Le Plan Nord et la consultation populaire
Le nord du Québec est un vaste territoire très peu peuplé, mais habité par des peuples autochtones depuis plusieurs centaines d’années, voire des milliers d’années. Les Inuit par exemple occupent une partie du Québec appelé le Nunavik depuis au moins 1000 ans[1], mais la présence humaine remonte à bien plus longtemps. La population est en forte progression et compte plus de 11 500 habitants[2]. Ce territoire renferme une quantité importante de ressources naturelles et n’a encore à peine été exploré pour en quantifier les réserves. Le gouvernement du Québec, par son premier ministre M. Jean Charest, annonçait en 2008 la mise en place d’une importante politique publique, le Plan Nord. Cette politique allait couvrir les territoires situés au nord du 49e parallèle, donc tout le territoire habité par les Inuit. Le 2 octobre 2014 avait lieu à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) une présentation de la façon dont cette politique publique a vu le jour, conférence donnée par M. Jean Charest. J’ai eu la chance à cette occasion de poser une question. Ayant habité la région du Nunavik plusieurs années, j’ai demandé à M. Charest, comment avait-il fait pour que les Inuit adhèrent à cette politique ?
Le Plan Nord est une politique de développement du nord québécois, qui doit être mise en place en respectant l’environnement, les peuples qui habitent le territoire et doit être profitable pour l’ensemble des québécois, à terme, elle représente la création de plus de 20 000 emplois directs, et des investissements de plusieurs milliards. M. Charest a mentionné que la consultation était primordiale. Une première consultation a eu lieu avec les dirigeants Inuit, le projet leur a été expliqué et selon M. Charest, leur accord semblait acquis. Pendant ce temps, les Inuit ont développé leur propre plan, le Plan Nunavik[3], qui déterminait certaines conditions pour leur adhésion au Plan Nord. Le Plan Nunavik porte sur plusieurs aspects tels que le problème de logement, la mise à niveau des infrastructures municipales et de transport, le raccordement au réseau électrique québécois, la construction d’un lien terrestre avec le sud de la province et plusieurs autres aspects sociaux et économiques. M. Charest par l’entremise de la ministre responsable du Plan Nord, Mme Nathalie Normandeau, n’a eu d’autre choix que de consulter à nouveau les Inuit. La clé du succès a donc été la consultation. Il en est ressorti l’annonce de la construction de 500 maisons sociales[4] ainsi que le développement d’un laboratoire sur l’habitation[5] afin de refléter les besoins des Inuit envers leur habitation tel que mentionné par M. Charest.
Les consultations mises en place pour le Plan Nord font parties intégrantes d’un système démocratique fort. La tribune offerte aux citoyens leur donne confiance en leur gouvernement et est un lieu de brassage d’idée. Il existe une multitude de formes de consultation publique, certaine donnant un certain niveau de pouvoir aux citoyens dans les décisions, par exemple un référendum, un jury de citoyens, les élections, et d’autres de pure consultation comme un sondage. Dans le cycle de vie d’une politique publique, la consultation de l’opinion publique peut se trouver à la fois au début et à la fin du processus. Au début du processus afin d’obtenir l’approbation des principaux acteurs concernés, dans ce cas-ci pour le Plan Nord, les Inuit du Nunavik. À la fin du processus pour faire l’évaluation de la politique publique, en mesurer le succès. La consultation sert aussi à ce que les citoyens s’approprient la politique qu’on tente de mettre en place et permet à la politique d’avoir une légitimité. La consultation publique sera au contraire totalement inefficace si la décision semble prise d’avance par les pouvoirs en place, l’exercice est alors futile et fort couteux en argent et en perte de crédibilité[6].
Le succès de la consultation des Inuit semble avoir été mitigé, peut-être à cause de différences culturelles importantes et surtout de besoins à combler que le Plan Nord ne leur apporterait pas selon M.Charest. Suivant la publication de Plan Nunavik, les Inuit ont mis en place leur propre consultation publique, Parnasimautik[7][8], une série de rencontres dans tous les villages nordiques rassemblant tous les acteurs locaux (éducation, santé, gouvernement régionale, propriétaire foncier, groupes d’intérêts) qui s’inspirait des rencontres précédentes sur le Plan Nord, et qui définirait les bases du développement régional pour les 25 prochaines années dans le respect de la culture Inuit. Ces rencontres ont été la plus grande consultation depuis les négociations qui ont mené à la Convention de la Baie-James et du nord québécois, et détermineront les conditions vers une future autonomie régionale accrue. Un modèle de consultation publique réussie à mon avis. La participation citoyenne est au cœur de notre démocratie.
En conclusion, la consultation publique est un incontournable dans une démocratie, mais l’opposition est forte, les politiciens la considère souvent comme une perte de temps et les citoyens comme étant un exercice donnant peu de résultats concrets. Plus près de nous dans le temps, le gouvernement a mis en place une consultation par internet sur les coupes dans les programmes. Est-ce que les dés sont pipés d’avance ? C’est ce que nous verrons avec le budget à venir. Si tel est le cas, le cynisme de la population envers les processus démocratiques ne fera qu’augmenter. Nous pouvons cependant féliciter M. Charest des processus mis en place pour faire du Plan Nord un succès et aussi les Inuit dans leurs démarches pour s’approprier le plein contrôle de leur région.
Pour tous ceux qui s'intéresseraient au Plan Nord et au développement des communautés autochtone, un reportage de l'émission Découverte en 2012 est très intéressante pour comprendre certains enjeux.
http://ici.radio-canada.ca/emissions/decouverte/2012-2013/Reportage.asp?idDoc=260323
[1] Association Touristique du Nunavik, Histoire de l’occupation humaine au Nunavik (Page consultée le 7 octobre 2014) [en ligne]http://www.nunavik-tourism.com/occupation-humaine.aspx
[2] Ministère de la culture et des communications, Villages Nordiques du Nunavik (Page consultée le 7 octobre 2014) [en ligne]http://www.mcc.gouv.qc.ca/index.php?id=2074
[3] Société Makivik, Plan Nunavik - Parnasimautik(Page consultée le 7 octobre 2014) [en ligne]http://www.parnasimautik.com/fr/
[4] Société d’habitation du Québec, L’espoir d’un mieux vivre en habitation, (Page consultée le 7 octobre 2014) [en ligne]http://espacehabitat.gouv.qc.ca/nordique/lespoir-dun-mieux-vivre-en-habitation/
[5] Société d’habitation du Québec, Un laboratoire sur l’habitation nordique : s’unir pour mieux construire (Page consultée le 7 octobre 2014) [en ligne]http://espacehabitat.gouv.qc.ca/nordique/un-laboratoire-sur-lhabitation-nordique-sunir-pour-mieux-construire/
[6]PRÉMONT, Karine, Les méthode de consultations publiques (2003), Laboratoire d’éthique publique, École nationale d’administration publique 154 p., ISBN 2-923008 -01-4
[7] Administration régionale Kativik, Parnasimautik (Plan Nunavik) (Page consultée le 7 octobre 2014) [en ligne]http://www.krg.ca/fr/parnasimautik
[8] Société Makivik, Plan Nunavik - Parnasimautik(Page consultée le 7 octobre 2014) [en ligne]http://www.parnasimautik.com/fr/
Commentaires
Un grand plan qui mérite en effet analyse et critique...
cher AB ...mais encore dites-nous sur
proftrudel@hotmail.com