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Blog 1 : Mélanie Helou : Le Gouvernement a-t-il mal fait ses devoirs?

En septembre dernier, ma fille a fait son entrée à l’école primaire publique. Lors de la rencontre de parents, le directeur de l’école nous a informés que toutes les classes étaient maintenant munies de tableaux blancs interactifs (TBI).  Lorsque j’ai demandé quel était l’effet des TBI sur l’apprentissage, le directeur m’a répondu que l’efficacité des tableaux interactifs reste à démontrer. À plusieurs milliers de dollars par tableau, je me suis alors questionné sur la pertinence d’un tel investissement par l’ancien gouvernement libéral de Jean Charest.

C’est en 2011 que l’ex-premier ministre Charest a lancé son programme de 240 millions de dollars sur 5 ans pour équiper toutes les écoles publiques du Québec de tableaux interactifs. Un achat qui représente 40 000 tableaux électroniques d’ici 2016.  

L'installation généralisée des TBI dans les écoles québécoises est un sujet controversé, qui a suscité un débat au sein de la société et dans les établissements scolaires. Sauf erreur, l'idée de départ de munir les classes de tableaux interactifs ne s’appuyait sur aucune étude valable. Selon ce que rapporte La Presse, aucune étude indépendante n’existe pour justifier l'achat massif et rapide de TBI. Les seules études disponibles sur les TBI ont été subventionnées par les fabricants [1]. Alors, pourquoi le gouvernement a-t-il  investi autant d’argent public dans une technologie dont l’efficacité sur le plan pédagogique  n’a pas été établie? 

Qui plus est, le programme des TBI ne reposait sur aucune demande de la part du réseau de l’éducation. Le programme est sorti de nulle part comme le soutient la Fédération des commissions scolaires du Québec [2]. L’annonce du programme avait d’ailleurs été faite, à la surprise, lors d’un discours d’ouverture parlementaire. Ces technologies ont été imposées dans les écoles à un moment où les véritables difficultés résidaient bien plus dans l'intégration des élèves en difficulté (déficits d'attention, troubles du langage, troubles d'apprentissage, autisme, etc.).  Dans un contexte où les ressources humaines manquaient au chapitre de l'encadrement des élèves, l'investissement massif du gouvernement dans ce genre de technologie m’apparait comme une hérésie. Personnellement, j’y vois un geste politique centralisé sans fondement scientifique, sans réelle réflexion sur les besoins et la pratique du métier de pédagogue.  

En effet, s'il y avait eu une réflexion approfondie, les décideurs auraient sans doute conclu qu'un pareil choix comporte de multiples risques : adaptation non assurée des enseignants, altération des habitudes d'enseignement sans égard à l'expérience, manque d'expertise des professionnels, choc culturel, etc.  Pour la majorité des enseignants, les TBI ne sont d’aucune utilité réelle. Ils n’y voient qu'une banale diversion et une contrainte dans le développement de leur pratique pédagogique [2].  De plus, cesdits tableaux ajoutent une pression supplémentaire sur les écoles (coûts d’entretien et de mise à jour des équipements et de formation du personnel). Alors que les écoles du Québec subissent déjà des compressions budgétaires, pourquoi cette soudaine priorité pour le gouvernement?

 

Les médias ont dévoilé une proximité douteuse entre l’ancien gouvernement Charest et l’entreprise Smart Technologies qui a été chargée de fournir les TBI. Cette société albertaine était représentée par le lobbyiste Martin Daraîche, un ancien conseiller politique de M. Charest. En apparence, cela pourrait expliquer l'urgence de ce dossier.

