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TVA sociale, une idée pour le Québec ? Social démocratie 2.0

Est-il possible de favoriser la croissance et une hausse des revenus de l'État sans démanteler l'État social ni amplifier une augmentation des inégalités? La réponse politique à cette question serait «ni oui, ni non, bien au contraire!» Le Danemark a pourtant réussi cet exploit grâce à l'introduction d'une nouvelle taxe sociale, la TVA. Cette réforme est d'ailleurs devenue un modèle inspirant pour plusieurs pays occidentaux. Cependant, elle demeure de loin une réussite telle qu'on observe au Danemark. Analysons brièvement les composantes du principe de la TVA sociale introduite au Danemark en faisant une comparaison avec le Québec.

 

TVA sociale, une idée pour le Québec?

 

Les lignes qui suivent sont inspirées du texte écrit par Stéphane Paquin, professeur à l’École nationale d’administration publique et Luc  Godbout, professeur à la Faculté d’administration de l’Université de Sherbrooke et chercheur principal en finances publiques à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques.

 

Dans ce texte, on discute des finances publiques des pays membres de l’OCDE qui constituent un phénomène majeur en Occident. En effet, plusieurs pays sont en carences de revenus alors qu'on observe que le vieillissement de la population en Europe et en Amérique du nord, la faiblesse de la reprise et la concurrence globale sont en constante évolution. Dans cette perspective, Paquin et Godbout se questionnent à savoir s'il est possible de favoriser la croissance et une hausse des revenus de l’État sans démanteler l’État social ni créer une augmentation des inégalités?

 

Le Danemark qui a déjà connu des moments difficiles avant les années 1990, c'est-à-dire, un taux de chômage élevé, des déficits publics importants et une balance des paiements déficitaires, est maintenant devenu un modèlepour plusieurs pays qui traversent des périodes similaires à notre époque actuelle. C’est ainsi que les auteurs exposent les grands principes d’une «TVA sociale» introduite au Danemark afin de comprendre dans quelle mesure elle peut servir de guide ailleurs et plus particulièrement au Québec.

 

Il est important de souligner que le Danemark connaît un grand succès malgré qu’il détient un des taux de syndicalisation, un niveau de taxation et une couverture sociale parmi les plus élevés au monde. On dit que le «Triangle d’or danois» est composé : 1) d’un marché du travail flexible, 2) d’une protection sociale généreuse et 3) de politiques actives de l’emploi. Par ailleurs, pour financer ces programmes, une TVA sociale a été introduite vers la fin des années 1980 et au début des années 1990. Il faut noter que la réforme au Danemark s’est établie de façon séquentielle et s’est appuyée sur un consensus social et également orienté sur la stabilité sociale. Les lignes qui suivent visent d’abord à exposer brièvement les résultats de la réforme en comparaison avec le Québec et d’autres pays membres de l’OCDE, ensuite, analyser succinctement cette réforme et l’introduction de la TVA sociale. La dernière partie de ce texte présentera les impacts attendus de cette réforme.

 

La réforme sur les fiscalités survenue au Danemark est le fruit du gouvernement conservateur qui a amorcé la politique «Kartoffelkur» en 1986. Cette politique est à la base de la réforme qui a conduit à l’introduction d’une  TVA sociale. Ainsi, pour la première fois en deux décennies, la balance des paiements du Danemark redevient positive en 1990. L’inflation qui dépassait les 10% au début des années 1980 a été ramenée à environ 2% en 1992. Durant la même période, le déficit public qui tournait autour de 9% du PIB fut diminué à 2,6%[1]. Au départ, le taux de chômage va dépasser les 10% et la dette publique va atteindre plus de 80% du PIB. Toutefois,  cette situation est semblable dans de nombreux pays occidentaux. Par ailleurs, de 1993 à 2001, on constate que le taux de chômage diminue rapidement pour s’établir légèrement en dessous de 5%[2]. Selon Paquin et Godbout, ce bilan a été rendu possible grâce à l’introduction de la TVA sociale.

