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ENP7505 ÉTÉ 2015 Social-démocratie 2.0 - Résumé du chapitre 16 : banalisation de l’extrême droite dans les pays nordiques

  Rédigé par Natasha Caron

 

Ce chapitre d’Olivier Truc qui se penche sur la vie politique des dernières années dans les pays scandinaves révèle que la social-démocratie a été ébranlée par la montée des mouvements et des partis d’extrême droite. La réalité sociale des pays nordiques, bien qu’elle ne soit par uniforme, est tout de même plus favorable que chez nombreux de leurs voisins européens, mais elle n’échappe pas à l’escalade de l'extrême droite en politique. À l’exception de la Suède, les sociaux-démocrates ont perdu du terrain et vivent avec une banalisation de la droite populiste. Cette dernière continue de prôner l’arrêt de l’immigration, à dénoncer le multiculturalisme, à condamner l’emprise de l’Islam et à rejeter les partis politiques traditionnels par contre, fait nouveau, elle ne conteste plus la démocratie et défend la liberté qu’elle dit menacée par l’Islamisation.

En 2013 pour la première fois en Europe du Nord, un mouvement de droite populiste anti-immigration entre dans la coalition gouvernementale avec 16% des voix en Norvège. Le Parti du progrès (FrP), après quarante ans d’efforts, a su polir son image au point de devenir un parti respectable et d’être considéré comme un partenaire par les conservateurs. Hagen, fondateur controversé du parti disait déjà à l’époque : «Tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont des musulmans». En 2009 avec Siv Jensen, le FrP avait obtenu 22,9% des suffrages, devant le Parti conservateur, pour devenir le premier parti de l’opposition, mais il perdit des plumes (11% aux élections de 2011) après une série de scandales sexuels impliquant des dirigeants et un double attentat du terroriste Anders Behring Breivik causant 77 morts à Oslo et sur l’île d’Utøya. Breivik avait été membre du FrP pendant dix ans. Anti-impôts, anti-social-démocrate et anti-bureaucratie, ce parti est né en 1973 à l’ère du Front National français. Le FrP était le seul parti prêt à puiser à même le fonds souverain (les redevances du pétrole) pour tout et rien. Les autres votaient pour un usage plutôt modéré du fonds  pour ne pas déstabiliser l’économie. Le FrP continue à mettre l’accent sur les problèmes soulevés par l’immigration, reparle d’«l’islamisation rampante» et réussi à faire accepter ses idées par la société norvégienne. Son discours appuie presque les actes extrêmes tout en se distanciant, avec l’appui des médias, des actes terroristes de Breivik, cet ex-politicien ayant perdu foi en la démocratie. En termes d’économie, le FrP s’avère plus pro-européen et plus ouvert à la mondialisation que les autres partis populistes nordiques et continue à dire que l’État providence est menacé par l’immigration, amis comme le Parti travailliste norvégien tient lui-même des positions dures sur les demandeurs d’asile, les idées du FrP passent plus aisément.

Le Danemark, a connu une situation similaire. Le parti Dansk Folkeparti (le Parti du peuple) obtient 17,6% en septembre 2013. Plus nationaliste et extrémiste que le FrP norvégien, le parti danois gagne en popularité dernièrement ayant longtemps soutenu le gouvernement libéral-conservateur. Il se vante maintenant d’avoir permis d’instaurer la politique d’immigration la plus sévère d’Europe. Le DF, né d’un clivage avec le Parti du progrès, faisait son entrée au Parlement en 1998 avec 13,8% des voix après trois ans de vie politique. Anti-impôts, Glistrup un juriste fiscaliste marginalisé, avait lancé en 1973 son propre Parti du progrès provoquant un choc au Danemark. En 1983, il était condamné à deux ans de prison pour délit fiscal. Il voulait donner plus d’argent aux personnes âgées et aux hôpitaux et vendre le Groenland et les îles Féroé au meilleur payeur. Pia Kjaersgaard prit la relève du DF à une période où l’immigration double au Danemark. Le Parti du peuple rehausse son profil et parvient avec le temps à imposer son programme et à interdire par exemple, le mariage avec un étranger avant l’âge de 24 ans. Le DF a compris qu’il n’était plus nécessaire d’être agressif pour que ses visées au regard de l’immigration soient généralement acceptées par les Danois et même les partis politiques de gauche. Le DF qui est issu de la tradition travailliste n’est pas contre l’État-providence mais soutient que l’immigration le menace. C’Est pourquoi les sociaux-démocrates ont tant de mal avec eux.

