LA SOLIDARITE MINISTERIELLE EST UNE REGLE TROP RIGIDE POUR REFLETER LA DIVERSITE DES OPINIONS DANS LA SOCIETE.
INTRODUCTION
Dans les Etats modernes, il existe à côté de l’assemblée parlementaire et de l’appareil judiciaire, un organe exécutif, le gouvernement. Au Québec le gouvernement est dirigé par un Premier Ministre qui « dispose de pouvoirs et de responsabilités considérables »[1], son rôle est « de diriger l’action du gouvernement et de ses ministères»[2]
Le moment fort de l’activité gouvernementale demeure, sans conteste, la réunion du Conseil des Ministres, au cours duquel sont développés des exposés suivis de débats et enfin conclus par le Premier ministre qui gère les travaux, on dirait aujourd’hui qui joue un rôle de « modérateur ». Parce que les dossiers ont déjà reçu un traitement adéquat lors de phases préparatoires, on constate généralement un accord sur les thèmes abordés en conseil et qui débouche sur des décisions qui ne seront contestées en aucun lieu, en aucune façon et par aucun ministre. En effet il est de l’obligation de chaque ministre de s’astreindre à agir « en collectif » après qu’une décision soit prise.
C’est ce phénomène qui est appelé solidarité ministérielle. Sur le plan juridique et à l’égard du fonctionnement des institutions, la règle absolue qui est unanimement observée par l’équipe gouvernementale, c’est la responsabilité collective devant le parlement.
Des personnes qui ont exercé les fonctions de ministre peuvent témoigner « qu’une fois cette décision prise, les opinions dissidentes doivent s’effacer soit en étant tues par ceux qui ont des réticences, soit parce que les ministres qui ne peuvent l’accepter sont poussés à la démission.»[3]
Analyse de la situation :
La solidarité ministérielle est définie comme étant un « Principe en vertu duquel les ministres sont collectivement responsables, chacun d'eux s'engageant à accepter les décisions du gouvernement ou à démissionner.»[4], en ce sens, les ministres sont appelé à défendre en public l’ensemble des décisions stratégiques prises au sein du conseil des ministres.
Il est vrai, que dans l’univers politique où le rôle des médias est aussi omniprésent que déterminant, la cohésion gouvernementale ne suscite pas généralement de commentaires ou d’analyses particulières, on ne la questionne pas, on ne la cherche pas puisqu’elle semble aller de soi ; en revanche, la solidarité gouvernementale est d’emblée placée sous tous les feux de l’actualité quand un ministre, habituellement respectueux du principe de prudence et de discrétion, décide par une déclaration publique, de rompre l’unité d’action, pour se situer à contrecourant des positions officiellement exprimées et devenir ainsi au mieux le mauvais joueur en « solo » et au pire comme le « traitre », le « renégat » qu’il faut vite désavouer et vouer aux gémonies.
Dans toute équipe gouvernementale, si la cohésion, l’esprit de corps et la défense collective face à l’adversaire politique sont des réalités qui structurent presque au quotidien le fonctionnement et l’action des ministres, il n’en demeure pas moins que des facteurs conjoncturels (approche des élections, prise de conscience suite à une réflexion individuelle pouvant déboucher sur des revirements inattendus.) peuvent faire éclater la solidarité gouvernementale.
L’opinion publique n’est pas dupe car elle considère la pluralité des points de vue, comme une caractéristique de toute société humaine ; à un degré moindre, on retrouve cette pluralité au sein de ce groupe restreint d’hommes et de femmes qui tiennent le gouvernail au plus haut niveau de la direction du pays. Mais une telle pluralité ne se superpose pas à la grande diversité existant au sein de la société. De ce fait on peut comprendre que la solidarité gouvernementale est imprégnée d’une rigidité qui est loin de représenter les réalités vécues par la société.
Enfin, cette règle de solidarité peut paraître illogique mais dans une équipe, on doit être solidaire sinon il y a risque d'anarchie et de désordre, et ainsi des résultats néfastes ; tel qu’« entrainer l’échec d’un gouvernement qui pourrait avoir besoin d’un long moment pour s’en remettre »[5]
Conclusion
Partout, dans le fonctionnement des systèmes démocratiques, existe le phénomène de solidarité gouvernementale qui est relié au cadre institutionnel et juridique, qui découle aussi d’une pratique morale et qui est enfin sensible aux effets de conjoncture (échéances électorales). La conviction de détenir la Vérité pour ce qui touche à l’intérêt général pousse le gouvernement élu dévoué à cette tâche, à se protéger et à renforcer sa défense par la mise en place d’une « muraille rigide » de solidarité sans faille et permanente.
Un dirigeant responsable d’une équipe gouvernementale doit prendre conscience qu’il y a un équilibre à établir et à maintenir au jour le jour entre d’une part cette nécessaire unité de pensée et d’action et d’autre part le souhait de voir s’exprimer en son sein des opinions divergentes qui doivent représenter des courants de sensibilité à ‘intérieur même de l’équipe sans pour autant remettre en cause les fondamentaux doctrinaux car ces courants sont à bien des égards les garants même de la stabilité et de la force de l’équipe gouvernementale.
[1] MICHAUD, Nelson, (2011). « Secret d’état? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains», Presses universitaires du Québec, p .175
[2] Idem, p .362
[3] Christophe Nantois : « La solidarité gouvernementale sous la Ve République : se soumettre, se démettre ou disparaître http://www.juspoliticum.com/La-solidarite-gouvernementale-sous.html
[4] Assemblée nationale du Québec (Page consultée le 5 octobre 2014). Site de l’assemblée nationale du Québec, [en ligne]http://www.assnat.qc.ca/fr/patrimoine/lexique/solidarite-ministerielle.html
[5] MICHAUD, Nelson, (2011). « Secret d’état? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains», Presses universitaires du Québec, p .369
Commentaires
BIEN REÇU.
ON VA MAINTENANT SCRUTER ÇA AVEC ATTENTION.
BRAVO POUR AVOIR OSÉ.
Votre nom sur proftrudel@hotmail.com svp.