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#1-Alain Cazavant - La séparation des pouvoirs pour les municipalités locales – Une nécessité pour la saine gestion des affaires publiques et la réorganisation des structures municipales

 

La séparation des pouvoirs pour les municipalités locales –  Une nécessité pour la saine gestion des affaires publiques et la réorganisation des structures municipales

 

Le contexte

Tel qu’enseigné à l’École Nationale d’Administration Publique (ÉNAP), la stricte séparation entre le politique et l’administratif, ainsi qu’entre le législatif et le bureaucratique est une nécessité dans les états de droits dont le Canada fait parti.  Ce principe fondamental se retrouve à la base du fonctionnement du Gouvernement du Québec, et doit se concrétiser au niveau des gouvernements locaux qui relèvent de sa juridiction, soit les municipalités, c'est-à-dire, les cités et villes, et les municipalités régionales de comté (MRC).   Les récents scandales dans le financement des partis politiques, la collusion entre les entreprises dans l’industrie de la construction, la corruption de fonctionnaires municipaux par le secteur privé des fournisseurs de biens et de services, et le favoritisme dans la nomination et la sélection des hauts fonctionnaires, font émerger cette nécessité de la séparation des pouvoirs.

 

De haut niveau, l’état de droit Canadien et Québecois est basé sur la séparation des pouvoirs  selon le modèle de Westminster.  En bref, le peuple élit un gouvernement formé de députés au parlement qui constitue le politique.  Le gouvernement nomme et contrôle des ministres responsables de ministères qui ont l’autorité sur les actes des hauts fonctionnaires, c'est-à-dire de l’administratif.  Les hauts fonctionnaires (grands directeurs de l’état) sont nommés par le cabinet ou conseil des ministres, et dirigent les actions des fonctionnaires dit techniques ou bureaucrates.  Les instances législatives et les fonctionnaires qui constituent la bureaucratie, voient à l’application des nouvelles politiques en accord avec les lois et règles en vigueur.  La structure implique donc un premier ministre, un conseil des ministres, une chambre des communes, des députés, des ministres, des hauts fonctionnaires, et finalement des fonctionaires techniques ou bureaucrates. 

 

Quoiqu’au niveau des gouvernements supérieurs (Canada et Québec), qu’il existe une certaine séparation entre les pouvoirs dits politique et administratif, des pouvoirs législatif et bureaucratique, il sera exposé que cette séparation de pouvoir n’est pas adéquate ou réellement présente au niveau du gouvernement local (municipal).  Cela serait principalement attribuable à la proximité des intervenants municipaux relativement aux interventions avec le public (le citoyen) et les entreprises du secteur privé qui participent à l’aménagement du territoire et au développement des infrastructures.  De plus, il sera exposé par un rappel de certaines situations que les structures administratives et bureaucratiques d’un gouvernement local (municipal), permettent une ingérance directe du politique dans leurs dits pouvoirs.  Au niveau local, la structure municipale est constitué d’un maire, des conseillers élus, d’un conseil municipal et / ou d’un comité exécutif, d’un directeur général, de directeurs (hauts fonctionnaires), et finalement d’employés cadres, de professionnels, de techniciens ou agents techniques, de cols blancs et de cols bleus qui constituent les fonctionnaires techniques aussi appelée la bureaucratie. 

Le tableau suivant met en évidence la nature des structures pour chacun des niveaux de gouvernements(voir plus bas). 

 

 

Nature des structures

Fédéral

Provincial

Local

Politique

Chambre des communes

Assemblée nationale

Conseil municipal

Politique

Député

Député

Conseiller (Élu) municipal

Politique

Premier ministre

Premier ministre

Maire

Politico-administratif

Cabinet des ministres

Cabinet des ministres

Comité exécutif

Politico-administratif

Ministre et son ministère

Ministre et son ministère

Comité de direction

Administratif

Hauts fonctionnaires
(sous-ministre et directeurs)

Hauts fonctionnaires
(sous-ministre et directeurs)

