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Pour des services plus efficients en santé mentale

En 2000, le Rapport Clair (rapport de la la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux) recommandait que soit révisé le cadre d’exercice des pratiques professionnelles et que l’on crée les «conditions nécessaires au travail en interdisciplinarité ». En effet, il y est démontré que la diversité et la complexité des situations que les professionnels rencontrent nécessitent « qu’on leur reconnaisse une grande autonomie pour que s’actualisent les concepts d’interdisciplinarité et de continuité des services ».

 

Déjà, en 1997, apparait le premier d’une série de colloques sur l’interdisciplinarité, car il est de plus en plus reconnu que devant des problèmes qui sont de plus en plus complexes et le développement des connaissances qui se fait de plus en plus de façon segmentée, l’interdisciplinarité devrait être implantée dans l’organisation des services de santé. En effet, devant des problèmes ou situation complexes, aucun professionnel ne possède, à lui seul, toutes les compétences requises pour intervenir de façon efficiente.

 

Traditionnellement, c’est la multidisciplinarité que l’on connaît dans le réseau de la santé.  Elle signifie l’implication de divers professionnels qui travaillent, chacun dans leur sphère d’expertise, en silos, et en rend compte au chef d’équipe, habituellement, un médecin.  Cela implique donc la juxtaposition des savoirs et des actions de diverses disciplines de façon parallèle ou consécutive, avec un processus décisionnel autocratique.  Dans ce type de fonctionnement de travail d’équipe, le leader, habituellement le médecin, prend les décisions de façon unilatérale concernant, notamment, le recours à tel ou tel service, les modalités de retour au travail ou le congé.  

C’est plutôt la personnalité du médecin qui détermine le niveau de considération qu’il accordera aux avis des autres professionnels concernés par ses décisions. Il y a de tout pour faire un monde, même parmi les médecins. Ainsi, il y a de ces médecins qui travaillent de façon très collégiale et qui tiennent compte des avis des membres de son équipe.  Avec ceux-là, il n’y a pas de problème.  Cependant, encore trop souvent, on trouve des médecins qui, par exemple, signe le retour au travail d’un patient et en spécifie les modalités, sans prendre la peine d’en discuter avec les membres de l’équipe qui aurait pu lui faire profiter de leur expertise propre, afin de maximiser les chances de succès de ce retour au travail. Par ailleurs, en santé mentale, on voit aussi encore trop souvent le médecin, à l’interne, utiliser les professionnels uniquement dans la mise en œuvre du plan de traitement qu’il a conceptualisé. Ainsi, il les met devant le fait qu’il a décidé de prolonger le séjour ou donner le congé. On s’habitue à travailler avec des gens comme cela, on lâche prise. On se dit « s’il veut mon opinion, il va me le demander ! ».  Cependant, au final, cela ne permet pas de rendre des services efficients.

 

Dans la foulée du Rapport Clair, en 2000, l’Office des professions du Québec a entrepris des travaux pour moderniser les champs d’exercice des professions liées à la santé et aux relations humaines. Cela a donné lieu à la loi 90, en 2002, suivi par la loi 21, en 2009. On y reconnait les compétences spécifiques ou partagées des professions de la santé.  Pour chacune de ces professions, ces lois décrivent un champ d’exercice actualisé et réserve certaines activités professionnelles en fonction de critères de protection du public.

 

Ces lois font partie des facteurs systémiques favorisant le travail en interdisciplinarité.  D’ailleurs, en 2005, le rapport du comité d’experts sur la  « Modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines » (Rapport Trudeau), précurseur de la loi 21, précise que l’interdisciplinarité fait partie des principes fondamentaux sur lesquels le comité s’est appuyé afin d’orienter sa démarche. « On réfère ici à la concertation, à la collaboration et à la mise en commun d’expertises diverses dans le but de dispenser les meilleurs soins et services possibles ».

