Résumé du chapitre 15, Social-Démocratie 2.0 : La lutte contre la pauvreté au Québec : vers une social-démocratie nordique? Par Hicham Raïq et Axel Van Den Berg
KARINE JOLY, JUIN 2015
Résumé du chapitre 15, Social-Démocratie 2.0 : La lutte contre la pauvreté au Québec : vers une social-démocratie nordique? Par Hicham Raïq et Axel Van Den Berg
Depuis plusieurs décennies, le Québec se distingue de ses provinces avoisinantes. Les différents gouvernements au pouvoir ont privilégié le développement des politiques sociales profitant entre autres les familles, au lieu des politiques plus « néolibérales ». La constitution canadienne fait en sorte que chaque province détient une grande partie des pouvoirs en ce qui a trait, entre autres, à l’éducation et la santé, l’assistance sociale, l’emploi et la pauvreté. Le Québec a donc pu faire des choix différents des autres provinces. Par exemple, le Québec, dans les années 1990, a introduit un réseau de service de garde nommé centre de la petite enfance à contribution réduite, ce qui a permis à des milliers de parents, majoritairement des femmes, à intégrer ou retourner plus rapidement sur le marché du travail. D’autres programmes, tels que le soutien aux organismes communautaires, le développement de projets d’habitation à prix modique (HLM, coopératives), programmes de soutien aux jeunes et la promotion de l’économie sociale sont aussi des mesures mises en place afin de lutter contre la pauvreté.. En 2002, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Cette loi, ainsi que les mesures indiquées plus haut, font en sorte que le Québec, lorsque comparé avec les autres provinces canadiennes et les États-Unis, est considéré comme ayant effectué un « virage social-démocrate », se rapprochant ainsi des pays scandinaves. Le Québec ne peut, par contre, se départir des influences du marché capitaliste. Les autres provinces, ainsi que les États-Unis avec qui le Québec transite par le biais du libre-échange, exercent une pression économique importante qui tend vers une réduction des programmes sociaux. Selon les auteurs, «la pression à la baisse sur la fiscalité conduirait à ce qu’on appelle une ‘’course vers l’abîme’’ (Brueckner, 2000; Volden, 2002; Berry et al., 2003) où toutes les provinces devraient s’ajuster au plus bas dénominateur de générosité sociale et à un plus fort retour aux principes du marché (Raiq et Van Den Berg, p.339-340).
Les auteurs proposent d’analyser comment les mesures dites sociales-démocrates du Québec contribuent à réduire la pauvreté à des niveaux se comparant à ceux des pays nordiques. Il est important de noter que le taux de pauvreté est la conséquence du marché du travail et les politiques de protection sociale en place. Puisque le risque de pauvreté chez les familles monoparentales est plus élevé que celles des familles à deux parents, et que les mesures mises en place n’affectent pas les familles monoparentales de la même façon que les familles biparentales, les deux sont séparées et traitées de manière distincte. Les auteurs distinguent aussi les taux de pauvreté liés seulement à l’influence du marché (donc avant taxes et transferts), et dans un deuxième temps les taux pour faire suite aux mesures et politiques gouvernementales compensatoires (après taxes et transferts). Cet exercice permet, entre autres, de bien cerner les effets de ces politiques par l’intervention de l’état, en tenant compte du marché séparément. Les auteurs comparent, dans un premier temps, le Québec avec l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique, des provinces dites libérales, et dans un deuxième temps, la comparaison se fait avec les pays dis sociaux-démocrates de l’Europe du Nord, tels que la Suède, le Danemark, la Norvège et la Finlande, pour les années 1990 à 2004. Il est important de souligner que durant ces années de comparaison, le Québec a introduit des politiques et programmes sociaux pour supporter la lutte contre la pauvreté (CPE, allocations familiales, etc.) et qu’au niveau international, ces années ont été des plus difficiles, car marquées par une récession économique en 1991 et 1992.
Les auteurs démontrent que pour les années de comparaison, soient 1991-1992, 1994-1995, 2000 ainsi que 2004-2005, le Québec se démarque favorablement par une amélioration considérable du taux de pauvreté basé sur les revenus du marché de 1994 à 2000, puis par la baisse importante de 7,2 % à 2,4 % du taux après taxes et transferts, malgré une certaine détérioration des conditions de marché avant taxes et transferts (Raiq et Van Den Berg, p. 346, tableau 15.1). De plus, en 2004-2005, le Québec a des taux de pauvreté comparables à ceux des pays nordiques. On peut donc conclure que les politiques luttant contre la pauvreté ont eu un effet bénéfique et que le taux de pauvreté des familles biparentales a diminué de façon significative et rapide au Québec.
Bien que les politiques et mesures sociales-démocrates mises en place ont apporté un appui considérable aux familles biparentales, il n’en demeure pas moins qu’il est important d’analyser les effets de ces mêmes politiques et mesures sur les familles monoparentales. Effectivement, la pauvreté chez les familles monoparentales est souvent plus élevée avec des effets sociaux négatifs considérables. Bien que les politiques luttant contre la pauvreté aient été développées pour faire suite à des analyses démontrant les effets négatifs de la pauvreté sur la société, celles-ci n’ont pas eu le même effet positif sur les familles monoparentales que sur les familles biparentales. De 1994 à 2000, les taxes et transferts ont contribué à la réduction de la pauvreté des familles monoparentales québécoises, mais, à plus long terme, le Québec n’est pas arrivé à se démarquer des autres provinces canadiennes. Il n’est pas arrivé, non plus, à se démarquer des pays nordiques qui affichent des taux de pauvreté des familles monoparentales assez bas. À partir de 2004, au Québec, l’écart entre le taux de pauvreté des familles monoparentales et des familles biparentales augmente, et ce, même après le virage social-démocrate. Ce constat défavorable demeure un enjeu majeur pour le Québec.
Les auteurs démontrent, chiffres à l’appui, que les politiques pour contrer la pauvreté mises en place depuis les années 1990 n’ont que partiellement atteints les résultats escomptés. Pour les familles biparentales, le taux de pauvreté a diminué, mais pour les familles monoparentales, les résultats sont décevants et demeurent préoccupants. Bien que le Québec se distingue des autres provinces canadiennes par la mise en place de programmes novateurs favorisant les familles pauvres, il n’est pas parvenu à rallier les rangs des pays nordiques et à obtenir la cote du vrai social-démocrate.
En conclusion, les auteurs proposent une étude approfondie qui pourrait expliquer pourquoi les politiques québécoises visant à contrer la pauvreté des familles produisent d’aussi grandes divergences entre les familles biparentales et monoparentales.