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L'attraction et la rétention de la relève au sein de la fonction publique québécoise

Depuis plusieurs années, de nombreux phénomènes économiques, tels que la mondialisation des marchés et les périodes de récession, ont fait fluctuer le marché du travail et de l’emploi. Celui-ci est dès lors confronté à des problèmes au niveau de l’attraction du personnel, mais surtout par rapport à sa rétention. Ce phénomène international apparaît tant dans le secteur public que privé et au niveau de plusieurs métiers spécialisés du Québec. La rareté de la main-d’œuvre va davantage créer une concurrence entre les entreprises québécoises en ce qui a trait à la rétention des individus dans les établissements. Cette compétitivité aura des répercussions néfastes sur le recrutement de candidats potentiels dans des délais très serrés. Par le fait même, cette concurrence va engendrer une compétitivité au niveau des conditions de travail, et donc un accroissement des mesures incitatives, par exemple des salaires plus élevés, des primes de toutes sortes, la signature de contrat de travail, etc. La fonction publique, souvent connue pour ses salaires plus bas, devra redoubler d’ardeur afin de contrer les incitatifs du secteur privé. La rétention du personnel demeure un enjeu critique pour plusieurs organisations, de par ces multiples répercussions sur le marché du travail. Comment assurer un transfert d’expertise dans la fonction publique québécoise dans un marché où la compétition et la lutte pour s’arracher les meilleurs candidats font surface? Il est primordial de se pencher sur ces problématiques dans l’administration publique québécoise, puisque cette dernière doit assurer des services de qualité à la population. Étant donné ce rôle premier envers la population québécoise, il demeure incontestable que la fonction publique veille à la qualité de ses ressources humaines afin de garantir ces services. Le gouvernement doit donc faire face à un double problème. « D’une part, il devra attirer une main-d’œuvre jeune et très en demande auprès d’autres employeurs. D’autre part, il devra retenir ces travailleurs, lesquels ont la réputation d’être moins fidèles aux organisations qui les emploient comparativement aux générations précédentes[1]. »

Les transformations au niveau du bassin de main-d’œuvre disponible, plus particulièrement causées par le vieillissement de la population québécoise, représentent la principale cause du manque de ressources humaines au sein des établissements publics. De plus, puisqu’une grande partie de celles-ci quitteront le marché du travail, il en résulte une importante diminution de la population active. En effet, d'ici 2020, 30% de la main-d'oeuvre du secteur public sera admissible à la retraite. Cette génération de baby-boom aura des répercussions sur tous les secteurs d’activités économiques. L’État n’a pas été proactif dans ses mesures afin de contrer les problèmes d’attraction et de rétention de ses ressources humaines, puisque les problèmes relatifs au vieillissement de la population ainsi qu’à la diminution de la natalité sont relativement nouveaux[2]. Ensuite, comme indiqué précédemment, le phénomène de la mondialisation fait croître la concurrence entre les organismes des secteurs publics et privés (Cardinal, 2004). Cela est dû à l’ouverture des frontières, ce qui a pour répercussion d’élargir les possibilités d’emplois pour les travailleurs. Qui plus est, cette situation semble particulièrement notable chez les travailleurs ayant une qualification supérieure et chez les nouveaux arrivants sur le marché. La concurrence n’est donc plus un phénomène au niveau provincial, mais bien national et international. Le gouvernement doit donc agir non seulement selon la compétition du secteur privé, mais également en vertu des conditions de travail internationales. Aussi, le Secrétariat du Conseil du trésor du gouvernement du Québec affirme dans son document concernant la Stratégie de gestion des ressources humaines 2012-2017, que l’image de la fonction publique doit être revue et améliorée. Selon une enquête effectuée en 2001 par Les Associés de recherche EKOS inc, les différents secteurs publics, que ce soit fédéral, provincial ou municipal, sont marqués par une image négative. En effet, « [c]es instances apparaissent aux yeux des jeunes comme des lieux de travail contraignants où la routine est reine, qui laissent peu de place à l’épanouissement professionnel de l’employé[3].» Cette image n’est pas reflétée chez leur concurrent, le secteur privé. Pour contrer cette problématique, le Secrétariat du Conseil du trésor présente plusieurs moyens, dans son document concernant la Stratégie de gestion des ressources humaines 2012-2017, afin de faire connaître davantage la fonction publique comme employeur ainsi que ses avantages intéressants au niveau de ces conditions de travail[4]. De surcroît, plusieurs études démontrent que les concours préalables aux postes dans la fonction publique ne s’adaptent pas à la réalité actuelle du marché du travail et ne facilitent pas assez l’accès des étudiants au sein des ministères et organismes gouvernementaux. En effet, la rigidité du processus pour l’obtention d’un emploi peut amener les étudiants et stagiaires de la fonction publique à se décourager et à se tourner vers d’autres employeurs.

