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#1-Lyne Couture-École publique : problème de marketing ?

 

 par Lyne Couture

Depuis 4 ans, lors de la période des inscriptions, je m’interroge sur le choix de l’école secondaire où j’enverrai ma fille pour m’assurer qu’elle reçoive la meilleure éducation possible.  Moi qui suis depuis toujours une défenderesse de l’école publique et par le fait même de tous les services publics,  j’avoue ici haut et fort que parfois j’ai des doutes.  J’ai un très grand malaise à payer pour des services qui, dans un état libéral, sont et doivent être accessibles à tous et pour lesquels nous payons déjà.   Mais d’un autre côté, est–ce que son diplôme aura la même valeur au niveau collégial ou universitaire ?  Je suis troublée par la perte d’excellents élèves dans nos écoles au profit du privé mais comment faire pour que l’hémorragie cesse ?  

Dans certains quartiers, le problème pour les écoles publiques n’est pas toujours le nombre d’inscriptions car récemment les médias indiquaient que certaines écoles de quartier doivent utiliser des locaux à doubles vocations, augmenter le nombre d’élèves dans les classes et même faire des agrandissements au niveau des infrastructures mais ce n’est pas la réalité de tous les quartiers.  On note une courbe d’augmentation des inscriptions dans les écoles privées et il y a lieu de réfléchir aux raisons associées à ceci.  Il faut se  questionner sur les raisons qui poussent certaines familles à déserter les écoles publiques ?   Quelles stratégies devraient adopter les décideurs afin de changer le vent de côté ?  Il ne faut surtout pas oublier la partie artistique et se demander si les administrations publiques pourraient faire autrement que ce qui est fait actuellement ?

Qui sont les parents qui choisissent l’école privée et pourquoi.  Dans une étude menée pour le ministère de l’Éducation, du loisir et du sport, il est mentionné que les revenus des parents dont les enfants fréquentent l’école privée se répartissaient comme suit :

  • 110 000$ et plus (32,3%)
  • Entre 70 0000 et 109 999$ (28,4%)
  • Entre 30 000 et 69 999 (31,2%)
  • 30 000$ et moins (6,34%)

 
C’est quand même étonnant que 31,2% des parents de la classe moyenne sont prêt à investir une partie de leur avoir afin que leur enfant ait une éducation dans le secteur privé et il est alors important que se questionner sur les raisons qui orientent ce choix. 

Les principales raisons évoquées par les parents en 1990 selon Massé dans la même étude sont :

  • Qualité de l’encadrement disciplinaire (74%)
  • Qualité de l’encadrement pédagogique (74%)
  • Qualité et variété de ses activités parascolaires (60%) 

Les écoles publiques auraient intérêt à prendre en considération ses éléments afin d’orienter une réingénierie. 


Complexité

Je suis certaine que je n’aurai pas à faire trop d’efforts pour vous convaincre sur le fait que, comme dans toutes les sphères de l’administration publique, le système de l’éducation est une « machine » complexe qui est régie par plusieurs lois et règlements en plus de devoir respecter les conventions collectives.   Au Québec,  il y a 72 commissions scolaires qui gèrent, 68 000 personnes et un budget de 8 milliards de dollars.  Ce qui n’est pas négligeable et ce qui explique en partie la place que l’éducation occupe lors des débats électoraux et de la place dans les différents médias. 

Ayant été moi-même très impliquée pendant près de 10 ans dans les conseils d’établissements et les comités de parents, je me suis rendue compte qu’étant donné que tout doit être approuvé et contrôlé, il faut être très patient.  Le Ministère de l’Education, Loisirs et sports (MELS), la Commission scolaire, les directions d’école, les conseils d’établissements, … il n’est parfois pas facile de s’y retrouver.

J’ai vu des professeurs dévoués, passionnés mais aussi plusieurs fatigués et impuissants face aux changements de la population, aux exodes des « meilleurs » de classes et aux nouvelles spécificités de leur métier.  C’est évident que l’école privée est privilégiée de ce côté étant donné qu’elle n’est pas régie aux mêmes obligations. 

 

Une question d’image

Pendant plusieurs années, le palmarès annuel de la revue l’Actualité creusait un fossé entre les écoles publiques et privées par la méthode de comparaison employée. Je me souviens certains soupers avec des amis où j’étais mal à l’aise de dire que ma fille fréquentait l’école de quartier  et je me suis surprise quelques fois à justifier cette situation. 

