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Blog #2-Dyna Hamdani-De Montréal à Laval, en passant par Wukan : « Quand la voix du citoyen brise toutes les barrières »

Au-delà des frontières terrestres et des différentes cultures politiques du monde, il semble que nous assistions à une forme de colère, d’une véritable révolution sociale. Les gens ne veulent plus garder le silence et le baromètre de tolérance est désormais mis à zéro. La voix de peuple se fait entendre de plus en plus et nos gouvernements ne peuvent plus fermer ni les yeux, ni les oreilles, ils sont contraints de rendre des comptes et de répondre au souhait de la majorité : la quête pour la vérité et surtout un réel désir de transparence et d’honnêteté.

Jamais avons-nous entendu parler autant des concepts d’imputabilité et de légitimité qu’en ce moment. Nous l’avons vu avec les maires Vaillancourt et Tremblay que c’est particulièrement toute cette question de légitimité qui était en cause. On peut supposer que le fait qu’ils n’étaient pas sous cette obligation de responsabilité ministérielle leur a fait prolonger le suspens en pensant peut-être qu’ils pouvaient faire fit de la pression du public. Lors de notre récent passage à l’hôtel de ville, la chef de l’opposition Mme Harel a même énoncé : « Vous avez vu le maire est en déni total ».  Il est vrai que jusqu’à présent ni le maire Vaillancourt, ni le maire Tremblay ont vraiment reconnu leur part de responsabilité par rapport à toutes les allégations qui ont été faites à leur endroit... Stratégie politique d’un côté et orgueil politique de l’autre me direz-vous?

Toutefois, l’opinion publique est demeurée trop forte et cela a mené à la dérive les maires des deux grandes métropoles vers un gouffre sans issu. On pouvait lire sur toutes les lèvres de nos politiciens en passant par Amir Khadir à Sylvain Gaudreault, de Jacques Duschesneau à Pauline Marois, le même message : « ils n’ont plus la légitimité pour régner sur leurs villes ». Au-delà du pouvoir municipal qui leur permettait de rester en place, les gens n’avaient plus confiance en leur chef, le peuple avait déjà tranché, ils ont dû quitter. Aujourd’hui, la présomption d’innocence bien inscrite dans la charte canadienne des droits et libertés ne suffit plus aux yeux des électeurs et la voix de la démocratie nous apparaît comme l’unique voie à suivre, c’est là qu’elle tire toute sa légitimité.

Pour répondre à la colère des Montréalais et du peuple québécois en général, le gouvernement de Pauline Marois a dû lui aussi en quelque sorte faire appel au concept de  reddition de comptes envers la population en instaurant de nouvelles lois. Ainsi a pris jour, le projet de loi #1 : « La loi sur l’intégrité en matière de contrats publics ». Elle vise à assurer que le gouvernement ainsi que toutes les entreprises et sociétés d’état qui feront affaire avec des entreprises privées ne fassent pas l’objet d’aucun soupçon avant qu’un contrat public ne leurs soient octroyées.

En collaboration avec L’AMF (l’Autorité des marchés financiers), le gouvernement tente d’instaurer une sorte de « police administrative ». «On veut  faire en sorte qu'il y ait un avantage à être honnête», a expliqué le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard, qui parraine le projet de loi (paru dans la presse le 1er novembre 2012). Ce même article affiche aussi comme titre principal : « la confiance du public pour guider L’AMF ». Il est à noter que la commission des finances publiques tiendra également des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi #1 tout au long du mois de novembre à l’assemblée nationale. Cela démontre une fois de plus toute l’importance que prend la confiance du peuple pour conduire les actions de notre gouvernement.

Même en Chine, dans la ville de Wukan, des politiciens dits « corrompus » ont été mis au banc des accusés. C’est on ne peut plus surprenant pour un pays où la population vit toujours sous le joug communiste. Encore une fois, la révolte du peuple a eue raison des condamnations de corruption et de magouillage politique qui se tramaient dans cette petite ville du sud pourtant bien loin de Pékin. « [1]Même dans les sociétés primitives ou non démocratiques les dirigeants ne sauraient faire totalement abstraction de la volonté du peuple, ne serait-ce que pour éviter les révoltes, les émeutes ou les révolutions. Comme l’a analysé Stephen Krasner, dans son étude sur la souveraineté, le pouvoir devient autorité lorsqu’il fait l’objet d’une acceptation populaire ».

Et c’est justement après plusieurs mois de révoltes tumultueuses chez les citoyens de Wukan, que le gouvernement chinois n’a eu d’autre choix que de se plier à la volonté de son peuple en retirant du pouvoir les élus municipaux siégeant au conseil de la ville. Il aura fallu des grèves générales, des manifestations sanglantes dans la rue des jours durant, la diffusion sur les médias sociaux de toute cette « révolte municipale chinoise » pour que les autorités nationales cèdent et chassent du pouvoir ces élus. Est-ce là un signe précurseur de la démocratie? Il semble que oui, car le 4 mars 2012 et pour la première fois en Chine, les citoyens de Wukan ont pu exercer le droit de voter en allant aux urnes afin d’élire un nouveau conseil municipal.

