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La démocratie participative : une désillusion?

Il y a plusieurs moyens de participer à la démocratie, le plus populaire étant le rendez-vous électoral. Depuis les dernières années, les citoyens peuvent jouer un rôle plus actif entre les élections par la « participation publique ». Initiée par les décideurs publics, cette démocratie participative constitue un contrepoids à la démocratie représentative. Dans le cadre du cours Gestion participative et défense des droits, j’ai pris l’initiative de participer à une séance du Conseil de la Ville de Laval puisque j’étais déjà allée au conseil municipal de la ville de Montréal.

Je dois reconnaître le privilège que nous avons en tant que citoyen de pouvoir participer aux conseils de la ville et de pouvoir interroger nos représentants sur leurs décisions ou leurs politiques. La ville décrit même ces rencontres citoyennes comme un lieu privilégié de démocratie municipale, d’accessibilité, de surveillance et d’information. À mon avis, cette ouverture ne signifie pas pour autant que les citoyens aient plus de pouvoir. D’ailleurs, après mon expérience, je me suis interrogée sur l’influence réelle que peut avoir le citoyen dans le cadre d’instance participative.

À mon arrivée à l’Hôtel de ville, l’agent à l’accueil m’a demandé de remettre ma question par écrit. Une fois assise dans la salle, j’ai été surprise de constater que la salle était remplie à craquer. Il y avait même une trentaine de personnes debout. Ce qui témoigne sans doute de la volonté grandissante des québécois à vouloir occuper un plus grand rôle dans la vie collective. La session a débuté par une séance informative où tous les conseillers communiquaient, tour à tour, leurs nouvelles. La période de questions a suivie. Lorsque mon nom a été appelé, je me suis présentée au micro. La présidente du conseil m’a rappelé que je devais être brève et que je ne disposais que de 3 minutes pour faire une mise en contexte, poser ma question et recevoir une réponse. À deux minutes, la présidente m’a interrompue pour me presser de conclure. Une fois ma question posée, le maire m’a donné une réponse très courte et assez générique. Je n’ai pas eu le droit de répliquer ou de demander plus d’explications. À mon grand étonnement, la présidente a même refusé le droit de parole à mon conseiller municipal qui souhaitait étayer mes propos. Et aussitôt la présidente est passée à la question suivante en appelant la prochaine personne au micro.

Selon mes observations, les interventions étaient encadrées de manière trop expéditive. La majorité des réponses données par le maire étaient très brèves et souvent insatisfaisantes. Les prises de paroles des citoyens étaient toujours limitées et restreintes. Lorsqu’un citoyen insistait pour préciser son point, poser une autre question ou pour obtenir plus d’informations, la présidente le remettait aussitôt à l’ordre et faisait même parfois appel aux gardiens de sécurité. Pourtant, comme le déclarait la journaliste Paule Des Rivières dans Le Devoir (8 novembre 2015), il faut des lieux où l’on s’accorde du temps si l’on veut arriver à des valeurs communes sur lesquelles on construit notre société.

Tout comme le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éthique publique et théorie politique, je crois que sans confrontation des idées, la démocratie n’existe pas. Ce qui implique également, à mon avis, qu’un citoyen puisse s’exprimer librement et être entendu de manière qu’ils puissent toucher les décisions affectant sa communauté.

La participation citoyenne est un progrès en démocratie, mais son essor est tributaire de la volonté des décideurs publics d’écouter les citoyens qui souhaitent s’exprimer et de partager une partie du pouvoir. Lors de la séance du Conseil, aucun citoyen n’a pu débattre son point de vue. En observant les réactions, j’ai eu l’impression qu’aucun citoyen n’était satisfait de cette tribune participative. C’est pourquoi à l’issue de la période de questions, j’ai décidé d’interroger une dizaine de citoyens présents. Les commentaires recueillis ont été plutôt négatifs. Certains ont ressenti de la frustration de ne pas avoir pu s’exprimer adéquatement et ou demander des explications aux réponses données. D’autres ont eu le sentiment de ne pas avoir été écoutés et pris en compte par l’administration. La majorité a, tout comme moi, eu l’impression qu’ils n’ont aucune influence réelle sur les décisions.

Bien que l’utilité de la participation citoyenne n’est plus à démontrer, je crois toutefois qu’il faut s’assurer d’en faire des exercices de communication qui permettent aux citoyens d’avoir une influence réelle sur les décisions comme cela devrait être le cas. Sans quoi, comme le déclarait Laurence Berher, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal, il y a un risque de créer une « démocratie événementielle c'est-à-dire des rassemblements instructifs pour les citoyens, mais qui n’ont aucun effet sur les décideurs ». Je suis d’accord lorsqu’elle ajoute avec justesse que « la participation citoyenne vise au-delà des contestations à rapprocher les points de vue ».

Selon ma compréhension, le citoyen ne possède qu’un véritable pouvoir que lorsqu’il participe au processus décisionnel. Comme l’a affirmé Isabelle Gaudet, chargée de projet et développement du Centre écologie urbaine de Montréal, cette participation implique que le citoyen contribue à la définition du problème et de la solution, à la décision et à la mise en œuvre de la solution retenue.

Les citoyens s’attendent que les conseils de ville leur donne une voix qui peut avoir de l’influence et un impact réel sur les décideurs. Comme nous l’avons constaté lors d’un atelier dans le cadre du Séminaire de communication et gestion des médias, les citoyens sont de plus en plus informés, les moyens de communication sont plus nombreux et surtout accessibles à l’ensemble des citoyens. Les citoyens veulent intégrer l’espace public et avoir la perception qu’ils sont pris en compte par les décideurs publics. Je crois donc qu’il faut se questionner sur le partage du pouvoir lors des instances participatives afin que ces nouvelles formules de démocratie puissent être constructives. Il faudra sans doute changer la mentalité de gouvernance pour contrer les imperfections actuelles. Ce qui prendra certainement du temps. En attendant, pour bon nombre de citoyens, la démocratie participative reste un idéal qui laisse place à une désillusion!

Mélanie Helou
Gestion Participative et défense des droits
ENP-8007 – AUT-2015

Commentaires

  • Prenons le comme un effort renouvelé à faire pour atteindre cette participation citoyenne !

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