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Blog #2 Jessika Vigneault-Plan pour le Nord ou pour le Sud ?

En mai 2011, l’ancien Premier ministre Jean Charest lançait en grande pompe son ambitieux rêve : le Plan Nord. D’après les données du gouvernement, ce projet de développement des sous-sols des régions, situées au nord du 49e parallèle, devrait s'échelonner sur 25 ans et permettre des investissements de plus de 80 milliards de dollars ainsi que la création de 20 000 emplois par année. Selon un reportage d’enquête et divers articles sur le sujet, ce sont surtout des entreprises du Sud de la province et donc non-autochtones, qui s'enrichissent avec le Plan Nord, et ce, même si la plupart des habitants sur ces terres nordiques sont des Inuits, des Cries, des Innues et des Naskapies. Quelques emplois seulement ont été créés jusqu’à maintenant et peu de communautés autochtones bénéficient des retombées, malgré les millions de dollars déjà investis. Nous voyons clairement que la pensée magique de création d’emplois des libéraux était déconnectée de la réalité et, seule, elle ne contribuera pas à un développement durable. De plus, le développement de mines et d’infrastructures pour faciliter l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables par les entreprises aura sans doute un impact environnemental important sur cet écosystème vierge. Peu d’études ont été publiées jusqu’à maintenant à ce sujet, du moins ce n’est pas l’information diffusée par les médias et le gouvernement. Contrairement au Québec, où la pyramide démographique est inversée, plus de la moitié de la population autochtone est âgée de moins de 30 ans sur les territoires au nord du Québec et vit dans des conditions socio-économiques comparables aux pays en développement. Ces conditions seront d’autant plus exacerbées par le Plan Nord, s’il n’est pas mieux balisé. Une hausse d’agressions sexuelles, du taux de prostitution, de décrochage scolaire et de violence conjugale dans les communautés autochtones, concernées par le projet, sont aussi appréhendées par le Conseil du statut de la femme et la Fédération des femmes du Québec. Ces deux organismes affirment que le travail en rotation ainsi qu’une forte concentration d’hommes au sein de régions éloignées et le recrutement d’étudiants issus d’écoles secondaires par les compagnies sont des causes courantes de ces problématiques. Les 10 nations autochtones du Québec ont chacune leurs revendications, leurs besoins et leurs problématiques. Elles n’ont pas toutes le même rapport de force ni les mêmes opportunités en ce moment. Mais chose certaine, elles voudraient toutes avoir une meilleure emprise et un droit de regard sur ce qui se passe sur leur territoire.

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Le développement accéléré du Nord apporte donc son lot de défis et son principal talon d’Achille est l’exclusion des Premières Nations dans le projet. Cette façon de faire nous retourne au 18e siècle, alors que la Proclamation royale les assujettissait à l’autorité britannique et au 19e siècle alors que la politique autochtone, avec la loi sur les Indiens, cherchait à les unifier comme un seul et même groupe et à les assimiler aux valeurs et au mode de vie du Canada. Même si Charest a utilisé le fameux concept de nation à nation, lorsqu’il faisait la promotion de son Plan Nord, nous pouvons affirmer que cela était partiellement vrai. Il disait que les droits des Premières Nations étaient respectés, alors qu'en réalité seuls les droits écrits l'étaient, ce qui excluait d’office ceux non écrits comme les droits ancestraux. Malgré les négociations, qui durent depuis des décennies entre le gouvernement du Québec et les Premières Nations, l'exploitation des terres au Nord se fait encore en ignorant ces droits non écrits. D’un côté, le Plan Nord suscite un grand intérêt pour le gouvernement provincial, les entreprises privées et les multinationales. D’un autre côté, les Premières Nations, des organisations, des experts et des citoyens sont préoccupés par le sujet. Comment s'assurer que les retombées promises par Québec profitent réellement à tous? Comment concilier alors le plan avec la préservation de l'environnement et répondre aux besoins des Premières Nations? Plusieurs questions demeurent et des réponses claires sont encore attendues du nouveau gouvernement.

