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Blogue #2 Desrochers, La polygamie criminelle en Colombie-Britannique

Un jugement est tombé la semaine dernière en Colombie-Britannique : la polygamie est illégale. En effet, un juge de la Colombie-Britannique a considéré l’article 293 du Code criminel 1, qui interdit la polygamie au Canada, comme étant constitutionnel, et ce, même si cela contrevient à la liberté de religion de la charte des droits et libertés 2. Quel doux son à mon oreille que de dire cela, car la polygamie, je n’y crois pas. Au Canada, la polygamie se pratique dans une petite communauté de la Colombie-Britannique, Bountiful. Il s’agit d’une communauté mormone où un homme a le droit d’être marié à plusieurs femmes. Selon eux, ce serait de cette façon qu’il serait possible d’atteindre le paradis3. Selon moi, il s’agit davantage de la bouillie pour les chats, d’hommes qui veulent avoir la permission de coucher avec plusieurs femmes, tout en ayant l’aval de leur femme pour le faire. Ce qui me dérange particulièrement dans la polygamie, ce n’est pas que les hommes couchent avec plusieurs femmes, ça se fait depuis toujours et cela va se vivre tant que l’homme (avec un grand H) sera sexué. Non, ce qui me dérange particulièrement, c’est le fait que les femmes n’ont pas le droit de se marier à plusieurs hommes, donc d’avoir plusieurs partenaires de vie. En effet, pourquoi l’homme aurait-il le droit de se marier avec plusieurs femmes tandis qu’une femme n’aurait pas le droit de faire la même chose? J’endosse mon chapeau de féministe en disant cela (ne me demandez pas de quelle vague je suis, je peux seulement vous dire que je ne brûle pas mes soutien-gorge!), je crois foncièrement que c’est de la discrimination envers les femmes. Pour moi, une femme devrait avoir le même droit que son conjoint, donc si son conjoint a le droit de se marier avec le nombre de personnes qu’il veut et ainsi coucher avec qui il le veut, la femme devrait avoir le droit de faire la même chose. Ces règles de polygamie sont édictées par des hommes, qui veulent donner des privilèges aux autres hommes et qui l’imposent à leurs femmes et leurs enfants.

Si je mets mon chapeau de sociologue, je crois que les femmes n’ont pas le droit de se marier à plusieurs hommes, parce qu’il serait alors difficile de déterminer qui est le père biologique de leur enfant. Je dois vous avouer que je ne me base sur aucune étude scientifique pour énoncer cette opinion, ce n’est qu’une hypothèse à laquelle je crois depuis très longtemps. Si la polygamie était aussi possible pour les femmes, cela apporterait de grandes difficultés en ce qui concerne la filiation parentale en droit de la famille. Est-ce que tous les enfants des femmes polygames devraient passer un test à la naissance afin de déterminer qui est leur père biologique? Sinon, de quelle façon serait-il possible de déterminer qui est le père de cet enfant? Cela pourrait entraîner de longues et coûteuses batailles juridiques pour ces familles. Ces questions de filiation par le sang et de polygamie féminine soulèvent aussi une inquiétude pour la sexologue en moi. En effet, les études ont prouvé que les enfants qui ne vivent pas avec leur père biologique, mais qui vivent avec un beau-père sont plus à risque d’être victime d’agression sexuelle que les enfants qui vivent avec leur père biologique 4. Étant donné que dans un cas de polygamie féminine il y aurait plusieurs conjoints masculins, donc plusieurs hommes que l’on pourrait considérer comme les beaux-pères des enfants, cela pourrait mettre les enfants dans des situations où ils seraient plus à risque d’être agressés sexuellement. Et de cela, personne ne le veut dans la société.

 Par ailleurs, pour moi cette question de polygamie masculine dans la communauté de Bountiful, est une question de justice sociale, très présente dans le modèle québécois. Je m’identifie fortement au modèle québécois, les questions de solidarité, de concertation, mais particulièrement de justice sociale5. En effet, si un homme a le droit d’adopter un comportement, pourquoi une femme ne pourrait pas le faire? Il n’y a aucune raison qu’elle ne puisse pas le faire. Selon moi, tout le monde devrait avoir les mêmes possibilités, que l’on soit homme ou femme, car avant tout, nous sommes humains. Bien entendu, certaines choses sont impossibles à faire pour les hommes ou les femmes, mais la polygamie ne devrait pas entrer dans cette catégorie, car les deux sexes peuvent se marier et avoir des enfants.

Toujours dans la justice sociale, je ne comprends pas que les femmes de cette communauté ne la quittent pas. Je ne peux pas croire qu’une femme puisse supporter une telle inégalité dans sa vie. En même temps, je comprends très bien que quitter sa communauté apporte de l’isolement, probablement davantage de pauvreté et signifie devoir tout recommencer sans aucun réseau social. Les femmes prennent ce qu’elles doivent considérer comme étant la meilleure décision pour elles-mêmes et leur famille. Toutefois, je ne comprends vraiment pas comment ces femmes peuvent accepter de marier leur jeune fille de 12 ans à des hommes de 58 ans3. C’est une abomination pour moi, une situation d’abus total. Cette jeune fille sera soumise à cet homme d’expérience et elle vivra cela comme étant normal, car c’est probablement ce que sa mère a vécue avant elle et ce que ses propres filles vont aussi vivre un jour. En outre, le fait de marier de jeunes filles à des hommes d’âge mûr va nécessairement affecter la socialisation de ces filles. Le fait d’avoir une grande différence d’âge favorise le conservatisme des relations et ainsi influence la socialisation des jeunes femmes, qui vont-elles-mêmes probablement faire vivre la même chose à leurs enfants, sous menace d’exclusion de la communauté si elles ne se conforment pas aux règles conservatrices de cette communauté. Cela me procure un énorme malaise en pensant à cela et j’en viens au réflexe facile de blâmer les femmes de rester, même en sachant que divers facteurs, tel le manque d’éducation ou le cycle de la violence font en sorte qu’elles n’ont pas les ressources nécessaires pour partir.  

