Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Le pétrole de schiste : un investissement responsable?

    Le gouvernement a récemment annoncé sa participation financière dans l’exploration pétrolière sur l’Ile d’Anticosti en investissant 115 millions de dollars. Le gouvernement lance ainsi un message clair sur sa volonté de développer les ressources naturelles dans ce secteur et de bénéficier des retombées économiques potentielles.

    L'implication directe de l'état dans l'exploitation des ressources pétrolières est de nature à rassurer l'industrie impliquée dans les activités naissantes de l'exploitation d'hydrocarbures sur le territoire québécois.

    Cette décision revêt toutefois un caractère particulier voire incohérent si l’on considère la controverse actuelle sur l’exploitation des gaz de schiste et la décision du présent gouvernement, suite au dépôt du projet de loi 37, d’interdire certaines activités notamment la fracturation hydraulique pour une durée maximale de 5 ans alors que ce procédé est également nécessaire pour l’extraction du pétrole de schiste présent dans le sous-sol d’Anticosti.

    Le moratoire sur l'exploitation des gaz de schiste permettra au gouvernement de considérer les recommandations issues des consultations publiques menées par lebureau des audiences publiques en environnement (BAPE) et de déterminerultérieurement l’encadrement qu’il souhaite imposer à toute l’industrie des gaz de schiste.

     

    L’opposition se mobilise

    L’annonce de l'investissement du gouvernement dans ce secteur d’activité dans le contexte actuel est plutôt mal accueillie par les tenants du développement durable qui s'opposent à ce que le gouvernement favorise l'exploitation des hydrocarbures au détriment d'énergie renouvelable. Les opposants exhortent d'ailleurs le gouvernement à étendre la portée du moratoire au gaz et au pétrole de schiste dans l’ensemble du territoire québécois et non seulement dans la vallée du St-Laurent. Des manifestations d’opposition contre la politique du gouvernement dans ce dossier se sont déroulées dernièrement et il y a fort à prévoir que la tenue prochaine d’élection générale devrait galvaniser la position des opposants et mettre ce dossier à l'avant-plan de la campagne électorale.

    Les critiques adressées à l'industrie sur sa gouvernance et ses manquements en matière de pratiques responsables donnent d’ailleurs d'importantes munitions aux opposants et affectent grandement le niveau de confiance des populations dans la capacité de l'industrie à agir de façon responsable. C'est en grande partie en quoi la présence de l’état constituerait un apport bénéfique à ce type d’activité en imposant des règles et des critèresd’exploitation des ressources naturelles plus sécuritaires et responsablesen considérant notamment les aspects environnementaux. La participation du gouvernement en tant qu’investisseur et détenteur de parts importantes des droits d’exploitation favorise l’observation de règles de gouvernance adaptées à une industrie particulièrement critiquée par la population et les groupes de pression généralement opposés à leur activité.

    Selon certains analystes, l’investissement demeure hautement spéculatif et comporte des risques économiques et environnementaux beaucoup trop importants pour justifier l'investissement annoncé de 115 millions.

    Le potentiel de ces gisements évalué à près de 45 milliards sur 30 ans demeure donc très hypothétique et la décision de mettre l’accent dès aujourd’hui sur ce potentiel vise essentiellement à faciliter l’accessibilité sociale et rendre la population du Québec favorable à l’exploitation pétrolière en raison des fortes retombées économiques. Les critiques avancent également, pour preuve que le potentiel estimé est actuellement surévalué, que les grands acteurs de l'industrie demeurent généralement absents de l’exploration sur le territoire. Il est possible que les risques financiers demeurent encore trop importants aux yeux des entreprises exploitantes. Toutefois, la participation du gouvernement pourrait ultimement susciter suffisamment d’attrait pour l’industrie en assurant le partage des risques associés aux travaux d’exploration. Ces travaux nécessitent des investissements importants sans en garantir les bénéfices et la présence d’un gouvernement partenaire est de nature à favoriser des l’implication financière additionnel de l’entreprise privée.

     

    Des enjeux importants pour le développement économique 

    Les retombées économiques, mêmes incertaines, sont trop importantes pour que le gouvernement néglige sa participation. Les enjeux économiques et les besoins de développement militent en faveur de l’exploitation de nos ressources naturelles et notamment des ressources pétrolières afin de favoriser l'autonomie énergétique de la province. L'implication directe de l’état dans le développement de ces ressources constitue un vecteur important de création de la richesse et la perspective de renflouer les coffres de l’état est une occasion à saisir pour les autorités en place.

