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Blogue 1 : Stéphanie Bélisle « Qu'en est-il de l'éthique »

Le 2 décembre 2010, le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire du Québec (MAMROT) a sanctionné la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale. Toutes les municipalités avaient donc le devoir d’adopter, au plus tard le 2 décembre 2011, un code d’éthique et de déontologie applicable à ses élus municipaux.

 

L’objet de cette loi était « d'assurer l'adhésion explicite des membres de tout conseil d'une municipalité aux principales valeurs de celle-ci en matière d'éthique, de prévoir l'adoption de règles déontologiques et de déterminer des mécanismes d'application et de contrôle de ces règles.» Cette année, le même processus s’applique aux employés municipaux qui doivent, au plus tard le 2 décembre, adopter le même genre de code que celui qui s’applique aux élus.1

 

En cette période où siège la commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, nous entendons quotidiennement aux bulletins de nouvelles des « révélations » qui donnent froid dans le dos. Avec toutes ces allégations de collusion et de corruption, il y a lieu de se demander pourquoi avoir autant tardé avant d’adopter de tels codes d’éthiques.

 

Des élus et des fonctionnaires, pour ne nommer qu’eux, sont pointés du doigt à tort ou à raison, pour user de malversation et de pratiques douteuses. Cette collusion, si elle se confirme, ne vise qu’une chose : enrichir la classe politique, des entrepreneurs de la construction et des hauts fonctionnaires au détriment des contribuables.

 

Le code d’éthique et de déontologie des élus municipaux revêt une telle cohérence avec les allégations du principal témoin entendu à la Commission Charbonneau, qu’il y a lieu de se questionner sur l’existence présumée ou réelle de ces pratiques douteuses. Cette nouvelle obligation d’adopter un code d’éthique était-elle directement liée à ce qui se tramait dans certaines municipalités ? La coïncidence est néanmoins très intéressante entre ce qui se dit et ce qui doit être fait.

 

À titre d’exemple, voici les énoncés du point 6 de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale:

6. Les règles prévues au code d'éthique et de déontologie doivent notamment interdire à tout membre d'un conseil de la municipalité:

 1° d'agir, de tenter d'agir ou d'omettre d'agir de façon à favoriser, dans l'exercice de ses fonctions, ses intérêts personnels ou, d'une manière abusive, ceux de toute autre personne;

 2° de se prévaloir de sa fonction pour influencer ou tenter d'influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou, d'une manière abusive, ceux de toute autre personne;

 3° de solliciter, de susciter, d'accepter ou de recevoir, pour lui-même ou pour une autre personne, quelque avantage que ce soit en échange d'une prise de position sur une question dont un conseil, un comité ou une commission dont il est membre peut être saisi;

 4° d'accepter tout don, toute marque d'hospitalité ou tout autre avantage, quelle que soit sa valeur, qui peut influencer son indépendance de jugement dans l'exercice de ses fonctions ou qui risque de compromettre son intégrité;

 5° d'utiliser des ressources de la municipalité ou de tout autre organisme visé au paragraphe 1º du premier alinéa de l'article 5 à des fins personnelles ou à des fins autres que les activités liées à l'exercice de ses fonctions;

 6° d'utiliser, de communiquer ou de tenter d'utiliser ou de communiquer, tant pendant son mandat qu'après celui-ci, des renseignements obtenus dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et qui ne sont généralement pas à la disposition du public pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux de toute autre personne;

 7° dans les 12 mois qui suivent la fin de son mandat, d'occuper un poste d'administrateur ou de dirigeant d'une personne morale, un emploi ou toute autre fonction de telle sorte que lui-même ou toute autre personne tire un avantage indu de ses fonctions antérieures à titre de membre d'un conseil de la municipalité.

