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Les Partenariats Publics Philanthropiques (PPP-sociaux), un bon « coup » pour l’État ?

Les Partenariats Publics Philanthropiques (PPP-sociaux), un bon « coup » pour l’État ?

L’exemple de La Fondation Lucie et André Chagnon.

 

Le Gouvernement du Québec est présentement à la recherche de nouveaux moyens afin de diminuer la croissance de ses dépenses. Nous assistons à des coupes dans de nombreux programmes gouvernementaux. D’autres moyens sont également au goût du jour comme les Partenariats Publics Privés (PPP). Ces partenariat sont utilisés par l’État dans la construction de nouvelles structures (exemple : le futur pont Champlain, CHUM), mais ils font également leurs apparitions dans le domaine des responsabilités sociales de l’État. Le cas de La fondation Lucie et André Chagnon est un exemple de partenariat public-philanthropique qui a cours au Québec.

Le présent blogue propose de soulever quelques enjeux relatifs aux PPP-sociaux.

Contexte de la création de la Fondation Lucie et André Chagnon (FLAC)

Lucie et André Chagnon ont commencé à investir dans le milieu de la philanthropie dès les années 1988. La FLAC a été officiellement créée en 1998, mais elle a retenue davantage de visibilité après la vente de Vidéotron à Quebecor en 2000. Cette vente a permis d’injecter près de 1,4 milliard de dollars à l’intérieur du fond. Il est estimé que le placement de cet argent a permis au couple Gagnon d’épargner près de 460 millions de dollars en impôts[1].

La mission de la FLAC est de prévenir la pauvreté. Le moyen utilisé afin de parvenir à cet objectif est de renforcer la réussite éducative des jeunes en privilégiant le développement de leur plein potentiel et en contribuant à la mise en place des conditions qui répondent à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Quatre programmes sont financés en partenariat avec le Gouvernement du Québec: Avenir d’enfants, Québec en Forme, Réussir Réussir et l’Appuie (qui est sous la responsabilité d’une société de la famille Chagnon et non la FLAC).

Enjeux relatif à la Fondation Lucie et André Chagnon et aux PPP sociaux

Plusieurs critiques entourant le partenariat entre la FLAC et le Gouvernement du Québec ont été soulevées ces dernières années par des groupes communautaires, syndicaux, féministes et des tables de concertation du Québec. Voici deux enjeux relevés par ces groupes.

Tout d’abord, les groupes réfractaires ne comprennent pas pourquoi une si grande somme d’argent publique est investie à l’intérieur d’une fondation privé. Dans les prochaines années, l’État entend investir dans les programmes de la FLAC un montant avoisinant les 500 millions de dollars. La FLAC investira un autre 500 millions de dollars, soit l’équivalent des intérêts qu’elle gagne grâce à ces placements pendant que son capital est à l’abri de l’impôt[2].

 

Alors que les groupes communautaires sont mobilisés depuis plus d’un an pour demander au gouvernement un rehaussement de leur financement (un montant de 225 millions est demandé), l’État tarde à faire suite à ces revendications, mais il accorde des millions de dollars de subvention à une fondation privé. Le gouvernement soutient qu’il participe aux décisions de la FLAC, car il représente la moitié du conseil d’administration de la fondation.

Certains acteurs considèrent les PPP-sociaux comme une « dérive démocratique ». Selon ces derniers, ces partenariats permettent aux fondations privées de participer activement aux orientations et pratiques d’interventions sociales alors que les dirigeants de ces fondations ne sont ni redevable et ni imputable envers la population[3].

Une seconde critique mis de l’avant par les groupes communautaires est la méthode de travail de la FLAC. Les programmes de la FLAC imposent leur vision des problématiques et les solutions à y apporter. La Fondation Chagnon ne va pas chercher l’expertise des acteurs du milieu afin de bien cibler les besoins et s’inspirer des bonnes pratiques.

Michel Parazelli, professeur de travail social à l'Université du Québec à Montréal, dénonce le peu d'importance accordée par les intervenants de la FLAC aux conditions de vie des familles. Selon l’analyse de Parazelli, les programmes de la fondation misent avec acharnement sur le développement des compétences parentales et le développement psychomoteur des enfants. Cette vision déterministe ne permet pas de s’attaquer aux problèmes réels de la pauvreté[4].

Plusieurs autres critiques sont formulées à l’endroit des programmes de la FLAC par les groupes travaillants sur le terrain : rigidité des critères, lourdeur des processus, non-respect des dynamiques locales, proportion élevée du financement lié à la gestion des projets versus les activités destinées à la population, hyperconcertation, etc.[5] De plus, puisque la FLAC octroie du financement par projet selon ses orientations stratégiques, rien ne garantit qu’un projet sera financé à long terme.

Conclusion

Plusieurs organismes communautaires réalisent des projets en partenariat avec la FLAC. Mais ont-ils d’autres choix ? Un grand nombre de ces groupes souffre d’un sous-financement chronique qui ne leur permet pas de boycotter des enveloppes d’argent pour des raisons politiques.

L’État doit continuer à jouer un rôle de leader en matière de services sociaux. Il ne peut se permette de déléguer cette responsabilité à des partenaires privés qui ne sont pas assujettis aux règles publiques en matière de redditions de comptes. Certes, la philanthropie doit être encouragée par l’État et la société. Mais, est-ce qu’offrir des crédits d’impôts est le réel élément motivateur que nous devons mettre de l’avant ? Se priver d’argent dans la colonne des revenus nous oblige à couper davantage dans la colonne des dépenses…

Les mesures les plus efficaces pour éliminer la pauvreté sont celles qui s’attaquent aux causes structurelles et qui visent une meilleure redistribution de la richesse. Le défi est de taille pour l’État québécois, car selon une étude de L’OCDE, le 1 % des plus riches s’est approprié 37 % de la création de richesse au Canada de 1975 à 2008[6].

