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L’Administration publique dans l’État patrimonial congolais

L’Administration publique dans l’État patrimonial congolais     

Le présent article vise à mettre en évidence le lien indissoluble entre la notion d’ « Administration publique » et celle de l’ « État de droit ». Il souligne, pour ainsi dire sans détour, le fait que l’existence d’un véritable service public est consubstantielle à la notion de régime démocratique. Pour les fins de notre démonstration, nous avons choisi l’exemple de la  « Fonctions publique [1]» congolaise que nous avons expérimentée. Sous le régime monocratique et tyrannique de feu le Président Mobutu Sese Seko de l’ex-Zaïre, la République Démocratique du Congo (RDC) d’aujourd’hui.

Pour bien mesurer la portée de nos propos, il importe de préciser, d’entrée de jeu, le sens que revêt de nos jours la terminologie « Administration publique ». Cette précaution s’avère nécessaire au regard de ce qu’en dit MERCIER, J. (2010)[2]. Pour cet auteur, l’expression a traversé des âges sans nécessairement avoir toujours le même contenu. La certitude cependant est qu’actuellement, il s’agit d’un instrument de livraison de services public dont la bonne marche est assurée par un encadrement juridique. En d’autres mots, l’Administration publique est un appareil d’État au service de la population étatique. À cet égard elle est, ce qu’il y a lieu de considérer, comme  un sous système du régime politique existant dans un pays, C’est sans doute la raison pour laquelle l’Administration publique est en lien direct avec le régime politique pour qui elle constitue un véritable moyen de pouvoir au point d’en être la caractéristique fondamentale. C’est sans doute pour cette raison que MERCIER, J. (2010), au constat du fait que l’Administration publique est partie intégrante de l’État, de ses collectivités sociales, de son organisation, de sa composition et de son fonctionnement, a pu affirmer que l’ « Administration publique est développée dans une société développée et elle est sous développée dans une société sous développée ».

Il ne faut donc point se surprendre qu’à la lumière d’une telle affirmation, d’aucuns aient pu dire,  a tort ou a raison, que la politique détermine la mission, les valeurs, la vison, la culture, les moyens, le  champs d’action, les modes de gestion, ainsi que l’orientation de cet instrument d’État. Ces dires paraissent attester du dysfonctionnement chronique de la Fonction publique ou, pour mieux dire, de l’Administration publique congolaise, comme il convient d’en rendre à présent compte.

En effet, au début des années 80, le régime  monocratique et tyrannique de Mobutu  était à  son apogée. L’on assistait  à une concentration à outrance du pouvoir législatif et exécutif entre les mains d’une seule personne : le président MPR, le seul Parti Politique qui pouvait légalement exister. Ce dernier était de droit Président de la République et Chef de l’État  tel que stipulé dans la Constitution du pays  jadis nommé Zaïre.

Tout citoyens Zaïrois (congolais), quelque soit son âge était, au nom de l’unité et de l’intérêt supérieur de la nation, obligatoirement membre du Parti Politique unique.

Sous ce régime « partitocratique », il va sans dire que toute activité dans l’Administration publique de Mobutu devait commencer et se terminer par le salut au drapeau et des chants à la gloire du Président  du MPR, Président de la République et Chef de l’État dont la photo orne les murs de tous les bureaux des services publique. Ce culte de la personne a agit comme un cancer et ses métastases n’ont pas tardé de se manifester dans l’ensemble de la Fonction publique du pays.

Aussi, la conséquence prévisible fut de rendre l’Administration publique zaïroise totalement dysfonctionnelle et en faillite. Cette faillite découlait directement du système d’État patrimonial institué par le monarque Mobutu et ses acolytes. De fait, les promotions dans la Fonction publique ne se faisaient pas au mérite. Dominé par le népotisme la prévarication et la vénalité des charges, la gestion de la chose publique ne correspondait plus qu’en administration du patrimoine privé. Cela est d’autant plus vrai encore que le roi Mobutu ordonnait que la Banque centrale transfère des caisses d’argent à son palais. Il pouvait ainsi gaspiller ces sommes à entretenir une cour autant cupide qu’insatiable. Il n’avait de compte à rendre à personne. La gestion des biens publics n’obéissait à aucune règle de comptabilité. Les règles de base de l’administration publique telle que l’imputabilité et la reddition des comptes étaient totalement méconnues à la Cour de Mobutu. Le Chef du MPR et ses proches pouvaient ainsi se partager les sommes découlant de l’exploitation minière. On ne pouvait aboutir à d’autre conclusion puisque les  recettes des activités minières n’émargeaient point au budget de l’État.

Le MPR, parti unique dominant le gouvernement, l’État et la société avait également licence quant à la nomination des haut-cadres de la Fonction publique zairoise et ceux des entreprises publiques. Comme si cela n’était pas suffisant, un mémorandum atteste que 70% des dirigeants des organismes publics sont des ressortissants de la région du Président Mobutu. Sans égard à la compétence, les portefeuilles ministériels étaient distribués. Pour des raisons d’État, la police secrète de Mobutu infiltrait tous les rouages de l’administration. La représentation diplomatique n’était pas épargnée non plus. Les hommes les plus fidèles au Président y recevaient accréditation.

 Laissés à eux-mêmes sans salaires, les fonctionnaires découvrirent les vertus de la vénalité des charges ainsi que celle de la corruption. On vit ainsi se créer des postes fantômes ainsi que des morts émarger sur la liste des salariés de l’État dont l’effectif reste inconnu. Les Forces de l’ordre ne furent pas en reste. Les armes qui leurs étaient confiées devinrent des garantes de la réussite des raquettes opérées au détriment de la population.

Quoi de moins surprenant que dans une telle situation, l’Administration zaïroise se soit elle-même transformée à l’image et à la ressemblance de Mobutu : Une Administration tyrannique fonctionnant dans la totale défiance des citoyens zaïrois qu’elle escroque.

Disons, en guise de conclusion que le véritable défi qui se pose en République Démocratique du Congo (RDC), héritière de l’ex-Zaïre, est celle de la reconstruction de sa Fonction publique. Une reconstruction devant consister en une refonte plutôt qu’à une réforme afin de créer une bonne administration, celle qui sait se mettre au service de l'intérêt général. La garantie d’une telle  refonte ne résiderait-elle pas dans la réussite de l’État démocratique dans la paix?



[1] La terminologie “Fonction publique” utilisée ici est synonyme d’ »Administration publique » au Canada.

 

[2] Cf. MERCIER, J. (2010); L’Administration publique: De l’École classique au nouveau management

 

Claudianette

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