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#2-Simon P-Évènements majeurs et idéologies dans la transformation de l’État : qu’en est-il de l’État social dispensateur de soins et garant du bien-être social?

 Par Simon P 

L’ampleur de l’intervention de l’État à travers les politiques sociales est étroitement liée aux évènements majeurs et aux idéologies dominantes selon nos notes de cours et plus particulièrement le tableau présentant les facteurs de croissance et de décroissance de l’État. À cet effet, l’on remarque que, tout comme la crise des années 1930 avait favorisé l’émergence de l’État-providence, la crise qui survint à partir des années 1970 a préparé la remise en question du providentialisme. Cependant, ce n’est qu’à partir du milieu des années 1980 que  l’on assiste à la transformation de l’État- providence et au passage à ce que les auteurs ont appelé l’État d’investissement social, d’autre l’État néolibéral, l’État partenaire ou l’État postmoderne (Bourque 2011 : 621). Au cours de cette période, les pays industrialisés voire les pays en développement faisaient face à un évènement majeur, une crise économique, dont les conséquences sociales étaient l’augmentation du taux de chômage, la crise de logements, la baisse du pouvoir d’achat, la hausse du décrochage scolaire et autre. Face à cette situation, la redéfinition du rôle de l’état s’est imposée. Cette redéfinition était d’autant plus nécessaire que la banque Mondiale et le FMI imposaient aux pays des programmes d’ajustement structurel et les politiques d’austérité dont l’objectif était de réduire le train de vie des États et d’alléger leur structure. On devait inévitablement passer de l’État providence à un État productif pratiquant la contrepartie envers les personnes exclues du marché de travail ou pratiquant les actions politiques d’activation de dépenses sociales dites « passives ». Le gouvernement fédéral du Canada et les gouvernements provinciaux, dont le gouvernement du Québec ont concrétisé ces transformations par la reconfiguration des paramètres de protection et par l’activation des dépenses sociales de type « workfare » même comme la version québécoise s’avérait un peu plus douce. Cependant, les politiques associées au principe du « workfare » et la pratique de contre partie semblaient en début des  années 2000 poursuivre des objectifs contradictoires (Dufour et al 2001 : 85). Pelletier (2012) se demande si l’État dispensateur de soins est désormais chose du passé? En d’autres termes, qu’en est-il de l’intervention de l’État dans ses politiques d’activation des dépenses sociales vers l’emploi?

L’État providence a mis en place une politique qui privilégie la « démarchandisation » et visant à réduire la dépendance des individus face au marché; assurer les citoyens face aux risques sociaux. Même comme elles n’apparaissent pas à l’État pur dans les réalités sociopolitiques de divers continents et pays, nous distinguons quatre types de prestations sociales et de retraite chacun correspondant à une forme particulière d’État-providence : le  régime libéral résiduel (pays anglo-saxon, dont les USA et le Canada), le régime conservateur ou corporatiste (pays d’Europe continentale), le régime social démocrate ou universaliste (pays scandinaves, dont la Suède, la Norvège et le Danemark) et le régime dual ou méridional incarné par Portugal et la  Grèce entre autres. Ces positionnements  d’État-providence sont fortement imprégnés des idéologies dominantes énumérées par Le ProfTrudel à la séance 12 sur les processus décisionnels et les idéologies : le socialisme (la gauche), le libéralisme (le centre), les conservateurs (la droite).

Les critiques formulées par plusieurs auteurs vis-à-vis des politiques de l’État providence et de ses programmes sociaux ont présenté la particularité d’être presque similaires dans de nombreux pays industrialisés. Selon Villeneuve (2007 : 85) la baisse de performance de l’État providence traditionnelle serait attribuable à quatre principaux facteurs : premièrement, au lieu d’améliorer les programmes existants, l’État a eu tendance à créer de nouveaux qui s’additionnent par sédimentation, menant à des chevauchements. Deuxièmement, la croissance de la bureaucratie gouvernementale ne s’est plus  transposée en croissance de l’efficacité. En troisième lieu, la clientèle tendait à s’adapter aux programmes pour en tirer le maximum de profit, ce qui contribuait à augmenter les coûts. Enfin, les besoins des clientèles changeaient sans que ce soit nécessairement le cas pour les programmes. La troisième critique aurait fortement influencé l’élaboration des politiques d’activation. Nous en retenons que l’État-providence aurait été incapable d’assurer le développement des politiques sociales efficaces et légitimes tout en créant des déficits budgétaires. Selon Villeneuve (2007), le Canada se retrouvait dans ce contexte, au début des années 1990 face à un déficit qui  atteignait 4,5 % de son PIB (38,4 milliards de dollars) et avec une des dettes les plus élevées des pays industrialisés (92,2 % du PIB).

