Plan Nord et avenir
Le Plan Nord a fait couler beaucoup d'encre depuis qu'il a été présenté par le gouvernement libéral dirigé par M. Jean Charest en 2009. Ce qui se veut un chantier économique gigantesque couvrant tout le territoire Québécois situé au nord du 49ème parallèle est destiné à exploiter les ressources forestières, hydrauliques et minières qui s'y trouvent en plus de développer et mettre de l'avant les attraits touristiques de la région en ouvrant la voie par le biais de construction massive de routes, de ponts, de chemins de fer aux compagnies privées. On alimentera cette nouvelle économie à l'aide de deux méga centrales hydroélectriques. Les nouvelles infrastructures devraient inciter les compagnies minières à venir s'installer et permettre à l'industrie forestière d'accéder aux ressources de cet espace encore vierge de toute activité commerciale dans le but que le Québec en entier puisse en bénéficier. Sont aussi prévus dans ce projet de quelques 8 milliards de dollars sur 25 ans des parcs à éoliennes ainsi que des projets d'exploitation gazière et pétrolière. Dans cette ère de grands changements climatiques causés, entre autres, par les gaz à effet de serre, on nous rassure en nous disant qu'on « (…) envisage de ne développer que 50 % du territoire et protéger la seconde moitié. »i Dans ce billet, je me concentrerai sur l'exploitation minière et proposerai des pistes de solutions aux défis qui se présentent à la société québécoise dans le dossier du Plan Nord.
Portrait de la situation
La loi sur les mines amendée pendant le gouvernement péquiste de Pauline Marois avec le projet de loi 70ii n'a pas permis de hausser les exigences auprès des minières en ce qui a trait aux redevances ni aux normes environnementales. Les minières peuvent donc toujours exploiter les ressources du sous-sol québécois en versant des redevances sur leurs profits, et non sur leur exploitation réelle et dans un cadre juridique plutôt laxiste en ce qui concerne les lois environnementales. En 2013, le gouvernement péquiste a revu le système de redevances en créant un impôt minier progressif qui va comme suit : « L'impôt minier sera de 16 % si la marge bénéficiaire de l'entreprise se situe entre 0 % et 35 %. Si le profit se situe en 35 % et 50 %, la taxe sera de 17,8 % et si le profit se situe entre 50 % et 100 %, la taxe sera de 22,9 %. ». iii
Des économistes comme Denis l'Homme revoient toutefois ces même ces chiffres à la baisse.iv Se pose donc une question tout à fait légitime : comment considère-t-on acceptable qu'une compagnie qui engrange des profits immenses soit imposé à un pourcentage moindre que la moyenne des contribuables? Considérant que les ressources appartiennent à l'État, et donc par extension aux citoyens, il serait juste et avisé que les redevances soient sur le minerai extrait et qu'elles ne soient pas que symboliques. Le gouvernement s'engage dans le cadre du Plan Nord à construire les infrastructures nécessaires aux industries en payant une très grande part de la note. Le calcul mis de l'avant pour suggérer que les compagnies exploitantes contribueront semble plutôt augurer un risque fiscal très grand pour le Québec.
De plus, selon des documents rendus publics, il a été discuté avec certaines minières de leur vendre l'électricité à moins de 50% des coûts de productionv. Cela n'est pas viable à long terme et on ne peut se targuer de protéger nos ressources et de les vendre à bon prix.Pour ajouter au comble, en plus de ne pas imposer que les minerais extraits soient transformés ici, le gouvernement ne peut garantir que les mines n'engageront pas leurs propres travailleurs qui repartiront dépenser leur salaire dans leur pays d'origine en même temps que sera transporté hors du Québec, par les voies d'accès développées par la province, le minerai aux fins de transformation. Le jeu en vaut-il la chandelle dans ces conditions? Fiscalement parlant, le pari est très risqué.
Pistes de solutions
Ce portrait est loin d'être reluisant et bien qu'il soit tentant de jeter le bébé avec l'eau du bain en tentant de contrer l'exploitation des ressources naturelles du Québec, il importe de se poser la question : Comment faire du développement intelligent et propre, bénéficiant réellement à la population, et ce, dans toutes les régions du Québec? En guise de pistes de solutions, je me permets ici d'y aller de propositions empruntées de sources variées.