C’est certain que durant cette époque, il était beaucoup plus facile pour les écoles privées de faire bonne figure dans le palmarès annuel considérant que ces établissements peuvent choisir par des examens certains élèves et en éliminer d’autres.  Facturer les parents pour des services attractifs (art, danse, sport), ce qui n’est pas possible dans le réseau public. Les écoles publiques doivent quant à elle,  offrir l’accès à tous sans discrimination, y compris aux élèves ayant des besoins spéciaux (trouble d’apprentissage, nouveaux arrivants, décrocheurs). Heureusement que depuis quelques années, l’Actualité a renouvelé sa façon de faire et effectue les comparaisons entre écoles comparables, mais je crois que le mal était déjà fait.  Malgré tout, depuis ce temps, plusieurs écoles publiques réussissent beaucoup mieux au niveau des résultats et enfin les écoles publiques peuvent illustrer leur performance et leurs bons coups.  Cela aura bien entendu une incidence sur l’attraction et la rétention des élèves mais aussi des professeurs de qualité et permettra de changer la perception de la population face aux écoles publiques.

 

Moment bref d’histoire

Comme pour savoir où l’on va, il est important de comprendre d’où l’on vient …   Je ne vous ferai pas un cours d’histoire mais je vais quand même me permettre de vous donner quelques dates intéressantes dans les fondements historiques.  Il ne faut pas oublier qu’en nouvelle France, l’Eglise était responsable de l’éducation de la population et ce pouvoir fut conservé pendant des années.  Bien sûr ceci teintait l’éducation qui était donnée.  Bien des années plus tard, soit en 1964, le Ministère de l’Éducation fut fondé.  L’éducation qui était encore sous la tutelle de l’Église a transmis ses pouvoirs à l’État.  En 1966, furent fondés les polyvalentes et les CEGEP.  Les valeurs ont également été teintées par le fait qu’en 1997, il y a eu un amendement constitutionnel qui a permis de changer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. 

Il faut également prendre en considération les fondements juridiques.  Par exemple, en 1975, l’article 42 par l’adoption de la Charte québécoise des droits et des libertés de la personne, stipulait que la fréquentation de l’école privée était un droit.

Qu’est ce qui distingue le système d’éducation publique?  Entre autre, l’accessibilité, l’éducation obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans et celle-ci doit être gratuite. 

Et si l’on parlait un peu d’argent

Il est difficile d’évaluer combien coûte l’éducation pour un enfant au secondaire dans le système d’éducation publique compte tenu de toute la complexité du système mais selon le site du MELS, le budget accordé en 2011-2012 fut de 15,5 milliards de dollars dont 56.5% sont consacrés au préscolaire, primaire et secondaire.  Ceci est une autre nuance avec le privé où les structures sont beaucoup moins complexes  et où il est beaucoup plus facile d’évaluer le coût par enfant.     

Ne nous leurrons pas, en éducation comme dans les autres sphères de l’administration publique, la loi de Wagner s’illustre bien c’est-à-dire, qu’il y a toujours une croissance des coûts même s’il y a diminution du taux de la croissance économique.    Et lorsque l’on réalise qu’environ 25% des dépenses publiques sont consacrées à l’éducation,  il faut être certain que l’on a un système qui vaut tout l’argent qui y est octroyé. 

 

Mot de la fin

Je débutais mon texte par « Depuis 4 ans, lors de la période des inscriptions, je m’interroge sur le choix de l’école où j’enverrai ma fille pour m’assurer qu’elle reçoive la meilleure éducation possible »   J’avoue que je n’ai plus de doute, je crois fermement que nous devons nous impliquer pour avoir un système d’éducation publique de qualité et que des choix de société devront être faits , je suis convaincue que les dirigeants devront se questionner et réviser les façons de faire.  Par le fait même, ils devront analyser les structures actuelles afin de trouver des solutions qui permettront d’avoir un système compétitif avec le privé.   Le système publique doit répondre aux 5 principes fondamentaux :  la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité. 

Je crois aussi fortement que les parents doivent s’impliquer dans les différents comités (comité de parents, conseil d’établissement, organisme de participation de parents) car c’est en étant présents que l’on peut s’assurer que l’école répond à nos besoins et faire changer les choses qui nous déplaisent et pouvoir publiciser les bons coups.

Au Canada, au Québec comme au Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie Britannique entre 50 et 60% des budgets des écoles privés sont octroyés par les fonds publics tandis que dans les autres provinces, le choix fut de ne pas subventionner les établissements privés.     Est-ce que cette orientation permettrait au Québec, d’offrir de meilleurs services, d’investir ces sommes dans le réseau public ?  Cette orientation revient encore et dans le devoir du 16 octobre dernier, la Ministre de l’Éducation, Mme Malavoy indiquait que « si vous acceptez tout le monde, vous êtes financés.  Si vous voulez faire votre sélection, vous ne l’êtes plus » et ceci a pour but de faire une répartition plus équitable. Il est évident que l’État providence ne pourra pas toujours continuer à ce rythme.  Je crois qu’il est maintenant temps dans tous les secteurs gouvernementaux de parler de qualité, de contrôle et d’imputabilité.  Dans le contexte actuel, il est d’autant plus important de mettre en place de la reddition de comptes.   

