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ENP-7505 - Été 2015_Résumé du chapitre 14 du livre Social-démocratie 2.0. Le Québec comparé aux pays scandinaves

Les femmes et la représentation parlementaire

Les pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède) se démarquent par rapport à la forte participation des femmes à la politique nationale. Pour comprendre l’importance de cette réalité, voici quelques chiffres. Dès le début des années ’70, tous les parlements des pays nordiques (sauf celui de l’Islande) comptaient au moins 15 % de femmes. En comparaison, l’Assemblée nationale du Québec comptait moins de 1 % de députées féminines à la même période. En 1980, la première femme au monde élue présidente au suffrage universel direct par la population est Vigdis Finnbogadottir qui présida l’Islande de 1980 à 1996. En 1986, la première ministre de la Norvège constitue un cabinet de plus de 40 % de femmes. Au Québec, il fallut attendre 2012 pour qu’une femme accède au poste de première ministre. Cette même année, l’Assemblée nationale et le conseil des ministres comptaient tous deux un peu plus de 30 % de femmes.

Dans ce chapitre, l’auteur, Manon Tremblay se donne comme objectif d’évaluer la présence des femmes à l’Assemblée nationale du Québec à l’aune des pays nordiques. Elle pose l’hypothèse que les facteurs politiques expliquent en grande partie la participation soutenue des femmes à la vie politique dans les pays nordiques, alors que l’influence des facteurs culturels et socioéconomiques est minime.

 

Femmes et politique, quelques données

En comparant quelques données relatives à la participation des femmes à la politique nationale dans les pays nordiques et au Québec, l’auteur arrive à faire quelques observations.

D’abord, la Finlande se démarque sur l’ensemble des données retenues à des fins de comparaison. En 1906, c’est le troisième pays au monde où les femmes ont obtenus les droits intrinsèques à la citoyenneté politique (après la Nouvelle-Zélande et l’Australie). La même année, les citoyens de la Finlande ont fait élire 10 % de femmes lors des premières élections permettant les candidatures féminines. La proportion des femmes sur le marché du travail à l’époque explique en partie ce phénomène, de même qu’une forte mobilisation politique nourrie par le désir d’indépendance de la Russie impériale. Dans un contexte sociétal plutôt trouble, l’élargissement des droits de vote et d’éligibilité aux élections s’est fait pour fortifier l’unité nationale finlandaise. Au Québec, le projet d’affirmation nationale a plutôt desservi le suffrage féminin puisque le discours nationaliste traditionnaliste faisait l’apologie de la famille, de la foi et de la vocation rurale des Canadiens-français. Ce n’est qu’en 1940 que les femmes ont obtenu les droits de voter et de poser leur candidature, suite à quoi 21 ans se sont écoulés avant que ne soit élue la première femme à l’Assemblée nationale.

Malgré la lente croissance du pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale, la situation des femmes québécoise est plus compétitive au niveau de l’exécutif. La proportion de femmes ministres a augmenté à peu près au même rythme au Québec que dans les pays nordiques.

 

La proportion des femmes dans les parlements

En observant la progression de l’accession des femmes des pays nordiques aux pouvoirs politiques, l’auteur cerne les facteurs favorisant l’élection des femmes au parlement et les regroupe en trois catégories.

Facteurs culturels

Un des éléments les plus déterminants serait l’égalitarisme des pays nordiques. Or, la société Québécoise reconnaît et protège elle aussi l’égalité entre les hommes et les femmes. Historiquement, on observe que le protestantisme (dominant dans les pays nordiques) a favorisé l’accession des femmes aux pouvoirs politiques, contrairement au catholicisme (dominant au Québec). La religion étant maintenant détaché du politique, les facteurs culturels seraient peu déterminants pour expliquer l’écart entre la représentation législative féminine au Québec et dans les pays nordiques.

Facteurs socioéconomiques

Il semble y avoir un lien entre le niveau de participation au marché du travail et la députation, mais bien qu’on observe une différence historique entre les pays nordiques et le Québec, il n’y a plus d’écart notable entre le taux de femmes en emploi au Québec et dans les pays nordiques. Certains auteurs avancent que l’expansion des États-providences au milieu du 20e siècle a favorisé la participation des femmes en politique qui à son tour a favorisé le développement des États-providences. Ici encore, on ne note pas d’élément différenciant le Québec et les pays nordiques de manière déterminante.

