Le tirage au sort en politique
Le tirage au sort pourrait représenter une alternative intéressante aux élections à suffrage universel dans nos démocraties modernes. C’est la thèse fort intéressante que soutient l’auteur Hugo Bonin dans son ouvrage La démocratie hasardeuse paru cette année aux éditions XYZ éditeur. C’est aussi le sujet que j’ai choisi d’approfondir dans le cadre du cours Gestion participative et défense des droits que j’ai suivi à l’ENAP cet automne.
L’aspect le plus intéressant du tirage au sort en politique est sans contredit le fait qu’il représente une méthode égalitaire et neutre. En effet, quand on fait appel au tirage au sort, c’est qu’on accepte que chacun soit considéré l’égal de l’autre. Chaque personne jouit des mêmes chances d’accéder au pouvoir. L’auteur de La démocratie hasardeuse expose bien le pouvoir neutralisant du tirage au sort par rapport à l’élection traditionnelle dans le passage suivant:
Cependant, en poussant la réflexion, on peut aussi penser que certaines raisons pour lesquelles un électeur choisit un candidat ne devraient pas faire partie du processus électoral et corrompent la sélection. Par exemple, l’aspect physique d’une personne, ou encore son style vestimentaire, peut amener l’électeur à choisir ou à rejeter un candidat X, permettant ainsi à ce qui peut être considéré comme une raison non politique et donc non valable de déterminer l’issue du scrutin. À l’inverse, le sort neutralise le processus en évitant que les « mauvaises » raisons – et les bonnes – interviennent dans la sélection. Sur le plan institutionnel, le sort rend donc plus difficile, voire impossible la corruption du processus – tant que certaines règles de transparence sont suivies. [à la page 109]
Le tirage au sort en politique provient d’une pratique de gestion démocratique qui eut cours dans la Grèce et la Rome antiques. Il s’agit essentiellement de confier les charges publiques à des citoyens dont le nom est tiré au hasard. Certains mécanismes de formation et d’accompagnement doivent être mis en place afin de faciliter l’intégration des citoyens choisis dans leurs fonctions et d’assurer leur compétence et leur impartialité. Le tirage au sort a perduré à travers les époques et est encore utilisé dans certaines institutions, notamment pour la constitution des jurys en matière criminelle.
On pourrait aujourd’hui penser recourir au tirage au sort comme mode de détermination des titulaires de charges publiques dans plusieurs secteurs d’activités de nos sociétés. Dans le domaine municipal par exemple, une panoplie de services de première ligne pourrait bénéficier de l’apport de la sélection aléatoire comme mode d’identification des intervenants. Prenons le cas des sports et des loisirs. Il serait intéressant de mettre en place des groupes de citoyens, pigés au hasard, qui pourraient être consultés quand il s’agit de déterminer quelles installations de loisirs répondent le mieux aux besoins de la population. Pourquoi ne pas utiliser un jury citoyen avant d’élaborer les plans de construction d’une nouvelle piscine ou d’un nouvel aréna ? Je suis certain que ces groupes de citoyens seraient en mesure de proposer des idées auxquelles ni les élus ni les fonctionnaires n’auraient pensé.
En terminant, la lecture de l’ouvrage de Hugo Bonin La démocratie hasardeuse m’a permis de m’ouvrir les yeux sur une nouvelle forme de participation citoyenne en politique, soit l’utilisation du tirage au sort. Pour toutes les raisons énumérées dans le texte, je pense que le tirage au sort en politique offre de belles opportunités afin d’intéresser l’ensemble des citoyens au monde de la politique. Surtout, cette nouvelle forme de participation permettrait à la société de profiter de sa plus grande force, c’est-à-dire de la diversité des gens qui la composent.
Gabriel Gagnon-Trudeau