 

En tant qu’employé-cadre d’une municipalité, c’est avec beaucoup de naïveté que j’arrive à concevoir que des gens puissent se servir à même les deniers publics et s’enrichir au point d’enfreindre les lois. Bien que l’administration municipale soit un espace de démocratie participative, peu de concitoyens suivent de près les activités de ce palier de gouvernement qui les touchent directement et quotidiennement. À ne pas suivre nos affaires de près, on risque de s’en faire passer.2

 

Les jours passent et tout ce qui se dit à cette Commission fait un tort important à la classe politique municipale ainsi qu’aux fonctionnaires. Le 18 octobre dernier, un ingénieur à la retraite de la ville de Montréal surnommé M. TPS, a confirmé à la Commission Charbonneau, avoir reçu 600 000 $ en pot-de-vin pour avoir arrangé certains contrats d’infrastructure.3  Le témoignage d'anciens fonctionnaires de la ville de Montréal se succèdent devant la Commission et toutes les magouilles se confirment. Au-delà des pots-de-vin et des contrats truqués, l’éthique touche le quotidien des employés du secteur public. Elle doit guider pas à pas nos choix et nos actions. Force est de constater que tous n’obéissent pas aux mêmes degrés d’éthique et de déontologie. Qu'est-ce qui pousse un fonctionnaire à accepter de l'argent sale ? Comment une personne peut-elle s'imaginer que jamais la vérité ne sera dévoilée ? 


La présomption d'innocence prime dans notre société. Par contre, lorsque les preuves de collusion, de corruption et de financement illégal des partis politiques s'accumulent, les électeurs sont en droit de demander des comptes et d'exiger de leurs élus qu'ils assument leurs responsabilités. Considérant le principe fondamental de l'administration publique que tout doit être approuvé, il y a fort à parier que de nombreux fonctionnaires et élus se sont fermés les yeux sur les faits et gestes, voir même sur les us et coutumes qui ont cours dans certains hôtels de ville de la province. 


Les critères de gestion et les quantums de production qui définissent le secteur public sont rudement remis en question dans toute cette histoire de collusion. De fait, il est clair qu'il y a d'importante faille au niveau du contrôle, des normes ainsi que dans l'établissement des coûts de production. Par exemple, ailleurs au Canada et aux États-Unis il existe un guide des coûts des trottoirs, du béton, du coffrage, etc. Comment se fait-il qu'aucun mécanisme de contrôle des prix n'ait été élaboré au Québec. Et pourtant, des études ont prouvé que le prix de l'asphalte au Québec est beaucoup plus élevé que dans les autres provinces.  

 

Bref, en tant qu’employée de l’état, je regarde mes confrères et consoeurs de travail avec un oeil suspicieux. Aie-je raison de les croire pattes blanches ou suis-je trop naïve? Alors que je croyais que tous les employés de la fonction publique avaient encore cette passion de servir les citoyens, de contribuer à des projets concrets de société, en respectant scrupuleusement chaque dollar dépensé, je réalise aujourd'hui que tous ne partagent pas les valeurs intrinsèques propres aux employés du secteur public : aider les autres, servir certaines finalités éthiques ou encore être socialement utile.4


La dénonciation a sans doute sa place dans les hôtels de ville par contre, les conséquences sont lourdes pour les délateurs. La Commission Charbonneau a ses bons et ses mauvais côtés. Il est vrai que les gens osent aller témoigner de ce qu'ils ont vu et de ce qu'ils savent, or, aucune accusation ne peut être portée contre les témoins. 

 

Je souhaite sincèrement que la lumière soit faite sur cette collusion et cette corruption dans notre milieu et que les personnes qui seront reconnues coupables paient pour leurs crimes. Je souhaite qu’enfin, les fonctions d’élu municipal et surtout, d’employé de l’état soient respectées à nouveau. 

