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Mourir dans la dignité

« Quand on ne sait pas ce qu’est la vie, comment pourrait-on savoir ce qu’est la mort… » (Confucius).

 

L’euthanasie et le suicide assisté suscitent de grands débats dans notre société actuellement. Grâce aux innombrables progrès de la science médicale, il est maintenant possible de prolonger la vie, par des transplantations, des traitements comme l’hémodialyse, etc. Il n’y a pas si longtemps, les personnes qui bénéficient maintenant de ces traitements étaient condamnées. On questionne aujourd’hui la possibilité d’avoir recours à l’euthanasie et au suicide assisté. D’un coté on veut la vie à tout prix et on la prolonge. De l’autre on veut décider légalement d’y mettre fin lorsqu’on le désire. N’est-ce pas un peu paradoxal?

 

De plus, dans notre société que l’on qualifie de moderne, un nouveau concept a vu le jour. On ne parle plus seulement de vie mais de qualité de vie. S’il n’y a plus de qualité de vie, alors à quoi sert de vivre? Ne devrions-nous pas se poser la question avant de tout mettre en œuvre pour sauver un bébé qui se pointe le nez à 24 semaines de grossesse? Ou encore de faire subir des traitements de dialyse à une personne à tous les 3 jours?

 

Je suis en accord avec la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Si les gens peuvent décider d’avoir recours à des traitements pour prolonger la vie, il m’apparait logique et naturel de pouvoir également décider d’y mettre fin. La charte des droits et libertés individuelles proclame le droit à la vie, à l’intégrité et à la liberté de la personne. Les valeurs véhiculées par la chartre sont le respect de la dignité de tout être humain, de l’inviolabilité de son intégrité et de la croyance en la capacité d’autodétermination de la personne. Cependant, avant d’autoriser le recours à l’euthanasie et au suicide assisté, la législation aura un rôle déterminant à jouer pour en baliser l’accès. Il ne faudrait pas permettre le recours à ces actes dans toutes les situations et de n’importe quelle façon. La personne pourrait y avoir recours dans une situation où elle présente un diagnostic de maladie dégénérative dont l’issu est la mort comme par exemple la sclérose latérale amyotrophique. La personne pourrait alors en faire la demande à son médecin traitant. Celui-ci serait responsable d’évaluer l’aptitude de la personne (capacité à émettre un jugement libre et éclairé) à faire une telle demande. Un deuxième avis pourrait aussi être exigé. Si la personne répond aux exigences, alors le processus de fin de vie pourrait s’amorcer selon le protocole établi entre la personne et son médecin. Il en va de même pour les personnes qui sont jugées inaptes (personne ayant un régime de protection) et qui sont elles aussi atteintes d’une maladie dégénérative. Il appartiendrait donc à l’entourage ou à la personne désignée par le tribunal d’obtenir le consentement pour procéder à l’euthanasie. Évidemment, cette requête devrait être faite uniquement dans l’intérêt de la personne inapte.  

Il va sans dire qu’avec une telle autorisation, il faudra prévoir la dépénalisation de l’acte pour les médecins. Cependant, si un médecin n’est pas à l’aise avec la demande de la personne, il pourrait référer à un collègue qui lui, accèdera à la demande de la personne.

 

Bien que je sois en accord avec la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, il n’en demeure pas moins je suis quelque peu surprise du débat actuel. Comme société, ne devrions-nous pas d’abord se positionner sur le principe de « Vivre dans la dignité »?

Est-ce que les personnes qui demanderont de mettre fin à leur vie auront pu vivre dans la dignité? Auront-elles reçu tous les services et tout le support que leur état nécessitait? Je considère que c’est là la première question à se poser avant de penser à légiférer sur la question du suicide assisté et de l’euthanasie. À partir du moment où notre survie repose sur l’assistance et l’intervention d’un tiers, souvent un membre de notre famille, nous ne pouvons envisager très longtemps d’être le fardeau qui pèsera lourd dans leur vie. La majorité d’entre nous, n’avons jamais été confrontés aux situations où sans l’aide d’une autre personne, nous ne pourrions nous alimenter, nous habiller et prendre soin de notre hygiène personnelle. Imaginons la situation où, suite à une maladie ou un accident nous soyons, pour le reste de notre vie, dépendant de plusieurs personnes qui se relaient à notre chevet pour répondre à nos besoins.

Plusieurs diront que ces services existent et que la société québécoise possède un réseau de services de santé et de services sociaux enviable. Les services existent en théorie mais dans la vraie vie, c’est bien différent. Recevoir un bain par semaine lorsque vous avez des problèmes d’autonomie et d’incontinence ne correspond pas tout à fait au respect de la dignité des personnes…De plus, il est de plus en plus difficile d’avoir accès à des services dans le réseau public. Le temps d’attente pour un service d’hébergement et ce, peu importe la problématique de la personne, peut dépasser deux ans. Les maisons spécialisées en soins palliatifs sont en nombre très limité et sont réservées presqu’exclusivement aux personnes atteintes de cancer. Mais quels sont les services pour les personnes atteintes d’un autre type de maladie dégénérative telle que la Sclérose latérale amyotrophique (SLA)? Est-ce que de leur permettre de demander l’euthanasie ou de permettre à leur entourage de les assister pour qu’elles se suicident est la solution à leurs souffrances?…Est-ce là le seul service que comme société moderne, nous sommes prête à mettre en place?… Assurer les services en qualité et en quantité suffisante, offerts par des professionnels, pour les personnes atteintes de maladies dégénératives ou menant à la mort devrait être le premier souci de notre société. Le rôle des familles pourrait alors être d’accompagner et de supporter mais sans être responsables des services et des soins à prodiguer. Cela éviterait l’épuisement avec lequel les familles d’aujourd’hui sont confrontées et qui les amène bien souvent à souhaiter le décès de ces personnes et à ressentir par la suite de la culpabilité.

Je considère que la responsabilité de notre Parlement est de s’assurer que les personnes puissent avoir accès à tous les services nécessaires pour répondre aux besoins que nécessitent leur état avant de se demander si elles peuvent décider de mettre fin à leurs jours? Permettre aux personnes de «  Mourir dans la dignité » est noble mais nous avons le devoir de leur assurer d’abord de « Vivre dans la dignité ».

Voilà c’est ma position sur le sujet. Elle est, comme pour chacun d’entre nous, j’en suis convaincue, teintée par mes valeurs, ma foi, mes croyances et mes expériences.

Annie Richard, étudiante DESS

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