    Évidemment, les investissements dans le secteur des hydrocarbures ne changent en rien à la volonté de favoriser les mesures de développement durable et de miser sur les gains importants effectués depuis plusieurs années par la société québécoise quant à l’utilisation responsable de ses ressources. Malgré toute notre volonté à vouloir éviter le recours aux produits pétroliers, il demeure que la société doit actuellement se résoudre à utiliser des hydrocarbures encore pour plusieurs années. En considérant ce qui précède, il apparait justifier de favoriser le développement des ressources locales disponibles et de réduire la nécessité de recourir à l’exportation de produits pétroliers en provenance de l’étranger ou des sables bitumineux canadiens.

     

    Yves Boivin

  • La restructuration des régimes de retraite … un pas vers un courage politique ?

    Selon le rapport d’Amour, (2013), la majeure partie des travailleurs québécois n’ont pas de régime complémentaire de retraite, ou bénéficient de régimes offrant une faible sécurité financière à la retraite. Près de 1,9 million de travailleurs (47 % de tous les travailleurs) ne participent à aucun régime collectif, peu importe sa forme (prestations déterminées, cotisation déterminée, régime enregistré d’épargne-retraite collectif, etc.).. Les régimes offrant la meilleure sécurité financière, soit les régimes à prestations déterminées, ne profitent qu’à 35 % des travailleurs, pour près des deux tiers employés dans le secteur public. Au-delà des revenus les plus bas, soit pour les travailleurs ayant un salaire moyen ou un salaire supérieur à la moyenne, la couverture offerte par les régimes publics doit être complétée par les régimes complémentaires ou par l’épargne personnelle – ou par les deux – afin d’atteindre les objectifs recherchés en matière de sécurité financière. Or, tous les travailleurs n’ont pas, à cet égard, une couverture adéquate. Selon un rapport publié par la Régie des rentes du Québec en 2010, 33 % de l’ensemble des ménages québécois n’épargnent pas suffisamment pour atteindre un taux de remplacement de 60 % à la retraite, s’ils prennent leur retraite à 65 ans. Comment peut on épargner quand notre taux d’imposition  est le plus élevé, car comme société nous avons décidé que l’état est présente dans plusieurs  sphères de nos vies qu’on pense  à la  santé,environnement, éducation,garderie,logements sociaux,  et même dans notre chambre à coucher ( depuis 2009, financement des cliniques de fertilité,) pour en nommer que quelque uns,  toutes ces décisions ont des impacts directs sur notre capacité d’épargne. En moyenne, les contribuables québécois sont assujettis aux ponctions fiscales les plus importantes du pays, selon un rapport publié le 18 mai par l’Institut C.D. Howe.  le taux effectif marginal d’imposition (TEMI) des Québécois se situe, en 2011, à 36,6 % pour l’ensemble des familles, soit 4 points de pourcentage de plus que celui de la moyenne nationale (32,7 %). De fait, quelle que soit leur tranche de revenus, les Québécois affichent des taux d’imposition  supérieurs à ceux de la moyenne nationale. Selon les estimations de la Régie des rentes du Québec, entre 30 % et 40 % des travailleurs québécois verront leur niveau de remplacement du revenu de travail s’établir en deçà de 60 % lorsque l’heure de la retraite aura sonné. Les pressions démographiques ajoutent également  à cette nécessité d’épargner davantage pour la retraite.

    Ø      L’espérance de vie s’accroît régulièrement. Entre 1971 et 2011, l’espérance de vie à 65 ans au Québec a augmenté d’un peu plus de cinq ans chez les femmes et de près de six ans chez les hommes.

    Ø      Simultanément, la durée de vie au travail se réduit, l’entrée dans la vie active ayant lieu plus tard et les travailleurs prenant leur retraite plus tôt. Depuis 1970, la durée de vie au travail des hommes a ainsi diminué de huit ans. Les travailleurs travaillent moins longtemps, pour financer une retraite plus longue : au Québec, entre 1970 et 2009, la part de la période de vie au travail dans la vie totale est passée d’environ 60 % à 45 %.

    Ø       L’incertitude entourant l’évolution future de l’espérance de vie contribue ainsi à accroître le besoin d’épargner pour la retraite. Il s’agit de couvrir ici ce que l’on appelle le « risque de longévité », c’est-à-dire le risque de vivre plus longtemps que la période couverte par l’épargne-retraite – le risque de survivre à son épargne.