Pour conclure, je termine avec deux questions qui étaient soulevées sur le site de la CSDM dans un communiqué lors de la Semaine pour l’école publique et sur lesquelles je vous invite à réfléchir.

 

« N’est-ce pas le moment pour le Québec de se repositionner sur ces choix en éducation ? »

« Serait-il opportun de se doter d’une politique nationale de l’éducation? »

 

Quelques références :

MICHAUD, Nelson (dir) et coll. (2011).  Secret d’Etats, 560 à 583

 Site internet :    www.mels.gouv.qc.ca/rentree2011

  http://www.csdm.qc.ca

 

Le financement public de l’enseignement privé au québec.  Etude menée par Bernard Vermot-Desroches, professeur à l’Université de Québec à Trois-Rivières (février 2007)

Notes de cours : Principes et enjeux de l’administration publique, Rémi Trudel

Le Devoir.com, le 16 octobre à 21h00

 

 

 

 

Commentaires

  • L'éducation de nos enfants est un héritage important que l'on partage tous. C'est dû à des choix de société que le quart du budget provincial y est consacré, le secteur le plus important après la santé et les services sociaux.
    Je me questionne également sur les principes qui permettent aux écoles privés d'obtenir une subvention aussi importante que 50%à60% de leur budget de fonctionnement.
    Si nous revenons à la base, l'origine des subventions au privé (50%à60%) provient en partie des impôts et des taxes de tous sans exercer d'évaluation. Bien sûr!

    Alors, pourquoi est-il acceptable qu'une évaluation soit réalisée par les écoles privées lorsque vient le temps de bénéficier "de nos choix" ?

  • Eh bien je suis tout a fait en accord. la question de choix de l'école publique ou privé est complexe et je suis moi aussi tout a fait en faveur du secteur publique.

    j'ai moi-même étudié 3 ans au privé et ensuite 2 ans au publique.
    le privé était grandement favorisé car tous croyait qu'il y avait plus d'encadrement, une qualité supérieur, de meilleure programme.
    évidemment avec les coûts d'inscription c'est plus facile d'offrir de belles activités. Maintenant que le privé soit subventionné c'est questionnable. c'est nous les contribuables qui paient même quand on envoie nos enfants au publique.

    Maintenant au publique il y a eu des ajustements favorables. De bons programmes comme internationale, multisport à de bons coûts. il faut payer un supplément à l'inscription mais nous sommes tout de même très loin du privé. je crois que la qualité de l'enseignement et de l'encadrement est aussi bon qu'au privé!!!

    Je pense exactement que comme société nous devons faire des choix. Au privé certains programmes avec le hockey peuvent coûter jusqu'à 8000$ pour l'année. c'est fou. ensuite les jeunes se comparent sur des bases et valeur tellement ridicule.

    bref pour ma part ma fill est finissante cette année à l'école publique en programme internationnale avec de très bonne note et sohaite se diriger en médecine. va elle être un moins bon médecin car elle est allées au publique. j'en doute. Mon fils aussi est au publique et ce n'est pas une question d'argent mais une questione de choix!!!

    à nous de choisir!!!

  • Comme on dit souvent, les préjugés ont la vie dure. Et la réputation que l’école publique s’est bâtie au cours des dernières décennies risque de la suivre longtemps.
    Personnellement, j’ai fréquenté l’école privée tout au long de mon secondaire et je m’inscrits en tout point dans les statistiques que vous citez dans votre blogue. Mes parents étaient dans la classe moyenne. Ils ont dû se sacrifier pour me payer ce luxe, convaincus tout comme moi que je bénéficierais, au privé, d’un meilleur encadrement et de plus d’activités parascolaires puisque mon collège était à dimension plus humaine que ces immenses polyvalentes impersonnelles du secteur public. Il ne faut pas non plus négliger l’influence des pairs puisque, mes amis poursuivant tous leurs études au privé, je ne voulais pas me retrouver seul au public.

    Quant au palmarès que la revue l’Actualité publie chaque année, bien qu’il soit controversé, je crois qu’il a au moins le mérite de stimuler certaines écoles à faire mieux pour obtenir un meilleur classement les années suivantes puisque personnes ne veut se retrouver en bas de la liste. L’image joue donc pour beaucoup. D’ailleurs, chaque année, certaines écoles publiques réussissent à se hisser de plus en plus haut dans ce palmarès, dépassant même des écoles privées. Ceci démontre bien que tout n’est pas qu’une question d’argent et de sélection des meilleurs élèves et qu’avec peu de moyens et une bonne dose d’engagement, de passion et de créativité, il est aussi possible de faire de petits miracles et de se surpasser.