 La stratégie d’activation désigne les politiques sociales et les mesures publiques visant à rendre actifs les destinataires de l’intervention sociale. Elles mettent à la mode deux nouveaux concepts (le «workfare » pour la littérature nord-américaine et la « conditionnalité » pour la littérature européenne continentale »), et deux visions différentes du « workfare » : l’approche étroite (version forte) appliquée dans le pays anglo-saxon, dont le Canada et l’approche flexible (version douce) appliquée dans les pays de l’Europe continentale. Pour Tremblay (2006), l’activation vise à dynamiser (mobiliser, stimuler, et inciter) les destinataires de l’intervention (individuel ou collectifs). Elle est fondée sur l’hypothèse que les destinataires des politiques sociales souffrent d’un « déficit de dynamisme » que les stratégies privilégiées pourraient combler. Ainsi, plutôt que de continuer à apporter des soutiens sans contre partie aux bénéficiaires, les États vont chercher à les impliquer au travail et à les responsabiliser. « Les prestations financières sont, dans ce contexte, qualifiées de passives et s’opposent aux mesures actives où les allocations, en devenant plus conditionnelles à un engagement dans un processus qui mène à l’emploi, permettent d’accroitre l’autonomie des individus et les opportunités qui leur sont offertes par rapport au travail » Groulx (2009 : 28). Désormais aux termes comme dépendance, passivité, clientélisme, droits sociaux, transferts financiers vont s’opposer les vocables tels que responsabilité, partenariat, entreprenariat, capital social et investissement social. Les frontières entre l’assurance et l’assistance deviennent poreuses. Cette stratégie se manifeste de différentes manières dans les champs d’interventions que sont : l’emploi, le revenu, l’éducation et le logement.

Dans le contexte de mutation de L’État providence, les politiques sociales doivent composer avec les transformations économiques, y compris du marché du travail d’une part et les transformations familiales et sociales d’autre part (Villeneuve 2007). Les transformations économiques font référence ici à la perte de la stabilité du marché du travail jadis acquise les années précédentes ainsi qu’aux exigences de certains impératifs inhérents à la recherche de la compétitivité économique. Le recours au crédit pour soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs face à la surproduction est encouragé dans l’optique néolibérale. Il en est ainsi de la marchandisation progressive des soins de santé et celle  de l’éducation en toile de fond du printemps érable de cette année au Québec. Nous empruntons l’illustration à Martin et Posca (2012) qui soulignent qu’au Canada, le taux d’endettement des ménages est passé de 66 % en 1980 à 154 % au premier trimestre de 2012, malgré la mise en place des mesures de soutien aux plus démunis. En parcourant le texte de Tremblay (2006), nous constatons que ces transformations sont marquées par cinq  facteurs principaux parmi lesquelles les deux types de flexibilité (externe et interne) appliquée par les employeurs pour répondre aux exigences de compétitivités, le remplacement ou redistribution des proportions entre emploi du secteur manufacturier et emplois du secteur des services, la mondialisation avec ses accords de libres-échanges, ses diverses coopérations géoéconomiques ou politiques, et enfin la polarisation des revenus du travail consécutive à la monté en puissance de l’économie du savoir. Les travaux de Vaillancourt (2002) soulignent que les reformes menées au Québec particulièrement au cours des années 1990 diffèrent du providentialisme traditionnel, mais aussi du néolibéralisme observé dans la plus grande partie de l’Amérique du Nord. En effet, les choix québécois s’inspirent de la trajectoire sociale / européenne alors que la province d’Alberta s’inspire de la trajectoire anglo-saxonne comme les autres provinces du Canada et les États-Unis. Ainsi, le modèle québécois bien que penchant un peu plus vers la version forte resterait fortement ancré de la version douce avec par exemple son programme d’assistance qui se renouvèle chaque année contrairement à Alberta où l’assistance décroit chaque année. En fait comme l’a si bien souligné ProfTrudel «  le modèle québécois est la version de la socio démocratie en Amérique du nord caractérisée en primeur la concertation, la solidarité, l’implication active de l’État dans la promotion économique et la défense de la langue française. Nous sommes les Gaulois de l’Amérique du Nord et vivons sur une planète mondialisée! ». Ainsi, face à la mondialisation (une marée irréversible), l’État québécois intervient autrement dans le social tout en gardant les principes fondamentaux et caractéristiques de son modèle. Diverses initiatives de l’État indifféremment du gouvernement en place sont scrutées par diverses instances décisionnelles empreintes d’une forme de public choice incorporant la loi du marché sans se transformer en société de marché. Elle sait harnacher la mondialisation à son profit pour hisser certaines de ces grandes entreprises comme Bombardier à l’élite mondiale, se sortir du chantage pancanadien, tirer profit de ses échanges avec son voisin les USA et mettre en place simultanément les mesures de soutien aux plus démunis.