Directeur général
Directeurs de services

Législatif

Sénat
Cour suprème du Canada
Cour fédérale du Canada


Cour supérieure
Cour d’appel du Québec
Tribunal administratif du Québec

Bureau du vérificateur général

 

Cour municipale
Vérificateur général Service du Greffe
Service des Affaires juridiques

Service de Police

Service de l’Approvisionnement

Bureaucratique (technique)

Fonctionnaires
(gestionnaires, conseillers, analystes, inspecteurs)

Fonctionnaires
(gestionnaires, conseillers, analystes, inspecteurs)

Fonctionnaires
(cadres, professionnels, techniciens, agents techniques, cols blancs et cols bleus)

Service d’aménagement du territoire
Services techniques et d’ingénierie

Service des travaux publics
Service des incendies

Service des Loisirs

Service des finances

 

La réflexion sur le secteur municipal

Tel que bien exprimé au niveau des municipalités, dans le partage des pouvoirs municipaux, il est souvent question des pouvoirs aux deux extrémités, soit entre le politique et le technique (le bureaucratique).  Cela est révélateur d’une déficience au niveau administratif et législatif dans plusieurs municipalités.  Il faut convenir que certaines grandes municipalités ont parfaitement institué des niveaux administratif et législatif fonctionnel, et séparant les deux pouvoirs antagonistes du politique et du technique.  Cependant dans les plus petites municipalités, le rôle des intervenants au niveau administratif et législatif, est mal compris, mal encadré, ou simplement absent.  Au niveau des municipalités plusieurs situations anormales subsistent dans l’administration des affaires publiques dont notamment les exemples suivants :

 

-          Le maire ou les conseillers municipaux participent aux processus d’embauche, de sélection et de nomination des fonctionnaires, et non seulement du directeur général.  Récemment, certaines grandes villes ont procédés à des nominations politiques dans des postes de directeur de services techniques, augmentant ainsi le pouvoir du politique sur le niveau technique.  De même, plusieurs entrevues d’embauche des directeurs de services municipaux, sont dirigées par des maires et des comités de sélection formés de conseillers municipaux.

 

-          Le maire, le cabinet du maire, ou les conseillers municipaux ordonnent directement l’éxécution de certaines interventions auprès des fonctionnaires techniques, en l’absence de consultation du directeur général ou des directeurs de services.

 

-          Le maire ou les conseillers municipaux entretiennent des relations d’affaires, directement auprès des promoteurs, des entrepreneurs et des bureaux de services conseils, alors que les directeurs et fonctionnaires se doivent de gérer l’octroi et la réalisation des contrats.  Les relations d’affaires sont notamment accompagnés de dîner, de soirée, d’activité de loisir, de voyage, d’échange de services, de pots de vins ou d’enveloppe d’argents, selon les récentes révélations de la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction qui est en cours au Québec.  La participation de fonctionnaires aux activités précédentes, supportent la thèse de la corruption.  Afin de contrer cette situation, le ministère des Affaires municipales et les regroupements des municipalités ont procédé à l’adoption de codes d’éthique et de déontologie, pour les élus et les fonctionnaires respectivement.

 

-          Les avis techniques des professionnels oeuvrant dans les services dits techniques ne sont pas nécessairement respectés par les niveaux politiques ou administratifs, pour des considérations dites politiques.  Les fonctionnaires techniques ne peuvent supposément comprendre ou être en mesure d’analyser ces considérations dites politiques, aussi appelées socio-économiques, malgré leurs compétences.

 

-          Les services législatifs ne sont pas suffisamment bien utilisés entre le politique, l’administratif et le technique.  Malgré que les services (corps) de police et d’incendie utilisent bien leur pouvoir normatif à l’égard de la sécurité des biens et des personnes, afin de rester indépendant des pressions et des décisions politiques, les services du greffe et des affaires juridiques semblent être parfois au service du niveau politique.