     

    Ø      En 1971, il y avait au Québec 7,8 travailleurs potentiels pour chaque personne de 65 ans et plus, en 2030, il n’y en aura plus que 2,1

     

    Ø      Le vieillissement de la population au Québec s’accélère, alors qu’il aura fallu au moins 60 ans à des pays comme la Suède ou les Etats-Unispour faire passer de 12 % à 24 % la proportion de leur population de 65 ans et plus, le Québec prendra deux fois moins de temps(31,5 ans) pour y parvenir.C’est un phénomène qui s’observe dans tous les pays industrialisés. Les gouvernements de ces pays ont, pour la plupart, déjà mis en oeuvre des stratégies d’adaptation au vieillissement de leur population. Le Québec accuse un certain retard à cet égard et il doit s’engager dès maintenant dans cette voie.

     

    La situation des régimes du secteur municipal

     

    La situation est particulièrement inquiétante pour les régimes sous la juridiction de la Régie des rentes du Québec dont l’employeur est public – soit essentiellement les régimes des municipalités et des universités. Entre le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2011, le degré de solvabilité des régimes dont l’employeur est privé est passé de 90 % à 75 %.Durant la même période, celui des régimes dont l’employeur est public (essentiellement les régimes du secteur municipal et des universités) est passé de 93 % à 67 %.Au 31 décembre 2011, le déficit total de capitalisation des municipalités était d’un peu plus de 4 milliards de dollars (près de 9 milliards de dollars pour le déficit de solvabilité). Dans les universités, le déficit total de capitalisation était à pareille date d’un peu plus de 1 milliard de dollars (un peu plus de 4 milliards de dollars pour le déficit de solvabilité).On parle d’un déficit de solvabilité si l’employeur avait a payé immédiatement à tous ces travailleurs les sommes dues  pour leur retraite.

     

    Un autre exemple d’un déficit relié au régime de retraite et qui pourrait avoir de l’impact sur le petit épargnant : Les administrateurs de caisses populaires craignent que la haute direction du Mouvement Desjardins aille puiser dans les réserves habituellement vouées aux ristournes des sociétaires (les clients de la Coop) pour renflouer en partie le déficit actuariel du régime de retraite des employés

    On ne peut rester silencieux face à tous ces régimes de retraite qui sont financés à même ces fonds publics; certes les travailleurs de ces  secteurs y contribuent mais les payeurs de taxes qui majoritairement peine à épargner pour envisager leur propre  retraite convenable, voient une partie de leur contribution servir à payer une retraite dorée à une autre personne. Il est plus que temps de réviser ces plans.C’est dans cet optique que la ministre  de l'Emploi et de la Solidarité sociale Agnès Maltais a déposé son projet de loi 79 qui consiste à  la restructuration des régimes de retraite du secteur municipal. Cette loi permettra de recadrer la notion de droit acquis sous forme de négociation. Comme il avait été annoncé lors du dépôt du «plan d'action», le projet de loi prévoit six mois de négociations et six mois de conciliation en cas d'échec. Si aucune entente n'est conclue, la Commission des relations du travail (CRT) sera chargée de trancher. Or, le conciliateur prendra bonne note du comportement des deux parties. Le projet de loi no 79 prévoit que la Commission pourra demander au ministre des Affaires municipales de nommer un expert en finances municipales pour évaluer la capacité de payer des contribuables. On prévoit même si c’est le choix des parties de mettre fin à l’indexation des rentes des retraités actuels ou la rente du conjoint survivant. Il est tout à fait normal selon moi, que malgré qu’ils ne soient plus des travailleurs actifs que ces travailleurs soient impliqués dans les solutions étant quand même bénéficiaires des fonds publics.

    J’entrevois ici un premier pas vers une gestion courageuse, à mon avis on  ne pourra  poursuivre dans cette voie sans entreprendre des virages qui certes seront longs mais qui seront nécessaires à rétablir un équilibre entre les générations. Le mot courage vient du latin cor, qui signifie cœur. Une personne courageuse est donc quelqu’un qui possède de l’esprit, de la vitalité de la vigueur, de l’énergie de la passion. A la lecture de ces caractéristiques je ne peux que constater que plusieurs de nos politiciens(ennes) les possèdent mais là où le mot courage semble prendre ses distances avec ceux-ci est lorsque le courage est  perçu également comme la volonté de faire ce qui doit être fait en ce qui a  trait aux risques et aux difficultés et ce malgré la possibilité d’un résultat désagréable  (Van Eynde,1998).Un leader courageux se positionne non seulement comme quelqu’un de différent, mais également comme une cible potentielle d’hostilité et de représailles. Vous comprendrez vite que dans un monde démocratique comme le notre, lorsqu’un  des objectifs d’un politicien est sa réélection, il devient très difficile d’assumer le poids de certaines décisions On reconnaît le courage d’un leader non pas dans la décision comme telle mais dans l’actualisation de celle-ci .Winston Churchill avait lui une définition assez éloquente du mot courage : ‘’Le courage est la principale qualité de l’humain car elle garantit toutes les autres.’’ On ne peut qu’espérer que notre société sera un jour prête à reconnaître et à encourager le courage de nos politiciens et ce même si parfois des décisions mettront carrément en péril des acquis.

