Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blogue # 2/FLERIMOND…Le mot du droit n'a-t-il pas été dit dans l'affaire du docteur Guy Turcotte?

Nul besoin de rappeler tous les débats qu’avaient provoqué et qui entourent encore la terrible découverte faite le 21 février 2009. Sans faire une chronologie détaillée des faits, on se le rappelle que pendant deux mois et demi, un jury a été retenu pour entendre que ce soit du côté de la poursuite ou de la défense une abondante mise en preuve au procès du docteur Guy Turcotte, accusé des meurtres prémédités de ses deux jeunes enfants, Olivier, 5 ans et Anne-Sophie, 3 ans. Au bout d’un procès fatidique, le jury a retenu la thèse de folie passagère qui a été plaidée et présentée par les avocats de la défense. Le principal accusé de cette affaire a été reconnu donc non criminellement responsable des actes qui ont conduit à la mort de ses deux enfants. Un choix qui a eu comme conséquences directes de lui éviter d’aller en prison, mais plutôt en traitement dans un centre psychiatrique où il y restera tant et aussi longtemps que son cas le nécessitera.

En effet, le prononcé du jugement a eu l’effet d’une bombe, d’aucuns pensent que le jury a été induit en erreur par la défense en ce sens que ce n’était aucunement un cas de folie passagère, mais bien un cas d’intoxication, ce qui aurait engendré automatiquement sa responsabilité. Référence faite à la Cour suprême qui a déjà établi que si vous vous intoxiquez vous même, vous serez responsable de vos actes, et que seule une personne droguée et/ou intoxiquée à son insu peut être reconnue non responsable de ses actes. Un écho rejeté catégoriquement par la défense qui avait tenu à rappeler qu’il s’agissait bien d’un cas d’état second et non d’intoxication volontaire. Ce dont ils avaient eu le privilège de diriger et d’établir en cour.

En dehors de toutes formes de colères, d’émotions, de sentiments qui étaient venus ronger les gens par rapport à la décision qui a été prononcée, il faut comprendre que les jurés avaient l’obligation de décider en fonction de la preuve qui leurs avait été présentée. Ils ne pouvaient pas aller au delà de ce qui leurs a été indiqué par le juge dans le cadre de l’administration de la justice. De plus, la preuve de folie passagère n’a jamais fait l’objet d’une quelconque contestation de la part de la poursuite. Ce qui a laissé libre cours aux avocats de la défense de diriger leurs preuves là où ils le voulaient, pour finalement obtenir pour leur client un verdict de non criminellement responsable en raison de troubles mentaux.

Pour  ma part, je ne suis pas un ami et encore moins un admirateur du docteur Guy Turcotte, et je ne suis pas non plus au courant des détail de son dossier. Néanmoins, qu’il me soit permis de souligner certains principes et enjeux de l’administration publique  eut égard à ce qui pourrait ressembler à la principale décision judiciaire de cette décennie au Québec en terme de portée. Il faut  se rappeler que le bon fonctionnement de tous les États de droit est et sera toujours tributaire du respect d’un ensemble de règles formelles et/ou informelles. Tous les gestes, que ce soit au niveau politique, législatif ou judiciaire, doivent trouver leur racine dans une règle de droit et particulièrement dans la constitution qui garantit les droits de tout un chacun. Dans un État de droit, il faut donc avoir de l’encadrement pour que les droits soient respectés et que l’on puisse les faire respecter. Là dessus, ce sont fondamentalement les tribunaux qui sont responsables de la gestion des prétentions de droit.

