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La décentralisation de mesures et programmes, quand la base communautaire est très (trop) sollicitée …

Le gouvernement du Québec met de l’avant une série d’initiatives intéressantes socialement. Habituellement, on peut difficilement être contre. Pensons à certaines qui touchent les municipalités… tantôt actives, tantôt amies des aînés ou encore amies de la famille. Chaque fois, la mesure a ses paramètres d’analyse, de réussite et elle sous-tend généralement la concertation. Je travaille dans un organisme à but non lucratif (OBNL) sur l’île de Montréal et j’ai découvert cette semaine, une nouvelle mesure visant les jeunes qui interpelle mon organisation; je veux exposer les impacts de certaines décisions des autorités publiques sur le monde associatif.

 

La fragilité du monde associatif

 

À l’heure où la participation citoyenne est à la mode, je m’inquiète de l’avenir de tous ces organismes issus de la volonté d’une poignée de citoyens autour d’une cause qui leur tient à cœur. Les difficultés budgétaires des autorités publiques ont engagé depuis longtemps un mouvement de décentralisation de certaines responsabilités vers des OBNL. Derrière le discours de partenariat renouvelé, on y réalise des mandats à moins de frais. Ces organismes voient leur subvention de base (vouée à la mission) stagnante depuis plus d’une décennie ou encore remise en cause suite à l’adoption de nouvelles orientations de l’autorité publique. Dans un contexte économique où la capacité d’autofinancement est de plus en plus difficile et exigeante, ce sont généralement les ressources humaines des OBNL qui en font les frais. Les conditions salariales sont souvent déficientes et faute de reconnaissance, il y a du roulement de personnel. L’expertise ne demeure pas, ce qui met en péril la qualité de l’intervention ou l’atteinte des résultats de ces organisations recherchés ou demandés. De plus, à l’ère de la concertation multisectorielle, la volatilité des ressources humaines met en péril l’avenir même de ces processus de leur qualité, ce fait juxtaposé à la problématique globale de la relève.

 

La région de Montréal a l’implication du monde associatif

 

La région de Montréal se distingue des autres régions administratives entre autres par la présence de centaines d’OBNL locaux et régionaux. Je parlerai du domaine que je connais soit le loisir public. En matière de loisir, un service de proximité,  le gouvernement du Québec reconnaît que la maîtrise d'œuvre doit être confiée au niveau le plus près du citoyen, c'est-à-dire à l’instance publique locale : la municipalité. La ville de Montréal en cette matière (surtout les anciens arrondissements), a la particularité de mettre en œuvre son offre de service en loisir et sport avec l’aide d’OBNL. Les organismes signent des conventions avec celle-ci et/ou bénéficient de soutien en ressources diverses (locaux, soutien administratif, financier, etc.). Ceci est valable également au sein des villes liées mais de façon moins importante.

 

Loisir et jeunesse, des thèmes transversaux au sein de plusieurs ministères

 

Loisir public et jeunesse sont deux thèmes qui sont souvent liés. Le loisir est un secteur transversal à plusieurs facettes de la jeunesse. Il y a la pratique dans l’esprit des saines habitudes de vie mais également, souvent l’un des premiers lieux d’appartenance et d’implication citoyenne en dehors de la famille et de l’école. Le loisir est, à plusieurs égards, un levier d’intervention puissant, permettant d’atteindre des objectifs liés au développement de la personne et à sa capacité d’interagir socialement.

 

Imaginez la complexité de la mise en œuvre d’un focus jeunesse à travers l’appareil gouvernemental. En cette matière, le Québec a été interpellé dans la dernière décennie à :

 

-       la tenue d’un Sommet de la jeunesse en février 2000

-       une politique québécoise de la jeunesse adoptée en 2001 : La jeunesse au cœur du Québec

-       la mise en œuvre d’un plan d’action jeunesse 2002-2005

-       la mise en œuvre de la Stratégie d’action jeunesse 2006-2009

-       la mise en œuvre de la Stratégie d’action jeunesse 2009-2014

 

Notre société a voulu prioriser la jeunesse et cela s’est traduit par différentes mesures et programmes au sein de l’appareil gouvernemental. Il faut se rappeler que le dossier jeunesse est celui du premier ministre. Afin de tout coordonner, ce dernier s’adjoint les services du Secrétariat à la jeunesse (SAJ). Le mandat du Secrétariat s’articule autour des objectifs suivants :