Facteurs politiques

A prima bord, on observe une tendance selon laquelle plus l’obtention du droit de vote et de l’accès à la représentation parlementaire pour les femmes se sont faits tôt dans l’histoire, plus le pourcentage de femmes parlementaires est élevé. Mais certains traits institutionnels relevés au sein des pays nordiques auraient un effet plus déterminant sur la proportion de femmes parlementaires.

i. Mode de scrutin

Des études démontrent que le mode de scrutin proportionnel (qui implique peu de circonscriptions à un seul siège) contribue à l’accession des femmes au parlement. Ce monde de scrutin et présent dans les cinq pays nordiques, contrairement au Québec qui utilise un mode majoritaire et uninominal où chaque formation politique n’est autorisée à présenter qu’un seul candidat par circonscription. Les scrutins par liste, également très répandus au sein des pays nordiques, poussent les partis politiques à constituer des listes diversifiées (femmes et minorités visibles).

ii. Systèmes de partis

Les recherches révèlent que plus il y a de partis politiques, plus le taux de féminisation au parlement est élevé. Cela s’explique principalement par « l’effet de contagion ». Les petites formations politiques (généralement plus à gauche) sélectionnent davantage de candidates ce qui exerce une pression sur les grandes formations qui à leur tour présentent un plus grand nombre de femmes aux élections. Au Québec, cet effet n’est pas présent puisque la province est traditionnellement bipartite, c’est-à-dire qu’il n’y a généralement eu que deux partis ayant de réelles chances de former un gouvernement majoritaire. Pour l’illustrer, aux trois dernières élections provinciales, Québec Solidaire a présenté plus de 60 candidates alors que le Parti Libéral du Québec (PLQ) en présentait moins de 50 et le Parti Québécois (PQ) 41 ou moins.

iii. Partis politiques

Jusque dans les années ’70, les partis de gauche ont toujours manifesté plus d’enthousiasme envers la participation politique des femmes. Avec la monté du féminisme, les femmes ont investis tous les partis politiques. Au Québec, on observe sensiblement le même nombre de candidates au PLQ et au PQ entre 1976 et 2012, mais le taux de succès des candidates par rapport à celui des candidats est plus égalitaire du côté du PLQ. Le PQ présenterait moins de femmes dans les circonscriptions les plus prometteuses.

iv. Mobilisation du mouvement féministe sur le terrain électoral

Dans les années ’70, les pays nordiques ont vu les luttes féministes se déployer dans les partis et les institutions politiques. Plusieurs pays nordiques ont vu naître des organisations autonomes de femmes au sein des partis dont les objectifs principaux étaient d’augmenter la représentation des femmes et de développer et adopter des politiques favorables aux femmes. À cette période, plusieurs partis politiques ont adoptés, sur une base volontaire, des quotas pour la formation de leurs listes électorales. Au Québec, il n’y a pas eu de mobilisation soutenue de la part des groupes féministes. Il y a eu, au sein du PLQ et du PQ des organisations de femmes, mais leur autonomie était limitée et les gains obtenus sont mitigés.

 

Conclusion

Sur les plans culturels et socioéconomiques, le Québec et les pays nordiques se ressemblent à maints égards. Les facteurs politiques dont le multipartisme, le clivage entre la droite et la gauche et l’effet de contagion, sont certainement les plus convaincants pour expliquer l’écart existant entre les pays nordiques et le Québec quant au taux de représentativité des femmes en politique. Le facteur institutionnel qui freine le plus la croissance du pourcentage de femmes en politique au Québec est le mode de scrutin majoritaire uninominal. Ce mode de scrutin force les partis à utiliser une logique guerrière dans la sélection des candidats, au détriment des femmes.

Toutefois, selon l’auteur, la croissance du nombre de femmes à l’Assemblée nationale passe davantage par une réforme profonde des partis politiques que par une réforme du mode de scrutin. Dans le contexte actuel, les formations politiques pourraient se doter de cibles de représentation (femmes et minorités) au moment de la sélection des candidats aux élections. Le gouvernement pourrait aussi légiférer pour offrir aux partis politiques des incitatifs à l’augmentation du nombre de candidates.

Finalement, aucune réforme ne se mettra en place sans pression sociale. Les partis politiques ne bougeront probablement pas avant de craindre qu’un fort mouvement féministe ne constitue une réelle menace électorale, comme cela s’est vu en Islande et en Suède.

 

PAQUIN, Stéphane et Pier-Luc LÉVESQUE (2014).  Social-démocratie 2.0 : le Québec comparé aux pays scandinaves, Presses de l’Université de Montréal, pages 309 à 336, ISBN (papier) 978-2-7606-3398-8, ISBN (PDF) 978-2-7606-3399-5, ISBN (EPUB) 978-2-7606-3400-8.

 

Rédigé par Véronique Mongeau, juin 2015

Commentaires

  • Bien encore

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