 

Il est démontré que l’interdisciplinarité est une réponse complexe à une interrogation portant sur une réalité complexe : elle contribue à la résolution de problèmes qui ne peuvent être envisagés dans la perspective d'une seule discipline. Elle favorise le travail de collaboration afin d'offrir une complémentarité suffisante pour atteindre un but collectif, « but auquel les professionnels, sur une base individuelle, ne sauraient parvenir» (Fortin & Méthot, 2004; D’Amour, 2008)

 

En interdisciplinarité, le processus de résolution des problèmes est axé sur la participation active et intégrée des membres de l’équipe qui travaille vers un résultat issu d’une décision de groupe.  Ainsi, on estime que cette collaboration interprofessionnelle produit un résultat qualitativement supérieur à la somme des actes posés, pris séparément » (D’Amour, 2008)  En effet, à la différence de la multidisciplinarité qui juxtapose les savoirs, l’interdisciplinarité, favorise une intégration des connaissances et des perspectives des différents professionnels impliqués à chaque étape du processus de soins, permettant ainsi « des résultats qui dépassent la simple somme des contributions individuelles. » (Dussault,1996)

 

L’intégration de la pratique de collaboration interprofessionnelle dans l’organisation du travail du réseau de la santé nécessite une volonté claire de la gouvernance afin de formaliser la collaboration entre les professionnels. D’après l’étude de D’Amour et al (2008), le succès de projets d’implantation de l’interdisciplinarité repose sur la capacité d’offrir :

1) Un cadre interdisciplinaire ou interprofessionnel articulé et opérationnel pouvant contrecarrer les effets du cadre traditionnel (multidisciplinarité) d’exercice des pratiques.

2) Des règles concrètes aidant à promouvoir les valeurs de l’interdisciplinarité.

 

Or, la LOI SUR LES SERVICES DE SANTÉ ET LES SERVICES SOCIAUX stipule, à l’article 30 de son Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements, que «  Dans un centre hospitalier, le congé d'un bénéficiaire doit être signé par le médecin ou le dentiste traitant. » Cela s’applique autant en santé mentale qu’en santé physique.

 

Face aux problèmes complexes, notamment face aux problèmes de santé mentale nécessitant une hospitalisation, la pratique en interdisciplinarité est devenue incontournable, si l’on souhaite des services plus efficients.  Une pratique interprofessionnelle en milieu hospitalier nécessite une modification de ce règlement afin que le congé ne soit plus la décision d’un seul mais le fruit d’un processus de décision de l’équipe traitante. Rappelons que parmi les ingrédients fondamentaux de l’interdisciplinarité. on retrouve la prise de décision par consensus ainsi que le pouvoir et les responsabilités partagées.  Il sera impossible d’implanter le travail interdisciplinaire dans les unités d’hospitalisation en santé mentale, tant et aussi longtemps c'est le médecin qui a le pouvoir, et les responsabilité, de la décision finale.

 

MJ

607@videotron.ca

Blog 1

ENP 7505 : Groupe du lundi soir

 

 

Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2010 « Sommaire des concepts et des modalités d’application de l’interdisciplinarité en première ligne » www.santemontreal.qc.ca

 

D’Amour & al (2008) “A model and typology of collaboration between professionals in healthcare organizations” BMC Health Services Research, 8:188

 

Fortier L.(2004) «DES ALLIANCES … AU QUOTIDIEN. LA BASE DE LA COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE. » Conférence AQIISM Hôpital Louis-H. Lafontaine

 

Fortin & Méthot, L. (2004), «S’ADAPTER AVEC HUMOUR AU TRAVAIL INTERDISCIPLINAIRE : PISTES DE RÉFLEXION », Revue québécoise de psychologie (2004), 25(1), 99-118

 

Gélinas et al (2002) « L’interdisciplinarité et la recherche sociale en cours », collectif d’auteurs, UdM et UL, Québec.