  1. Assurer la cohérence des politiques et des initiatives gouvernementales en matière de jeunesse, notamment en exerçant son leadership auprès des ministères et des organismes concernés;
  2. Soutenir les actions jeunesse, de concert avec ses divers partenaires, soit les organismes jeunesse œuvrant sur les plans national, régional et local;
  3. Fournir aux jeunes des services d’information par l’intermédiaire de son site Web et du portail jeunesse Espace J;
  4. Élaborer les politiques jeunesse gouvernementales, dont la Stratégie d'action jeunesse.

Instance régionale : le forum jeunesse

 

Depuis 2000, chaque région du Québec a vu naître un Forum jeunesse, soutenu financièrement par le SAJ. Cette organisation est dirigée par des jeunes pour des jeunes. Le Forum jeunesse de l’île de Montréal (FJÎM) est un organisme de concertation de la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ) représentant plus de 500 groupes jeunesse. Ses 26 membres élus proviennent des milieux étudiant, socioéconomique, sociocommunautaire, des arts et de la culture, de l’environnement ainsi que des sports et loisirs. Il coordonne des projets et défend les intérêts des jeunes âgés de 12 à 30 ans. À Montréal, le FJÎM administre le Fonds régional d’investissement jeunesse (FRIJ), en collaboration avec la CRÉ. Ce fonds est de 7 millions pour 2009-2014. Jusqu’ici on comprend que des organismes jeunesse proposent des projets concertés locaux ou régionaux (liés aux différents milieux représentés au FJIM dont le loisir) pour des jeunes qui permettent la réalisations des priorités régionales du FJIM qui, elles, s’inscrivent dans le plan quinquennal de la CRÉ, organisme créée dans l’ère de la régionalisation du gouvernement du Québec. A-t-on dit que l’administration publique était compliquée ? L’organisation pour laquelle je travaille qui regroupe des organisations publiques et OBNL en loisir et sport mobilise donc les acteurs du milieu afin que notre sphère d’activités soit bien représentée et bénéficie de ce soutien financier par projet.

 

Décentralisation des décisions en matière de saines habitudes de vie

 

Le gouvernement a adopté un plan d’action gouvernemental (PAG) de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids 2006-2012 : Investir pour l’avenir. Entre novembre 2005 et juin 2006, sept ministères et trois organismes gouvernementaux ont élaboré le PAG. Le but commun du PAG est d’améliorer la qualité de vie des Québécoises et des Québécois en mettant à leur disposition des environnements qui favorisent l’adoption de saines habitudes de vie, notamment un mode de vie physiquement actif et une saine alimentation. Étant donné que les habitudes de vie s’acquièrent dès la tendre enfance, les jeunes de 0 à 25 ans et leur famille constituent le principal groupe visé. L’adoption du projet de loi n°1, en juin 2007, a permis la création du Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie. À la suite d’une entente conclue entre le gouvernement du Québec et la Fondation Lucie et André Chagnon, des projets destinés aux jeunes Québécois de 17 ans ou moins sont soutenus de façon paritaire. En vertu de cette entente, le gouvernement et la Fondation versent chacun la somme de 20 millions de dollars par année pendant 10 ans pour la promotion des saines habitudes de vie.

 

Les projets, qui se veulent concertés, doivent favoriser une saine alimentation et un mode de vie physiquement actif, promouvoir des normes sociales encourageant ces saines habitudes de vie, soutenir l’innovation, l’acquisition et le transfert de connaissances en ces matières, et s’inscrire en complémentarité avec les actions du PAG. À Montréal, les projets du fonds qui s’élève à 1,7 millions de dollars, sont sélectionnés par la table régionale des saines habitudes de vie qui regroupe les directions régionales des ministères concernés, la Ville de Montréal, Québec en forme (une autre initiative de la Fondation Lucie et André Chagnon) et… l’organisation pour laquelle je travaille. Une autre occasion de mobiliser notre monde !

 

Ainsi mon organisation s’assure que le milieu de loisir et du sport profite des opportunités de financement. Ceci est sans compter la mise en œuvre de notre propre plan d’action régional basé sur la concertation à l’intérieur même de notre secteur. Jusqu’à maintenant, j’ai parlé de deux mesures régionales dont le lien avec le loisir et le sport est des plus évidents; naturellement il y a en a d’autres mais je considère que la présentation ici effectuée représente bien le niveau d’implication qui nous est demandé en tant qu’OBNL.