 

-          Les services d’approvisionnement des municipalités peuvent parfois faire l’objet de manipulation ou de corruption par le niveau politique ou administratif, ou même directement par le milieu privé des fournisseurs de biens et de services.  Ces services se doivent d’être indépendant à l’égard des pouvoirs politiques et administratifs, et doivent appuyer et soutenir le niveau bureaucratique (le technique) dans l’octroi et la réalisation des contrats.  Une séparation plus spécifique des pouvoirs est nécessaire afin d’assurer un processus d’appel d’offre et d’octroi, sans aucune possibilité de collusion ou de corruption.  Ce point de vue fut bien abordé dans le Rapport Duchesneau portant sur la corruption dans le milieu de la construction.

 

La piste de solution pour les municipalités.

A mon avis, afin d’assurer une saine gestion des affaires publiques dans les municipalités, il est évident qu’il est nécessaire de séparer le politique  et le technique (le bureaucratique).  Pour ce faire, il est nécessaire d’adopter un modèle séparant le politique, de l’administratif, du législatif, et du bureaucratique, dans l’ordre respectif et distinctif.  Ce modèle pourrait séparer les deux niveaux du politique et de l’administratif, des deux autres niveaux du législatif et du bureaucratique.  Cependant, il pourrait être d’autant plus étanche que d’avoir les quatre niveaux séparés les uns des autres.

Ainsi au niveau municipal, il serait sage d’instituer un niveau séparant le technique (le bureaucratique),  du niveau politique et administratif qui sont indissociables pour le moment, soit en instituant un niveau législatif avec un contrôle plus stricte et plus structuré.  Pour ce faire, la création d’un bureau du vérificateur, d’une direction du greffe, des affaires juridiques, et judiciaires pourraient permettre une séparation des pouvoirs municipaux.  Le service des approvisionnements pourraient aussi relever de ce niveau législatif consolidé.

Une autre possibilité existe afin de séparer les pouvoirs au niveau administratif.  Pour ce faire, il faudrait que le niveau administratif, c'est-à-dire le directeur général et les principaux directeurs de services, réussisent à créer une barrière administrative entre le politique et le bureaucratique (le technique).  Ce modèle est fonctionnel dans les dix grandes municipalités du Québec (de plus de 100 000 habitants), telles que des villes comme Québec, Gatineau, Laval, et Longueuil.  Par exemple, un élu municipal ne peut communiquer directement avec un fonctionnaire technique de la municipalité, a moins d’avoir demandé l’autorisation auprès du directeur général ou d’y être autorisé par l’entremise d’un comité ou d’une commission.  Cependant, plus la municipalité a une taille plus petite ou réduite, il semblerait que la séparation des pouvoirs entre le politique et le technique (le bureaucratique) s’amenuise graduellement, pour ne pas exister à la limite dans les municipalités de moins de 20 000 habitants.  Dans ces municipalités, il y a trop souvent plus d’élus à la tête de l’administration (l’organisation municipale), que de fonctionnaires au sens large, dont des cadres et des professionnels.  Par exemple, il est connu que dans certaines municipalités, les élus agissent un peu comme des inspecteurs municipaux, et parfois ils prennent des décisions techniques fréquentes quant aux interventions des employés des travaux publics, considérant que les services techniques n’existent tout simplement pas.  Malheureusement, les petites municipalités manquent clairement de moyens pour se doter du personnel technique (bureaucratique) adéquat, tels que des professionnels et des techniciens de formation.  Cependant, cela amène des possibilités pour le transfert de pouvoir relativement aux interventions, des municipalités locales vers les Municipalités Régionales de Comté (MRC) par la création de services techniques à plus grande échelle sur leur territoire.

 

En conclusion, la séparation des pouvoirs au niveau des municipalités est une nécessité, et elle doit se constituer entre les niveaux politiques, administratifs, législatifs et techniques (bureaucratiques).   Cette séparation des pouvoirs nécessite cependant une réorganisation des services municipaux dans les municipalités de 100 000 à 20 000 habitants, et une centralisation des pouvoirs des petites municipalités de moins de 20 000 habitants vers les Municipalités Régionales de Comté.  Ce dernier point fera l’objet d’un prochain blogue.

