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Mourir dignement

Mourir dignement, nous sommes tous d’accord.  Comment y parvenir, c’est autre chose.

La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, nous interpelle comme citoyens, citoyennes à se prononcer sur un enjeu qui au-delà, des aspects juridiques et médicaux, relève de la condition humaine qui touche chaque personne dans ses valeurs les plus profondes.

Après avoir lu attentivement le document de consultation, je suis encore surprise par le fait que la Commission ne cesse de se questionner sur le « comment » on peut mourir dignement.  Comment, faisant référence aux structures (hôpital vs maison de soins palliatifs vs domicile), aux modalités (soins palliatifs vs euthanasie vs suicide assisté), au médical (médecin de famille vs médecin spécialiste), au légal, au religieux, etc. Ne devrions-nous pas plutôt se questionner sur le « comment » faisant référence au respect des valeurs, des choix, des expertises expérientielles de santé et du rythme de la personne*.  Mais où est le « comment » c’est fait la prise de décision? Comment respecte-t-elle la volonté de la personne ?  N’est-ce pas les vraies questions de fond? Il faut selon moi mettre l’emphase non pas sur les structures et modalités mais plutôt sur le deuxième élément qui précède les moyens et qui fait appel à la notion de consentement.

Je fais référence ici au principe de base, qui est cité dès le début du document de consultation : « qu’aucune personne ne peut être soumise à des soins sans son consentement 1»  Le Code civil reconnaît à chaque personne le droit de prendre des décisions qui ont des conséquences pour elle.  Cette règle s’applique même si le refus ou l’arrêt du traitement entraîne la mort. Tout intervenant en santé, dans sa prestation de soins et service doit obtenir le consentement de son client avant d’intervenir. N’est-ce pas important quand la qualité de vie – jusqu’au dernier souffle-- est en jeu? La notion de consentement est peu enseignée  dans les écoles.  Dans la pratique, on a l’impression que le consentement ne nous regarde pas  ou bien il nous fait peur. C’est ici que nous pouvons agir.

Poussons plus loin le développement du consentement : la loi stipule que celui-ci doit être libre et éclairé2.  Deux mots qui ont une importance capitale dans la prise de décision. Le consentement doit être libre,  c’est-à-dire que la personne ne doit pas sentir de pression dans sa prise de décision.  Quand par exemple, vous avez à peine 15 minutes pour prendre une décision (et je suis généreuse) sur un choix de traitement à la suite d’un diagnostic, est-ce de la pression? Pouvons-nous être éclairé en un si court laps de temps? Quand vous avez le regard soupirant de vos proches autour de vous, est-ce de la pression. Face à la souffrance, la douleur, les pertes, la solitude, et j’en passe,  comment, comme professionnels, pouvons-nous soutenir et aider le principal concerné, le mourant, dans ce processus?

Ensuite, le consentement doit être éclairé.  Après plusieurs années à œuvrer dans  le réseau de la santé, je constate que cette étape est très souvent escamotée et même négligée auprès de la clientèle.  Est-ce que chaque professionnel, médecin et infirmière, prennent le temps auprès de son client, de lui donner toute l’information nécessaire se rapportant aux soins et services qui lui seront donnés?  Est-ce qu’ils prennent le temps d’expliquer la nature, le but, les risques des traitements, des interventions et de la non intervention. Et que fait-on des bénéfices, des effets secondaires et des méthodes alternatives? Expliquent-ils leurs compétences et leurs limites en tant que professionnel? Comment toutes ces informations seront-elles consignées au dossier et qui en aura accès? La personne a le droit de changer d’idée, de modifier son consentement à n’importe quel moment, le sait-elle?  La langue et le langage utilisés sont-ils compris par la personne?  A-t-elle des questions? Comment peut-elle les adresser? Prenons-nous le temps de respecter le rythme de la personne?

Toute cette discussion jette les balises quand au lien de confiance, au respect et au rythme avec la personne et prend plus que cinq minutes…et c’est plutôt fait à la sauvette. C’est pourtant après avoir été bien informée et sans pression indue que la personne fera le ou les choix selon sa volonté.  Et en tant qu’intervenant, il nous faudra répondre et trouver des solutions pour répondre à ses besoins même en fin de vie (pas à ceux de notre profession ou ceux du médecin).  Le client ne doit pas sentir qu’il doit nous faire plaisir et ne pas nous décevoir.

Dans le Mémoire présenté par Hélène Bolduc, présidente de l’AQDMD3 à la Commission de la Santé et des Services sociaux sur la question de mourir dans la dignité  à l’été 2010, la place qu’il donne sur le droit au respect de notre autonomie résume bien ma pensée. « Respecter l’autonomie individuelle, c’est notamment respecter le fondement du consentement libre et éclairé, préalable indispensable avant toute intervention, c’est de s’assurer que le patient est partie dans les processus décisionnels, qu’il comprend les informations transmises.  Le médecin ne peut décider à la place du patient  quand bien même celui-ci ne ferait pas le choix qui semble bon du point de vue médical ».