 

Décentralisation des décisions en matière de continuité de services visant l'autonomie sociale et professionnelle des jeunes en difficulté

 

Cette semaine, j’apprenais l’existence d’une autre mesure gouvernementale issue de la stratégie d'action jeunesse pour laquelle nous sommes interpellés : Engagement Jeunesse. Le gouvernement du Québec souhaite que les services destinés aux jeunes soient conçus, adaptés et offerts de manière à mieux répondre aux besoins de chacun d'eux. Cet engagement envers la jeunesse s'est traduit par une entente interministérielle impliquant les quatre principaux ministères offrant des services aux jeunes soit le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC) auxquels s'ajoute le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT). Ces ministères se sont engagés formellement à tout mettre en œuvre en vue d'améliorer la continuité, la complémentarité et la cohérence des services offerts aux jeunes de 16 à 24 ans. Une équipe d'agents de liaison a été déployée dans l'ensemble du Québec pour opérationnaliser le projet. À Montréal, quatre agents ont soutenu la mise sur pied de concertations selon quatre clientèles : les jeunes handicapés, les jeunes des centres jeunesse, les jeunes issus de minorités visibles et les jeunes en difficulté. L'Engagement jeunesse vise à favoriser l'autonomie sociale et professionnelle des jeunes en privilégiant la qualification et l'insertion en emploi. Quand on parle d’autonomie sociale, le loisir est, comme je l’ai expliqué plus haut, un outil d’intervention privilégié. Donc, je m’apprête à mobiliser nos membres afin de contribuer à outiller ces jeunes dits «en difficulté». Mais ici, il n’y a pas de financement…

 

Peut-on réellement être contre toutes ces actions qui s’inscrivent dans la stratégie d’action jeunesse du gouvernement du Québec ? Bien sûr que non. Je pourrais prolonger longuement sur les instances municipales qui nous sollicitent également et pas seulement sur les dossiers jeunesse. Le personnel des OBNL, est essoufflé, a peine à sensibiliser les fonctionnaires des différentes directions régionales des ministères à «cette descente en silo» pour lesquelles nous sommes interpellés mais qui, rarement, apportent un soutien financier adéquat. Plus près du «terrain», on a l’expertise de notre clientèle ou champ d’intervention et on ne veut pas laisser pour contre «les nôtres». Les travailleurs du milieu communautaire ont fait preuve d’une grande flexibilité au cours des années afin de s’adapter à ces nouvelles réalités, à développer la connaissance de l’administration publique afin de mieux en tirer profit au bénéfice des gens de la base.

 

À l’échelle locale, régionale ou nationale, les difficultés financières poussent parfois les travailleurs du public et du privé à travailler ensemble et à innover. Les solutions trouvées sont parfois même des plus bénéfiques et le manque de ressource financière devient une considération de second ordre. Toutefois, comme OBNL qui voit ses ressources humaines fluctuer au gré des subventions disponibles et qui, dans ce contexte tente de maintenir un continuum de service de qualité, il me semble qu’on serait en droit de s’attendre à une concertation interministérielle efficiente et efficace. Même à l’échelle régionale avec des équipes plus réduites, il est surprenant de constater l’absence de cohérence entre les directions régionales. Le jour où la société civile va cesser de s’investir par épuisement et absence de relève, on réalisera peut-être l’impact de leur travail et la nécessité de reconnaissance et soutien ? Pensez à tous les OBNL que vous connaissez, imaginez-vous une semaine où tous les OBNL du Québec «débraient»…

 

JoBlo ENP-7505

Enrichir le Québec de sa relève : Stratégie d’action jeunesse 2009-2014 

http://www.jeunes.gouv.qc.ca

 

Engagement jeunesse Montréal

http://www.engagementjeunessemontreal.com

 

Forum jeunesse de l’île de Montréal

http://www.fjim.org

 

Plan d’action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention

des problèmes reliés au poids 2006-2012 : Investir pour l’avenir

http://www.saineshabitudesdevie.gouv.qc.ca/extranet/pag/index.php?accueil<

 

 

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