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Le projet de loi 10 : une centralisation des pouvoirs, est-ce la solution?

Le 25 septembre 2014, le ministre de la santé, Monsieur Gaétan Barrette, a dévoilé son projet de loi 10 encadrant une réforme des services de santé et prévoyant, notamment, l’abolition des Agences de la Santé et des Services Sociaux. Considérant l’endettement continuel de l’État et la préoccupation du gouvernement d’économiser de l’argent dans tous les secteurs, des changements dans le réseau de santé sont inévitables. En effet, les dépenses publiques en santé constituent, en 2014, 42.9% des dépenses totales du gouvernement[1]. Pour ce faire, le projet de loi prévoit éliminer 1300 postes cadres en restructurant les services par régions, donnant le pouvoir administratif à des Centres Intégrés de Santé et de Services Sociaux (CISSS). Ceux-ci naîtront de la fusion de plusieurs établissements de santé se retrouvant sur les mêmes territoires, ayant chacun des missions distinctes et œuvrant auprès de clientèles différentes. Est-ce réellement le bon choix de réforme? Il est à mon avis ambitieux d’envisager qu’un seul centre puisse être en mesure de gérer l’ensemble du continuum de soins et de services pour toutes clientèles confondues. Par exemple, pour la Montérégie, ce sont 18 établissements, autant de santé que ceux de services sociaux, qui seront regroupés en un seul CISSS. Comment sera-t-il possible de gérer, à partir d’un point central, les services de façon efficiente pour un centre jeunesse, pour un CLSC et pour un centre de réadaptation? Le défi me paraît d’envergure avec toute la complexité de structure de chacun des établissements.

 

Un autre point majeur de la réforme, qui est discutable, se lit comme suit à l’article 8 du projet de loi[2] :

« Les affaires d’un établissement régional sont administrées par un conseil

d’administration dont les membres sont nommés par le ministre […] »

 

Les réactions ont été multiples face à l’annonce que ce sera à priori le ministre qui procédera à l’élection des présidents-directeurs généraux et des conseils d’administration des établissements. Sera-t’il en mesure d’élire les personnes en faisant abstraction de leurs allégeances politiques? Il appert qu’un revirement total dans la distribution des pouvoirs soit prévu en optant pour une centralisation, à l’inverse de ce que le ministre Côté avait adopté en 1991 via sa nouvelle loi sur la santé et les services sociaux. À cette époque, la  réforme avait entraîné la création de régies régionales où les budgets y étaient décentralisés[3]. Pourquoi donc revenir à un modèle centralisé?  Prenons exemple sur ce qui se passe dans les pays scandinaves où les pouvoirs sont distribués à même les établissements de première ligne ce qui est certainement plus adapté à la réalité des usagers. De plus, la création de groupes de médecine familiale permet réellement de répondre aux besoins, de diminuer les listes d’attentes et de désengorger les urgences. Voilà, une solution qui fonctionne et qui pourrait être mise en place au Québec. La micro-gestion prévue par le ministre Barrette risque à mon avis d’avoir un impact direct sur les services aux usagers par tout ce que cela implique du point de vue administratif. En centralisant, j’ai bien peur que les services de première ligne soient délaissés au profit des milieux hospitaliers.

L’ex-premier ministre Jean Charest a dit lors d’une conférence donnée aux étudiants à la maîtrise à l’École Nationale d’Administration Publique, le 2 octobre 2014, que les pays qui sont le mieux dirigés sont ceux qui parviennent à faire le suivi dans les politiques publiques. Ainsi, rien n’est garanti qu’il n’y aura pas un autre revirement de ligne de pensée selon le gouvernement qui sera en place dans les années futures. Faire un changement impliquant une restructuration aussi importante du réseau ne m’apparaît pas la solution magique considérant le contexte sociaux-politique actuel.

 

L’un des objectifs principaux de cette restructuration est de générer des économies de l’ordre de 220 millions de dollars simplement en remaniant la structure du système de santé québécois. Par contre, une évaluation réelle des coûts en lien avec ces changements à instaurer et les pertes monétaires associées aux fusions qui étaient déjà entamées a-t‘elle été faite au préalable? Ce changement qui s’échelonnera certes sur plusieurs années est supposé améliorer la qualité des services aux usagers. Par contre, les changements dans les structures des organisations occuperont les gestionnaires qui n’auront d’autres choix que de mettre de côté leur fonction administrative pour le service aux usagers. Voici ce que nous dit M. Damien Contandriopoulos, chercheur à l'Institut de recherche en santé publique de l'Université de Montréal, qui a comparé le modèle qui a été mis en place en Alberta sans grand succès :

« Les économies promises sont très peu probables de se réaliser (et) l'accès aux services n'est probablement pas meilleur après. Mais ça a donné des années de travail, en termes d'efforts, pour donner du sens à la structure. [4]»

Allons-nous reproduire les mêmes erreurs ? Nous étions dû pour un changement, oui, mais pourrions-nous faire des modifications moins drastiques et davantage en lien avec les réels besoins des utilisateurs du système de santé québécois?

JT

 

Références:

1.  1.ASSOCIATION DES ÉCONOMISTES QUÉBECOIS, Libre-échange : le blogue des économistes-québecois. Page consultée le 30 septembre 2014, [En ligne] http://blogue.economistesquebecois.com/2013/12/10/les-depenses-en-sante-un-enjeu-de-long-terme/).

 

2.   2. QUÉBEC (2014). Projet de loi no 10 : Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, Québec, Éditeur officiel du Québec, 41e législature, première session, sanctionnée.

 

3.     3. RADIO-CANADA. Page consultée le 1 octobre 2014. Bilan de la réforme Rochon,[En ligne]http://archives.radio- canada.ca/sante/sante_publique/ clips/12776/

 

4.     4. RADIO-CANADA. Page consultée le 26 septembre 2014. Rien pour les patients dans la réforme Barrette, dénoncent les syndicats, [En ligne] http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/politique/2014/09/25/004-syndicats-reacton-reforme-sante-barette.shtml

 

5.     5. LE DEVOIR. Page consultée le 2 octobre 2014. Réforme de la santé : à contre-courant, [En ligne] http://www.ledevoir.com/societe/sante/420213/reforme-de-la-sante-a-contre-courant

 



 

                                             

Commentaires

  • On peut effectivement questionner si le moyen utilisé, la centralisation, va permettre d'atteindre les buts visés, soit celui de faire des économies et de mieux desservir les citoyens. Les fusions prennent du temps à se mettre en place et le roulement de personnel au sein du réseau risque d'ajouter à la complexité de la tâche. Les enjeux soulevés dans ton article sont pertinents. J'ai apprécié la lecture.

  • Une analyse qui met à l'épreuve des principes d'administration publique fondamentaux...
    Prof
    Mais qui est JT ?? proftrudel@hotmail.com

  • JT pour Joelle Tremblay !

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