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Madrid a-t-elle le droit de refuser un referendum à la Catalogne

 

Madrid a-t-elle le droit de refuser un referendum à la Catalogne

 

            La Catalogne est une région et une communauté autonome du nord-est de l’Espagne qui possède une identité nationale très forte. Il y a 7,65 millions d’habitants en Catalogne (soit 16% de la population totale de l’Espagne) sur un territoire de 32 107 km2 [1]. Sa capitale, Barcelone, peut être considérée comme une zone métropolitaine de classe internationale. Même si le nationalisme est présent depuis longtemps dans cette région de l’Espagne, l’idée d’indépendance à réellement germée en 2010, lorsque les tribunaux espagnols ont retiré la reconnaissance de la nation catalane dans leur statut d’autonomie. En effet, selon la constitution Espagnole, le pays est un et indivisible. En 2012, le gouvernement central refuse une augmentation des pouvoirs du gouvernement catalan, notamment au niveau de la perception des impôts. Ces échecs menèrent à la promesse d’Artur Mas, président du gouvernement catalan, de consulter la population sur l’avenir de sa région. « Par ailleurs, la Cour constitutionnelle a partiellement censuré la proclamation d'un droit à l'auto-détermination de la Catalogne adoptée à l'unanimité par le Parlement régional en janvier 2013 »[2] ce qui, à ne point douté, jeta de l’huile sur le feu. Il semblerait qu’à chaque fois que le gouvernement central bloque les initiatives nationalistes de la Catalogne, l’option du « oui » devient plus légitime pour les Catalans.

 

 

Le samedi 27 septembre dernier, le gouvernement Catalan a annoncé la tenue d’un referendum sur son indépendance. Contrairement aux consultations écossaise et québécoise, le gouvernement central ne semble pas prêt à accepter qu’un tel referendum ait lieu. La possibilité d’un « oui » majoritaire, option étant en avance dans les sondages avant même le début de la campagne, fait extrêmement peur au gouvernement de Madrid (la Catalogne est un des principaux moteurs économiques de l’Espagne). Cela n’était pas le cas au Québec en 1980 et 1995 et en Écosse dernièrement où le « non » a presque toujours récolté la majorité des appuis dans les sondages. Afin de bloquer le processus, « le président à Madrid, Mariano Rajoy, a convoqué une réunion extraordinaire de son gouvernement lundi [29 septembre] pour officialiser le dépôt d'un recours devant la Cour constitutionnelle pour contester le scrutin »[3]. Le tribunal constitutionnel, reconnu pour son conservatisme, a effectivement suspendu le vote en attendant qu’il se prononce sur la légalité du processus. Le gouvernement d’Artur Mas a décidé de respecter l’injonction de la cour tout en exprimant son désaccord. Il a même diffusé une publicité à la télévision afin de rappeler l’importance de la date du 9 novembre malgré la suspension du processus référendaire. Il a aussi créé un comité électoral afin d’étudier le moyen de tenir une consultation populaire le 9 novembre malgré le jugement du tribunal. Mais, la question que nous pouvons-nous poser est : « Est-ce que le gouvernement de Madrid peut réellement bloquer ce referendum ou ne pas reconnaître son résultat ? »

 

 