    Quoi qu’il en soit, je considère que le secteur privé devrait recevoir moins d’argent de la part du gouvernement. À l’heure actuelle, les subventions s’élèvent à 60% et la nouvelle ministre de l’Éducation, Mme Marie Malavoy, a fait un premier pas dans cette direction, en annonçant son intention de cesser de subventionner les écoles privées qui continueraient de sélectionner les élèves par des examens d’admission. Nous verrons ce que cela donnera mais on sent une volonté de la part du gouvernement de réduire le financement des écoles privées. Toutefois, ceci ne pourra pas se faire drastiquement en mettant un terme définitif à tout financement car, soyons réalistes, si cela arrivait, les coûts pour fréquenter le privé bondiraient de façon astronomique et la plupart des écoles devraient fermer leurs portes puisque la majorité des parents n’auraient plus les moyens d’y envoyer leurs enfants. Et le réseau public n’aurait pas la capacité d’accueillir tous ces élèves d’un seul coup.

    Louis Falardeau

  • La scène du système scolaire qui laisse place à la coexistence du privé et du public est le parfait exemple que notre société au valeurs socio-démocratie n'est pas à l'abri de se faire charmer par l'univers de l'individualiste; du Public Choice Américain.

    Je peux comprendre toute la discordance que nous resentons devant un tel choix car nous voudrions un accès et un service équitable pour tous. Nous voulons un projet éducatif universel qui s'adresse à différentes clientèle, de différentes couches de la population. Un système s'approchant des meilleures pratiques d'enseingement et d'un encadrement auprès de nos jeunes laissant l'esprit tranquille aux parents d'avoir fait le meilleur et unique choix. Cet idéal est empreint de nos principes de notre modèle administratif de l'État Québécois. Alors choisir entre nom nombril en me disant, légitimement, que je veux offrir à mon enfant le meilleur mais que pour ça je dois faire un choix dans un système à double vitesse...c'est de s'avouer que notre projet éducatif collectif laisse place aux intérêts individuels...

  • Le titre de votre blog me plaît beaucoup. Les médias rapportaient souvent, dans les années 1980 et 1990, des incidents qui se déroulaient dans des écoles secondaires (la violence, la surpopulation, la drogue, un haut taux de décrochage, etc.). Ce n’est pas que ces incidents se déroulaient en réalité exclusivement dans les écoles publiques mais celles-ci avaient souvent, injustement, bien mauvaise presse.

    D’ailleurs, la réalisatrice du film Les enfants du palmarès, Marie-Josée Cardinal a déclaré que :

    La société a grandement dévalorisé l’école publique et on a fini par en avoir peur. On s’est donc tourné vers le privé, où il y a toute une campagne de marketing qui a été mise en place et qui fait ressortir les bons coups, mais jamais les mauvais. Le plus troublant, c’est que les étudiants se disent entre eux que les écoles publiques ne sont pas bonnes. On se retrouve donc face à un discours qui est partagé par tout le monde .

    Certes, le palmarès de la revue l’Actualité a contribué à la dévalorisation des écoles publiques au profit des écoles privées, qui se retrouvent souvent au sommet du classement, sans pour autant mentionner que certaines de ces écoles sélectionnent leurs étudiants. C’est en quelque sorte de la désinformation. Mais ce qui est paradoxal, c’est que le gouvernement du Québec subventionne à hauteur de 50 à 60% les écoles privées.

    Avec sa tendance à la social-démocratie, il est un peu paradoxal de penser que le gouvernement du Québec finance de 50 à 60% du budget des écoles privées et nous sommes en droit de nous demander si, avec de telles subventions, ces écoles sont réellement privées? Une chose est sûre, c’est que le système public a aussi besoin d’argent pour offrir plus de services attrayants aux enfants et à leurs parents. Mais le danger serait de couper drastiquement cette subvention car, comme le dit mon collègue Louis Falardeau dans son commentaire, des écoles privées risqueraient alors de fermer leurs portes devant l’incapacité de plusieurs parents à assumer de tels coûts. Il y aurait alors un transfert massif des élèves du secteur privé vers le secteur public, ce qui aurait comme conséquence que « le réseau public n’aurait pas la capacité d’accueillir tous ces élèves d’un seul coup.» La peur de l’école publique est presque devenue une psychose. Il faut changer les mentalités.

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