Projet de loi 41

Afin de contrer avec succès la concurrence dans le processus d’attraction et de rétention de la relève, l’État devra chercher à mieux adapter ses conditions de travail en fonction des nouvelles valeurs véhiculées par la nouvelle génération de travail. L’Assemblée nationale s’est elle aussi penchée sur cette problématique et a apporté certaines modifications à la Loi sur la fonction publique, principalement en matière de dotation des emplois

Depuis la création de la fonction publique, le mérite a toujours été un principe clé à respecter et à valoriser lors de la dotation des emplois. En 1965, lors de la Révolution tranquille, les députés de l’époque ont perçu la nécessité d’uniformiser, à travers la Loi sur la fonction publique[5], les standards de qualification des postes pour les fonctionnaires dans le but de freiner autant que possible le favoritisme dans la gestion des employés[6]. Toutefois, cette Loi a eu comme effet de provoquer une lourdeur dans le processus d’embauche qui se fait encore ressentir aujourd’hui. En 1979, la Loi sur la fonction publique est quelque peu modifiée et établit qu’en fonction de son résultat obtenu à l’examen, le citoyen serait classé sur une liste, rappelant ainsi le principe du mérite[7]. Ce n’est que 20 ans plus tard, en 1999, que la liste de déclaration d’aptitude a été conçue. Cette dernière fait en sorte que « les candidats ne sont donc plus regroupés par niveau lors de la constitution d’une liste, mais déclarés aptes à la suite de l’obtention de la note de passage des examens[8]. »

Cependant, tout compte fait, malgré la bonne volonté du législateur à vouloir faire « régner un climat d’impartialité qui rende possible le déroulement normal de la carrière des agents, qui sont au service de l’État et non d’un parti politique[9] », ce processus de sélection actuel n’est pas, selon plusieurs, la bonne formule à adopter. Aussi, le caractère trop général du contenu des concours ne serait pas approprié au marché du travail actuel et disqualifierait ainsi de très bons candidats. De cette façon, la fonction publique se prive de citoyens qualifiés pour les emplois offerts, qui se voient dorénavant contraints de se tourner vers d’autres employeurs. Considérant cela, la difficulté de la fonction publique à s’adapter aux changements du marché du travail, en conservant un mode de concours rigide, pourrait sans contredit être une cause de ses problèmes d’attraction et de rétention de la relève, plus spécifiquement dans les métiers spécialisés. 

Ainsi, une des modifications majeures apportées par le projet de loi 41, Loi modifiant la Loi sur la fonction publique principalement en matière de dotation des emplois, est de « remplacer les notions de concours et de listes de déclarations d’aptitudes par des notions de processus de qualification et de banques de personnes qualifiées[10] » afin de faciliter le processus d’embauche des travailleurs. Par cela, le législateur désire faciliter le processus d’embauche en créant de nouvelles formules, dans le but de rendre moins rigide la méthode des concours, tant critiquée. Ce projet de loi « prévoit un processus de qualification particulier pour les personnes qui ont occupé un emploi d’étudiant ou de stagiaire[11] », ce qui avantagera fort probablement la rétention de ceux-ci au sein de la fonction publique.