    Il grand temps de requestionner plusieurs acquis  étant donnée la situation financière du Québec, et sa dette à 264 milliards de dollars,(j’invite les blogueurs  à cliquer sur ce lien qui nous fait prendre conscience de la dette du Québec,ce compteur devrait avoir une place de choix à l’Assemblée Nationale!!!!) on ne pourra pas  se contenter d’améliorer un tout petit peu l’efficience de l’État et espérer que ce soit suffisant. Les jeunes à l'extérieur du marché du travail auront leur mot à dire, parce que ce sont les jeunes qui vont porter le poids des déficits dans l'avenir. Le courage politique devrait être  le moteur qui guidera nos politiciens dans les prochaines décennies.

    S.T.

     

    Référence :

     

    D’Amour et al., 2013. Innover pour pérenniser le système de retraite. Un contrat social pour renforcer la sécurité financière de tous les travailleurs québécois. Rapport du comité d'experts sur l'avenir du système de retraite québécois

     

     Demers & al. Le vieillissement de la main d’œuvre et l,avenir de la retraite;des enjeux pour tous,un effort de chacun,Rapport synthèse de la Commission nationale sur la participation au marché du travail des travailleuses et travailleurs expérimentés de 55 et plus.2011. http://www.mess.gouv.qc.ca/publications/pdf/GD_rapport_synthese_commission_nationale.pdf

     

     

    Mailhot,Brunelle & Kisfalvi.Habiletés de direction.HEC  Montréal,2011.

     McKenzie,R. Le fardeau fiscal des Québécois demeure le plus élevé au pays..2011.http://www.conseiller.ca/nouvelles/le-fardeau-fiscal-des-quebecois-demeure-le-plus-eleve-au-pays-28840

     Van Eynde,D.F.(1998).A case for courage in organization.Management Review,vol..87,no. 2, p.62.

     http://www.iedm.org/fr/57-compteur-de-la-dette-quebecois

     

  • Le futur pont Champlain... à quel prix?

    Mise en contexte

    Malgré son relatif jeune âge, le pont Champlain se fait vieux.  Puisque la réfection ne fait plus partie des options, un nouveau pont sera construit… mais à quel prix?

    D’ores et déjà, nous savons que la construction du nouveau pont Champlain sera un projet en partenariat public-privé, communément appelé PPP.  Par ailleurs, le gouvernement fédéral souhaite qu’un système de péage y soit installé.  « Pas de péage, pas de pont » dit son représentant.  Ce que le gouvernement provincial et l’administration municipale refusent catégoriquement.

    L’objectif de ce texte n’est pas de faire le procès d’un PPP, ni de se demander si le pont pourra être considéré comme un bien public considérant l’éventuel péage.  Il identifiera plutôt quelques impacts du principe d’utilisateur-payeur, et les conditions qui pourraient en favoriser l’instauration, le cas échéant.

    Le pont Champlain : juridiction fédérale ou provinciale

    Une spécificité de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 fait en sorte que les ponts Champlain, Jacques-Cartier, et la moitié du pont Mercier sont de compétence fédérale, tout comme la voie maritime du St-Laurent par-dessus laquelle ils passent.  La société « Les ponts Jacques Cartier et Champlain incorporée » a d’ailleurs été constituée pour assurer la gestion, l’entretien et le contrôle de ces ponts.

    Le principe d’utilisateur-payeur et ses impacts

    Selon le grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, le principe de l’utilisateur-payeur est défini comme un principe selon lequel l’utilisateur doit assumer les coûts internes et externes reliés aux ressources, aux infrastructures et aux services qu’il utilise.  Bien qu’utilisé dans des contextes variés, il est souvent question du principe de l’utilisateur-payeur lorsqu’on veut financer la construction ou l’entretien d’infrastructures (par exemple en instaurant un tarif pour passer sur un pont ou sur une autoroute).

