Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Administration Publique et Innovation : Mythe ou réalité

Introduction

Sachant que dans le cadre de l’administration publique, il y a certains principes fondamentaux à respecter, on est en droit de poser une question fondamentale : est-ce possible d’innover dans un contexte beaucoup plus complexe que dans le secteur privé?

Difficulté de l’innovation dans le secteur public

L’amélioration dans l’administration publique n’est pas juste une recherche apolitique de techniques efficientes dans une institution donnée. Il faut noter que le gouvernement contemporain a des défis de taille. Premièrement, il doit faire face aux changements rapides et en continuelle évolution. En deuxième lieu, le fait qu’un gouvernement opère à travers des réseaux d’organisations interdépendantes qui poursuivent des lignes directrices communes rend la tâche plus ardue.

On peut ici faire une métaphore en comparant les organisations publiques à des navires, donc, pour que la flottille arrive à bon port, il faut que l’état donne le bon cap, et soit solidaire pour traverser, sans dommages, les tempêtes qui peuvent survenir.

Il faut cependant noter que chaque unité ministérielle possède sa structure et sa culture. Il y a des similarités et des points communs, mais il apparaît pour le moins essentiel que chaque unité organisationnelle développe des innovations en fonction d’un rythme d’implantation et d’apprentissage qui lui soit propre.

Une question qu’on peut se poser : Faut-il innover d’une manière centralisée ou décentralisée? Selon quels critères? Le processus d’innovation est complexe et forcément long. Il sera possible avec la décentralisation des activités et la centralisation des objectifs et des projets. Le processus est original, il rompt avec l’expérience du secteur privé dont la démarche s’effectue dans les établissements, une notion qui est abstraite dans la fonction publique. Il invente donc sa propre voie (Harrisson et al. 2004).

La plupart des programmes innovants utilisent l’approche systémique pour résoudre des problèmes qui procurent des services multiples à une population cible. Pour y arriver, il faut coordonner des activités provenant de plusieurs organismes. Donc, il apparaît difficile d’innover afin d’améliorer les rendements, les services aux usagers, l’imputabilité, l’habilitation, les compétences et autres, sans traiter de la délicate question des relations du travail et de la collaboration. C’est pourquoi les innovations, surtout en matière d’organisation du travail, apparaissent asymétriques lorsque comparées par ministère, par département ou même par unité de services dans une même organisation.

On ne peut pas dire que l’innovation dans le secteur public relève essentiellement d’une gestion de crise. Les organismes du secteur public aujourd'hui sont pourvus de systèmes d’évaluation de rendement. Ils ne peuvent plus afficher un rendement médiocre et ne tenter de le corriger sauf crise. L’innovation est devenue une des valeurs capitales de l’administration publique.

À cet effet, on retrouve plusieurs organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux qui encouragent fortement l’innovation. La Fondation Canadienne pour l’Innovation (FCI), qui est un organisme autonome créé par le gouvernement du Canada, sert à financer l’infrastructure de recherche et l’innovation. L’Institut Canadien d’Administration Publique (IAPC), par exemple, décerne le «prix pour gestion innovatrice» chaque année selon le thème en vigueur.

Une recherche a été menée en 1995 par Kernaghan et al. en adressant un questionnaire aux organismes publiques, auteurs des meilleurs inscriptions au concours de l’IAPC pour l’innovation de 1990 à 1994. Ces inscriptions proviennent du gouvernement fédéral, provincial, ainsi que de l’administration municipale.

Les réponses Canadiennes au questionnaire montrent que l’innovation porte à recourir au secteur privé d’une manière ou d’une autre dans l’exécution d’un programme. Les autres thèmes fréquemment abordés sont le recours à la nouvelle technologie, l’amélioration des processus, l’adoption de nouvelles philosophies de gestion, et l’habilitation. Ces deux dernières, tendent à déléguer davantage les responsabilités aux employés de première ligne.

Effectivement, les chiffres montrent que les principaux instigateurs des innovations ne sont pas les politiciens ou les dirigeants d’organismes, mais le plus souvent des cadres intermédiaires ou des employés de première ligne. Les valeurs de l’innovation sont surtout portées par les plus jeunes cadres ou salariés. Comme il est prévu qu’une importante proportion de la fonction publique se retire au cours des prochaines années, on peut penser que c’est durant cette période intense que les innovations y seront plus nombreuses. Mais l’innovation doit porter les valeurs de l’organisation donc, ce qu’il y a à craindre, c’est la perte de connaissances organisationnelles dans le processus de rajeunissement de la fonction publique.