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Pendant la campagne électorale et au cours des dernières semaines, Ghislain Picard, le Président de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) pressait une fois de plus le nouveau gouvernement à réagir aux préoccupations des Premières Nations concernant le développement du Nord et à participer au Sommet organisé par ces dernières sur le sujet. Lors de son discours inaugural, Mme Marois a parlé à son tour du concept de nation à nation, promettait d’être à l’écoute et de coopérer avec les Premières Nations, tout comme elle l’a dit lors des élections du 4 septembre dernier. Elle a aussi réitéré son appui au Sommet qui sera organisé prochainement par les Premières Nations. Mme Marois et sa ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, ont proposé aussi l’approche du « Nord pour tous » qui vise la création d’un secrétariat au développement nordique pour coordonner un régime de redevances minières, inciter la transformation des minerais au Québec, préserver l’environnement et entretenir les relations avec les communautés autochtones. Selon les théories économiques néoclassiques, ces interventions de l’État sont une des solutions envisageables pour contrer les externalités négatives d’un tel projet. Par contre, ce nationalisme ne fait pas l’unanimité auprès des autres partis et tranche avec le discours de M. Charest, qui promettait mer et monde aux entreprises privées, notamment en acceptant d'investir des sommes importantes des coffres de l’État pour le développement d’infrastructures. Est-ce que Mme Marois et son parti se tiendront debout ou cèderont aux quatre volontés des compagnies ?  Jusqu'à maintenant, tout permet d’espérer le contraire, car il semble y avoir une ouverture de la part du gouvernement provincial, mais concrètement il reste à voir comment cela va se traduire.

 

Les solutions ne sont pas immédiates, mais des pistes à explorer existent. D’abord, il faut comprendre que pour sortir les Premières Nations du marasme dans lequel ils vivent, depuis trop longtemps, et permettre un véritable développement, cela doit passer inévitablement par un processus progressif, participatif, intégral et inclusif. Autrement dit, les Premières Nations doivent être les actrices de leur propre développement, et non pas les spectatrices. Elles devraient participer à toutes les étapes du Plan Nord, en commençant par la révision des modalités d'exploitation des ressources afin de répondre aux besoins des différentes nations en matière de formation, d’emploi, de protection du territoire, de droits ancestraux, d’environnement, d’infrastructures de base, de santé et d’éducation. En plus de cette prémisse de base, il est vrai de prétendre que le Sommet des Premières Nations tout comme la mise en place d’un secrétariat au développement nordique s'avèrent être des mécanismes tangibles pour revoir le Plan Nord et s'assurer que les intérêts et les droits des autochtones soient entendus et respectés par le Québec. Mme Marois a tout intérêt à respecter son engagement et participer à ce Sommet de façon plus proactive que son prédécesseur l’a déjà fait dans des circonstances similaires. Il faudrait qu'à la fin du Sommet des propositions formulées par les Premières nations soient adoptées par le gouvernement. Il est aussi impératif que ce projet tienne davantage compte des aspects socio-économiques et environnementaux et qu’une partie du budget prévu pour les infrastructures soit allouée à ces deux aspects, sinon nous risquons d’aggraver sérieusement la santé de notre écosystème et perpétuer le cycle vicieux des inégalités entre les femmes et les hommes ainsi que celles liées à la pauvreté. Le Conseil du statut de la femme a déjà proposé au gouvernement du Québec d’exiger un programme d'accès égalitaire à l’emploi pour les entreprises participant au Plan Nord. Cette idée est intéressante, car elle permettrait une transparence des résultats et le gouvernement aurait le pouvoir de refuser les contrats aux entreprises qui ne respectent pas cet aspect majeur du développement.

