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Projet de loi 41 : Loi modifiant la loi sur les pharmacies

 

Projet de loi 41 : Loi modifiant la loi sur les pharmacies

 

Mise en contexte :

 

En 2011, le ministre de la Santé  et des Services sociaux, Dr Yves Bolduc, a déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi 41, visant à modifier la loi sur les pharmacies.  Ce projet de loi modifiait du même coup trois autres lois soit : la loi sur l’assurance maladie, la loi sur la pharmacie et le code des professionnels. Elle a été adoptée unanimement en 2011, donc par tous les partis. Le processus concernant l’entrée en vigueur de ce projet de loi est terminé depuis belle lurette et le conseil des ministres a accepté tous les projets de règlements qui en découlent le 26 juin 2013, ceux-ci ont d’ailleurs été publiés dans la Gazette. La loi devait entrer en vigueur le 3 septembre 2013. Toutefois, elle a été reportée par l’ex-ministre de la Santé, le Dr Hébert à une date indéterminée, pire «Le ministre Hébert dit refuser de négocier sur la place publique et ne veut pas commenter l'enjeu des discussions en cours» (Jocelyne Richer, La presse 2013). Il me semble que la santé c’est l’affaire de tous! Ça fait plus d’un an et la loi n’est toujours pas entrée en vigueur… Bien sûr, il y a eu quelques contretemps et les changements de gouvernements consécutifs (2012 et 2014) n’ont pas aidé la cause.

 

Ce projet de loi permettrait aux pharmaciens d’offrir 7 nouveaux services aux patients, soit : «

 

1.    Prolonger une ordonnance

 

2.    Ajuster une ordonnance

 

3.    Effectuer la substitution thérapeutique

 

4.    Administrer un médicament afin de démontrer l’usage approprié au patient

 

5.    Prescrire et interpréter des analyses de laboratoire

 

6.    Prescrire un médicament pour une condition mineure lorsque le diagnostic est connu

 

7.    Prescrire un médicament lorsqu’aucun diagnostic n’est requis »

 

Ce projet de loi comporte de nombreux avantages dont le désengorgement de la première ligne, donc de faciliter l’accès aux services de santé. Par le fait même, d’avoir une meilleure continuité dans les traitements en plus de permettre aux médecins de se concentrer davantage sur les cas plus complexes et aux pharmaciens de mettre en pratique des habiletés qu’ils ont la capacité d’exploiter. Finalement, ce projet pourrait permettre à plus de gens d’avoir accès à un médecin de famille (à Montréal 32% des gens n’ont pas de médecins de famille).

 

Dans l’ensemble, ce projet de loi semble parfait pour donner un coup de pouce à notre système de santé qui est constamment engorgé. Imaginez, plus besoin d’attendre des heures pour renouveler une prescription pour la contraception ou d’aller à l’urgence pour une infection urinaire qui, bien que très désagréable, n’est pas considérée comme une urgence… Mais si ce projet de loi est si exceptionnel, pourquoi n’est-il toujours pas en vigueur? Bon… Il est certain que le gouvernement a connu quelques embuches, ce projet implique plusieurs détenteurs d’enjeux (l’association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), l’ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), le collège des médecins, la fédération des médecins omnipraticiens du Québec, le gouvernement bien sûr la société!) qui ont priorisés d’autres dossiers, mais tout de même, le système de la santé et des services sociaux comprend 43,4% du budget, c’est énorme! Donc il me semble qu’une bonne idée comme celle-là mérite notre attention.

 

Les enjeux :

 

Généralement, l’argent est un enjeu de taille. Ici, il est de très, très grosse taille! Permettre aux pharmaciens d’offrir sept nouveaux services a plusieurs avantages, mais ça coûte cher (entre 12$ et 30$ l’acte)! Qui va payer la facture? Le gouvernement, les patients, les compagnies d’assurance? Tout le monde veut le service, mais personne ne veut payer pour. La loi sur la santé et les  services sociaux a été adoptée en 1971,  cinq principes fondamentaux l’encadrent soit : la gestion publique (géré par l’État sans but lucratif), l’intégralité (tous les services requis sont assurés), la transférabilité (si un Canadien déménage à l’intérieur ou à l’extérieur du Pays, le paiement des frais de santé s’applique), l’accessibilité (il doit n’y avoir aucun obstacle aux soins de santé et aux services sociaux) et l’universalité (tous les Canadiens ont droit aux services de santé et services sociaux. Si nous regardons le projet de loi 41 sous cet angle, il semble évident que c’est le gouvernement qui règlera la facture comme n’importe quel autre service de santé ou de service sociaux. Ça semble si évident, qu’en fait, personne ne s’est posé la question… Or, il y a trois moyens de payer les honoraires des pharmaciens. Le premier moyen consiste à couvrir les actes sous forme de couverture universelle, ce qui permettrait à l’ensemble de la population d’y avoir accès ($$). Le deuxième moyen consiste à  couvrir seulement les bénéficiaires du régime public d’assurance médicament (RAMQ) ($$). Finalement, le troisième moyen consiste à laisser les assurances privées le soin de couvrir ce que leurs clients réclament, tant pis pour les autres, ils devront payer le gros prix comme chez le dentiste (0$).