 

 

 

 

1.Ministère des Affaires municipales, des Régions et l’Occupation du territoire : file:///Users/stephaniebelisle/Desktop/Blog%201%20%20Éthique/Loi%20sur%20l'éthique%20et%20la%20déontologie%20en%20matière%20municipale.webarchive)

 

2. Belley, Serge, Divay, Gérard, Prémont, Marie-Claude (2012). « Le secteur municipal au Québec : enjeux juridiques, politiques et administratifs». Secrets d’États? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains. P. 584 à 605

 

3. Normandin, Pierre-André, « Monsieur TPS » à la Commission Charbonneau. (Jeudi 18 octobre 2012) Journal La Presse. http://www.lapresse.ca/actualites/dossiers/commission-charbonneau/201210/18/01-4584566-monsieur-tps-a-la-commission-charbonneau.php

 

4. Forest, Virginie (2008). Rémunération au mérite et motivation au travail : perspectives théoriques et empiriques pour la fonction publique française. Revue internationale des Sciences Administratives. Page 357.

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Je suis très d'accord avec ta vision de la situation, probalement mon côté naif aussi ou l'espoir que la majorité des gens sont toujours honnêtes et qu'ils sont là pour les bonnes raisons. Malheureusement, lorsque la commission Charbonneau a été mise en place, je me suis demandé si cet exercice pourrait vraiment permettre la poursuite de tous les intervenants qui sont impliqués dans les différentes combines à travers le Québec. En me basant sur le résultat de la commission Gomery, je me dis que tout ce que ça donnera sera de nous avoir coûté une fortune pour apprendre ce qui s'est passé mais qu'il n'y aura aucune action qui sera prise. À mon souvenir l'enquête de la GRC sur les allégations contre les politiciens dans l'affaire des commandites n'est toujours pas complétée... Il reste à espérer que les enquêtes policières en cours permettrons d'apporter les preuves pour étoffer les dires des témoins de la commission. Si des accusations viennent à être portées, on pourra alors affirmer que les codes d'éthique dans les villes servent vraiment à quelque chose.

  • Stéphanie,

    Moi aussi je suis employée de l'état je te confirme que j'ai le même sentiment que toi. Je travaille avec passion, engagement et le souci de servir les citoyens et de prendre des décisions dans le meilleur intérêt pour tous. La gestion efficiente des deniers publics est au coeur de nos actions. En tant qu’employée de l’état, les valeurs organisationnelles doivent nos guider. Nous sommes dans un milieu où la transparence et la reddition de compte aux citoyens sont essentielles. Tu as raison de dire que tous ne partagent pas les valeurs intrinsèques propres aux employés du secteur public. Toutefois, je me questionne si la publication de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale a vraiment fait une différence. Une loi sans mesures sérieuses de réprimandes ne sert pas à grand chose. À titre d'exemple, le libellé de l'article 19 stipule "qu'un manquement à une règle prévue au code d'éthique et de déontologie visé à l'article 16 par un employé peut entraîner, sur décision de la municipalité et dans le respect de tout contrat de travail, l'application de toute sanction appropriée à la nature et à la gravité du manquement." Ceci laisse place à interprétation par dessus interprétation! Tel que déjà entendu "Une loi sans mordants (mesures de réprimandes sérieuses) est comme un chien sans dents" Il jappe mais ne mord pas! Bref, toutes les mesures sont bonnes mais je crois qu'il faut aussi s'appuyer sur le fait que la majorité des employés de l'état sont intègres et engagés à servir les citoyens.

    Signée une naïve engagée!

    Jacinthe Lagarde

  • C'est toute une remise en question sur nos valeurs et sur nos croyances que nous apporte cette commission d'enquête.

    Il y aura surement des répercussions judiciaires. Combien? on ne saurait pas le dire, personne ne pourrait gager là-dessus, je crois. Est-ce que tous les abuseurs du système passeront dans le tordeur? Je suis convaincu que non.

    Il en demeure pas moins qu'au bout de ce processus cela aura permis de faire la lumière sur plusieurs mécaniques collusionnistes et éveiller les citoyens sur le gaspillage de leur contribution sociale.

    Cela amènera-t'il le citoyen québécois à demander qu'on lui rende des comptes? Est-ce que ça motivera l'électeur à s'engager plus activement en politique plutôt que la subir? Je le souhaite vraiment.

    Activement vôtre
    Francois

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