La Catalogne possède toutes les composantes d’un état : une population avec sa propre langue et ses valeurs, un territoire défini et un gouvernement légitime élu démocratiquement. En plus, son économie forte et diversifiée pourrait probablement supporter le futur pays, ou du moins, il est possible de l’envisager. Cette idée d’indépendance peut donc être pris très au sérieux et ne doit pas être vue comme une question de folklore (pensons à la Corse par exemple). En plus, il sera très difficile, pour un gouvernement dit démocratique de ne pas prendre en compte l’avis de la majorité d’une région exprimé dans un suffrage clair et précis, mais si cela va à l’encontre de la constitution et de la règle de droit.  Qui plus est, comment un gouvernement démocratique peut même envisager d’interdire une consultation référendaire quand une majorité de la population d’une région donnée le demande? Ce refus va à l’encontre même des principes démocratiques de nos états de droit. « Un système de gouvernement ne peut survivre par le seul respect du droit. Un système politique doit aussi avoir une légitimité, ce qui exige (...) une interaction de la primauté du droit et du principe démocratique », a rappelé notre Cour suprême dans son avis sur la sécession du Québec »[4]. Et malgré cet entêtement du gouvernement central espagnol, ce sera à la communauté internationale de reconnaître l’indépendance de la Catalogne ou non, advenant la victoire du « oui » dans un referendum légitime ou non. Si l’Union Européenne et la communauté internationale reconnaissait le résultat du vote, Madrid ne pourrait pas s’y opposer éternellement. La pression serait trop forte. Est-ce que l’Espagne risquerait une guerre civile pour maintenir son unité?  Il est fort à parier, qu’encore là, la pression interne et internationale serait trop forte pour que la menace soit clairement mise en exécution.

 

 

Somme toute, malgré les embûches et les délais juridiques et politiques imposés par le gouvernement central, il est fort à parier que tôt ou tard, la Catalogne se prononcera sur son avenir politique. À ce moment, ce sera aux Catalans de décider s’ils veulent rester au sein de l’Espagne ou de créer leur propre état-nation indépendant.

 



[1] Radio-Canada, Le referendum d’autodétermination catalan suspend par les tribunaux espagnols (Page consulté le 6 octobre) [en ligne] http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/International/2014/09/29/006-catalogne-referendum-cour-supreme-madrid-requete.shtml

[2] Radio-Canada, La Catalogne annonce la tenue d’un référendum sur l’indépendance (Page consulté le 4 octobre) [en ligne] http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/International/2014/09/27/003-catalogne-referendum-independance-9-novembre-espagne.shtml

[3] Radio-Canada, Le referendum d’autodétermination catalan suspend par les tribunaux espagnols (Page consulté le 6 octobre) [en ligne] http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/International/2014/09/29/006-catalogne-referendum-cour-supreme-madrid-requete.shtml

[4] PRATTE, André. Laisser voter les Catalans. dans La Presse (Page consulté le 2 octobre) [en ligne] http://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/andre-pratte/201410/01/01-4805445-laissez-voter-les-catalans.php

 

Commentaires

  • Disons que plusieurs liront ce blogue avec intérêt...
    laissez-nous savoir qui l'a ...osé ??
    TTMC...proftrudel@hotmail.com

  • Très bon blogue. Vous soulevez des excellents questionnements sur la situation vécue en Catalogne. Un peu comme vous, j’ai de la misère à comprendre qu’un référendum, réalisé selon les règles de l’art, qui vise l’autodétermination d’un peuple peut être bloqué par des instances juridiques. Très grand dilemme entre le pouvoir politique et le pouvoir législatif…

    Je crois également que Barcelone aura besoin d’un très fort appui à l’international pour faire valider un référendum sur son territoire. Par contre, je ne crois pas qu’aucun des pays d’influences osera s’immiscer dans ce débat entre Madrid et Barcelone. Les pays sont beaucoup trop axés sur leurs propres intérêts, et ils ne voudront pas nuire à leurs relations avec une puissance économique et culturelle comme l’Espagne (Oui… l’Espagne vit des difficultés depuis la crise de 2008, mais elle est quand même le 13ème pays au niveau du PIB nominal).

    Nous pourrions assister à certaines reconnaissances des pays qui verraient là un avantage politique (par exemple la Russie …), ou encore quelques petits pays, fidèles à leurs habitudes, comme le Venezuela. Mais, est-ce que les grandes puissances comme la France, les États-Unis, l’Allemagne ou encore la Grande-Bretagne oseraient reconnaitre un référendum sur la souveraineté de la Catalogne qui n’a pas été approuvé par Madrid ? Je ne crois pas… surtout que certaines de ces grandes puissances vivent également des pressions internes afin de décentraliser les pouvoirs.

    Par contre, nous pouvons être certains que le nationalisme catalan continuera de progresser et qu’un référendum est inévitable.

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