Toutefois, certains groupes venus témoigner en commission parlementaire telle l’Alliance des cadres de l’État se dit « préoccupée par le maintien du principe d’égalité des chances d’accès concernant la disposition des étudiants et des stagiaires[12]. » Elle ajoute cependant que la Loi a le bienfait d’adapter la fonction publique aux nouvelles réalités du marché de l’emploi. Elle consent qu’avec la présence actuelle de la situation de rivalité entre le privé et le public, les nouvelles dispositions concernant le processus de qualification particulier pour les étudiants et stagiaires aideront l’État à être plus concurrentiel. En effet, elle ajoute que le recrutement plutôt « rigide, lourd, nécessitant plusieurs mois et engendrant des délais importants[13] » décourage la relève, déjà formée dans la fonction publique, d’y rester dû au processus éreintant.

En conclusion…

Cela dit, les modifications apportées à la Loi sur la fonction publique aideront certainement à assouplir les normes de dotation des emplois qui sont contre-productives pour l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre de la relève. Suffit-il que cette nouvelle méthode soit appliquée correctement afin de perpétuer les valeurs de mérite et d’égalité des chances, auxquelles la fonction publique québécoise apporte un attachement particulier. Le gouvernement doit se pencher sur cette problématique, puisque celle-ci a des répercussions sur le marché du travail. Dans un contexte de marché du travail caractérisé par les départs massifs à la retraite et par une forte concurrence du secteur privé, qui tente de s'approprier les meilleurs candidats, l'État doit s'adapter aux nouvelles réalités afin d'assurer ses services. D'autres pays, tels la France et l'Allemagne, ont davantage porté leurs solutions sur l'intégration des immigrants et des retraités sur le marché du travail. Néanmoins, je crois que ces solutions ne feraient que repousser le problème à plus tard. Certes, avec son projet de loi 41, l’État répond à une partie du problème, toutefois d’autres causes du manque de main-d’œuvre dans la fonction publique doivent être analyser afin d’y apporter des solutions efficaces. 

 

LAF

 


[1] ARCAND Guy, TELLIER, Geneviève CHRÉTIEN Lise, Le défi de la rétention des jeunes travailleurs : le cas de la fonction publique québécoise, Canadian public administration / Administration publique du canada, Volume 53, No. 2, (June/Juin 2010), p. 201-220.

[2] CENTRE D’EXPERTISE EN GESTION DES RESSOURCES HUMAINES. SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR, (Décembre 2010), Les défis de l’attraction et de la rétention des jeunes dans la fonction publique québécoise. Page consultée le 6 février 2014 du site du Secrétariat du Conseil du trésor : http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/publications/DefisAttractionRetention.pdf.

[3] CENTRE D’EXPERTISE EN GESTION DES RESSOURCES HUMAINES. SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR, (Décembre 2010), Les défis de l’attraction et de la rétention des jeunes dans la fonction publique québécoise, op. cit.

[4] LE SOLEIL, (Juillet 2012), La fonction publique québécoise attire peu les chercheurs d'emplois, op. cit.

[5] L.Q., 1965 (1re session), c.14.

[6]COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE, Sélection au mérite dans la fonction publique québécoise : compétence, impartialité, égalité d’accès et efficacité de la gestion des ressources humaines, CFP – 001M, C.P. – P.L. 41, p.5.

[7] Loc. cit.

[8] Ibid, p.6.

[9] GARANT Patrice, La fonction publique canadienne et québécoise, Québec, Presses de l’Université de Laval, 1973, p.22.

[10] ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC, Projet de loi n°41, première session, quarantième législature, notes explicatives.

[11] Loc. cit.

[12] ALLIANCE DES CADRES DE L’ÉTAT, Mémoire présenté à la Commission des finances publiques Assemblée nationale du Québec, op.cit.

[13] Loc. cit.

Commentaires

  • Bravo...LAF... un blogue dense et documentée. À parcourir avec autant d'intensité.
    Me faudra connaitre votre alias...?
    prof

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