Par ailleurs, peu d’auteurs s’avancent à énoncer avec certitude des prévisions concernant les formes que prendront les politiques sociales à l’avenir. Les perceptions des analystes sont très souvent teintées des positions idéologiques : pour les flagorneurs de l’État providence, il reste intouchable, tandis que les détracteurs y voient tous les maux du Québec contemporain (Patsias, 2012). En tout cas comme l’a souligné Mercier (2002 : 285) au sujet de l’idéologie, « le poison est le dernier à savoir qu’il est dans l’eau ! » Vaillancourt (2002) reste prudent vis-à-vis de la réussite de la régulation solidaire du Québec. Pour la sociologue White (2008) : les politiques d’activation peuvent engendrer des conséquences élevées pour la santé et le bien-être des populations déjà fortement défavorisées. Cependant, à cause de leurs interventions personnalisées, elles peuvent être d’un grand soutien sur les plans psychosocial et de capital social et culturel.

Nous pouvons dire enfin que malgré la présence de quelques pratiques néolibérales et du modèle de providentialisme libéral résiduel (pays anglo-saxon, dont les USA et autres provinces du Canada) le Québec a su garder son modèle socio démocrate aux accointances gaullistes en Amérique du Nord. L’État québécois à ainsi gardé son caractère dispensateur de soin malgré les politiques d’activation qui lui permettent de tenir la tête haute face à la mondialisation; une marée géante incontournable. Le choix parfait et invulnérable n’est pas garanti face aux fortes vagues de la marée libre échangiste pensée depuis 1929 par Jean Monnaie; le succès de chaque politique sociale est toujours conditionnel. À cet égard, Pelletier (2012) conclut : « l’État providence, basé sur la solidarité sociale, est là pour rester, mais il peut être corrigé et amélioré, non pas remplacé. Une bonne combinaison des facteurs déterminants, la prise en compte des valeurs sociales québécoises, des compromis ponctuels entre la trajectoire québécoise d’investissement sociale et la vision libérale de la protection sociale en cas de nécessité pourront éviter l’affaiblissement de la protection sociale québécoise. Cela rejoint l’idée Martin et Posca (2012) lus dans le recueil supplémentaire de la séance du cours numéro trois selon qui « L’État n’intervient pas moins, mais différemment ». Aussi, malgré les difficultés à saisir avec exactitude l’apport des mesures de ces politiques, un postulat fait l’unanimité aussi et nous l’empruntons à Jean-Claude Barbier (2004) : « les politiques actives et l’activation sont meilleures par principe que les politiques passives. Le préalable à la réussite de ces politiques demeure aussi dans le partenariat entre l’État et les bénéficiaires, dans les objectifs et dans cette nouvelle vision ».En somme la stratégie d’activation loin d’être un désengagement de l’État est un changement d’attitude, de philosophie dont l’objectif est une amélioration du bien-être des citoyens à la fois par l’État et par eux-mêmes.

QUELQUES RÉFÉRENCES :

Barbier Jean Claude, MAYERHOFER, Ludvic (2004). Introduction « The many works of activation » européens   socièties, vol. 6, n 4, p. 423-436.

BOURQUE, Mélanie (2011). Enjeux contemporains sur le plan social : concepts et évolution», dans Nelson Michaud et coll.  Secret d’État : Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, PUL, p. 609-630.

Dufour Pascal, BOISMENU, G. et Noël (2003). L’aide au conditionnel : contrepartie dans les mesures envers les personnes sans emploi en Europe et en Amérique du Nord, Montréal, Presses universitaire de Montréal. 

Groulx, Lionel-Henri (2009). « La restructuration récente des politiques sociales au Canada et au Québec : éléments d’analyse ». Labour/Le Travail, 63, pp. 9-46.

Martin Éric , Posca Julia (2012).  Notes de cours : Principes et enjeux de l’administration publique, Rémi Trudel

MERCIER, Jean (2002). L’administration publique : de l’école classique au nouveau management public, Sainte-Foy, PUL, 518p., ISBN 2763778313.  

MICHAUD, Nelson (dir) et coll. (2011).  Secret d’Etats : Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporain, PUL, 810p.

Patsias Caroline (2012). Notes de cours : Principes et enjeux de l’administration publique, Rémi Trudel

Pelletier Réjean (2012). Notes de cours : Principes et enjeux de l’administration publique, Rémi Trudel

Tremblay, D. (2006). « Une nouvelle légitimité pour l’État social : au-delà le bien-être, le plaisir d’agir ».     Service social. 52(1) : 47-64.

 Villeneuve, P. (2007). « Chapitre 3. Politiques et programmes sociaux : développement, défis actuels et perspectives d’avenir ». In Deslauriers, J.-P. et Hurtubise, Y. (sous la direction de). Introduction au travail social (2e édition). Québec : Les Presses de l’Université Laval. pp. 69-93.

 White Deena (2008). Vers une politique saine d’activation : l’impact sur la santé et le bien-être des prestataires d’aide sociale de l’intégration des services de sécurité du revenu et d’employabilité, Ministère de la Santé et des Services sociaux, université de Montréal, 33 p.

Commentaires

  • Nous voilà avec un bon blog de Simon à lire et triturer.
    Déjà l'effort mérite d'être souligné. En administration publique trop peu de personnes prennent la parole publique sur
    des sujets qui touchent toute la collectivité.
    Un même commentaire ...non moins méritoire Simon

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