Tout d'abord, pour que l'exploitation des ressources se fasse de manière propre et durable, il faut que le Québec se dote de normes environnementales strictes et s'engage à mettre en place un mécanisme de surveillance constant, chargé de dénoncer les abus et les dérives d'exploitation. On ne peut se permettre, en temps que société, de se lancer dans un projet dans le grand nord en n'ayant pas le plus grand respect des sols, des rivières et des forêts qui s'y trouvent, ni sans prendre le temps d'évaluer les conséquences et de mettre en place un réel plan de développement durable.
En tant que société, il faudra également qu'un jour on se penche sur le problème de pénurie de ressources spécialisées au Québec qui selon de nombreux intervenants nuit à la capacité de la province d'exploiter elle-même ses ressources. Il pourrait être judicieux que le gouvernement se mette à regarder vers l'avant, investisse en éducation au lieu de lui couper les vivres afin de former la main-d’œuvre qui lui manque cruellement. Notre économie a besoin de vigueur, a besoin de mettre ces citoyens au travail et si l'on s'attelle à un projet si vaste que le développement de 50% de notre immense territoire, pourquoi ne pas s'assurer de pouvoir le faire avec les citoyens d'ici. On pourrait valoriser les métiers de techniciens miniers, par exemple, en plus d'encourager le développement de compétences afin que le Québec puisse disposer d'experts en développement durable à même de proposer des projets innovateurs et rassembleurs pour lesquels une main-d’œuvre serait mise à disposition. Le Québec pourrait être un berceau d'innovation, poussant les recherches en énergies renouvelables et propres, comme cela se fait déjà ailleurs dans le monde.
Il incombe également au gouvernement de se placer en véritable défenseur du territoire en révisant, cette fois en profondeur, la loi sur les mines. Les amendements apportés par la loi 70 n'ont pas contribué à hausser le montant des redevances que doivent verser les compagnies minières au gouvernement ni ne permettent d'encadrer convenablement l'exploitation.
Dans la même ligne de protection du territoire, une surveillance accrue des opérations des compagnies qui exploitent les ressources et le territoire est impérative. Encore plus important : les évaluations d'impact nécessaires à l'approbation d'un projet d'exploitation ne devraient pas être fournies uniquement par les compagnies, pour des raisons évidentes. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) doit également pouvoir faire son travail d'évaluation dans le projet du Plan Nord AVANT leur mise en œuvre et le gouvernement devrait lui permettre de faire son travail correctement. Encore aujourd'hui, on constate que le processus d'approbation des projets a des ratées : dans le dossier de TransCanada à Cacouna, le ministère de l'environnement a attribué un certificat de forage à Cacouna avant qu'une enquête environnementale en bonne et due forme n'ait été effectuéevi.
Soyons honnêtes, il est évident que d'énormes enjeux économiques et politiques sont en cause ici et que d'imposer des sanctions économiques sur des compagnies risquent de leur faire quitter le territoire, emportant avec elles investissements et emplois; il importe donc de mettre en place des restrictions visant à maximiser le développement propre et sécuritaire pour réduire au maximum les risques pour l'environnement qui, nous ne pouvons plus le nier, auront un impact majeur sur les générations actuelles et à venir.
Nous avons tous la responsabilité et le devoir de faire entendre notre voix sur les dossiers aussi importants que celui du Plan Nord. Un projet de société se construit dans le respect des générations présentes et futures – en regardant plus loin que le prochain bilan financier. Nous ne pouvons plus nous contenter de politiques et de visions à court terme si on souhaite une économie saine, forte et durable et il faudra que le Québec ait le courage et la volonté de protéger ses acquis en faisant preuve d'ingéniosité dans l'atteinte de ses objectifs économiques tout en respectant ses propres principes, de développement durable par exemple.
Laetitia Montolio (Aut. 2014)
RÉFÉRENCES
vi CORBEIL, Michel. « Cacouna: le pétrole sur le fleuve met Couillard dans l'embarras », Le Soleil, 24 septembre 2014, [en ligne], http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/environnement/201409/24/01-4803218-cacouna-le-petrole-sur-le-fleuve-met-couillard-dans-lembarras.php (Consultée le 25 septembre 2014)
Commentaires
Une grande politique publique mérite toujours critique ...pour l'avenir !
Prof
Je m'efforcerai de raccourcir mes phrases lors de la prochaine critique !