    Dans la situation qui nous intéresse, nous sommes toutefois en droit de nous demander : si le péage est instauré sur le pont Champlain, qu’en sera-t-il de Jacques Cartier?  Et qu’adviendra-t-il des autres ponts qui ceinturent l’Ile de Montréal?  Doit-on « traiter » les utilisateurs de ponts fédéraux différemment de ceux des ponts provinciaux?  On voit poindre dans ce cas une inégalité, une iniquité dans le traitement de ces usagers.  Imaginons le scénario : certains citoyens de la rive sud, pour circuler de leur domicile à Montréal, devront payer.  Mais pour se rendre à Montréal, ceux de la couronne nord n’auront rien à défrayer.

    Évidemment, il y a aussi une question de coût pour l’utilisateur.  Certes, il faut rentabiliser la construction, mais il y a une limite à faire payer l’automobiliste qui franchira le nouveau pont.

    Et si les citoyens boudaient le nouveau pont?  Certaines villes et arrondissements, d’un côté comme de l’autre de la voie maritime, en subiraient assurément des contrecoups économiques.  Par ailleurs, on pourrait aussi croire qu’il y aurait un achalandage accru sur les autres artères permettant d’accéder à l’Ile…

    Parlant d’achalandage, est-ce que l’ajout d’un péage pourrait créer un ralentissement de la circulation?  Voire même être une cause de congestion?  La nécessité pour l’usager de ralentir à l’approche du péage a des impacts négligeables si le flot de véhicules est limité, mais rappelons simplement qu'actuellement, avec près de 60 millions de véhicules annuellement, le pont Champlain est le plus achalandé au pays.

    Finalement, on pourrait aussi se questionner sur l’effet de l’instauration d’un péage sur le transport en commun, le transport de marchandises, les taxis, etc.  Qui en paiera la note?  L’utilisateur?  Le citoyen?

    Et si une partie de la solution se trouvait dans l’histoire…

    Au début des années 1940, des citoyens habitant sur les rives nord et sud du Saint-Laurent au centre du Québec, demandaient aux gouvernements du Canada et du Québec de construire un pont pour permettre le développement de la région.

    Dix ans plus tard, à la suite d’une longue série d’activités et une importante mobilisation citoyenne, la Corporation du pont de Trois-Rivières voyait le jour.  Cet organisme a pu être fondé grâce à une permission particulière accordée par le gouvernement fédéral.  Par cette entente, le gouvernement fédéral autorise la corporation à prendre en charge la construction du pont, qui débute en 1964.

    C’est finalement en décembre 1967 que le pont est inauguré et ouvert à la circulation.  De juridiction provinciale, le pont Laviolette constitue le seul lien routier entre les deux rives du fleuve Saint-Laurent, entre Québec et Montréal.

    Quel lien cette histoire peut bien avoir avec le pont Champlain?  Tel que vu précédemment, l’instauration d’un péage aura des impacts certains, et ce, à différents niveaux.  Relevant du gouvernement fédéral, il revient à ce palier de gouvernement de prendre les mesures pour remplacer le pont Champlain, mais est-ce que le travail concerté des différents partis pourrait être envisagé?  De nombreux acteurs sont déjà mobilisés, pourquoi ne pas les faire œuvrer ensemble, et efficacement?

    Sur la base de l’histoire du pont Laviolette, nous constatons que l’entente particulière est possible.  Ainsi, bien que nous soyons 50 ans plus tard, nous croyons que le gouvernement fédéral gagnerait à discuter avec les partis concernés, et élaborer cette entente particulière qui favoriserait la réalisation du projet tout en répondant aux besoins de tous.

    Renée Guillemette

     

  • Est-ce que les enfants ont le droit, eux aussi, de mourir dignement?

    Le droit des personnes en fin de vie est un sujet d’actualité présent au Québec depuis de nombreuses années,  mais également au niveau international. Certains pays, comme la Belgique, la Suisse et le Luxembourg se sont déjà positionnés sur le sujet, en légiférant sur le droit à l’euthanasie « active » alors que pour plusieurs autres l’euthanasie « passive », c’est-à-dire l’arrêt des traitements actifs, s’est avéré être une approche plus acceptable (Hongrie, Mexique, Finlande, etc). Le mot « euthanasie » lui-même est source de malaise et de connotation négative. Bien au-delà d’un problème linguistique, le droit de terminer sa vie dignement amène de nombreux questionnements au  niveau clinique, éthique, social et législatif.

