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Katherine Hahnen-ENP7505 Hiver 2012, Blogue #2-La frontière interprovinciale…libre échange pour le vin

Est-ce que vous êtes déjà retourné au Québec avec quelques bouteilles que vous ayez acheté à la commission des alcools (LCBO) lors d’un voyage en Ontario? Saviez-vous que vous avez alors commis un crime fédéral passible à une amende ou jusqu’à 2 ans en prison? Bien qu’il soit peut-être difficile de croire, Canada est doté d’une loi toujours en vigueur, la Loi sur l’importation des boissons enivrantes (LIBE), datant de 1928  qui interdit le libre-échange entre les provinces pour les boissons alcooliques. LIBE décrète les modalités d’importation internationale, sujette aux douanes et accises, mais interdit aussi toute importation interprovinciale sauf si géré par la commission ou régie officielle. Vous ne pouvez pas commander en ligne d’un domaine viticole de la Nouvelle-Écosse (c’est Postes Canada qui police vos colis « suspects » et confisquera la contrebande), ni mettre une bouteille ontarienne dans votre valise, bien qu’il n’y existe toujours pas de poste de contrôle entre Ottawa et Hull, par exemple…

La plupart des citoyens, une fois informés de l’existence de cette loi, considèrent qu’elle est désuète, et même la police n’a pas voulu porter des accusations formelles lorsqu’une vedette canadienne a récemment bafoué la loi pour attirer l’attention publique sur ce piège mal connu. LIBE était promulguée à la fin de la période de la prohibition en plusieurs états et provinces de l’Amérique du Nord, et l’attribution du contrôle provinciale était vue comme une sûreté pour la santé publique face à la misère sociale attribuée à l’alcool.

Si vous désirez déguster un vin qui a mérité la médaille de la Colombie britannique, mais qui n’est pas vendu par la SAQ, votre seul choix légal est de faire une demande d’importation privée avec le service de douanes et accises SAQ. Vous aurez votre vin dans (seulement!) 10 à 12 semaines; et vous l’aurez payé très cher; la SAQ exige une surcharge (qui pourrait excéder cent pour cent) en plus des frais de livraison. Ces démarches sont pour le moins dissuasif. Canada ne sera jamais la France ni la Californie en ce qui concerne la production du vin et spiritueux, mais l’industrie existe et le produit s’améliore graduellement; on peut penser à la tranche du marché croissant occupé par nos cidres de glace québécoise. Les petits viniculteurs qui n’ont pas la capacité pour être acceptés par leur commission provinciale ont présentement un marché quand même restreint à cause de la LIBE. À quoi bon le touriste venu de Vancouver jusqu’ à votre domaine viticole au Québec si vous ne pouvez pas lui vendre la caisse de pinot gris à laquelle il s’intéresse?

Mais plusieurs avocats, dont Me Ian Blue, croient que la LIBE est en fait inconstitutionnel. La constitution canadienne prévoit dans l’article 121 , « 121. Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d'aucune des provinces seront, à dater de l'union, admis en franchise dans chacune des autres provinces. ». Il est clair que les tarifs imposés par les commissions enfreignent à l’esprit de cette clause. Mais à ce jour il n’y a pas eu de cas déposé qui attaque la LIBE sur une base constitutionnelle.

Dan Albas (MP pour Okanagan-Coquihalla, Colombie britannique) mène la lutte pour ouvrir les portes de la LIBE à une exemption personnelle pour l’importation interprovinciale de vin seulement. Le projet de loi C-311 a été passé en comité, et a reçu l’appui général des membres de tous les partis politiques. Cette modification propose que les provinces puissent établir une limite pour l’importation personnelle, et déjà, bien que toujours « illégale » selon la LIBE, certaines commissions ont décrété une quantité maximale de vin qu’un individu est permis de transporter avec lui pour consommation personnelle lorsqu’il traverse la frontière interprovinciale; par exemple 9 litres de vin (une caisse de 12 bouteilles de taille standard à 750 ml) dans le cas d’Alberta. La seule partie prenante qui s’y oppose est l’association des commissions d’alcools du Canada, qui voient une érosion de leurs pouvoirs.

Cependant, est-ce qu’il est légalement défendable de permettre ce type d’importation personnel sans permettre l’importation commerciale d’autres produits vendus par les provinces? Mark Hicken (www.winelaw.ca ) croit que non. Il rêve d’un Canada ou l’on peut commander les produits locaux et canadiens directement des vignobles, stimulant l’industrie du vin au Canada, mais aussi les produits internationaux vendus par les commissions des alcools provinciales. Ce sera une conséquence éventuelle si l’un de nos partenaires internationaux, peut-être l’EU, porte plainte au tribunal de l’OMC. Il est interdit pour un pays membre de privilégier ses produits domestiques et les donner un avantage sur le marché comparé aux produits étrangers, sauf pour les raisons particulières; dans les années 90 il y eut des disputes entre Canada et les États-Unis concernant la bière selon les dispositions du GATT (General Agreement on Trade and Tarif). Certaines provinces exigeaient une surcharge pour les brasseurs américains, et l’OMC a trouvé que le Canada tardait à apporter les corrections requises pour égaliser l’écart.

Cependant, l’OMC reconnaît que les pays avec un système « fédérale » doivent travailler à l’intérieur de leur cadre légale en ce qui traite les responsabilités provinciales, dont la vente des alcools au Canada. Le standard est assez bas et vague : le gouvernement fédéral, qui est signataire du traité, doit seulement « favoriser » l’acceptation des prescriptions de l’OMC par les provinces. Il n’y a rien qui empêche un gouvernement d’éliminer les conditions favorables pour les producteurs locaux, mais les traités internationaux rendent encore plus facile l’extension de ces bénéfices aux gros producteurs étrangère. L’abolition ou mutation du rôle des commissions des alcools provinciaux peut être une conséquence de l’interaction des traités internationaux avec les lois fédérales et provinciales.

Personnellement, je trouve que ces changements peuvent être bénéfiques pour le Québec dans deux sens. Les petits producteurs pourront vendre et expédier à un marché élargi, et la SAQ, en tant que majeur importateur de vins européens est bien placé pour répondre aux besoins d’un marché compétitif pancanadien en ce qui concerne les commandes en ligne pour les produits étrangers --si jamais nous sommes obligés d’abroger la loi en entier pour respecter nos engagements à l’OMC. La plupart des états américains ont récemment abrogé leurs lois similaires qui freinaient le commerce en ligne et entre les états, et leur marché reste robuste. À voir si les effets ou pertes de revenu seront significatifs pour les provinces qui offrent une moindre sélection de produits. Pour moi, de tels changements aux lois ne suscitent pas la controverse et n’ont peut-être pas le sérieux d’un projet sur le Code criminel, ou la protection des réfugiés, mais ce sont des cas intéressants pour l’étude de la complexité de l’administration publique. Opérant par des modifications minimes, un premier changement peut mener à la réfection complète d’un système. À discuter lors de notre prochain 5 à 7 avec une bouteille de rouge en provenance du LCBO… 

 

Commentaires

  • Bien reçu Kate. Au banc des correction déjà!

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