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LES FEMMES ET LA REPRÉSENTATION PARLEMENTAIRE

LES FEMMES ET LA REPRÉSENTATION PARLEMENTAIRE

Le présent travail se veut essentiellement un résumé du chapitre 14 de l’ouvrage Social-démocratie 2.0 – Le Québec comparé aux pays scandinaves. Ce dernier est rédigé par Mme Manon Tremblay et s’intitule Les femmes et la représentation parlementaire.

La démarche de l’auteur

Le point de départ de l’analyse de Mme Tremblay est le suivant : les pays nordiques et le Québec partagent plusieurs caractéristiques socio-économiques et culturelles qui en font, de manière générale, des États progressistes, égalitaristes et donc a priori favorables à la participation des femmes aux instances décisionnelles. Il existe pourtant des disparités importantes dans la représentation législative féminine, le Québec affichant des performances moins intéressantes en la matière que ses homologues nordiques. Comment alors expliquer ces écarts ?

Pour Mme Tremblay ce seraient des facteurs politiques – mode de scrutin, système de partis, pratiques des partis politiques et mobilisation féministe – qui expliqueraient le mieux cet écart, ce qu’elle propose de démontrer tout au long du chapitre. C’est pourquoi, dans un premier temps, elle compare la situation des femmes parlementaires dans les pays nordiques à celle des femmes au Québec, puis applique son modèle explicatif à ces cas pour mettre en lumière les facteurs à l’origine du retard du Québec en la matière.

Une brève comparaison du Québec et des pays nordiques

Ainsi, Mme Tremblay passe en revue un ensemble d’indicateurs qui permettent de rendre compte des retards du Québec, mais également des points où il fait bonne figure en matière de représentation féminine en politique. Le tableau suivant résume quelques-uns d’entre eux :

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Sur la question du suffrage, on remarque un retard du Québec autant sur l’année d’obtention du droit de vote que du droit des femmes de poser leur candidature. Mme Tremblay avance que cela serait attribuable à l’hostilité de l’establishment catholique québécois à l’égard du suffrage féminin, alors que le protestantisme domine dans pays nordiques. Elle identifie également certaines particularités historiques pour expliquer cette disparité. Notamment, un enjeu d’unité nationale face à des menaces extérieures aurait contribué, dans les pays nordiques, à accélérer l’obtention de ces droits pour les femmes. Par opposition, dans le contexte québécois, le suffrage féminin était plutôt perçu comme une menace à la survivance de la race canadienne-française, ce qui aurait ralenti l’obtention de ces droits pour les Québécoises.

Sur la question de la proportion de femmes parlementaires, le Québec est aussi en retard. La première députée est élue 20 après l’obtention du droit de vote des Québécoises, alors que dans la majorité des pays nordiques, cela survient à l’intérieur des trois premières années suivant l’obtention de ce droit. L’absence de candidate aux élections, situation alimentée par un discours qui ne cesse de faire l’apologie de la famille, de la foi et de la vocation rurale des Canadiens français, est identifiée par l’auteur comme une explication au phénomène.

Quant au taux de féminisation des assemblées législatives, le Québec n’a pas encore atteint le 40% de députées, alors que ce seuil a été atteint dans quatre des cinq pays nordiques. Par ailleurs, le Québec a également mis plus de temps à atteindre les seuils de 10%, 20%, 30% que ses homologues européens.

En revanche, lorsqu’il est question de représentation des femmes au sein de l’exécutif et des cabinets ministériels, on ne fait pas si mal au Québec. Notre première Première ministre n’arrive qu’un an après celle du Danemark. Il devance même l’Islande au chapitre de l’année où une femme est nommée pour la première fois ministre. Pour la proportion de ministres femmes, le Québec fait également bonne figure en atteignant une quasi-parité aux élections de 2005 et 2009.

Ainsi, si de manière de générale la représentation des Québécoises se traduit par des indicateurs nettement moins avantageux que ceux décrochés par les femmes des pays nordiques, sur le terrain de l’exécutif, leur performance est déjà plus près de celle de leurs vis-à-vis. Il est important de noter que le premier résultat tient à la volonté du peuple, alors que le second à celle du prince. Pour cette raison, l’auteur se penche sur les facteurs à l’extérieur à la volonté du prince pour expliquer la sous-représentation des femmes en politique.

En somme, quels sont donc les facteurs systémiques à l’origine de cette disparité ? Quels facteurs structurels expliquent la sous-représentation des Québécoises à l’Assemblée nationale en dépit des caractéristiques que partage le Québec avec ses homologues nordiques ? Pour Mme Tremblay, la conjugaison d’un ensemble de facteurs regroupés en trois catégories - les facteurs culturels, socioéconomiques et politiques - serait à l’origine de cette situation. Par ailleurs, les facteurs politiques auraient le plus grand potentiel explicatif sur le retard du Québec à l’heure actuelle en matière de représentation féminine.