     

    Pour le gouvernement du Québec, l’accès aux services et la protection des usagers, tant pour la défense de leurs droits que pour la qualité des services dispensés, apparaissent comme des préoccupations constantes tout au long des réformes mises de l’avant depuis les années 1960 (Lamontagne et Prémont, 2011). Dans cet esprit, le projet de Loi 52 a été présenté à l’Assemblée Nationale par madame Véronique Hivon, Ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, à l’automne 2013. Selon l’OIIQ (2013) le projet de Loi présenté reflète une tendance exprimée par une proportion de plus en plus grande de la population d’avoir accès à des soins de fin de vie qui permettent aux personnes de vivre en toute quiétude et dans le respect de sa dignité.  Le Collège des médecins renchérit, dans son mémoire sur la Loi concernant les soins de fin de vie (2013), en disant qu’il respecte la perspective initiale des médecins : aborder les soins de vie dans leur ensemble, reconnaitre au patient son droit légitime d’exprimer ses volontés quant aux soins qu’il souhaite obtenir en fin de vie et finalement, la nécessité de protéger les personnes les plus vulnérables.  Le chef de l’opposition, monsieur Philippe Couillard, lors d’une entrevue accordée à Radio-Canada, le 27 janvier 2014, accorde son appui en disant : « Dans des circonstances exceptionnelles, où on baisse les bras parce qu’on n’a plus rien à offrir à la personne devant nous, il faut donner une solution aux citoyens qui leur permette d’exprimer leur volonté ». Finalement, à la séance de l’Assemblée nationale du 29 octobre 2013, l’État de droit se positionne et exerce son pouvoir législatif : 84 députés accordent leur appui au projet de Loi 52, contre seulement 26 députés défavorables.

     

    Le projet de loi répond à un besoin exprimé, la majorité est d’accord sur ce point. La population étant de plus en plus vieillissante au Québec (la proportion des 65 ans et plus atteindra 24% dans un peu moins de 29 ans selon les prévisions) (Michaud et al, 2011), il est fort à parier que les services aux personnes en fin de vie ne feront que s’accentuer. Le projet de Loi 52 arrive donc à point.

     

    Dans le processus consultatif,  plusieurs ordres professionnels ont pu exprimer leurs points de vue face à certains points du projet de Loi, par le biais de recommandations. Bien que majoritairement en faveur, tous ont apporté une perspective, parfois commune, parfois différente,  du libellé de certains articles. Certaines recommandations ont été prises en compte et des modifications ont été apportées, dans le projet de Loi lui-même mais également à d’autres documents législatifs (Code civil du Québec, Code de procédure civile, Loi médicale et Loi sur la santé et les services sociaux).

     

    À la lecture des documents consultatifs et du projet de Loi lui-même, je me questionne sur un point important. À la section II, article 26, il est mentionné que seule une personne qui satisfait à certains critères peut obtenir l’aide médicale à mourir : être majeur, apte à consentir aux soins et être assuré au sens de la Loi sur l’assurance-maladie, être atteint d’une maladie grave et incurable, avoir une situation médicale caractérisée par un déclin avancé et irréversible et finalement, éprouver des souffrances physiques et psychiques constantes et insupportables. L’accès à l’aide médicale à mourir exclu donc la clientèle âgée de moins de 18 ans.

     

    Chaque année au Canada, environ 5 000 enfants âgés de 1 à 19 ans meurent d’une maladie mortelle (Association canadienne des soins palliatifs, 2006). L’impact de ces décès est inouï, autant pour les enfants aux prises avec parfois de grandes douleurs physiques et psychiques, mais également pour les familles qui les suivent dans leur parcours, jusqu’à la fin. Bien documentés, les soins palliatifs pour la clientèle adulte sont bien organisés au Québec, mais qu’en est-il pour la clientèle pédiatrique? En fait, selon l’Association canadienne des soins palliatifs (2006) 75% à 80% des décès chez les enfants au Canada se produisent dans des unités de soins intensifs hospitalières ; certainement pas un milieu optimal pour les enfants en fin de vie et leur famille.  En excluant la clientèle pédiatrique du projet de Loi 52, on oublie que les souffrances physique et psychologique n’ont pas d’âge et que les enfants, ou leurs parents, pourraient avoir leur mot à dire à ce sujet.

     

    L’exclusion de la clientèle mineure est selon moi contradictoire au Code civil du Québec. Dans un premier temps, parce que le consentement aux soins requis par l’état de santé du mineur est sous la responsabilité parentale ou du tuteur (article 14), une personne majeure, en situation d’autorité parentale, devrait avoir le pouvoir de prendre cette décision pour son enfant en fin de vie.  Également, toujours selon l’article 14 du Code civil : « le mineur de 14 ans et plus peut consentir seul à ses soins ».  L’exclusion de la clientèle de moins de 18 ans, telle qu’énoncé dans le projet de loi, me semble discutable pour le moment. Des ajustements dans les documents de loi me semblent importants à apporter afin de limiter ou de clarifier ces contradictions. D’un autre côté, au niveau international, seul la Belgique a adopté, en février 2014, une loi permettant l’euthanasie chez les mineurs, ceux-ci possédant tout-de-même un recul de douze ans face à celle des adultes. Le Québec ne possède pas ce recul, conséquemment, une approche plus conservatrice semble davantage convenir à la population québécoise car la mort demeure un sujet tabou, encore plus lorsqu’il s’agit de mortalité infantile.

