composés essentiellement de membres utilisateurs des services publics, est à la fois de surveiller et de développer des programmes. Nous constatons qu’un conseil composé majoritairement de membres aux profils professionnels plus techniques met davantage d’emphase sur le rôle de surveillance. En revanche, lorsque le conseil est composé de personnes de profils plus politiques, les décisions et les résultats de son travail sont plus axés sur les politiques publiques. De toute évidence, ce que l’on désire est l’équilibre entre ces deux aspects du contrôle, ayant pour résultat des conseils efficaces, représentant de vrais outils de surveillance et de gestion publique. Ils seront ainsi conformes aux principes légaux et aux objectifs de la participation sociale.