Des obstacles propres à la fonction publique peuvent aussi entraver des programmes innovants, par exemple, les attitudes bureaucratiques, la résistance au changement, la difficulté de coordonner les organisations, de maintenir la mobilisation du personnel affecté au programme, l’opposition des syndicats, la pénurie des fonds et ressources au public, les contraintes associées aux lois et règlements, l’opposition politique, et l’opinion publique. Tout cela relève de la complexité du secteur publique. À cet effet, les médias ont un intérêt à exposer les faiblesses du secteur public, ce qui et une entrave à l’innovation. Les gens hauts placés n’ont pas le temps de réfléchir à de nouvelles idées et parfois peuvent craindre de faire des expériences et courir des risques.

Initiatives et études récentes sur l’innovation dans le secteur publique

Des initiatives depuis ces dernières années ont étés entreprises pour essayer d’étudier l’innovation en terme de risques et bénéfices. Ainsi, le Comité consultatif sur la fonction publique a été fondé en 2006 pour conseiller le premier ministre et le greffier du Conseil privé au sujet du renouvellement de la fonction publique. Citons le communiqué du Premier ministre annonçant la création de ce comité consultatif, le 21 novembre 2006, pour souligner l’importance accordée à l’innovation: «L'avenir de la fonction publique repose sur de bons conseils, des solutions novatrices et un appui solide tant de l'intérieur que de l'extérieur du gouvernement.»

Le quatrième rapport annuel de ce comité examine les nombreux défis auxquels est confrontée actuellement la fonction publique fédérale du Canada. Parmi les principaux enjeux examinés dans le rapport de 2010, mentionnons la necessité de mettre au point une approche de gestion des risques fondée sur les principes, le renouvellement de la fonction publique, la recherche de façons de collaborer avec les organismes externes, surtout au moyen de technologies collaboratives, et la recherche de nouveaux modes de fonctionnement novateurs et de nouveaux moyens de dispenser des services aux citoyens.

Cela s’aligne avec les projets de la CCAF-FCVI, qui est une fondation canadienne axée sur la recherche et l’innovation. Elle a récemment réuni des fonctionnaires pour parler d’innovation, de risque et de contrôle, dans un symposium sur l’innovation le 28 mai 2010 à Ottawa. Le but principal des recherches de pointe fournissent aux fonctionnaires des conseils judicieux sur de nombreuses questions communes, à savoir comment encourager l'innovation, comment aplanir les obstacles, comment contrôler les projets axés sur l'innovation, comment pallier les défaillances de contrôle, comment préparer le terrain en vue de la mesure de la performance, comment gérer les risques et comment réduire les lourdeurs administratives.

Voici quelques observations qui ressortent de la discussion :

  • Des défis tels que la crise économique mondiale et la situation démographique du Canada signifient qu’il sera à la fois plus important et plus difficile d’innover que dans le passé.
  • Souvent, la gestion des risques incombe à différents organismes et autorités à la fois, d’où la nécessité accrue de comprendre les risques auxquels d’autres sont confrontés et de rechercher des occasions d’innover ensemble.
  • Les gestionnaires doivent comprendre les risques de façon détaillée et utiliser des cadres de contrôle pour les gérer et pour arriver à des résultats.
  • Les gestionnaires ont le pouvoir de créer des milieux et de donner forme à des systèmes qui encouragent l’innovation et une gestion intelligente des risques.

 

Donc, dans le secteur publique l’innovation peut être plus difficile, sauf qu’elle est vitale, car comme le dit Francis Bacon (1561-1626), philosophe et homme d’état anglais, «Celui qui n'appliquera pas de nouveaux remèdes doit s'attendre à de nouveaux maux ; car le temps est le plus grand des innovateurs.»

Conclusion, on a besoin d’hommes et de femmes expérimentés, avec des visions futures, qui n’ont pas peur du risque et qui croient fort en leurs idées!

PP PHT

Références :

  1. Harrisson (D), Roy (N), Innovations du travail et fonction publique : des efforts louables; un arrimage difficile, La revue de l’innovation : la revue de l’innovation dans le secteur public, volume 9 (2), 2004, 16p.
  2. Kernaghan (K.), Borins (S.F.), L’administration Publique de l’avenir, Institut d'Administration Publique du Canada Staff, Centre canadien de gestion, Brian Marson, 2001, 389 p.
  3. Site internet de la Comité Consultatif de la Fonction Publique, en ligne, http://www.innovation.ca/fr/about-the-cfi/governance/board-of-directors
  4. Site internet de l’IAPC, en ligne, http://www.iapc.ca/PrixIAPCpourgestioninnovatrice
  5. Site internet de la CCAF-FCVI, en ligne, http://www.ccaf-fcvi.com/index.php?option=com_content&view=article&id=556%3Airc-symposium-2010&catid=46%3Aupdates-success-stories&Itemid=98&lang=fr

 

Commentaires

  • Merci pour ce texte rafraîchissant et valorisant pour les employés de première ligne au sein de la fonction publique. L’innovation est bien réelle au sein de la fonction publique; elle est seulement méconnue.

Les commentaires sont fermés.