 

Les négociations ont énormément porté sur ce point. À l’époque, le ministre Hébert aurait souhaité que la deuxième option voie le jour, mais aucun des détenteurs d’enjeux n’en est venu à s’entendre sur ce point. Il a fait l’objet de plusieurs critiques notamment celle qui l’accusait de vouloir privatiser le système de santé. En effet, seulement 40% des Québécois sont couvert par la RAMQ, donc les 60% autres paieraient le gros prix. Avec l’arrivée du nouveau gouvernement, nous n’entendons plus parler de ce projet de loi, peut-être que le ministre Barrette est trop préoccupé par sa réforme du système de santé… Pourtant, il me semble que ce projet de loi lui donnerait un coup de pouce. De plus, les négociations se sont faites, la plupart du temps sans les médecins omnipraticiens qui ont cessé d’être invités. Ceci a créé une crise de confiance entre ceux-ci et le gouvernement.

 

Le projet de loi 41 fait face à un second enjeu important et difficilement contestable. Au Québec, la vente et la prescription de médicaments sont des activités maintenues séparées pour des raisons éthiques. Imaginer si un médecin pouvait vous vendre des médicaments… certains d’entre-deux pourraient être tenté d’abuser en vous vendant des médicaments dispendieux ou des médicaments dont vous n’avez pas vraiment besoin. Un pharmacien qui détiendrait les droits de prescrire et de vendre pourrait être tenté de faire la même chose. Le projet de loi 41 peut-être très positif pour notre système de santé, mais il provoque un conflit d’intérêts important puisqu’il autoriserait un professionnel à prescrire et vendre à la fois un médicament.

 

Concernant la formation des pharmaciens qu’en dit-il? Sont-ils vraiment aptes à exercer ces nouveaux actes ? Le collège des médecins et l’ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) ont créé une formation réglementaire afin que les pharmaciens déjà en poste soient en mesure d’offrir ces services à la population. En 2013, la majorité des pharmaciens avaient déjà suivi cette formation. Qu’en est-il des futurs pharmaciens ? Les programmes universitaires ont été ajustés en fonction de cette loi. Donc, côté savoir-faire, les pharmaciens sont à jour et aptes à offrir les nouveaux services.

 

Conclusion :

 

Le projet de loi 41 semble idéal pour soutenir notre système de santé, son entrée en vigueur entraînerait énormément d’aspects positifs pour le système de la santé comme son désengorgement. Un projet de loi comme celui-ci ferait des patients de réels gagnants en raison de la facilité qu’ils auraient d’avoir accès au système de la santé. Les pharmaciens ont été jusqu’ici très patients, mais les différents enjeux évoqués plus haut freinent  l’entrée en vigueur de la loi. Ce qui est regrettable, c’est qu’une idée comme celle-là, qui avait été adoptée unanimement et qui concerne la santé des citoyens soit mise de côté aussi longtemps... Il me semble qu’on devrait lui accorder plus d’importance ! Reste à voir si tous les détenteurs d’enjeux sauront lui donner sa juste valeur en négociant sainement.

 

 

 

Stefany Vanier-Legault

 

 

 

Références :

 

Association Québécoise des Pharmaciens Propriétaires. (2013). Comité conjoint concernant la prestation de services reliés aux nouveaux actes autorisés aux pharmaciens. Rapport de l’AQPP au ministre de la Santé et des Services sociaux. http://www.google.ca/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=3&ved=0CDoQFjAC&url=http%3A%2F%2Fwww.monpharmacien.ca%2Fwp-content%2Fthemes%2Faqpp%2Fdata%2Fpdf%2Ffr%2Frapport-prestation-services-nouveaux-actes.pdf&ei=v64oU5_YCoaE0AGqrYGICA&usg=AFQjCNF-e-mO_OeDSur30R4wlLNo8exu9Q&sig2=obyjV0bA5BjbUl0tMTzH1Q  (En ligne)

 

Bolduc, Yves. (2011). Projet de loi n* 41 : Loi modifiant la loi sur la pharmacie. Assemblée Nationale. http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-41-39-2.html (En Ligne)

 

