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La conférence de Paris et la souveraineté

La Conférence internationale sur le climat, qui a officiellement débuté le 30 novembre à Paris, représente une occasion historique de déterminer et mettre en place des politiques concrètes et universelles de lutte contre les changements climatiques. Face à ceux-ci, on ne peut que constater l'interdépendance des différents acteurs planétaires, ce qui fait de l'environnement le domaine qui nécessite la plus grande souveraineté partagée. En effet, la responsabilité commune face à l'environnement exige que l'on exclue la logique de compétition entre États que l'on retrouve dans plusieurs autres domaines.

L'environnement se présente comme le bien public mondial par excellence, dont la protection ne peut que passer par la mise en place de véritables politiques publiques qui dépassent le cadre national. On doit donc dépasser les logiques interétatiques classiques de l'État et établir une norme stable, collective et négociée, qu'implique toute gouvernance supranationale (Laidi, 2004). L'établissement d'une telle norme peut toutefois sembler menaçant pour de nombreux acteurs politiques, puisqu'elle aurait pour effet l'affaiblissement de la souveraineté des États. Cette conséquence représente d'ailleurs un débat important entourant la COP21, et semble être l'un des principaux obstacles rencontrés dans la rédaction d'un accord environnemental supranational.

Depuis un certain temps déjà, des voix s'élèvent pour demander à ce que l'accord qui sera conclu dans le cadre la COP21 soit juridiquement contraignant. Ainsi, les différents États qui y prennent part se verraient forcés de répondre à toutes les obligations qui seraient déterminées par l'accord. Les pays du Commonwealth se sont prononcés en faveur d'un tel accord, de même que de nombreux autres États participants à la rencontre (Shields, 2015; Agence France-Presse, 2015a). Le président français est même allé jusqu'à avancer que l'accord ne pourrait être conclu que s'il y avait des dispositions contraignantes. Ainsi, la crise climatique encourage ces pays à partager leur souveraineté.

Cette vision n'est toutefois pas partagée par tous les acteurs étatiques. De nombreux États considèrent qu'il faut par-dessus tout protéger leur souveraineté. Cette vision a toujours été incarnée par les États-Unis, qui jugent inviolable l'exclusivité de ses pouvoirs à l'intérieur de ses frontières et son indépendance sur la scène internationale. Ainsi, alors que de nombreux pays insistaient sur l'importance d'avoir un accord contraignant, le secrétaire d'État américain avançait qu'ils seraient impossible pour eux de ratifier un accord comprenant des objectifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre juridiquement contraignant (Shields, 2015).

Une aversion pour la rédaction de normes contraignantes représente évidemment un obstacle important à l'issue d'une solution équitable, équilibrée et durable. Sans l'application de ces normes collectives contraignantes, on peut se questionner de façon tout à fait justifiée sur la réelle portée qu'aurait l'accord sur le climat. Mais l'idée d'une gouvernance supranationale est difficile à légitimer et à intérioriser (Laidi, 2004). Les pays de l'Union européenne, qui vivent depuis des années dans un système de gouvernance supranational, semblent encore avoir encore du mal à s'y faire lorsqu'on touche certains sujets sensibles...

Et le Canada, où si situe-t-il sur ce débat? Comme les autres pays du Commonwealth, il se prononce pour un accord contraignant. Toutefois, comme le souligne la ministre de l'Environnement, il ne pourra pas l'être dans toutes les dispositions. Conscient du défi que représente l'idée de contrainte juridique, on propose que les pays aient l'obligation de présenter des objectifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre ainsi que de créer des mécanismes de suivi transparents (Agence France-Presse, 2015b). Il serait toutefois exclu que les États soient contraints juridiquement de respecter ces objectifs. Ainsi, la souveraineté des États serait en grande partie préservée. Ces propos sont d'ailleurs soutenus par un spécialiste des négociations climatiques, cité par le Devoir, qui soutient qu'il est peu probable qu'un accord sur le climat contient «des clauses de pénalités en cas de non-respect» (2015).

D'autre part, si le nouveau premier ministre canadien s'est présenté faute de temps à la COP21 avec les cibles de réduction de gaz à effet de serre déterminées par le précédent gouvernement conservateur, on peut déjà anticiper une rupture avec le désintéressement des questions internationale des dernières années. En effet, depuis son élection, Justin Trudeau clame haut et fort que le Canada est enfin de retour sur la scène internationale. Sa participation enthousiaste à la conférence sur le climat de Paris représente déjà une amélioration par rapport à ce qu'on a connu sous le gouvernement conservateur. Je rappellerai en ce sens qu'en 2014, le premier ministre Harper avait brillé par son absence au sommet des Nations unies sur le climat, qui avait pourtant réuni 125 chefs d'État. La COP21 représente pour le gouvernement canadien une occasion en or de rebâtir sa crédibilité internationale et de jouer un rôle déterminant dans l'établissement de l'ordre mondial.

Par Joliane Boulay


Références

Agence France-Presse (2015a, 28 novembre). Climat : le Commonwealth veut un accord «ambitieux» et contraignant. La Presse.ca. Repéré à http://www.lapresse.ca/environnement/dossiers/changements-climatiques/201511/28/01-4925810-climat-le-commonwealth-veut-un-accord-ambitieux-et-contraignant.php
Agence France-Presse (2015b, 29 novembre). Climat : Ottawa veut un accord partiellement «contraignant». La Presse.ca. Repéré à http://www.lapresse.ca/environnement/dossiers/changements-climatiques/201511/29/01-4925970-climat-ottawa-veut-un-accord-partiellement-contraignant.php
Laidi, Z. (2004). La grande perturbation. Paris : Flammarion
Shields, A. (2015, 2 décembre). Quelles «contraintes» pour un accord? Le Devoir.ca. Repéré à http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/456802/climat-quelles-contraintes-pour-un-accord

Commentaires

  • Une réflexion qui s'impose dans l;e cadre de cet COP21 et...ses suites à l'ONU.

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