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  • L’ÉDUCATION PUBLIQUE PARTICIPATIVE AU QUÉBEC, POSSIBLE ? - JOCELYN PAUZÉ

    L’ÉDUCATION PUBLIQUE PARTICIPATIVE AU QUÉBEC, POSSIBLE ?


    Selon Luc Rabouin (2009), «nos sociétés deviennent de plus en plus inégalitaires sur le plan socioéconomique et la pauvreté est en constante augmentation». Quelle citation-choc et en même temps tellement réaliste de l’état de notre société d’aujourd’hui. Cette citation est d’autant plus choquante que le principal fondement de l’administration publique est de veiller au bien public afin de créer de la valeur publique dans tous les champs de compétences de l’État, et particulièrement en éducation. Est-ce qu’on crée de la valeur publique au Québec quand on réduit le financement de nos écoles publiques de plus de 800 millions en l’espace de quatre ans ? Est-ce qu’on crée de la valeur publique quand on constate que le résultat de décennies d’efforts est un taux de diplomation des élèves de seulement 50,7% à la Commission scolaire de Montréal ? Est-ce qu’on crée de la valeur publique quand on laisse des élèves être scolarisés dans des écoles vétustes à un point tel qu’elles sont minées par des moisissures ?

    Si notre système d’éducation est aussi malade qu’il l’est aujourd’hui, le constat le plus fondamental dont il faut prendre acte comme société, c’est que la démocratie représentative n’a pas donné les résultats escomptés, et il faut être assez honnête pour constater que « le rapport intime qui unissait la vie réelle et la vie politique n’existe plus » (Rabouin, 2009). En ce sens, la démocratie participative présentée par Rabouin (2009) représente une avenue fort pertinente non pas à explorer, mais à pousser encore plus loin au Québec en matière d’éducation, d’autant plus quand on voit les résultats impressionnants qui en découlent dans un système d’éducation comme celui de la Finlande, tel que vu dans le film « Demain ». Au Québec, la démocratie participative existe en éducation, mais à une échelle très embryonnaire ; comment pourrait-on l’approfondir afin de permettre aux québécois de participer davantage à la réussite des élèves et de rétablir un tant soit peu le lien de confiance qu’ils ont envers leurs élus ? Analysons quelque peu cette question sous quelques angles en proposant quelques pistes de solution potentielles.

    En premier lieu, prenons l’angle des parents. La réforme gouvernementale de 1998 en éducation donnait un rôle plus accentué aux parents dans les écoles du Québec avec la formation des conseils d’établissement et des organismes de participation des parents. Ce rôle participatif n’a jamais vraiment évolué depuis, et les parents n’ont pas de réel pouvoir décisionnel, ce qui explique en partie qu’il est de plus en plus difficile pour les écoles de recruter des parents au sein des instances démocratiques de l’école année après année ; en 2016, les parents qui sont les premiers éducateurs des enfants méritent qu’on leur donne davantage de tribunes décisionnelles. À preuve que la participation parentale, la vraie, peut donner des résultats tangibles, souvenons-nous du mouvement de mobilisation «Je protège mon école publique» qui a fait se former des chaînes humaines autour des écoles depuis plus d’un an ; ce mouvement, initié par des parents de la Commission scolaire de Montréal, aura permis aux parents d’amorcer une réelle pression sur les décisions du gouvernement. Mais sortir dans les rues en protestation permanente n’est pas le modère de gestion participative que nous souhaitons au Québec. Pourquoi ne confierait-on pas aux parents un rôle décisionnel quant au budget de l’école, quant aux fournitures scolaires à acheter aux élèves, quant aux priorités des commissions scolaires en matière de gestion budgétaire ? Pourquoi les parents des écoles publiques n’éliraient-ils pas un comité des finances qui ferait ses recommandations aux élus scolaires pour l’élaboration du budget intégral de la commission scolaire ?

    En second lieu, s’il est une participation qui est essentielle dans les écoles, surtout au niveau secondaire, c’est bien celle des élèves. Les établissements scolaires du Québec ont, pour la plupart, des conseils d’élèves ainsi que des associations d’élèves pour le niveau secondaire. Encore ici, aucun pouvoir décisionnel n’est octroyé aux élèves, faisant d’eux des acteurs purement consultatifs sur certains aspects très limités de la vie scolaire. Pourrait-on penser leur accorder un pouvoir décisionnel quant à la gestion du budget des activités parascolaires des écoles secondaires (avec un encadrement de l’équipe-école, ce qui va de soi) ? Pourquoi les élèves n’auraient-ils pas de pouvoir réel sur le projet éducatif des écoles ? Et pourquoi ne pas envisager que les présidents et vice-présidents des associations d’élèves du secondaire puissent avoir un siège au sein des Conseil des commissaires du Québec ? N’ayant pas l’âge majeur, ils ne pourraient avoir droit de vote, mais ils auraient un lien direct avec les décideurs sur les diverses orientations et décisions, et ils seraient à même d’émettre des avis et des propositions de façon permanente, ce qui pourrait influencer les élus scolaires dans leurs décisions.

    En troisième lieu, si on permet une participation réelle aux parents et aux élèves, il doit en être de même pour les enseignants. Ces derniers vivent la réalité de l’école au quotidien mieux que quiconque, et sont au cœur des enjeux qui transcendent l’école du 21e siècle. Depuis toujours, les enseignants sont «consultés » sur les programmes et réformes, mais n’ont jamais de pouvoir décisionnel à ce titre. Sans compter que les réformes pédagogiques vont et viennent selon les couleurs politiques des gouvernements, ce qui est néfaste pour la stabilité enseignante, et en bout de ligne, pour le taux de réussite des élèves. Faire en sorte que les experts de l’éducation, les enseignants et les professionnels, aient le pouvoir décisionnel relativement aux programmes pédagogiques ne serait-il pas intéressant ? Nos enseignants et professionnels adressent cette demande à chaque nouveau gouvernement, et ça leur est toujours refusé, avec les résultats de réussite des élèves qu’on connait.

    En conclusion, Rabouin (2009) rappelait les dires de Rosanvallon, qui disait que la démocratie représentative est devenue histoire de conflits entre ceux qui sont dépossédés de la parole et du pouvoir et ceux qui détiennent ce pouvoir. Dans le cas qui nous occupe ici, les exemples ci-haut démontrent clairement les dires rapportés par Rabouin. Pour rétablir le système d’éducation québécois, pour faire en sorte que les citoyens reprennent confiance en la démocratie, ils doivent plus que jamais reprendre leur droit de parole et être en mesure de décider de ce qu’ils veulent pour l’éducation de leurs enfants, en toute collaboration avec les élus de la société. La démocratie représentative seule est arrivée à un point de non-retour ; la démocratie participative doit prendre le relais et être exploitée à fond. Un bel exemple de démocratie participative qui a vu le jour en 2015 en éducation est le mouvement « Je protège mon école publique », mouvement de parents initié à la Commission scolaire de Montréal et qui a rapidement fait le tour du Québec, mobilisant des dizaines de milliers de parents désabusés du système d’éducation public québécois, et qui se sont levés debout pour faire entendre à répétition leurs revendications.