Dans les années 1990, la pression sociale profite aux gangs de motards qui l’utilisent comme outil de recrutement. Les Hells Angels tentent à partir de 2008 de capitaliser sur les mouvements sociaux et promettent de défendre les Danois. Ils souhaitent faire la guerre aux criminels immigrés «d’origine arabe» qui selon eux détestent tout ce qui est danois, un discours emprunté au DF, qui depuis dix ans resserre sa politique d’immigration. Les partis politiques, y compris DF, réagissent fortement à cette tentative de politiser le crime. Les sociaux-démocrates et socialistes de gauche remportent les élections de 2011 de peu grâce au soutien de petits partis critiques de l’adaptation de la société danoise aux idées de DF. Les sociaux-démocrates toujours au pouvoir, font eux-mêmes voter les premières lois anti-immigration espérant devancer l’extrême droite pour se rendre compte qu’ils perdent les élections et leur âme du même coup. Pia Kjaersgaard banalise les opinions xénophobes en comparant les musulmans à des tumeurs cancéreuses et avance que le peuple danois n’accepte pas que le pays devienne multiethnique et que l’État-providence soit en péril pour cette raison. Alors que la coalition gouvernementale libérale-conservatrice est au pouvoir (2001-2011), DF vote des budgets notablement plus dur au regard de l’immigration et soutient les gens âgées qui constituent la grande majorité de l’électorat. Depuis 2012, le jeune Kristian Thulesen Dahl, nouveau président de DF ne vise pas faire partie de la coalition en cas de retour de la droite en 2015 pour ne pas être tenu de faire de compromis.

En 2009, les Vrais Finlandais (PS) percent de façon imprévue et sont invités à faire partie de la coalition mais eux aussi optent pour garder leur liberté et tenter de maîtriser la frange la plus xénophobe. Ils étaient encore à 18% en 2013. Créé en 1995 des vestiges du Parti paysan finlandais, un mouvement protestataire agrarien, il critiquait les grandes entreprises et se méfiait de l’urbanisation et de l’industrialisation. Le PS remporte les élections législatives de 2011, un parti anti-établissement, anti-immigrés et eurosceptique en passant de 4 à 19% en deux ans même si ce n’est qu’un vote de protestation. Les Vrais Finlandais critiquent ainsi la tradition de coalition qui minimise les différences entre les partis. Le parti a gagné du terrain en critiquant l’aide aux pays de l’UE, le scandale du financement des partis politiques et la question de l’ouverture aux étrangers même si le pays en compte peu.

En Norvège, au Danemark et en Finlande, les partis de l’extrême droite sont protestataires et anti-établissement, mais la Suède, longtemps dirigé par la gauche, est le seul pays nordique où le parti extrémiste qui est au Parlement garde la ligne dure et puise dans le néonazisme. Né en 1988, le Parti des démocrates de Suède (DS), a mis vingt ans pour accéder au Parlement, le temps de renouveler ses cadres et de polir son image. Dans les années 1980, le mouvement BSS qui était «Pour une Suède suédoise» prônait l’arrêt de l’immigration. Dans les années 1990, le parti Ny Demokrati émerge brutalement et implose à cause de discordes internes et fait de l’ombre à SD. Les fondateurs du parti démocrates de Suède, anti-immigrés et ultranationalistes, provenaient de groupuscules néonazis qui pouvaient être violents. Ce n’est qu’en 1994 que Mikael Jansson, leader du parti décide de renoncer au nazisme et tente de redresser l’image de celui-ci. Le SD se débarrasse de ses éléments turbulents. Ny Democrati, un parti populiste néolibéral, est en guerre contre la Suède sociale-démocrate, contre la bureaucratie, l’établissement et l’immigration. SD est un parti extrême nationaliste qui veut que la Suède se relève grâce à son homogénéité culturelle, à l’inverse de Ny Demokrati. SD change de discours avec le temps pour parler d’une Suède ouverte mais ce n’est qu’en parole. En 1994, 40% des candidats de SD aux élections s’identifiaient encore au nazisme suédois mais en 2005, avec l’élection de Jimmie Akesson, ancien étudiant en sciences politiques, les membres racistes sont  rapidement exclus du parti.

