Pourquoi tolérer l'intolérable ?
photo : www.aadnc-aandc.gc.ca
Le 9 octobre dernier, j’ai assisté au séminaire sur les droits aborigènes animé par M. Rémy Trudel. Nous recevions M. Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, et Mme Michèle Audette, présidente de l’Association des Femmes Autochtones du Canada.La rencontre s’est déroulée dans une atmosphère un peu particulière puisqu’elle survenait le même jour que la marche organisée par les Premières Nations afin de plaider leur cause et d’être entendues par les gouvernements canadiens avant la tenue des élections. Atmosphère particulière aussi parce que nous vivions, à ce moment, la plus longue campagne électorale que le Canada avait vécu à ce jour, mais aussi parce que Mme Audette, femme Autochtone, se présentait aux élections sous la bannière libérale. Une atmosphère particulière enfin dans la mesure où, depuis quelques semaines, différentes situations liées aux Autochtones faisaient l’actualité (assassinats et disparitions de femmes autochtones, pensionnats autochtones et génocide culturel, etc.). Un contexte hautement imprégné de considérations politiques et de revendications liées à la reconnaissance des droits.
Je me suis toujours intéressée à la question des droits et revendications des Premières Nations. Tout d’abord parce que mon grand-père métis était issu d’une mère autochtone, mais aussi parce que j’ai travaillé quelques années en Centre Jeunesse à Trois-Rivières avec des jeunes issus de la communauté Atikamekw. J’ai toujours voulu avoir une opinion claire de ce que je pensais des questions relatives aux Autochtones, je n’ai cependant jamais été en mesure de le faire. Je fais parfois face à de l’incompréhension face aux moyens mis en place par certaines communautés autochtones pour faire des représentations. Je ne comprends pas toujours très bien certaines revendications qui sont faites non plus. J’ai cependant conscience des problématiques identitaires vécues par certaines communautés autochtones, notamment chez les jeunes. Je suis souvent outrée face aux phénomènes sociaux rencontrés par la plupart des Premières Nations, surtout en prenant conscience que nous avons pertinemment contribué à générer certaines d’entre elles en voulant favoriser leur assimilation.
Avons-nous tant de culture pour vouloir assimiler les gens sans se soucier des effets que cela pourraient avoir sur leur santé, leur bien-être et leur identité ? Sommes-nous à ce point aveugle face à la souffrance des autres ?
Pourtant, si un peuple devrait être sensible et empathique face aux représentations émises par les Autochtones, surtout en lien avec l’aspect identitaire, ce sont bien les Québécois ! Ne menons-nous pas un combat similaire ? Comme le mentionnent Denis Bouchard, Éric Cardinal et Ghislain Picard, dans le livre De Kébec à Québec : cinq siècles d’échanges entre nous, «en y regardant de plus près, on se rend bien compte que l’évolution des droits des Premières Nations est intimement liée au mouvement souverainiste au Québec. Quand on met côte à côte la chronologie des droits des Premières Nations et celle du débat constitutionnel, la superposition symétrique est marquante» (p. 177-178). Nous qui avons, dans le passé, fait face au rejet du Canada anglais et à la force coloniale du système fédéral, ne devrions pas espérer que les Autochtones, avec qui nous sommes pourtant voisins, subissent le même sort.
Moi qui a voyagé dans plusieurs pays et habité dans certains d’entre eux, je me suis souvent offusquée de voir la richesse côtoyée tant de misère humaine sans que cela ne semble causer problème. Je n’ai pourtant pas à aller bien loin pour constater que nous semblons faire la même chose ici, chez nous. Sinon, comment peut-on tolérer que les logements où résident les Autochtones soient dans de piètres conditions et insalubres, que certaines communautés n’aient pas accès à de l’eau potable, qu’il soit tolérable pour nous que ces personnes soient peu scolarisées et bénéficiaires de l’aide sociale ? Pourquoi tolérons-nous qu’elles présentent un haut taux de maladies chroniques, que plusieurs d’entre elles aient des problèmes de toxicomanie, qu’il y ait plus de jeunes que d’anciens dans les cimetières, le taux de suicide étant un réel fléau ? Pourquoi acceptons-nous l’intolérable ?
Comme femme, je suis aussi préoccupée d’entendre que nous ne sommes pas en mesure de mieux comprendre les assassinats et mystérieuses disparations de femmes autochtones au fil des années. Ne devrions-nous pas, comme femmes, être plus sensibles et empathiques face à leur situation nous qui avons également mené un combat pour faire faire valoir nos droits et chercher à obtenir l’égalité des sexes ?
Je constate qu’au lieu de se diviser dans la différence, nous devrions plutôt faire front commun, être plus à l’écoute des revendications faites par l’autre et chercher à s’entraider plutôt qu’à se déchirer et à se détruire. Nous ne devrions pas tolérer les injustices sociales qui se passent sous nos yeux, car ne rien dire ne signifie-t-il pas qu’on consenti tacitement ? Les moyens utilisés par les Premières Nations ne sont pas toujours les meilleurs pour bien faire passer le message, mais nous n’avons pas nous-mêmes utilisés les moyens les plus pertinents à ce jour pour faire avancer nos causes, ne pensons seulement qu’à certains moyens de pression mis de l’avant en contexte de grève.
Je crois pertinent d’encourager les rapprochements avec nos voisins des Premières Nations et c’est ce que le séminaire sur les droits aborigènes, par les allocutions de M. Picard et Mme Audette, ainsi que la lecture du livre De Kébec à Québec : cinq siècles d’échanges entre nous m’ont permis de comprendre et ont suscité comme envie chez moi.
Geneviève L’abbé-Sasseville, étudiante au Séminaire d’intégration
Maîtrise en gestion de la santé et des services sociaux
Commentaires
Beau texte de réflexion sur les nations aborigènes Gen.