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Privatiser Hydro-Québec?

Privatiser Hydro-Québec

La société Hydro-Québec a été mise en place au début des années 1960 afin d’assurer des services en électricité uniformes sur tout le territoire québécois. Cette entreprise a été instituée pour combler l’incapacité du secteur privé à répondre aux attentes du marché et des consommateurs. Cette entreprise publique, il ne faut pas en douter, est le fleuron de nos entreprises québécoises. Du point de vue économique, elle est la vache à lait de nos finances publiques.

Or, depuis la dérèglementation du marché nord-américain de l’énergie et l’ouverture croissante du secteur de l’électricité à l’échelle internationale, nous avons vu apparaître une augmentation des débats concernant la privatisation d’Hydro-Québec. Plusieurs personnes, membres de conseils d’administration, économistes et gens d’affaires ont proposé pour le bien collectif et leurs biens personnels, la privatisation partielle ou totale d’Hydro-Québec.

Avant d’entamer la discussion de la privatisation d’Hydro-Québec, il est impératif d’établir les distinctions entre le public et le privé. Au Québec, les entreprises publiques sont souvent définies comme des sociétés d’État ou des compagnies de l’État. Cette entreprise publique correspond en définitive à une entité juridique soustraite à toute forme d’appropriation privée, qui est en outre prise en charge, en totalité ou en partie, par une ou plusieurs instances publiques et qui, finalement, est vouée à des tâches de nature commerciale, industrielle, économique ou quasi économique1. On peut ajouter à cela que l’entreprise publique a un horizon plus vaste dans le temps (générations futures, environnement…etc). Elle a un maximum de contraintes : tout ce qui n’est pas autorisé est défendu. Les buts sont multiples: répartition de la richesse, égalité, équité. Également, le principe fondamental de l’entreprise publique est que tout doit être approuvé².

L’entreprise privée est définie comme ayant un horizon limité, peu de contraintes légales, c’est donc dire que tout ce qui n’est pas défendu est permis et le but ultime est de faire des profits2.  Selon messieurs Michel G. Bédard et Luc Bernier, certains affirment que les firmes privatisées sont plus efficaces que les entreprises publiques et que le gouvernement n’est pas un bon gestionnaire des ressources économiques1.

Qui souhaite privatiser Hydro-Québec et dans quel but? Selon messieurs Marcel Boyer, vice-président et économiste en chef de l’institut économique de Montréal (IEDM) et Claude Garcia, ancien président de la Standard Life et maintenant membre du conseil d’administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec, la privatisation d’Hydro-Québec, partielle ou total, ferait en sorte que les membres du conseil d’administration seraient du secteur privé et verraient à mieux rentabiliser l’entreprise au profit des actionnaires3. Le but est assez bien exprimé par messieurs Boyer et Garcia. Le profit ira aux actionnaires comme dans toute bonne entreprise privée. Qu’est-ce qui permettra de maximiser les profits? Une hausse substantielle de la facture d’électricité pour chaque consommateur québécois.

En parlant de profit, il ne faut pas oublier qu’actuellement Hydro-Québec, en tant que mandataire du gouvernement jouit de l’immunité fiscale qui s’applique à l’ensemble de l’appareil d’État. Par contre, en devenant une entreprise privée, Hydro-Québec serait dans l’obligation de payer des impôts, dont une grande partie au gouvernement fédéral. Imaginer notre poule aux œufs d’or gérée par l’entreprise privé dont la majorité des profits n’irait même pas dans les coffres du gouvernement provincial. Il y aurait sûrement une redevance, mais de quel niveau.

Un des arguments favorables à la privatisation d’Hydro-Québec est celui de l’élimination de la dette du Québec. Dans un article paru ce 17 novembre 2010 dans Le Devoir.com on peut y lire ce qui suit : «Sur la base d’hypothèses très optimistes, voire irréalistes, on en arrive à donner une valeur marchande suffisante à l’avoir propre d’Hydro-Québec pour éliminer toute la dette du gouvernement du Québec (quelques 122 milliards de dollars) et ainsi lui dégager quelques 7,6 milliards de marge de manœuvre, le montant annuel des intérêts payés sur cette dette».