     

    En conclusion, le projet de Loi 52 est un premier pas vers un respect de la dignité de la personne en fin de vie et la limitation des souffrances occasionnées par des conditions cliniques extrêmement graves.  Tout aussi grave, la condition des enfants en fin de vie demande la poursuite du questionnement en lien avec le droit d’accès à l’assistance médicale à mourir, car bien que « plus petits », ils ont également droit au respect et à la dignité lors de leurs derniers moments parmi nous.

     

     

    SL

     

     

    Références

     

    Assemblée nationale (2013). Projet de loi 52, Loi concernant les soins de vie. Éditeur officiel du gouvernement du Québec.

     

    Association canadienne de soins palliatifs et Réseau canadien de soins palliatifs pour les enfants (2006). Soins palliatifs pédiatriques, principes directeurs et normes de pratique.

     

    Collège des médecins (2013). Mémoire Projet de loi 52, Loi concernant les soins de vie. Présenté à la Commission de la santé et des services sociaux.

     

    Gouvernement du Québec, Code civil du Québec.

     

    Lamontagne, R. et Prémont, M-C (2011). Dans : Secrets d’États ? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains. Presse de l’Université Laval.

     

    Mercier, Jean (2002). L’administration publique : de l’École classique au nouveau management public, Sainte-Foy.

     

    Michaud, N. et all. (2011). Secrets d’États ? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains. Presse de l’Université Laval.

     

    Ordre des infirmiers et infirmières du Québec (2013).  Mémoire sur le Projet de loi 52, Loi concernant les soins de vie. Présenté à la Commission de la santé et des services sociaux.

     

  • La protection du patrimoine foncier agricole via une SADAQ ?

     

    Au cours de la dernière année, les producteurs agricoles, par l'intermédiaire de leur syndicat, l'Union des producteurs agricoles (UPA), faisaient entendre leur souhait de voir naître ce qu'ils ont nommé une Société d'aménagement et de développement agricole du Québec, une SADAQ. On prend exemple sur la France qui a elle-même mis sur pied en 1960 la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).

     

     Cet intérêt pour ce genre de société vient du fait que les terres agricoles font l'objet d'un intérêt pécuniaire, voir spéculatif, d'investisseurs locaux et internationaux n'ayant pas le statut de producteur agricole. Ces investisseurs qui prennent la forme de fonds d'investissement ou de sociétés privées seraient plus intéressés par le rendement des terres et de leur production qu'un mode plus durable de production où la pérennité et la qualité des sols prennent tout son sens.  Quand on sait que la valeur globale des terres québécoises équivalait en 2012 à 11 754$/ hectare, soit 2 960$ l'hectare de plus que l'année précédente et que ces dernières connaissent une hausse de valeur de 400% depuis les 20 dernières années, on comprend l'enjeu financier qui se dessine.

     

     En 2012, c'est à la demande de l'UPA que l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) a réalisé une étude intitulée "L’accaparement des terres et les dispositifs d’intervention sur le foncier agricole". Les conclusions de cette étude révèlent que les actifs agricoles sont une source importante de diversification du portefeuille d'investisseurs internationaux. Également que la société agricole québécoise aurait avantage à être proactive et se doter d'une structure organisationnelle agissant sur les capitaux fonciers que sont les terres agricoles.  À la suite des conclusions de cette étude, l'IREC, toujours pour le compte de l'UPA, réalisait une autre recherche sur la proposition de mise sur pied d'une Société d'aménagement et de développement agricole du Québec. La SADAQ aurait pour mandat de constituer une banque de terres qu'elle offrirait en vente par appel de candidatures. Une préoccupation particulière serait apportée à la relève agricole. Pour l'achat des parcelles de terre, elle pourrait se prévaloir d'un droit de préemption, soit celui d'avoir priorité d'achat sur les actifs agricoles lorsqu'ils se retrouvent sur le marché.