 

Gouvernement du Québec (2000)  « Rapport de la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux – Les solutions émergentes » (En ligne) :

http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2000/00-109.pdf

 

Gouvernement du Québec - (2005),  « Rapport du comité d’experts - Modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines » (En ligne) :

http://www.opq.gouv.qc.ca/fileadmin/docs/PDF/Rapport-sante/Rapport-Sante-ment.pdf

 

Gouvernement du Québec (2009). « Projet de loi no 21- Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. » (En ligne) : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2009C28F.PDF

 

Gouvernement du Québec (À jour au 1er octobre 2010) « Règlement sur l'organisation et  l'administration des établissements  » (En ligne) 

http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=%2F%2FS_5%2FS5R3_01.htm

 

Gouvernement du Québec (À jour au 1er octobre 2010) « Loi sur les services de santé et les services sociaux »  (En ligne) : 

http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/S_4_2/S4_2.html

 

Ricard, C. (2007) « L’interdisciplinarité: clarification des concepts et survol des conditions gagnantes » Colloque du CM du CHAU Hôtel-Dieu de Lévis.

Commentaires

  • Je suis tout à fait d'accord avec votre position. Le travail en interdisciplinarité devrait être implanté et faire parti des valeurss dans tous les établissements du réseau offrant des soins et des services aux usagers et pas seulement pour les problématiques de santé physique et mentale. Je crois qu'il faut se questionner encore plus lorsqu'il s'agit de services spécialisés de deuxième ligne. Lorsqu'un usager à recours à ces services, il est fort à parier que plus d'une discipline doit intervenir et si les intervenants ne travaillent pas de concert, l'usager risque de demeurer encore plus longtemps, utilisateur de service. Ce qui n'aide pas à la dimunition des listes d'attente.

  • Vivement une loi qui donne au psy le droit d'établir un diagnostic!!!

  • La loi 21 reconnait la compétence des psychologues pour l'évaluation des troubles mentaux et en fait un acte réservé, en partage avec les médecins, infirmières ayant obtenues une attestation de formation, de même pour le conseiller d'orientation.
    Ainsi, le psychologue est reconnu compétent pour faire un diagnostic sur les 5 axes où il reporte les résultats de l'investigation médicale sur l'axe 3.
    Voyez le mémoire de l'Ordre des psychologues lors de la commission parlementaire sur le pl 21 en 2009.

  • Tout a fait d'accord avec vous. J'ai déjà travaillé au sein des services correctionnels du Canada et j'avais comme dossier, celui d'un détenu ayant des toubles de santé mentale. Le travail interdisciplinaire était donc de mise et impliquait le médecin, le psychologue, les infirmières, l'agent de libération conditionnelle, l'agent correctionnel et bien entendu la la Loi sur les services correctionnels! Évidemment que dans ces contextes, plusieurs expertises professionnelles sont nécessaires mais lorsque le médecin prend son rôle comme celui étant le plus prédominant et qu'il évalue en faisant fi des opinions clinique des autres intervenants autour de la table, plus rien n'a de sens. Le climat de travail devient malsain et le client est celui qui en souffrira toujours le plus.

  • Je suis tout à fait d'accord avec le travail en interdisciplinarité que ce soit en santé mentale ou toute autre sphère touchant l'individu. Mais attention en lisant les commentaires je me permet d'émettre une certaine mise en garde. Bien entendu la loi 21 reconnaît les psychologues pour faire des diagnostics sur les 5 axes, mais que ce soit le psychologue ou le médecin cela ne fait-il pas un diagnostic posé encore une fois en "silo"? En santé mentale ne serait-il pas intéressant de poser le diagnostic en collaboration avec toute l'équipe de soins, soit de façon interdisciplinaire et ne serait-il pas intéressant de poser un diagnostic différentiel?
    Attention aux chasses gardées! Il est intéressant comme professionnel de se faire reconnaître nos compétences, mais il ne faut pas que cela nous cloisonne encore plus.

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