Les facteurs à l’origine du retard du Québec

Mme Tremblay s’intéresse dans un premier temps aux facteurs culturels, notamment la culture égalitaire des pays nordiques, pour expliquer une plus grande participation des femmes des pays nordiques en politique. Le Québec baigne lui aussi dans une telle culture et sa population et ses élites appuient le principe d’égalité hommes-femmes. Pourtant, la proportion de parlementaires québécoises laisse croire que des facteurs autres empêchent la concrétisation de ce principe.

La religion, comme facteur explicatif de la représentation des femmes dans des fonctions électives, fait l’objet d’études contradictoires. Certaines démontrent que la religion chrétienne ne pose pas obstacle à l’accès des femmes à la représentation législative alors que d’autres identifient ce facteur comme négatif pour les femmes. Pour Mme Tremblay, si l‘on peut pointer d’emblée que l’establishment catholique a constitué un farouche adversaire à l’obtention du droit de vote des Québécoises à une certaine époque, il est peu probable que, dans le Québec séculier d’aujourd’hui, il assume une fonction limitative sur la vie politique des femmes. En somme, les facteurs culturels (culture égalitaire et religion) sont peu convaincants pour expliquer l’écart de représentation électorale féminine entre le Québec et les pays nordiques.

Concernant les facteurs socioéconomiques, l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail coïncide avec une augmentation du nombre de femmes élues dans tous les pays. La mise en place de l’État-providence n’est possiblement pas étrangère non plus à l’accroissement de la participation des femmes à la politique, notamment via les généreuses politiques mises en place par le gouvernement du Québec en matière de garde, mais cela n’a pas encore été démontré. Cela dit, pour Mme Tremblay, ces facteurs rendent peu compte de l’écart entre les deux continents, puisque le Québec et les pays nordiques vogues dans des eaux similaires quant à la richesse de leur société respective et à la qualité de vie qui y prévaut.

L’explication la plus crédible à cette disparité tiendrait donc à des facteurs politiques, notamment le mode de scrutin. En effet, il existe un consensus à l’effet que le mode de scrutin proportionnel favorise l’accès des femmes aux espaces législatifs, système que partagent tous les pays nordiques. Cet effet égalitariste tiendrait notamment à la nature des listes de candidats aux élections, à la formule de répartition des sièges, au nombre de sièges par circonscription et au nombre de sièges qu’un parti peut espérer remporter. En revanche, au Québec, c’est le mode de scrutin majoritaire uninominal qui prévaut. Selon l’auteur, le seul siège en jeu dans chaque circonscription créerait une situation de jeu à somme nulle où les femmes sont systématiquement désavantagées.

Quant au système de partis, les études démontrent que plus il y a de partis, plus il y a de femme élues. Cela tiendrait à un effet de contagion, contexte où les formations se sentent obligées de se réformer sous la pression de la concurrence des autres partis, ce qui favoriserait des pratiques plus égalitaires. Sans surprise, les pays nordiques comptent un plus grand nombre de partis que le Québec.

À première vue, les pays nordiques se sont donc dotés d’institutions politiques dont les traits semblent favoriser l’élection de femmes. L’auteur y ajoute cependant un bémol et indique que les institutions seules ne sont pas suffisantes pour garantir la juste représentation des femmes. Un ensemble de dispositifs à l’intérieur de ces systèmes sont également essentiels pour en arriver à ce résultat, notamment l’usage que font les acteurs politiques des structures, la conjoncture politique du moment, les finalités politiques à long terme des acteurs, etc. Pour s’assurer que le cadre institutionnel soit bien utilisé et parvenir à une meilleure représentation des femmes, une mobilisation politique des femmes est essentielle.

En effet, les femmes des pays nordiques ont rencontré des résistances à se faire élire en politique et elles y ont répondu massivement en investissant le terrain électoral. Elles ont notamment milité dans leur parti et à l’extérieur de ceux-ci pour parvenir à leurs fins. Au nombre des stratégies utilisées, mentionnons la mise en place de quotas dans les postes au sein des partis et des quotas volontaires dans leurs listes de candidatures en vue des élections. En revanche, au Québec, une telle mobilisation des femmes au sein des instances des partis et interpartis n’a pas eu autant de succès, avec les résultats que nous connaissons aujourd’hui.

Au final, la participation des femmes à la politique législative résulte d’une conjoncture alliant des facteurs culturels, socioéconomiques et politiques. Dans le cas particulier de la comparaison du Québec et des pays nordiques, les plus grandes différences se retrouvent dans la sphère politique. L’absence de scrutin proportionnel au Québec, l’absence de mobilisation des femmes parlementaires autour de ces enjeux, des pratiques de parti peu soucieuses de l’équité homme-femme et un nombre de partis limité ne sont que quelques-uns des facteurs qui pourraient expliquer le retard du Québec en matière de représentation parlementaire féminine. Il s’agit alors de s’interroger sur nos pratiques actuelles et notre mode de scrutin si l’on souhaite rattraper, voire dépasser les succès en matière de représentation féminine des pays nordiques.

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Julie Demers
Novembre 2015

Commentaires

  • Super beau sujet de réflexion Julie

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