 

À la lumière de ces propos, force est de constater que nous ne pouvons pas faire d'administration publique sans avoir de connaissance sur les droits aborigènes. Tout comme l'affirme l’auteur Nelson Michaud, les enjeux autochtones sont très complexes et se concentrent principalement sur les plans politique, juridique et culturel. Ils ont des impacts au sein des différents paliers gouvernementaux, même s’ils relèvent de la compétence fédérale. Il ne faut donc pas attendre que des conséquences graves reliées à la mise en œuvre du Plan Nord ou encore que des conflits surgissent. Il y urgence d’agir ! À mon avis, plus de communication entre le gouvernement du Québec et les Premières Nations est fondamentale. Le temps, la volonté du gouvernement Marois ainsi que des Premières Nations et l’implantation de mécanismes juridico-politiques assurant une continuité entre chaque mandat gouvernemental sont d’autres éléments essentiels qui permettront d’arriver à une entente commune sur le développement durable du Nord.  

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Quelques sources :

Bouchard, Denis, Cardinal, Éric et Picard, Ghislain. (2008). Kebec à Québec : Cinq siècles d’échanges entre nous, Les Éditions des Intouchables, Denis Bouchard, Éric Cardinal et Ghislain Picard, 205 p.

Enquête, Panasuk, Anne et Tremblay Luc. À qui profite le plan Nord?, 18 octobre 2012, [en ligne], adresse URL : http://www.radio-canada.ca/emissions/enquete/2012-2013/Exclusif.asp?idDoc=250812, (consulté le 30 octobre 2012)

Gouvernement du Québec. Faire le Plan Nord ensemble : Le chantier d'une génération, site Web officiel du gouvernement du Québec sur le Plan Nord, juillet 2012, [en ligne], adresse URL : http://plannord.gouv.qc.ca/, (consulté le 30 octobre 2012)

 

La Presse, Baril, Hélène et Fontaine Hugo. Le Plan Nord est enterré, 1er novembre, [en ligne], adresse URL :http://affaires.lapresse.ca/economie/energie-et-ressources/201210/01/01-4579266-le-plan-nord-est-enterre.php, (consulté le 2 novembre 2012)

Le Devoir, Shields, Alexandre. Les incertitudes du Plan Nord, 18 août 2012, [en ligne], adresse URL :http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/357138/les-incertitudes-du-plan-nord, (consulté le 30 octobre 2012)
 
Michaud, Nelson. et coll. (2011). Secretsd’États, Québec, Presses de l’Université Laval, chapitre 29, p.681-703. 

Radio-Canada, Bovet, Sébastien. Le Conseil du statut de la femme craint les conséquences négatives du Plan Nord, 19 octobre 2012, [en ligne], adresse URL : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2012/10/17/010-plan-nord-inquietudes-conseil-statut-femme.shtml, (consulté le 30 octobre 2012)

Radio-Canada. Plan Nord : Ghislain Picard presse le PQ de lancer un sommet autochtone, 14 septembre 2012, [en ligne], adresse URL : http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2012/09/14/004-plan-nord-ghislain-picard-autochtone-sommet.shtml, (consulté le 30 octobre 2012)

Commentaires

  • Je trouve ton blog vraiment pertinent et je partage ton opinion. Pour ma part, je rajouterais que les Nations doivent prendre position et être plus actif sur la scène de l'administration publique. L'histoire a démontré que lorsque le Parti Québécois était au pouvoir, il y a eu des avancés dans la cause des premières Nations et des moments historiques positifs entre les Nations et le gouvernement Québécois. Lorsqu'on leur demande pourquoi ils ne se sont pas positionner lors de la campagne électorale de 2012; ils répondent de leurs principes en mentionnant que c'est notre choix de gouvernement en tant que nation Québécoise distincte de leur Nation. Ils comparent notre coexistence comme deux bateaux qui descendent côte à côte la rivière. J'avoue que l'image est empreinte de beaux principes. Pourtant, quand j'ai écouté le reportage d'Enjeux sur le fameux Plan Nord qui, effectivement, serre les intérêts du Plan Sud, j'ai trouvé qu'il y avait un bateau qui prenait de l'avance au détriment de l'autre et même qui lui faisait prendre de l'eau. Je reviens donc sur mon point; les premières Nations doivent être plus visibles, elles doivent se positionner sur la scène politique afin de mieux informer la société qébécoise qui souvent laissée dans l'ignorance juge sévèrement les premières Nations.

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