L’extrême droite prospère en Europe, alors qu’elle stagne encore en Suède. Les partis traditionnels comme le Parti libéral réclament eux-mêmes des tests linguistiques pour les immigrés en 2002 et Göran Persson, le premier ministre social-démocrate parle de «tourisme social» en 2003 en parlant des futurs travailleurs migrants des pays de l’Est. Les sociaux-démocrates, longtemps au pouvoir en Suède n’ont pas conduit «une politique d’immigration spécialement libérale», mais une politique qui avait le mérite, selon certains de tenir l’extrême droite à l’écart du Parlement. Dans les années 2000, les partis politiques suédois parlaient peu d’immigration, sujet tabou, même si la politique d’intégration était perçue comme un échec dans presque tout le royaume. 17% des habitants sont d’origine étrangère et le taux de chômage chez les immigrés est de trois à quatre fois supérieur à celui des Suédois. SD a bénéficié d’une grande publicité dans l’affaire des caricatures de Mahomet, publiées en septembre 2005 au Danemark. SD organise aussi un concours de caricatures. Lorsqu’on a su que la ministre social-démocrate des affaires étrangères avait donné l’ordre de fermer le site Internet de SD, elle dut démissionner. En 2006, SD obtient 2,93% des votes, son meilleur compte à date, mais pour entrer au Parlement, il en faut plus de 4%. En obtenant 5,7% des voix en 2010, il parvient à envoyer pour la première fois 20 députés au Parlement, SD a complété sa mutation.

Les partis d’extrême droite flirte avec l’idéologie counterjihad et la théorie d’Eurabia, lancée par Bat Ye’or, une chercheuse anglo-égyptienne d’origine juive, qui veut qu’une conspiration existe depuis les années 1970 entre l’élite européenne et les pays musulmans qui produisent du pétrole, qu’en échange de pétrole on ouvrirait les portes à l’immigration musulmane et se soumettrait à l’Islam. Selon cette théorie, Michel Jobert, ministre des Affaires étrangères de Georges Pompidou, avait parlé d’instaurer le dialogue euro-arabe après la première crise pétrolière de 1973. Un deuxième préjugé veut qu’il n’existe pas de musulmans modérés que ceux qui sont en désaccord sont naïfs, imbéciles ou des traîtres non-musulmans soumis à l’islam. Plusieurs croient que l’arme ultime des musulmans pour envahir l’Europe est d’avoir de nombreux enfants, bien que les études prouvent qu’après quelques années d’établissement en Europe, ils en ont moins.

En bref, on constate que les partis d’extrême droite des pays nordiques ont changé de visage et d’approche depuis les années 1970. Ayant apprit les règles du jeu et se les ayant appropriées, elle s’est ainsi renouvelée et a réussi à se tailler une place au gouvernement. En plus de faire accepter ses idées par une plus grande portion de la société, à savoir que l’immigration est une menace qui risque de leur faire perdre leur identité culturelle, elle a durement ébranlé la social-démocratie. Comme il existe une solide tradition de coalition, les partis traditionnels ont été pris au jeu et se sont vus faire des compromis qui auraient été impensables dans le passé.

 

 PAQUIN, Stéphane et LÉVESQUE,Pier-Luc (2014). Social-démocratie 2.0 : le Québec comparé aux

pays scandinaves, Presses de l’Université de Montréal, 370 pISBN (EPUB) 978-2-7606-3400-8.

 

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