Dans un autre ordre d’idée, si nous regardons seulement la décision rendue cette semaine, il est possible d’analyser la décision prise par le juge selon le modèle du « Noetic Authority », car le juge est lui-même un spécialiste en droit et il a pris ce qu’il croit être la meilleure décision dans cette situation6. Étant lui-même un spécialiste, il a dû consulter divers autres spécialistes dans ses délibérations afin d’en arriver à la décision que nous connaissons aujourd’hui. Ce qui est dommage dans cette situation est que la décision n’ait pas été rendue par la Cour suprême du Canada, la plus haute instance juridique au pays. La décision n’aurait donc pas pu être révoquée, ce qui pourrait malheureusement être le cas ici.

Pour terminer, je crois que le jugement qui a été rendu est le premier pas vers un monde où la polygamie ne sera pas tolérée, ce qui est bien à mon sens, étant donné l’inégalité qui ressort du la polygamie et du risque d’abus pour les femmes et les enfants qui vivent dans des communautés polygames. Il faudra probablement de nombreuses années afin que des actions soient entamées contre les membres de la communauté, puisque la cause pourrait vraisemblablement se retrouver devant le plus haut tribunal du pays. En attendant que des actions concrètes soient prises pour enrayer ce problème, gardons en tête que des inégalités persistent dans la société et que nous devons œuvrer au meilleur de nos connaissances afin de les faire cesser.

 

Annie-Claude Desrochers

ENP 7505

Cours lundi soir

1-http://www.canlii.org/en/bc/bcsc/doc/2011/2011bcsc1588/2011bcsc1588.pdf

2- http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/201111/23/01-4470882-la-polygamie-est-illegale-tranche-la-cour-supreme-de-c-b.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4471288_article_POS1

3- http://www.creum.umontreal.ca/IMG/pdf/rapports_condition_feminine.pdf

4- Notes de cours SEX2203 : Étude des programmes d'intervention sexologique éducative et préventive et des stratégies d'implantation

5- Notes de cours ENP7505- séance 13

6- Notes de cours ENP7505

 

Commentaires

  • Le phénomène de la polygynie est à mon avis quelque chose qui est très difficile en tant que Nord américain à comprendre. Soyez rassuré, je suis absolument contre cette pratique dans un contexte occidental. Je crois toutefois qu’on doit nuancer notre propos avant d’affirmer que la polygynie doit être bannie de la surface de la terre. J’ai tendance à croire qu’elle est arrivée pour une raison et qu’elle se maintient pour une autre. Par exemple, dans le temps des grandes découvertes, le trafic des esclaves africains était tellement prolifique qu’une nombre considérable de femmes sur le continent africain se sont retrouvées seules, sans l’espoir d’avoir une vie, une famille et une propriété puisque les hommes étaient envoyés à l’étranger. Elles avaient besoin d’hommes. Et bien la seule solution possible a été d’accepter d’être la femme parmi d’autres d’un homme pour ainsi assurer sa survie.
    Après avoir séjournée un cours moment en Afrique, j’ai compris que les femmes elles-mêmes ont souvent besoin de l’aide des autres femmes de leur mari pour pouvoir réussir à s’occuper convenablement des terres et de leur progéniture. L’ensemble des femmes forme alors qu’une seule famille, où les enfants se considèrent comme frère et sœur peu importe l’ADN de leurs gènes. Il est de plus souvent économiquement difficile pour un homme de supporter sa famille et ses nombreuses femmes, donc il ne le fait pas par pur plaisir sexuel, mais bien pas nécessité.
    Au sujet de la polyandrie, elle existe aussi et est présente au Tibet au cœur de l’Himalaya. Encore une fois ici, la raison qui explique qu’une femme puisse avoir plusieurs maris, dont ils sont pour l’essentiel les frères d’une même famille, est pour des raisons de survie en gardant les terres au sein d’une seule même famille. Ce sont des raisons qui sont bien au-delà de la prétention de vouloir être le sexe fort, celui qui peut se gratifier d’avoir plus d’un partenaire.
    Je ne me prétends pas anthropologue, mais cette courte revue nous fait voir différentes origines et fondements de la polygynie. Bien entendu, plusieurs autres pratiques sont répertoriées dans le monde, ce qui me fait revenir à celle canadienne. Ce qui s’est passé en Colombie-Britannique n’est nullement associé à un évènement historique ou par le besoin de survie d’un peuple. On appel plutôt cela le simple désir individuel d’un homme de vouloir vivre selon ses croyances, et donc ses désirs sexuels ou religieux de partager sa vie avec plusieurs femmes. Je crois que les conditions dans lesquels on vit ne demande pas à ce qu’une telle pratique soit acceptée, pas plus chez l’homme que chez la femme. Ce n’est même pas une question de féminisme, car je me révolterais tout autant si une femme prônait de telles pratiques.
    Chaque société est différente, l’administration publique de chacune doit ainsi être ajustée et harmonisée aux pratiques, qui peuvent paraître incompréhensibles à nos yeux. Nous nous devons d’y aller avec modération lorsque l’on affirme devoir bannir ce phénomène pour l’ensemble de la population mondiale, notre réalité n’est pas partout la même, on se doit d’en être conscient.

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