Les Coops de Santé et cliniques exécutives; cliniques médicales ou boutiques de soins de santé à vendre?
Au Québec l’accès gratuit à des soins de santé pour tous est une loi. Or, comment expliquer les Coopératives de santé, où pour être traité il faut payer un frais d’adhésion. Ou, pire encore les cliniques exécutives, couvertes par la RAMQ, qui offrent des accès plus privilégiés moyennant un coût annuel. Je suis directrice d’une clinique médicale et nous avons le statut de Groupe de Médecine Familiale (GMF). Ce modèle est très bien structuré et très efficace pour répondre aux besoins de la population. Grâce à des subventions gouvernementales, nous avons accès à des infirmières et autres ressources qui permettent aux médecins d’être plus efficaces.
Toutefois, le problème des frais de loyer persiste. Les médecins du Québec reçoivent une rémunération qui inclut 30 % pour payer les frais de loyer. Croyez-vous, que comme gestionnaire nous pouvons exiger ce pourcentage? Les médecins ont un pouvoir de négociation démesuré du à leur rareté. Les cliniques médicales, pour survivre, doivent développer des activités commerciales secondaires. Évidemment, le Collège des médecins surveille ces activités afin d’éviter les conflits d’intérêts. Le Collège n’agit que s’il y a des plaintes, mais, qui fait les plaintes? Quelques journalistes qui relèvent des situations douteuses, qui d’autres?
J’ai fait une plainte parce qu’une clinique annonçait, dans le journal l’Actualité Médical, des loyers de 5 % taxes incluses. Suite à ma plainte, le Collège a fait enquête et m’a répondu que le tout était réglementaire, aucun minimum n’est stipulé pourvu que la clinique et le médecin aient une entente signée. Cette entente ne doit pas inclure des redevances au médecin. C’est, je vous le dis, une vraie blague ce charabia de règles.
Faisons un petit exercice comptable. Si un médecin gagne 200 000 $ dans cette clinique, c'est-à-dire un temps plein, il paiera un loyer, avant taxes, de moins de 9000 $/année. Le travaille généré par trois (3) médecins exige, au moins, une secrétaire (12 $/h à 40hres semaine) à temps plein et au moins 1500pi (20 $/pi2) carrés. Vous comprendrez qu’une secrétaire médicale à 12 $ de l’heure, ça n’existe pas. Il faudra se contenter d’une personne qui ne possède pas d’expérience mais, qui a un bon sens du devoir et un grand désir de travailler. Aussi, vous l’aurez saisi, un local à 20 $ du pied carré sera, disons sans luxure. Le local et la secrétaire coûtent plus de 55 000 $ par année et les revenus de location sont de 9000 $x3médecins, soit 27 000 $ par année. Nous sommes donc, à moins 28 000 $. Vous comprenez que la clinique ne pourra pas offrir de chariot pour des chirurgies mineures, que la clinique ne se sera pas équipée pour les cas de blessures et corps étrangers dans les yeux, elle ne pourra pas traiter les brûlures ou les intoxications... La clinique n’aura pas le personnel nécessaire pour évaluer les situations urgentes. Et, comble de l’absurde, cette clinique n’aura certainement pas un chariot d’urgence, incluant un défibrillateur (4000 $) indispensable lors des arrêts cardiaques ou lorsqu’un patient a une réaction allergique ou autre. Finalement, il est à prévoir que le patient de cette clinique sera très mal servi et souvent dirigé vers les hôpitaux. A moins qu’un produit médical quelconque lui soit proposé directement ou subtilement pour combler la perte financière!
Si, le collège statuait et que le ministère règlementait un loyer de 30 %, plusieurs problèmes seraient réglés. Déjà dans notre exemple, la clinique aurait un revenu de plus de 180 000 $. Avec des normes de fonctionnement obligatoires comme chariot d’urgence, plateau de chirurgie et une infirmière, une bonne partie des problèmes de gestion de la première ligne serait réglée. Les cliniques médicales ne seraient plus des boutiques de ventes de produits de santé et les patients seraient traités sur place pour la majorité des consultations.
Les Coopératives, les cliniques privées et tous les produits commerciaux que l’on retrouve dans les cliniques sont des passages obligés pour la survie des cliniques. Il faut que le gouvernement passe une loi sur les frais de bureau obligatoire, et ce sera un bon début!
Nathalie Quesnel, ca
Étudiante à la maitrise à L'Enap
ENP-7328