Corriveau, Émilie. Le Devoir. Les pharmaciens : du renfort en première ligne. (2013) http://www.ledevoir.com/societe/sante/387173/du-renfort-en-premiere-ligne (En ligne)

 

Boivin, Simon. (2013). Nouveaux actes pour les pharmaciens : Le repport «s’impose». La presse. http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/sante/201308/29/01-4684574-nouveaux-actes-pour-les-pharmaciens-le-report-simpose.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4725666_article_POS1 (En ligne)

 

Desranleau, Brigitte (2012). Rôles du gestionnaire : Défis et enjeux. Notes de cours. Cours 1 : Le système de la santé et des services sociaux. Certificat en gestion de la santé et des services sociaux. Université de Montréal.

 

Fédération des médecins Omnipraticiens du Québec. Projet de loi sur les pharmaciens : Mises en garde de FMOQ. (2012) http://www.fmoq.org/fr/organization/collaboration/pharmacist/Lists/Billets/Post.aspx?ID=5(En ligne)

 

Ordre des pharmaciens du Québec. Application de la loi 41. http://www.opq.org/fr-CA/pharmaciens/application-de-la-loi-41/ (En Ligne)

 

Ordre de Pharmaciens du Québec. Entrée en vigueur de la loi 41. http://www.opq.org/fr-CA/grand-public/nouvelles-activites-des-pharmaciens/entree-en-vigueur/ (En lIgne)

 

Richer, Jocelyne. (2013). Les Pharmaciens craignent une brèche dans la gratuité des soins de santé. La presse. http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/sante/201308/13/01-4679551-les-pharmaciens-craignent-une-breche-dans-la-gratuite-des-soins-de-sante.php (En ligne)

 

Santé et services sociaux du Québec. (2014). Espace informationnel. Québec - Répartition en pourcentage du budget de dépenses par mission du gouvernement québecois, 2014-2015 (Données et graphiques) http://www.informa.msss.gouv.qc.ca/Details.aspx?Id=CqygUZP3K9w= (En ligne)

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Très intéressant comme article. Il résume bien la cause et il apporte des points importants concernant les enjeux du projet de loi 41. Ce serait intéressant de voir les pharmaciens avoir plus d'influence dans le système de santé. En effet, je crois qu'avec leur formation, ils pourraient prendre en charge certaines responsabilités (surtout en ce qui concerne le renouvellement des ordonnances et la prescription de médicaments lorsqu'aucun diagnostic n’est requis). Le système de santé deviendrait beaucoup plus efficace et les médecins pourraient se concentrer davantage sur les patients avec des problèmes plus graves. Cependant, je ne connaissais pas les raisons pour lesquelles ce projet n'était pas encore rentré en vigueur. C'est pour cette raison que je trouve cet article très intéressant et informatif.

  • Je suis d'accord avec le contenu de ton commentaire sauf que lorsqu'aucun diagnostic n'est requis, le pharmacien ne peut que conseiller des médicaments de la liste de ceux qui ne sont ni essentiellement ni potentiellement dangereux pour la santé!

  • Une question qui soulève bien des enjeux Stefany.
    À lire avec attention...

  • Sans toutefois prendre le contre-pied de ton article ou blog, je profiterai de la lucarne que tu m'offres pour préciser et me voir préciser un certain nombre de choses.
    Lorsque je me réfère à ce dicton de santé publique universellement connu dans le monde médical, qui dit que «la santé n'est véritablement efficace que lorsqu'elle se retrouve hors de sa sphère», que devrait être le Médecin de famille dont on parle au Québec?
    Est-ce le Médecin que ma famille et moi devrions aller voir à une certaine échéance sans tenir compte des urgences de ce jour? ou alors c'est ce Médecin qui aménagera un temps spécialement pour notre Rendez-vous à un lieu bien déterminé?
    Ailleurs, vu l'éternel problème d'accessibilité aux soins et à un Médecin au Québec, le vrai problème ne se situerait-il pas ailleurs? Pour être plus précis, tous ces problèmes ne seraient-ils pas artificiels? Quand on sait que les problèmes contribuent à s'enrichir.

  • Très éclairant comme blogue. Je ne connaissais pas du tout ce projet de loi... Le système de santé au Québec vit des succès mais également des déceptions. Je crois également qu’afin de rendre le système plus « performant », il est nécessaire de décentraliser les « pouvoirs » du médecin vers les autres professionnels de la santé. Les pharmaciens et les infirmières cliniciennes sont des professionnels qui ont des excellentes formations, et avec quelques formations supplémentaires, serait disposés à donner certains soins supplémentaires. Cela permettrait d’augmenter l’accessibilité à la première ligne.

    Merci pour ces informations !

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