     

     

    Une autre étude a été réalisée en 2013 par le Centre universitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) pour le compte du Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) cette fois-ci. Les conclusions de cette recherche démontrent qu'il n'y aurait pas, ou peu, de phénomène important d'accaparement des terres par des non-agriculteurs. Contrairement à d'autres provinces, états ou pays, le taux de propriété par des agriculteurs au Québec est très élevé (84%). La menace ressentie par le milieu agricole serait-elle plus émotive que factuelle ? Les premiers indices d'investissement se font toutefois ressentir. C'est d'ailleurs une autre conclusion de l'étude de CIRANO. On constate en effet que les capitaux privés pour l'acquisition des terres agricoles commencent à s'organiser au Québec. Le mouvement est d'ailleurs mondial. Le Québec n'y échapperait pas.

     

     Le gouvernement du Québec, malgré l'aspect marginal du phénomène d'accaparement des terres, est intervenu en ce sens à l'automne 2013 en raffermissant sa Loi sur l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents. La loi a resserré les critères d'acquisition de terres agricoles québécoises en augmentant la durée du séjour au Québec précédant l'achat à 36 mois sur 48. Pour les non-résidents, l'achat d'un maximum de 1000 hectares par années sera permis. L'UPA approuve ce geste, mais considère qu'il reste encore beaucoup à faire.

     

     Face à cette demande de la société agricole, comment réagira le gouvernement? Les signaux du marché des capitaux sur les terres agricoles sont-ils assez forts pour intervenir ? Le lobby actuellement en cours présente-t-il un regard représentatif des intérêts sociétaux ? Faut-il laisser le marcher s'autoréguler comme le suggère le Conseil des entrepreneurs agricoles ou plutôt considérer la protection d'un patrimoine collectif que représentent les terres agricoles québécoises en encadrant notamment via une SADAQ ? Il y a là un certains nombre d'enjeux auxquels l'administration publique est confrontée. Intervenir pour le bien collectif ou non ?

     

     La mise sur pied d'une SADAQ pourrait répondre à un certain consensus social. Parce que malgré le fait qu'un seul acteur, en l'occurrence l'UPA, ait fait entendre sa voix concernant cette société, il n’en demeure pas moins qu'il est dans la culture québécoise de vouloir protéger son patrimoine culturel. Or, l'agriculture au Québec revêt de plus en plus un caractère de fierté et de qualité. Considérant ce contexte culturel, il est à parier que les Québécois seraient en accord avec la mise sur pied d'une telle société qui permettrait une répartition de la richesse en fonction de ses valeurs sociales telles que l'accès au patrimoine foncier pour la relève agricole, notamment.

     

     

    Une autre valeur sociale qui serait défendue par la SADAQ serait la création de richesse économique dans les régions du Québec. Parce que des terres détenues par des investisseurs non agriculteurs se résulte en une fuite de revenus dans la ruralité québécoise. La création de revenus au sein des exploitations agricoles propriétaires créer de la richesse dans l'économie locale des communautés rurales.

     

     

    Plusieurs questions demeurent. Comment se concrétiserait une telle intervention de l'état ? Des fonds publics devraient être injectés à titre d'investissement dans le patrimoine agricole. Cette "société parapublique" serait financée tant par des fonds publics que privés. L'intervention de l'État se concrétiserait-elle également par la création d'un nouvel organisme public autonome ? Ou en confiant ce mandat à une organisation déjà en place comme la Financière agricole du Québec ? Cette dernière qui présente un volet de développement régional dans sa mission aurait-elle la latitude légale et morale pour opérer un tel mandat ? Sa structure autonome avec son conseil d'administration saurait-elle convaincre les producteurs agricoles d'une bonne gestion du patrimoine foncier agricole ?

     

    Enfin, la demande de l'UPA sera-t-elle entendue par le gouvernement québécois ? Dans une société de droits comme la nôtre, toute demande n’est pas forcément légitime. Elle se doit répondre à un consensus social. Nous verrons probablement dans les prochains mois si une réponse électoraliste se fera entendre...

     

     

    Joséphine Bédard

     

     

    Références

     

     L’accaparement des terres et les dispositifs d’intervention sur le foncier agricole; IREC: http://www.irec.net/upload/File/achatdes_terresmars2012.pdf

     

     

     La Société d’aménagement et de développement agricole du Québec - Une mesure d’initiative pour renforcer la vocation et le contrôle du domaine agricole; IREC http://www.irec.net/upload/File/sadaqnovembre2012.pdf

     

     

    Acquisition des terres agricoles par des non-agriculteurs au Québec - Ampleur, causes et portée du phénomène; CIRANO http://www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2013RP-04.pdf