Le pétrole de schiste : un investissement responsable?
Le gouvernement a récemment annoncé sa participation financière dans l’exploration pétrolière sur l’Ile d’Anticosti en investissant 115 millions de dollars. Le gouvernement lance ainsi un message clair sur sa volonté de développer les ressources naturelles dans ce secteur et de bénéficier des retombées économiques potentielles.
L'implication directe de l'état dans l'exploitation des ressources pétrolières est de nature à rassurer l'industrie impliquée dans les activités naissantes de l'exploitation d'hydrocarbures sur le territoire québécois.
Cette décision revêt toutefois un caractère particulier voire incohérent si l’on considère la controverse actuelle sur l’exploitation des gaz de schiste et la décision du présent gouvernement, suite au dépôt du projet de loi 37, d’interdire certaines activités notamment la fracturation hydraulique pour une durée maximale de 5 ans alors que ce procédé est également nécessaire pour l’extraction du pétrole de schiste présent dans le sous-sol d’Anticosti.
Le moratoire sur l'exploitation des gaz de schiste permettra au gouvernement de considérer les recommandations issues des consultations publiques menées par lebureau des audiences publiques en environnement (BAPE) et de déterminerultérieurement l’encadrement qu’il souhaite imposer à toute l’industrie des gaz de schiste.
L’opposition se mobilise
L’annonce de l'investissement du gouvernement dans ce secteur d’activité dans le contexte actuel est plutôt mal accueillie par les tenants du développement durable qui s'opposent à ce que le gouvernement favorise l'exploitation des hydrocarbures au détriment d'énergie renouvelable. Les opposants exhortent d'ailleurs le gouvernement à étendre la portée du moratoire au gaz et au pétrole de schiste dans l’ensemble du territoire québécois et non seulement dans la vallée du St-Laurent. Des manifestations d’opposition contre la politique du gouvernement dans ce dossier se sont déroulées dernièrement et il y a fort à prévoir que la tenue prochaine d’élection générale devrait galvaniser la position des opposants et mettre ce dossier à l'avant-plan de la campagne électorale.
Les critiques adressées à l'industrie sur sa gouvernance et ses manquements en matière de pratiques responsables donnent d’ailleurs d'importantes munitions aux opposants et affectent grandement le niveau de confiance des populations dans la capacité de l'industrie à agir de façon responsable. C'est en grande partie en quoi la présence de l’état constituerait un apport bénéfique à ce type d’activité en imposant des règles et des critèresd’exploitation des ressources naturelles plus sécuritaires et responsablesen considérant notamment les aspects environnementaux. La participation du gouvernement en tant qu’investisseur et détenteur de parts importantes des droits d’exploitation favorise l’observation de règles de gouvernance adaptées à une industrie particulièrement critiquée par la population et les groupes de pression généralement opposés à leur activité.
Selon certains analystes, l’investissement demeure hautement spéculatif et comporte des risques économiques et environnementaux beaucoup trop importants pour justifier l'investissement annoncé de 115 millions.
Le potentiel de ces gisements évalué à près de 45 milliards sur 30 ans demeure donc très hypothétique et la décision de mettre l’accent dès aujourd’hui sur ce potentiel vise essentiellement à faciliter l’accessibilité sociale et rendre la population du Québec favorable à l’exploitation pétrolière en raison des fortes retombées économiques. Les critiques avancent également, pour preuve que le potentiel estimé est actuellement surévalué, que les grands acteurs de l'industrie demeurent généralement absents de l’exploration sur le territoire. Il est possible que les risques financiers demeurent encore trop importants aux yeux des entreprises exploitantes. Toutefois, la participation du gouvernement pourrait ultimement susciter suffisamment d’attrait pour l’industrie en assurant le partage des risques associés aux travaux d’exploration. Ces travaux nécessitent des investissements importants sans en garantir les bénéfices et la présence d’un gouvernement partenaire est de nature à favoriser des l’implication financière additionnel de l’entreprise privée.
Des enjeux importants pour le développement économique
Les retombées économiques, mêmes incertaines, sont trop importantes pour que le gouvernement néglige sa participation. Les enjeux économiques et les besoins de développement militent en faveur de l’exploitation de nos ressources naturelles et notamment des ressources pétrolières afin de favoriser l'autonomie énergétique de la province. L'implication directe de l’état dans le développement de ces ressources constitue un vecteur important de création de la richesse et la perspective de renflouer les coffres de l’état est une occasion à saisir pour les autorités en place.
Évidemment, les investissements dans le secteur des hydrocarbures ne changent en rien à la volonté de favoriser les mesures de développement durable et de miser sur les gains importants effectués depuis plusieurs années par la société québécoise quant à l’utilisation responsable de ses ressources. Malgré toute notre volonté à vouloir éviter le recours aux produits pétroliers, il demeure que la société doit actuellement se résoudre à utiliser des hydrocarbures encore pour plusieurs années. En considérant ce qui précède, il apparait justifier de favoriser le développement des ressources locales disponibles et de réduire la nécessité de recourir à l’exportation de produits pétroliers en provenance de l’étranger ou des sables bitumineux canadiens.
Yves Boivin