 

Le Danemark a un taux d’emploi très élevé, supérieur à celui du Québec ou du Canada tout comme la croissance de sa productivité qui surpasse celle des États-Unis. D’ailleurs, avant la récession de 2008, le Danemark était en situation de surplus budgétaire. Les Danois connaissent aujourd’hui un niveau de vie élevé par habitant et avec une répartition très égalitaire des revenus. Selon l’OCDE, ils sont efficaces économiquement et justes socialement, ce qui fait d'eux l'un des pays le plus égalitaires au monde et avec une des économies les plus ouvertes à la mondialisation. Sur le plan du marché du travail, le taux d’emploi de la population active au Danemark était en 2009 à 75,7% comparativement à 71,5%  au Canada, 67,6% aux États-Unis, 64,1% en France[3]. Le Danemark est également chef de file à l’échelle planétaire pour l’emploi des aînés. Sur le plan de la productivité du travail, le Danemark surclasse le Canada et le Québec. Selon le coefficient de Gini qui mesure les inégalités dans la distribution des revenus dans une société, le Danemark est une des sociétés les plus égalitaires. Le taux de pauvreté chez les enfants en 2005 était de 2,7% contre 14,5% au Québec, 15,1%  au Canada et 20,6% aux États-Unis[4]. En 2008, le Danemark possédait toujours le niveau d’imposition le plus élevé des pays de l’OCDE. Par conséquent, ce pays a réduit sadette publique de façon considérable, passant de 77% du PIB en 1994 à 27,% en 2007[5]. De plus, la dette nette est négative au Danemark.

 

Indiscutablement, c'est la réforme de la fiscalité par l'introduction d'une TVA sociale à la fin des années 1980 qui explique en grande partie le succès du modèle danois. On peut dire que cette réforme a été conçue  par un accord tripartite entre le gouvernement, le patronat et les syndicats.   En résumé, la logique de la TVA sociale consiste à financer les programmes sociaux, à freiner les importations et à dynamiser les exportations[6]. Concrètement, les cotisations sociales des employeurs au titre de l'assurance chômage et invalidité ont été supprimées. En revanche, le taux de la TVA des entreprises est passé de 22% à 25%, soit le taux le plus élevé observé dans l'Union européenne[7].

 

L'introduction d'une TVA sociale vise 3 principaux objectifs: d'abord, elle veut d'augmenter la compétitivité des entreprises implantées sur le territoire sur le plan national et international. Ce système fait en sorte que les entreprises payent cette taxe seulement sur les profits qu'elles réalisent. Ensuite, elle vise la croissance sur le plan des exportations, et cette croissance sert à assurer la pérennité des services sociaux et plus généralement de l'État providence. Finalement, l'introduction d'une TVA sociale vise à changer la répartition de la source des revenus de l'État en augmentant la TVA afin que la consommation de produits fabriqués à l'étranger contribue à la pérennité des systèmes de production sociale. En revanche, le gouvernement diminue les charges qui pèsent sur les travailleurs et les entrepreneurs et rend ainsi les exportations du pays plus compétitives sur le plan international[8].

 

La TVA sociale comporte inévitablement des aspects positifs, mais aussi des aspects négatifs. Parmi les aspects positifs, on note la croissance à l'emploi, la réduction du coût du travail en diminuant les charges qui reposent sur les entreprises, l'augmentation de l'attractivité économique du territoire, etc. Cependant, Paquin et Godbout soulignent aussi qu'il est fort probable que la hausse de la TVA provoque une baisse du pouvoir d'achat des citoyens, particulièrement si les entreprises nationales ne répercutent pas la baisse des cotisations sur les prix. La TVA sociale peut aussi engendrer une hausse de la contrebande en créant un décalage avec les autres territoires frontaliers à la zone de taxation.

 

En somme, la réforme de la fiscalité au Danemark au début des années 1990 a permis à ce pays d'être un modèle pour ses voisins et d'autres pays occidentaux. Le Danemark est aujourd'hui un pays efficace économique et juste socialement. Avec une population d'environ 6 millions d'habitants, le Québec pourrait certainement s'en inspirer pour en faire autant. Bien entendu, il faudrait étudier les paramètres et la forme que cette taxe serait introduite dans notre société.

 

 

 

 

 

Références

 

Paquin, S. et Godbout, L. (2011). Social-démocratie 2.0 – «TVA Sociale, une idée pour le Québec?», dans Paquin Stéphane et Pier-Luc Lévesque (dir.) Social-démocratie 2.0 : le Québec comparé aux pays scandinaves, Presses de l’Université de Montréal. 17 pages.

 

Publié par : David Nelson
neld04@gmail.com

[1] Paquin et Godbout (2011), p.3.

[2] Idem., p.3.

[3] Idem., p.5.

[4] Idem., p.6.

[5] Idem., p.6.

[6] Idem., p. 8-9.

[7] Idem. p.9.

[8] Idem., p.13.

 

Commentaires

  • Un bon résumé pour nous aider à réfléchir sur la taxation dans nos administrations publiques..
    Prof

  • Très interresant :)
    Beau travail DAVID !

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