Au plaisir de vous lire,

 

Alain Cazavant, ing. M.Sc.A.
Étudiant à la maîtrise
École Nationale d’Administration Publique

 

 

Commentaires

  • Génial Alain!

    J'ajouterais, quelque chose qui s'imbriquerait à ,mon avis, au niveau de l'embauche de personnel technique, administratif ou tout personnel dit fonctionnaire au municipal et précisément pour la ville de Montréal.

    Avant les fusions...bien avant... certaines villes du territoire fonctionnaient pratiquement comme des villages ou l'influence du politique était omniprésente dans la nommination de fonctionnaires à tous les niveaux.

    Toutefois, lors de la création des arrondissements tels qu'ils le sont aujourd'hui, le département des ressources humaines avait des comptes à rendre au central quant aux procédures et aux suivis de leurs démarches d'embauche. Cela réduisait beaucoup l'influence du politique mais pouvait lui laisser une certaine marge de manoeuvre.

    Maintenant, et je dirais même depuis moins d'un an, la ville de Montréal a rapatrié le processus d'embauche vers la dotation centrale. C'est une énorme machine qui impose une procédure... disons froide mais nette. Il n'y a pas moyen de s'en sortir. Le dicton ''Dis-moi qui tu connais'' n'est plus possible à Montréal. Car en centralisant ainsi ce service, il devient pratiquement impossible de faire du lobby pour l'embauche de personnel technique, professionnel, cadre et même ouvrier. Tout doit désormais passer dans le collimateur de la grosse machine.
    Lors d'entrevues, un seul représentant de l'arrondissement peut siéger avec une ou deux autres personnes de la dotation. Le cadre est bien défini et ajusté afin d'être le plus transparent possible. Parfois un membre d'un autre arrondissement est solicité dans les entrevues d'embauche de cadres de plus haut niveau.

    Bref, je crois que cet exemple pourrait servir à de plus petites villes mais bien entendu, cela pour des villes ayant un bassin d'employé important. Toutefois les MRC pourraient bénéficier d'un service centralisé de la sorte et mieux servir les besoins de leurs municipalités.

    J'ai hâte de lire le deuxième tome.
    Francois

  • Très intéressant Alain!

    Le sujet présenté, vient me chercher personnellement puisque dans le cadre de mes fonctions, je suis témoin de l'ingérence direct du politique, particulièrement dans les processus de dotation. Travaillant pour une ville ni grosse, ni petite, ce phénomène est bien présent.
    Par contre, j'ai connu une époque où les élus étaient distancés du quotidien des fonctionnaires. Où la pression pour l'embauche d'une connaissance d'un élu, ne se manifestait que par la remise d'un curriculum vitae en nous disant simplement que ce candidat cherchait un emploi... Mais les élections amènent des changements et certains élus sont au pouvoir parce qu'ils ont soif de ce pouvoir. Ils n'ont malheureusement pas tous de principes et encore moins d'éthique.
    Actuellement, nous en sommes même au point où le maire choisi "seul" son directeur général et certains membres de l'équipe de direction! Et ce, sans respect pour les modalités et directives de la politique d'embauche (entérinée par l'ancien conseil municipal)...
    Ce type de comportement ne se limite pas à la dotation, les autres services municipaux subissent également l'ingérence du politique dans leur quotidien... Ce maire, qui n'a pas l'expertise des différents fonctionnaires en poste, mais qui a un égo tellement gonflé qu'il affirme ne pas avoir de limite dans son pouvoir grâce l'article 52 de la loi sur les cités et villes....
    En vivant ce type de situation, les fonctionnaires se sentent piégés et soyons réaliste, les recours ne sont pas simples. Existe-t-il beaucoup d'employés municipaux qui ont réellement envie de faire la guerre à des élus malvaillants, qui eux bénéficient des ressources monétaires du public pour se défendre?

    Je suis d'accord avec toi Alain, il faut que ça change! Ta suggestion de donner plus de mandats aux MRC est une bonne idée...tant que ces dernières restent loin des élus pour éviter la contamination!

  • Un texte qui appelle déjà des commentaires...on a hâte de lire ici aussi.
    Prof

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