Vouloir privatiser Hydro-Québec, afin d’éliminer notre dette provinciale, en plus d’économiser l’intérêt annuel de 7,6 milliards est une bonne idée en soi. Par contre, essayons d’établir un parallèle entre le Québec et la province de l’Alberta. Cette province a laissé l’exploitation de ses richesses naturelles (les sables bitumineux) au secteur privé. Elle reçoit des redevances importantes des entreprises privées qui exploitent ses ressources énergétiques. Les impôts y sont bas et elle ne perçoit aucune taxe de vente. Quel beau tableau que celui de l’Alberta, mais à quel prix. Les entreprises privées ne tiennent aucunement compte de l’inquiétude des groupes environnementaux et de la population sur la pollution de leurs lacs. La sur-utilisation de l’eau dans le but d’extraire les sables bitumineux est devenue un problème majeur pour la province de l’Alberta. Serions-nous prêts, au Québec, fiers défenseurs de l’environnement et de notre richesse qu’est l’eau, à laisser à l’entreprise privée le soin de gérer cette richesse au profit de l’hydro-électricité et surtout à leurs profits. Est-ce que notre gouvernement aurait la capacité de contrôler adéquatement ces entreprises privées, afin qu’elles respectent l’environnement? Je ne crois pas.    

Je ne peux qu’être pessimiste à l’idée de privatiser Hydro-Québec. Pour ceux qui amènent l’exemple de l’Alberta, je pose la question suivante : «Pouvons-nous comparer des sables bitumineux (pétrole), une ressource qui s’exporte à travers le monde à notre Hydro-Électricité qui s’exporte, essentiellement au nord-est des États-Unis.

Finalement, plusieurs entreprises publiques ont été privatisées au cours des dernières années et cette réflexion de monsieur Léo-Paul Lauzon datée de mars 1994 en résume bien l’impact :«Sous l’impulsion et les pulsions de dogmes idéologiques, de pressions musclées et incessantes du patronat et avec la collaboration empressée de politiciens asservis, nous avons assisté, au cours des 10 dernières années, au Québec et au Canada, à une vague, je devrais plutôt dire à un raz de marée, de ventes à rabais de joyaux étatiques4». Je crois que même si on comblait le déficit du Québec par la vente d’Hydro-Québec, nous finirions par accumuler, au cours des années subséquentes, une autre dette considérable et ce, sans cette société d’État.

Stéphane Castilloux

ENP-7505, jeudi Am

 

Bibliographie

1. Michel G. Bédard et Luc Bernier, Les entreprises publiques dans L’État administrateur Modes et émergences chapitre 2  sous la direction de Pierre P. Tremblay, Presses de l’Université du Québec 2009.

2. Notes de cours Principes et enjeux de l’administration publique (ENP-7505) Séance #1, Le Public et le privé, les fondements, ÉNAP de L’Université du Québec.

3. Document de réflexion à l’occasion de la conférence «Privatiser Hydro-Québec : pourquoi et comment» de Claude Garcia et Marcel Boyer, le 29 août 2007.

4. Continuer à privatiser Hydro-Québec, ou consolider ses opérations par Léo-Paul Lauzon, mars 1994.

 

Commentaires

  • La solution est peut-être un compromis entre les deux options : si nous privatisons que 10% de la société d’État, elle ne sera pas soumise à l’impôt fédéral. Cette mesure permettrait de récupérer une dizaine de milliards et laisserait quand même la plus grande partie à l’État. De plus, la régie de l’énergie continuerait à fixer les prix. Mario Dumont avait proposé une telle mesure en 2008. Vous pouvez voir la réaction de Jacques Parizeau, face à cette option, à cette adresse :
    http://www.ledevoir.com/politique/quebec/214923/privatisation-partielle-d-hydro-quebec-le-mauvais-moment-dit-parizeau

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