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Jusqu’où irons-nous avec Wagner?

D’élection en élection, de budget en budget, la santé de la population s’est imposée depuis longtemps comme un thème majeur de l’exercice du pouvoir dans tous les pays démocratiques [1]. Wagner a démontré que plus une société se civilise, plus l’État est dispendieux. Et dans le domaine de la santé, la loi de Wagner ne fait pas relâche !

Les données pour le Québec sont claires. Le dernier Budget Marceau, pour l’exercice financier 2013-2014, prévoit une enveloppe budgétaire de 31,3 milliards, c'est-à-dire 43 % du budget total du Gouvernement du Québec. C’est une augmentation des dépenses de 4,8 % par rapport au budget précédent qui s’établissait à 29,9 milliards de dollars [2].  Au Québec, comme partout ailleurs, les dépenses dans le domaine de la santé ne cessent d’augmenter et dépose un lourd fardeau sur le dos des contribuables.

Outre Wagner qui explique théoriquement l’augmentation des dépenses, certains concepts viennent aussi expliquer l’histoire et l’évolution exponentielle des coûts de la santé, non seulement pour le Québec, mais aussi pour tous les pays industrialisés du monde.

Le premier concept fait référence à la transition démographique de la population. Nous avons passé depuis le siècle dernier d’une situation de natalité élevée et de longévité faible (population jeune qui décède relativement tôt), vers une natalité faible à une longévité élevée, c'est-à-dire une population vieillissante [1] qui nécessite généralement davantage de soins que la population jeune.

D’autre part, le second concept fait quant à lui référence à la transition épidémiologique. En raison de la baisse de la mortalité, du vieillissement de la population, de l’amélioration des conditions sociosanitaires et de l’amélioration des services de santé, les maladies infectieuses ont eu tendance à disparaitre progressivement au profit des maladies chroniques et dégénératives. Les maladies se sont donc diversifiées et complexifiées [3]. Ainsi, plus une population est vieillissante, plus elle coûte cher en services de santé.

Pour suivre l’évolution des caractéristiques sanitaires de sa population, le système de santé québécois a dû adapter graduellement sa structure et ses façons de fonctionner afin d’adapter son offre de services aux besoins et aux demandes de santé grandissantes de sa population [1]. De façon corolaire, la science a apporté aussi son lot de connaissances, d’innovations technologiques et médicamenteuses les plus dispendieuses les unes que les autres. Dans chacun des cas, ces connaissances et innovations ont fait accélérer impitoyablement les coûts de notre système de santé.

D’autre part, le Canada et le Québec ont choisi un modèle d’état basé sur un système de santé universel dont tous sont considérés égaux et dont chacun a le droit de recevoir tous les services de santé nécessaires au maintien de leur santé. Il faut donc en assumer maintenant les coûts économiques, sociaux et politiques. Ce modèle a un impact direct sur la taille des dépenses en santé. Il a l’avantage de pouvoir répondre à l’ensemble des besoins sociosanitaires de la population du Québec [4].

Mais jusqu’où irons-nous avec cette augmentation vertigineuse des coûts en santé au Québec? Et nous n’avons pas encore parlé de la génération des « baby-boom » qui commencent à prendre leur retraite, qui cotiseront moins aux coffres de l’état, qui vieilliront et qui nécessiteront dans les prochaines décennies de plus en plus de soins de santé. Nous n’avons pas non plus parlé des syndicats, du lobby des médecins et des infirmières qui tentent de leur côté l’enveloppe salariale. Ouf!

Quoi que bien nanti, le québécois moyen supporte un fardeau fiscal assez important. Grosso modo, pour chaque dollar qu’il donne en impôt au gouvernement québécois, 0,43$ est dédié à la santé. Le Québec se retrouve malheureusement dans une situation très délicate. D’un côté, il doit restreindre ses dépenses pour atteindre des objectifs d’équilibre budgétaire et d’un autre côté il se voit obligé selon Loi canadienne sur la santé, qui a valeur quasi constitutionnelle, de dispenser des services de plus en plus dispendieux à ses contribuables. Mais éthiquement et concrètement, peut-on vraiment diminuer les services de santé aux Québécois pour équilibrer un budget? Bien sûr que non! Ce serait un suicide politique pour le gouvernement en place.

Lorsqu’on veut boucler un budget, deux choix fondamentaux s’offrent à nous : augmenter les revenus ou diminuer les dépenses. Rien de sorcier pour notre budget, mais pour l’état, c’est une toute autre histoire.

Il serait aussi judicieux de couper dans les dépenses, mais c’est là que le bât blesse. Nous savons d’ores et déjà que les services peuvent être difficilement réduits et qu’une augmentation de la charge de travail des employés du réseau de santé n’est pas souhaitable. Améliorer l’efficacité des interventions des employés ou des processus de travail serait à privilégier. Il faut toutefois garder en tête que le système de santé n’est pas une chaine de montage et implique des interactions sociales entre individus qui peuvent difficilement être quantifiables. Il faut donc demeurer vigilant face à des approches d'amélioration continue en vogue (ex. : Lean management, méthode Toyota, etc.) qui laissent miroiter des gains importants.

Du côté des revenus, augmenter le fardeau fiscal du contribuable n’est pas souhaitable. De plus, l’histoire a aussi démontré qu’un « ticket modérateur » ou une « taxe santé » ne faisait pas l’unanimité et que nombreux gouvernements s’y étaient meurtris au passage. Il nous reste les projets d’envergure générateurs de biens pour le Québec, tel le plan nord, le développement gazier ou pétrolier ou même les nouveaux développements hydroélectriques. Seul le temps nous dira si le jeu en vaut la chandelle et si les bénéfices sont au rendez-vous… « à temps »!

Mat Garceau

[1] Des réseaux responsables de leur population : Moderniser la gestion et la gouvernance en santé. Denis A. Roy, E. Litvak et F. Paccaud. Les éditions du Point. Mascouche, Québec (2012).
[2] http://www.ledevoir.com/politique/quebec/364519/la-rigueur-pour-plaire-aux-marches
[3] www.ined.fr
[4] Le réseau de la santé et des services sociaux. L'Observatoire de l’administration publique-ENAP (2012).

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