 

Julien Lemieux

 



[1] Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)  (Page consultée le 27 octobre 2014). Non aux PPP sociaux, [En ligne], http://www.riocm.ca/wp-content/uploads/2014/05/brochurepppsociaux12mai2014.pdf.

[2] Ibid.,

[3] Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)  (Page consultée le 27 octobre 2014). Le gouvernement Couillard interpellé : « Non aux PPP sociaux », [En ligne], http://www.riocm.ca/gouvernement-couillard-interpelle-aux-ppp-sociaux/

[4] Clairandrée CAUCHY (Page consultée le 27 octobre 2014). La dictature de la charité?, [En ligne], http://www.ledevoir.com/politique/quebec/251834/la-dictature-de-la-charite.

[5] Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)  (Page consultée le 27 octobre 2014). Non au PPP sociaux, [En ligne], http://www.riocm.ca/wp-content/uploads/2014/05/brochurepppsociaux12mai2014.pdf.

[6] Pierre-André NORMANDIN (Page consultée le 27 octobre 2014). Canada, au pays du grand écart, [En ligne], http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/406994/rapportdelocde-canada-au-pays-du-grand-ecart.

 

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Références

NORMANDIN, Pierre-André (Page consultée le 27 octobre 2014). Canada, au pays du grand écart, [En ligne], http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/406994/rapportdelocde-canada-au-pays-du-grand-ecart.

FONDATION LUCIE ET ANDRÉ CHAGNON (Page consultée le 27 octobre 2014). Mission et approche, [En ligne], http://www.fondationchagnon.org/fr/qui-sommes-nous/mission-prevenir-pauvrete-reussite-educative.aspx

CAUCHY, Clairandrée (Page consultée le 27 octobre 2014). La dictature de la charité?, [En ligne], http://www.ledevoir.com/politique/quebec/251834/la-dictature-de-la-charite.

REGROUPEMENT INTERSECTORIEL DES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES DE MONTRÉAL (RIOCM)  (Page consultée le 27 octobre 2014). Le gouvernement Couillard interpellé : « Non aux PPP sociaux », [En ligne], http://www.riocm.ca/gouvernement-couillard-interpelle-aux-ppp-sociaux/.

REGROUPEMENT INTERSECTORIEL DES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES DE MONTRÉAL (RIOCM)  (Page consultée le 27 octobre 2014). Non aux PPP sociaux, [En ligne], http://www.riocm.ca/wp-content/uploads/2014/05/brochurepppsociaux12mai2014.pdf.

BELLEROSE, Patrick (Page consultée le 27 octobre 2014). La Fondation Chagnon critiquée: des                      organismes communautaires dénoncent les «PPP sociaux», [En ligne], 

http://quebec.huffingtonpost.ca/2014/05/13/fondation-chagnon-critiques-non-aux-ppp-  sociaux_n_5318184.html

Commentaires

  • Voilà une vision "sociale" intéressante cher Julien...
    À déguster
    prof

  • De la musique à mes oreilles ce blogue! Je pense que ça prend du courage pour oser être critique envers une fondation qui se dit vouloir s'attaquer à la pauvreté.

    J'avais observé, moi aussi, les conséquences négatives de ces initiatives. Entre autres, en ce qui a trait au "Réseau réussite Montréal". Ce réseau, aussi financé par la fondation Chagnon, donne de l'argent à des quartiers ciblés à Montréal afin qu'ils développent des projets pour encourager la persévérance scolaire.

    Le problème, comme tu le soulèves Julien, c'est que ça descend en silo dans les écoles et que les intervenants se doivent de développer des projets qui ne sont pas faits ni en concertation avec tous les autres projets (et il y en a des tonnes dans le milieu de l'éducation) ni appuyés sur les meilleures pratiques reconnues par la recherche.

    Plutôt que de donner l'argent aux commissions scolaires afin qu'elles puissent proposer des actions avec la communauté par exemple, les écoles choisies par "Réseau réussite Montréal" se pressent de développer des projets pour avoir l'argent.

    Pourquoi ne pas donner l'argent aux structures déjà existantes pour assurer une concertation, mais aussi pour éviter de payer les salaires à toute l'équipe de ce réseau? Il existe déjà des professionnels dans les commissions scolaires qui font exactement le même travail.

    Nous pourrions par exemple fusionner "Québec en forme" ainsi qu'"Écoles et milieux en santé" qui font sensiblement la même chose à part le fait qu'un projet est subventionné par le MELS et l'autre par la fondation, donc deux redditions de compte. Bureaucratie vous dites?

    Toutefois, je serais très étonnée de voir un changement dans ce partenariat. Qui va s'en plaindre à part nous?

    Claudine Pelletier

  • Très intéressant comme sujet de blogue. Je considère que la remise en question de ces partenariats est grandement nécessaire a l'heure actuelle. Effectivement, ce type de financement engendre trop souvent un dédoublement de ce qui se fait déja dans le réseau public et brime le travail de concertation ainsi que de complémentarité sur le terrain, tel que le mentionne également notre collègue Claudine dans son commentaire ci-haut. Dommage que ces fondations soient si fortement soutenues et valorisées par nos gouvernements.

    Lorsqu'on parle de philanthropie, voir de charité, rarement la population y gagne en reprise de pouvoir sur ce qu'elle vit et souvent, ce genre de solution ''court terme'' pour nos gouvernement, n'engendre gère d'économie a ''long terme''.

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