Pour revenir à l’affaire Turcotte, regardons l’état du droit et déterminons sa place dans la responsabilité pénale. En effet, pour ce qu’il s’agit des troubles mentaux, on parle de toute sorte de troubles généralement quelconque. L’article 2 du Code criminel nous dit que les troubles mentaux sont en fait toutes les maladies mentales qui affectent d’une manière ou d’une autre le cerveau. La Cour suprême a défini la maladie mentale comme étant tout désordre organique susceptible d’avoir dérangé les facultés cognitives d’une personne. Dans le temps, on parlait d’acquittement pour cause d’aliénation mentale. Maintenant l’article 672.34 du Code criminel parle plutôt de verdict de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Toutefois, il faut comprendre qu’il ne s’agit pas d’un acquittement. Une personne sera punie si elle commet volontairement un acte illégal, toutefois, si cette personne n’avait pas tout son état mental, on va reconnaître que des gestes ont été posés, mais à cause de son état mental, elle ne sera pas tenue criminellement responsable. À ce niveau, on se questionne sur l’état de santé mentale de l’individu au moment où l’infraction a été commise et ce denier peut faire valoir lors du procès certaines circonstances  comme les maladies mentales qui le dégagent de toute responsabilité criminelle.

Entre autre, pour qu’une personne soit déclarée non responsable, elle a un fardeau par prépondérance à faire valoir. Vu que toute personne est présumée saine d’esprit en vertu de l’article 16 (2) du Code criminel, ce n’est donc pas aux procureurs de la poursuite à prouver que l’accusé est saine d’esprit, c’est à ce dernier d’établir par prépondérance de probabilité qu’il était frappé de troubles mentaux qui l’empêchaient soit de connaître la nature ou la qualité de ces actes ou soit que l’acte était moralement mauvais, et ceci, en vertu de l’article 16 (3) du même code. À ce stade ci, l’expertise psychiatrique n’est pas obligatoire, on n’a donc pas besoin de l’aide d’un psychiatre pour établir la maladie mentale. Si le tribunal arrive à la conclusion que l’accusé est atteint de troubles mentaux qui l’empêchent de juger de la nature  et la qualité de ces actes ou que ces actes étaient moralement mauvais, il est tenu de rendre un verdict spécial de non responsabilité pour causes de troubles mentaux. Une fois le verdict rendu, l’article 672.54 du Code criminel donne l’ouverture à 3 possibilités : Une libération pure et simple ; une libération avec certaines conditions qui seront imposées par le juge, en général, pour des cas moins sérieux ; une détention dans un hôpital. Dans ce dernier cas, l’article 672.54 nous dit également que l’individu peut être détenu dans un hôpital sous réserve d’une décision soit de l’hôpital ou de la commission d’examens des troubles mentaux, organisme indépendant qui va se charger de le surveiller dans son évolution. Il restera détenu tant et aussi longtemps qu’il ne sera pas guéri.

Là dessus, on ne peut pas nier que les avocats du docteur Turcotte ont fait un excellent travail. Ils ont été capable à leurs façons bien sûr de démontrer que la maladie de leur client était d’une gravité telle qu’au moment de l’infraction, il était soit incapable de juger la nature et la qualité de ses actes, donc il ne savait pas ce qu’il faisait ou qu’il a été empêché à cause de sa maladie mentale de savoir que son acte était moralement mauvais. Malgré les circonstances qu’on connaît tous, ils ont réussi à lui éviter la prison et à le faire placer provisoirement à l’Institut Philippe Pinel en attente de la décision de la Commission d’examen des troubles mentaux.

Depuis son séjour à l’Institut Philippe Pinel, plusieurs interrogations se posent quant à l’idée qu’il devrait rester ou sortir de l’Institut. La commission doit maintenant décider si le docteur Turcotte peut retourner vivre en société ou s’il doit rester à l’hôpital pour recevoir les soins que nécessite son cas. Quant à ses avocats, ils militent en faveur de son suivi psychiatrique en communauté, de sa libération inconditionnelle et proposent même, au cas où la commission aurait refusé de lui accorder cette dernière, une libération avec conditions. L’affaire est encore en délibéré, et la commission rendra sa décision à un moment qui n’est toujours pas arrêté. En fait, personne ne sait quelle décision sera prise au terme de cette audience. La commission peut décider de le garder dans un centre hospitalier durant une année où il recevra les traitements que nécessitera son cas afin de ne plus constituer un danger pour la société. Dans ce dernier cas, tant et aussi longtemps qu’une libération sans condition n’est pas octroyée une révision annuelle du dossier s’imposera pour déterminer si une nouvelle décision doit être prise.

