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la limite de la reddition de comptes: la collusion

La commission Charbonneau poursuit ses travaux depuis le mois de mai 2012 et je suis son déroulement comme beaucoup de gens; au gré des articles de presse et des reportages à la télévision. Au fil du temps, on est choqués, même outrés et puis une autre nouvelle surpasse la précédente et nous fait oublier le scandale précédent.

 

Cependant, ce qui m’inquiète particulièrement c’est que ce n’est pas l’affaire d’une petite partie du système qui est corrompue, mais bien plusieurs éléments du système tels : le financement des partis politiques, l’octroi des contrats publics et l’administration publique.

 

Jusque-là nous pouvions penser qu’il était possible de mieux contrôler la situation notamment en vérifiant les états financiers et le processus d’octroi des contrats publics par un vérificateur général externe indépendant.  Par exemple, la Ville de Montréal est dotée d’un vérificateur général conformément à la Loi sur les cités et Villes qui prévoit à l’article 107.1 une telle nomination lorsque la population d’une Ville dépasse les 100 000 habitants.[i]

 

Problématiques

 

Toutefois, de l’aveu même de M. Jacques Bergeron, vérificateur général de la Ville de Montréal, entendu à la Commission Charbonneau le 23 septembre dernier,  il n’était pas en mesure de déceler la corruption et la collusion compte tenu que la vérification des chiffres aux états financiers se faisait avec des documents inexacts approuvés par des participants internes du système de collusion. Par conséquent, au niveau comptable les chiffres balançaient. À ce sujet, M. Bergeron a déclaré : «  on a des documents qui sont présents [pour la vérification], mais qui ne sont pas véridiques et qui sont autorisés par des gens qui sont eux-mêmes dans le système. C’est un système parfait. » M. Bergeron en conclut qu’ « une limite au contrôleur interne, c’est justement la collusion »[ii]

 

Par ailleurs, le 15 septembre 2014, Me Lucie Fiset, Directrice Générale des Élections (DGEQ) par intérim, a avoué à la Commission Charbonneau que le DGEQ ne sévissait pas contre les allégations de financement illégal des partis politiques avant 2009, bien que les ressources financières, soit 85 millions, et le personnel, soit 415 employés, pour enquêter sont disponibles. En outre, l’ancien DGEQ aurait privilégié une approche de « réflexion, information et prévention », et ce, malgré une lettre du ministre responsable des institutions démocratiques en 2002 lui faisant part du financement des partis par personnes interposées. Ce financement par des bureaux d’avocats, des firmes de génies et des entreprises de construction serait d’une ampleur assez importante entre 2006 et 2011, soit 14,6 millions de dollars tant au provincial qu’au municipal.[iii]

 

Ces aveux combinés du vérificateur général de la Ville de Montréal et de la DGEQ par intérim font en sorte que ma conviction à l’effet que des moyens et des organismes existaient pour contrôler et vérifier les situations potentielles de conflit d’intérêt, de collusion et de corruption s’est presque effondrée.  Il sera donc très intéressant de voir si la nomination d’un inspecteur général à la Ville de Montréal en juin 2014 permettra réellement de déceler la collusion et de surveiller le processus d’octroi des contrats et l’exécution de ceux-ci, tel que le prévoit le mandat de l’inspecteur général dans la Loi concernant l’inspecteur général de la Ville de Montréal.[iv]

 

Principes et enjeux

 

Dans un état de droit où tout doit être approuvé et tout doit faire l’objet d’une reddition de comptes, je me questionne sérieusement à savoir que deviennent ces principes lorsque l’ensemble des personnes chargées de rendre des comptes soit fait partie d’un système parfait à l’abri d’une vérification externe par un expert indépendant puisque c’est eux qui fournissent les renseignements et les documents à ce vérificateur, soit n’ose pas dénoncer cette situation. Dans une métropole de la taille de Montréal, ce système a été en mesure de s’implanter et de demeurer très longtemps en dessous du radar, ce qui est particulièrement inquiétant. Avec plus de 1100 municipalités au Québec, cela laisse planer un doute dans la tête de tout contribuable.

 

De plus, je me questionne sur l’utilité d’organismes tels que le DGEQ lorsque ceux-ci décident de ne pas effectuer le mandat qui leur est attribué par la loi ,donc par le Législatif, jusqu’à ce qu’une crise les y oblige.

 

Conclusion

 

Pendant des années, de l’argent public a été gaspillé dans le cadre d’un système de collusion et de corruption où une poignée de personnes bien placées en ont profité. De plus, l’argent investi par les contribuables pour contrôler ce qui ce passe à l’interne des villes et municipalités ne semble pas permettre d’atteindre l’objectif visé puisque la collusion permet d’outrepasser le principe de la reddition de comptes. Pour finir de d’ébranler tout espoir du citoyen d’éviter la corruption et la collusion, même l’organisme chargé de surveiller le financement des partis politiques, étroitement lié au système de corruption et collusion dans l’octroi des contrats publics n’effectuait pas son mandat coercitif jusqu’en 2009. En conséquence, c’est beaucoup d’argent de gaspillé au final alors que l’actuel gouvernement fait des coupures à tout vent, il est difficile de ne pas se sentir lésé à titre de contribuable.

 

À l’avenir, c’est donc dire que nous nous retrouvons devant une problématique importante : comment obtenir une réelle reddition de comptes si les organismes ou personnes chargées de vérifier, contrôler et surveiller ne sont pas en mesure de déceler la corruption ou ne veulent tout simplement rien faire? Cette problématique soulève notamment à mon avis toute l’importance de la dénonciation par les personnes à l’interne d’un organisme qui constatent une telle situation. Toutefois, je pose les questions suivantes : qui contrôlera l’information donnée par les dénonciateurs et voudra-t-on s’en servir pour mettre fin à ce système de collusion et corruption? J’attends donc avec impatience les conclusions de la Commission Charbonneau, mais surtout les actions qui en découleront.

 

Stéphanie Allard (automne 2014)

 


[i] Loi sur les cités et villes, L.R.Q., c. C-19.

[ii]BÉLISLE, Sarah (page consultée le 29 septembre 2014) « Collusion à Montréal : une « tempête parfaite » dans le Journal de Montréal [en ligne] http://www.journaldemontreal.com/2014/09/23/collusion-a-montreal--une-tempete-parfaite.

[iii]BRIAN, Myles ( page consultée le 6 octobre 2014). « Le DGEQ a tardé à agir contre le financement illégal » dans Le Devoir [en ligne], www.ledevoir.com/politique/quebec/418503/commission-charbonneau-dgeq.

[iv] Loi concernant l’inspecteur général de la Ville de Montréal, L.Q. 2014, c.3.

Commentaires

  • Stéphanie...un beau sujet à analyser et décortiquer.
    Bravo

  • Sujet intéressant avec une problématique qui soulève effectivement plusieurs questions qui méritent d'être analyser. Une protection des dénonciateurs dans la fonction publique peut-elle être envisager comme solution? Je penche pour une Loi sur le Whistleblowing...

  • Sujet intéressant avec une problématique qui soulève effectivement plusieurs questions qui méritent d'être analysées. Une protection des dénonciateurs dans la fonction publique peut-elle être envisagée comme solution? Je penche pour une Loi sur le Whistleblowing...

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