Voulons-nous toujours abolir le registre des armes à feu ?
Les événements malheureux de ces dernières semaines, où des personnes innocentes, dont le seul tors était de faire partie des forces armées canadiennes, ont trouvés la mort à cause de déséquilibrés agissants au nom d’une idéologie fabriquée de toutes pièces, nous mènent plus que jamais à nous poser certaines questions relatives à la sécurité de tous. Que peuvent faire les gouvernements (fédéral et provinciaux) afin d’assurer la sécurité des citoyens ? Quelles sont les failles de notre système de sécurité? Comment pouvons-nous contrôler efficacement l’accès de personnes jugées à risque, à des armes à feu?
Une des réponses qui nous vient à l’esprit est incontestablement celle d’un meilleur contrôle de la circulation des armes à feu en identifiant, en temps réel, toutes les acquisitions, transferts et autres cessions de ces armes.
Malheureusement, la réalité est toute autre. Le gouvernement fédéral a légiféré, en 2012, pour l’abolition du registre des armes à feu[1]. Les données contenues dans ce registre, à l’exception de celles concernant la province du Québec, ont été détruites. Le gouvernement fédéral conservateur estime l'outil coûteux et inutile et que les données contenues dans ce registre sont une intrusion injustifiée dans la vie privée des Canadiens ! Le Québec est la seule province qui a tenu tête au gouvernement fédéral en intentant des procédures judiciaires et se retrouve donc en Cour suprême après un long parcours judiciaire. Les Québécois sont les seuls canadiens à être, toujours, tenus d’enregistrer leurs armes à feu.
Mais pourquoi détruire des données si chèrement et longuement constituées ?
Rappels :
- Le registre des armes à feu a été créé suite à l’adoption, en 1995, de la Loi sur les armes à feu (LAF). Cette loi mettait à contribution les provinces pour la gestion de ce registre et imposait des sanctions criminelles à tous les propriétaires d'armes à feu, qui n'enregistraient pas leurs armes, y compris les armes d'épaule.
- Le gouvernement de Stephen Harper a fait voter, en avril 2012, la Loi sur l’abolition du registre des armes d’épaule. Cette loi peut se résumer en trois points :
ü élimination de l'obligation d'enregistrer les armes à feu sans restriction;
ü destruction de tous les dossiers et registres relatifs à l'enregistrement des armes à feu sans restriction;
ü octroi, à un particulier qui cède une arme à feu sans restriction, de la permission d'obtenir confirmation du fait que le cessionnaire est titulaire d'un permis d'acquisition d'armes à feu valide avant de finaliser la cession.
En d’autres termes, la Loi sur l’abolition du registre des armes d’épaule permet la circulation des « armes à feu sans restriction » sans aucun contrôle. Aucune traçabilité de l’arme, ni du (des) propriétaire(s) n’est possible.
L’association des victimes et témoins de la tragédie à l’École Polytechnique composée des survivants, des témoins, des membres de familles des victimes du massacre de 1989 à l’École polytechnique dénonce vigoureusement cette action du gouvernement fédéral. Elle affirme[2] qu’en détruisant les données du registre des armes à feu :
Toutes les données sur les quelque sept millions d’armes d’épaule circulant au Canada — c’est‐à‐dire quelles armes circulent et qui les possèdent — seront détruites :
1. La police ne pourra plus lier une arme d’épaule à son propriétaire légal.
2. La police ne pourra plus distinguer les armes d’épaule légales et illégales (ex : un propriétaire légal pourra être en possession d’armes volées).
3. La police ne connaîtra plus le nombre ni la nature des armes détenues par un propriétaire d’armes, c'est‐à‐dire les armes qu’ils auront à confisquer advenant que les tribunaux émettent une ordonnance de prohibition de possession pour cette personne pour des motifs de sécurité publique.
4. Les propriétaires d’armes pourront vendre leurs armes d’épaule illégalement à des individus qui ne sont pas autorisés à posséder des armes, sans crainte que les armes soient retracées.
5. Les policiers n’auront donc plus d’outils pour lier les armes à feu à leur dernier propriétaire légal afin de les aider dans le cadre d'enquêtes criminelles ou autres.
6. La police n’aura plus de préavis sur le nombre et le type d’armes d’épaule présentes dans un foyer lorsqu’ils doivent intervenir dans le cas d’une dispute conjugale.
7. La police ne sera plus informée de l’existence d’arsenaux massifs d’armes d’épaule.
Certes, statistiquement il ressort que lors de la plupart des tueries (de masse) perpétrées au Canada (Polytechnique, Dawson..), c’étaient des armes automatiques (prohibés) légalement enregistrées qui ont été utilisées. Mais un nombre important des crimes se font par des armes de chasse. Et le dernier en date est le lâche assassinat du caporal Nathan Cirillo qui montait la garde au monument de la guerre dans le centre d'Ottawa.
Pour conclure, n’est-ce pas une évidence que la donne a changé et que la sécurité des citoyens vaut plus que des calculs statistiques ? Les risques que des malades mentaux s’approprient des armes à feu pour des fins terroristes, n’est-il pas exponentiellement plus élevé en supprimant la traçabilité de ces armes et de leurs propriétaires? Abolir le registre des armes d’épaule ne priverait-il pas les organes de sécurité d’un précieux outil de contrôle et de surveillance de la circulation des armes à feu?
«Le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas.» Georges Clemenceau.
Yacine Foudil
Commentaires
BIEN REÇU YACINE .
ON VA MAINTENANT SCRUTER ÇA AVEC ATTENTION.
BRAVO POUR AVOIR OSÉ.
Je suis plus que d'accord avec vous que la destruction du registre des armes à feux par le gouvernement du Canada est une aberration. Les armes à feux étant, aujourd'hui, tellement banalisées ; on peut penser aux jeux vidéos , films et clips musicaux violents les utilisant à outrances, les centres de tirs qui se démocratisent,... Il n'y a finalement plus qu'un registre pour faire prendre conscience aux gens que le fait de posséder une arme à feux n'est pas un acte anodin, n'est pas un jeu.
Selon l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), « la prévalence des armes à feu a un lien direct avec l'augmentation du nombre de meurtres » (2011). Ce type d’arme qui évite le contact direct avec la victime, comparativement à d’autres armes, comme par exemple les couteaux ou objets de frappe, facilite le passage à l’acte des criminels. En effet, de par la distance physique (et aussi psychologique) maintenu entre le criminel et la victime.