Le Devoir a récemment révélé une étude confidentielle menée par la firme Raymond Chabot Grant Thornton  qui dénonce plusieurs irrégularités et lacunes administratives dans la mise en place des TBI [3].Le rapport indique, entres autres, l’absence de reddition de comptes sur l’efficacité des TBI. Le Ministère de l’Éducation, des loisirs et du sport n’a pas réclamé des comptes sur l’efficacité des TBI dans les écoles et sur leur appropriation par les enseignants.  Le Ministère a fait fi des problèmes techniques tels que les coûts afférents à l’implantation d’une telle technologie (personnel de soutien technique, formation, etc.). De plus,  l’État aurait payé les tableaux plus chers que leur valeur estimée, soit 2800 $ chacun.  Le rapport souligne également la faible concurrence  de seulement deux soumissionnaires, dont Smart Technologies qui est devenu un fournisseur quasi unique des TBI. À mon sens, l’apparence est plus important que le fait. L’apparence de favoritisme libéral entache tout le processus d’achat et en bout de ligne, le programme et le gouvernement lui-même. Alors que la gestion des organisations publiques est scrutée et examinée à la loupe, je crois que le gouvernement a mal fait ses devoirs. Il aurait dû démontrer plus de transparence dans le traitement des contrats et plus de rigueur dans la planification du programme. Le gouvernement est lié par les principes fondamentaux d’administration publique qui lui impose un processus de reddition de comptes fondé sur l'imputabilité et la bonne utilisation des fonds publics [5]. À mon avis, tout manquement à ces principes ébranle fatalement la confiance des contribuables qui mieux informés et plus exigeants quant à la transparence dans les comptes et au contrôle des fonds publics.

Pour conclure, le Gouvernement a présenté les TBI comme une façon de moderniser l’Éducation au Québec. Pourtant, certaines écoles privées se seraient récemment départies de leurs TBI pour acheter des tablettes électroniques [3]. Celles-ci semblent connaître plus d’avantages positifs sur l’apprentissage et être mieux adaptée pour les enseignants. Sans compter, soit dit en passant, qu’elles coûtent moins chères qu’un TBI.  

Enfin, quand il s'agit des nouvelles technologies dans le monde de l'éducation, il y a toujours des grands heurts d'idéologies. C’est un sujet qui demeure à être exploré. À ma connaissance, il n'existe pas d'études scientifiques qui ont obtenu un consensus quant à l'efficacité - ou encore quant à l'inefficacité - des nouvelles technologies sur la structure cognitive. À mon sens, j’y vois la projection d'un idéal technophile au détriment du fondement même de la pédagogie, soit le contact humain et les échanges tangibles entre les personnes. Aucun outil technologique ne remplacera un enseignant passionné. 

 

Mélanie Helou./p>

 

Références citées et consultées 

  1. La Presse, publié le 1er mars 2012, Une ombre au tableau blanc
  2. Le Devoir, publié le 22 août 2013, Bilan noir pour le tableau blanc dans les écoles
  3. Le Devoir, publié le 30 septembre 2014, Cafouillage autour des tableaux blancs dans les écoles
  4. La Presse, publié le 19 novembre 2012 : Tableaux blancs interactifs : Québec suspend le programme
  5. MICHAUD, N. et coll. (2011). Secrets d’États? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, chap. 20-21, p. 499

 

 

 

Commentaires

  • Bon sujet MH. Il ne faut jamais perdre de vue bon nombre de principes fondamantaux d'ad, pub.
    Mais qui est MH ???? proftrudel@hotmail.com

  • C'est un sujet qui est passé dans l'actualité sans trop de vagues alors qu'il y aurait dû en avoir à mon avis, surtout avec les coupes maintenant imposées en éducation. À l'inverse je me pose la question de l'impact pour la santé des jeunes de regarder ces tableaux dans la journée et les i-pad, i-phone et télévision le soir à la maison?

    Stéphanie Allard

  • Merci Mélanie pour ce blogue je n’étais pas du tout au courant de ce dossier quoique les ressortissants ne me surprennent pas. Je pense effectivement que si on se met à scruter la plupart des dossiers on trouvera des anicroches comme celles-ci dans plusieurs sphères politiques. C’est dommage mais malheureusement, trop de gens essaie de faire passer leurs bénéfices avant ceux des autres et si un premier ministre s’en donne le droit ça ne peut que donner des exemples comme le tien. Bien que la reddition de compte soit un principe fondamental de l’administration publique, encore faut-il que l’opposition questionne les programmes qui seront mis en œuvre. S’ils ne le font pas, les débats ne sont pas soulevés et personne ne s'en mêle…
    Pour ce qui est des technologies dans les écoles, plusieurs collèges qui avaient instauré des programmes « IPad » comme instrument d’études se rendent aujourd’hui compte que des centaines d’élèves avec un Ipad en réseau Wi-Fi ne peut faire que griller des têtes. Ils ont donc dû instaurer une norme; tout le monde en mode avion sauf quand le réseau est nécessaire! Il y a donc maintenant une police de réseau Wi-Fi!! Et par qui est payé cette personne??

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