Le projet de loi # 10: controverse
Le projet de loi # 10 déposé par le ministère de la santé et services sociaux sous la responsabilité du ministre Gaétan Barrette, vise à modifier la loi sur « l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales ».[i]
Le projet de loi propose entre autre une fusion des 182 CSSS (centre de santé et de services sociaux) en 28 points de service sous la responsabilité des CISSS (Conseils intégrés de santé et services sociaux).
On passerait donc de 3 à 2 paliers de gestion en abolissant les agences régionales: Il y aurait désormais le MSSS et les CISSS.
L’ « Abolition des agences régionales et la diminution du nombre d’établissements » permet de couper au niveau de la gestion :
« . de 200 à 28 PDG et DG
. de 200 à 28 CA
.1300 postes-cadres ETC de moins
.172 rapports annuels de gestion et d’états financiers vérifiés de moins »[ii]
“S’il y a un endroit où il faut repenser la structure pour générer des économies et assurer la pérennité du système, tout en maintenant des services de qualité et une couverture universelle, c’est la santé.”[iii]
Jusqu’ici tout peut sembler rationnel et nécessaire dans un régime de coupure budgétaire.
Cependant, la nomination des CA par le ministre prévue dans la loi, ne contrevient-elle pas à l’État de droit qui est fondé sur la distinction et l’indépendance du législatif et de l’exécutif?
La question sera sûrement amenée dans les débats prochainement.
La ligne pourrait effectivement sembler très mince si un ministre décidait seul de « qui » prendrait les décisions dans les CISSS.
Par contre la loi présentée encadre la façon que les nominations doivent-être faites. Les personnes nommées seraient puisées d’une liste de candidats suggérés par les différents conseils selon les disciplines (md, infirmières, etc.) (articles 8 et 9 de la loi # 10). Ici tout va bien puisque les candidatures ne sont pas partisanes.
Qu’en-est-il du PDG, du PDG adjoint et des membres indépendants qui représentent 8 à 9 sièges sur 14 du CA. Le ministre nomme le PDG et le PDG adjoint sans autre formalité et il nomme les membres indépendants en fonction de compétences clés qui sont nommées à l’article 11 de la loi. Outre les compétences, il nomme un comité d’experts qui lui, fera des recommandations pour les nominations indépendantes. Ce comité d’experts est-il partisan? On pourrait croire que oui, ou qu’il pourrait l’être sous un autre gouvernement et que les nominations qui en découlent le seraient tout autant.
N’y a-t-il donc pas abus de pouvoir? Probablement que le ministre Barrette dans son projet de loi a voulu combattre l’inertie des CA en se donnant un droit de regard sur sa composition. Cependant, il ne s’agit plus d’un simple droit de regard mais d’une ingérence directe dans des nominations qui pourraient être partisanes et mettre le ministre en conflit d’intérêt.
Nul part dans son projet de loi n’est-il mentionné que les nominations seraient faites en tenant compte des différentes orientations politiques qui siègent à l’assemblée nationale. Alors non seulement le politique s’ingère dans l’administration publique mais il serait à saveur du parti au pouvoir. Qu’arrivera-t-il dans quatre ans?
Je crois donc que le comité d’experts doit être composé de membres issus des différents partis politiques et nommé par l’assemblée nationale afin de permettre une plus grande transparence dans les nominations.
Je pense également que ce régime de nomination ce veut une politique de contrôle, qui se doit d’être impartiale, dans le système de santé et des services sociaux et qui est nécessaire si on veut en assurer la pérennité. Ce contrôle est nécessaire mais la reddition de compte le sera tout autant! La reddition de compte devra refléter la réalité des milieux afin de ne pas oublier l’acteur principal au cœur de la réforme; l’usager. Si le ministre se réserve le droit de nommer les membres des CA des CISSS il devra aussi être imputable et non pas seulement les établissements comme il l’a mentionné lors d’une entrevue à radio-Canada.ca le 25 septembre dernier.[iv] Si on partage les pouvoirs de gestion il faut aussi partager la responsabilité des actions qui sont prises, n’est-ce pas?
Enfin, le projet de loi demeure un exercice très intéressant et les intérêts qu’il prône sont nobles :
«Notre intention est de faire en sorte que notre système de santé ne rimera plus jamais avec bureaucratie, mais plutôt avec services, a-t-il dit. Dorénavant, l’attention ne sera plus portée sur les structures, mais résolument sur le citoyen. Soyons clairs: nous ne sommes pas dans un simple exercice de retour à l’équilibre budgétaire, mais bien dans un exercice de changement de culture.»[v]
J’ajouterai simplement que pour que le changement soit un succès tout le corps médical devra participer. Est-ce chose faite pour ce qui est seulement des médecins de famille? Ceci pourra certes faire le débat d’un prochain blogue!!
[i] Projet de loi # 10
Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences regionals, Assemblée nationale, 2014
[ii] Ministère de la santé et des services sociaux, Fiche technique du projet de loi # 10, p. 11
[iii]FILLION, Gérald (page consultée le 17 septembre 2014). “Santé: donnez le pouvoir au regions! dans Radio-Canada, (en ligne),
http://blogues.radio-Canada.ca/geraldfillion/2014/09/17/sante-donnez-le-pouvoir-aux-regions/
[iv] RADIO-CANADA, (page consultée le 25 septembre 2014). « Québec propose une réforme majeure du système de santé, dans nouvelles/ politique, (en ligne),
http://m.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2014/09/25/001-barette-projet-loi-sante.shtml
[v]ROBILLARD, Alexandre, (page consultée le 25 septembre 2014). « Le ministre Gaétan Barrette annonce l’abolition des agences des santé » dans L’actualité, (en ligne),
Commentaires
La "socio-démo ND" n'a pas perdu ses repères...!!!
Qui est ND ???
proftrudel@hotmail.com