Donc, avant d’investir massivement dans des structures, des procédures légales, des orientations médicales, et autres modalités, je crois qu’il faut revenir au fondement d’une bonne intervention avec le client. L’investissement qu’il faudrait faire en est un de formation : s’assurer que les maisons d’enseignement offrent plus d’heure de cours sur la notion de consentement, les questions éthiques et les aspects légaux qui y sont en référence.  Dans les milieux de santé, mettre en pratique cette discussion dans diverses situations, assurer du soutien via de la formation, des comité de pairs, du coaching et/ou du co-développement auprès des professionnels lors de situations délicates ou difficiles. On ne parle pas ici de coûts astronomiques quand on y pense (versus les structures et autres moyens), et, quel nouveau sens aurait la pratique des professionnels et la qualité de leur relation avec la personne. Fini les conflits, l’ambiguité et les situations embarrassantes. Le temps consacré à cet échange avec la personne de même que le temps que prendra cette personne pour réfléchir et prendre une décision libre et éclairée est essentiel et contributif pour   la suite des interventions.

Et le consentement, c’est pas juste quand vient le temps de mourir…c’est en tout temps. Et ça, c’est une autre histoire, histoire qui, peut être viendra nourrir un futur blogue!

*Tout au long du texte,  je fais référence à la personne ou au client adulte.

1 : Le Code civil du Québec, article 11.

2 : Le Code civil du Québec, article 10

3 : AQDMD : Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité.

 

Nadine Bergeron

Commentaires

  • J’ai accompagné pendant un an un ami qui souffrait du cancer des poumons. Le médecin lui a annoncé que sa maladie était incurable et qu’il lui restait quelques mois à vivre. La seule chose que la médecine pouvait faire était de prolonger sa vie. Il pouvait choisir les traitements de chimiothérapie et vivre plus longtemps avec des effets secondaires importants ou refuser ces traitements et décéder plus tôt. Le délai était trop court pour prendre une telle décision et il n’avait pas les informations nécessaires pour faire un choix éclairé. Finalement, il a choisi le traitement de chimiothérapie et de radiothérapie.
    Mon ami m’a dit un jour qu’il aurait aimé avoir beaucoup plus de temps pour y réfléchir mais le personnel hospitalier lui signifiait que le temps était compté et qu’il devait prendre sa décision le plus rapidement possible. De plus, il était difficile d’obtenir davantage d’informations sur ce qui lui arrivait. Tout se passait trop rapidement. Je pense qu’il est déjà très pénible d’apprendre une telle nouvelle et qu’il serait important dès le début du processus de prendre le temps de bien informer les personnes et de leur laisser le temps de peser le pour et le contre d’une telle décision. Nous sommes dans une société qui nous incite à surperformer en produisant les meilleurs résultats, avec le moins de moyens possibles et dans les plus brefs délais. Il est difficile de prendre vraiment le temps de vivre dans ce contexte. Avec ce rythme effréné, comment pourrions-nous prendre le temps de se préparer à mourir? C’est presque impossible de nos jours.
    Ce que j’ai trouvé le plus difficile, c’est d’accompagner mon ami dans les derniers jours de sa vie. J’ai été témoin de sa déchéance physique. Il ne restait que la peau et les os. Comment pouvons-nous laisser une personne vivre les derniers instants de sa vie dans de telles conditions? Je trouve cela inhumain. Mon ami souhaitait mourir bien avant cela. Il exprimait qu’il n’aimait pas que sa famille le voit dans cet état. Je pense que dans le cas des personnes qui sont mourantes que nous devrions leur donner l’alternative de mourir dans la dignité. Mon ami aurait aimé être accompagné vers son dernier souffle de vie bien avant de ressembler à un mort vivant. Je pense que nous devrions donner le libre choix aux personnes de décider, dans ce cas, du moment de leur mort. De toute façon, il n’y avait aucun espoir de guérison. Pourquoi, faisons-nous de l’acharnement thérapeutique? Je crois qu’il serait moins souffrant pour les personnes et leur famille de cheminer, vers les derniers instants, si elles pouvaient mettre fin à leur vie lorsqu’elles sont dans un état humainement plus facile à accepter et à vivre. La souffrance psychologique et physique serait plus tolérable pour eux. Je souhaite dorénavant que des solutions plus humaines contribueront à améliorer la façon de mourir en paix avec dignité.


    Lison Trottier

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