Hier, les chinois ont appris sans grande surprise la démission du leader du PCC (parti communiste chinois) Hu Jintao qui laisse sa place au futur président du pays, Xi Jinping. L’ex-président a pourtant profité de ce changement au sein du PCC pour affirmer que lui et son successeur Jinping vont mettre de la pression sur leur parti pour que celui-ci adopte un processus de démocratisation lors de la désignation d’une nouvelle direction afin d’en augmenter la légitimité aux yeux de la population chinoise. Voilà que reviennent à nouveau ces notions de légitimité, de démocratie et d’opinion publique, mais en Chine? Et bien oui, il semble que même le PCC commence à se rendre compte qu’il lui faut être dorénavant de plus en plus à l’écoute de sa population et qu’il ne peut plus en faire abstraction. Tout cela dans le but d’enrayer ce problème de corruption qui sévit apparemment aussi grandement là-bas et pour leur permettre de redorer l’image de leurs politiciens en général, qui ont eu leur part de scandale avec l’affaire Bo Xilai.      

Alors que ce soit à Laval ou à Montréal ou encore à Wukan, il y a ce même principe fondamental qui a été respecté et que nous étudiants avons entendu souvent ces derniers mois et qui pour moi commence à faire de plus en plus de sens: « le peuple a toujours raison ».  

Dyna Hamdani

Sources et Références : www.tv5.org paru le 8 novembre 2012, www.eurasiaview.com paru le 1er novembre 2012, Secrets d’États, Michaud Nelson, ENAP, Presses de L’université Laval, 2011, chapitre1, p.24,  www.assnat.qc.ca , www.lapresse.ca  paru le 1er Novembre 2012, www.radio-canada.ca paru le 14 novembre 2012.

               


[1] Secrets d’États, Michaud Nelson, Presse de l’Université Laval, p.24

Commentaires

  • Tu apportes des points intéressants Dyna, mais j’aimerais apporter quelques nuances.

    Tout d’abord, tu as raisons de dire que l’opinion publique détient désormais une force politique sans précédent. L’avènement des médias sociaux, les plus grandes capacités de communication et un plus grand accès aux médias font que la population est plus informée, plus alerte et plus facilement mobilisable. Travailler dans l’ombre est désormais beaucoup plus difficile, car tous les faits et gestes, tous les budgets et dépenses sont scrutés à la loupe par des milliers de personnes. Toutefois, je ne crois pas que nous soyons plus corrompu qu’avant, et je ne crois pas non plus qu’il y ait plus d’effort actuellement pour combattre la corruption que par le passé. Nous vivons dans un monde où tout est surexposé dans les médias, sociaux et traditionnels, ce qui engendre par le fait même de plus grandes réactions dans la population. On pourrait débattre longtemps de ce qui est venu en premier, l’œuf ou la poule, la surexposition médiatique qui engendre une révolution sociale ou la révolution sociale qui engendre une surexposition médiatique. Mais le résultat est le même, et là-dessus je suis entièrement d’accord avec toi, il n’est plus possible pour une figure publique d’attendre que la crise passe et de continuer comme si rien ne s’était passé.

    J’aimerais aborder ton point sur la Chine maintenant. Bien que la Chine soit communiste, en fait en théorie seulement mais ça c’est un autre débat, ça ne veut pas dire que la classe politique est à l’abri de tout. Au contraire, malgré la croyance populaire, il y a des élections en Chine et il y a plusieurs candidats, tous du même parti me diront les cyniques, mais c’est déjà mieux que rien! Il y a donc un souci de se faire élire ou réélire. De plus, avec la plus grande population au monde, si la population perd confiance en sa classe politique, les conséquences pourraient être désastreuses. C’est pour cela que, lorsqu’il y a des scandales de corruption en Chine, nous assistons souvent à des procès spectacles, pour que la population soit bien consciente des efforts déployés par le gouvernement central pour éviter ce genre de problèmes. Mais comme partout ailleurs, les gens corrompus trouvent toujours des façons de s’enrichir et d’aider leurs proches. Et comme en Occident, les moyens de communications se sont beaucoup développés en Chine, et avec plus de 500 millions d’utilisateurs d’Internet, on rejoint ce que nous disions plus haut, soit qu’il est beaucoup plus difficile de corrompre impunément sans se faire remarquer.

    Il est donc normal que, par souci de maintenir le calme et de préserver la paix, le gouvernement central mette beaucoup d’emphase sur les efforts déployés pour contrer la corruption. C’est le cas en Chine, comme c’est le cas partout ailleurs. Ces nouveaux mouvements vont peut-être aider à assainir la classe politique, à la rendre plus vigilante, mais sans vouloir être pessimiste, les tricheurs trouveront toujours de nouvelles façons de tricher. Mais grâce aux mouvements de masse et aux médias, nous pourront probablement limité les effets à long terme de la corruption. Ces deux entités se nourrissent l'une de l'autre, et font office de chien de garde envers la classe politique.

    Mais, que devait-il arriver si une de ces entités était elle même corrompu?

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