In fine, ce drame contre nature, insensé, a été sans contredit une dure épreuve pour beaucoup de personnes, qu’on pense aux petites victimes, à leurs proches, aux voisins, aux différents intervenants au dossier etc. Le verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux est venu chercher profondément les gens, en a surpris, choqué, outré et indigné plus d’un au point de crier à l’injustice et de traiter le système de justice de bonbon ou de trop clément. Néanmoins, qu’on le veuille ou non, Guy Turcotte a été reconnu non criminellement responsable pour causes de troubles mentaux, car le jury en était arrivé à la conclusion qu’il était plus probable qu’improbable que le docteur Turcotte se trouvait dans un état d’esprit tel qu’il lui était impossible de juger la nature et la qualité de ses actes au moment où il les avait posés et qu’il était incapable de distinguer le bien du mal. Fort de ces considérations, il ne peut être dirigé vers un établissement carcéral conventionnel.

Même si nous ne sommes pas d’accord avec le choix des jurés et même si certains n’y adhèreront jamais, ce qui est très compréhensif eut égard à la gravité des faits. Il n’en demeure pas moins que c’est ça l’État de droit, l’application des décisions des cours et des tribunaux. S’il y a un problème, on peut toujours aller en arbitrage. De plus, les principes fondamentaux du droit prévoient la possibilité de recours par rapport à toutes les décisions qui peuvent être prises par les tribunaux inférieurs. Autrement dit, il existe toujours des mécanismes d’appel qui peuvent amener jusqu’à la Cour suprême pour faire valoir ses droits si on pense avoir été lésé dans ses prétentions de droit sous une forme ou sous une autre. C’est le principe de la primauté du droit, facteur déterminant dans le fonctionnement de toutes les sociétés de droit.

Qu’on soit clair là dessus, je n’étais pas entrain de prêcher pour  la non culpabilité du  docteur Turcotte dans cette situation dramatique qui ne finira jamais de nous interpeller. J’ai tout simplement essayé d’analyser la situation sous un angle objectif avec les éléments que j’avais du dossier. Je fais parti de ceux qui pensent que c’est immonde ce que le docteur Turcotte a fait, néanmoins, cela ne doit pas nous empêcher de soulever et d’analyser certains principes et enjeux ayant rapport avec l’administration publique dans sa gestion  de la justice et dans sa quête d’assurer la primauté du droit et de la loi en tout et partout. 

Commentaires

  • Bien reçu Evens. Au banc des corrections déjà!

  • Rien n`est parfait

    Le code criminel est une loi fédérale édicté par le Parlement, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. Par contre l`interprétation de ce code est-il la même à travers le Canada et même entre les grands centres urbain et les régions de même province.
    Ce qui amène le principe suivant; Dis-moi qui est ton avocat et je te dirai si tu as une chance d`être acquitter! Donc en tant que citoyen, il faut se demander est-ce que monsieur tout le monde a les mêmes chances qu`un éminent cardiologue? Est-ce que Guy Turcotte aurait reçu le même verdict dans l` ouest canadien, par exemple?
    Alors pourquoi qu`un homme qui est allé prendre des renseignements sur Internet sur l`intoxication, qui a tué ses enfants de 46 coups de couteau, s`en sort? Parce qu`il peut se payer les meilleur avocats? Peut-être… Parce qu il fut jugé au Québec? Peut-être...
    Le débat a changé, maintenant on ne cherche plus à savoir qui a fait ceci ou cela mais dans quel état était-il quand il a fait ceci et cela! On peut dire que les experts font des affaires d`or !
    Un jour une dame d`origine de l`Inde a dit; «Ici au Québec on vous gifle le côté droit du visage et vous montrer ensuite le côté gauche».

    BoB White

Les commentaires sont fermés.