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Administrations publiques vs intérêts partisans et opinion publique

est-ce que les administrations publiques peuvent se démarquer des intérêts

partisans et de l’opinion publique ?

 

D’entrée de jeu, la réponse par la négative paraît évidente mais elle mérite qu’on y accorde davantage de temps et d’attention.  

 

Un pouvoir d’influence et de conseil qui échappe de plus en plus aux fonctionnaires

 

L’analyse de certains événements des dernières années nous permet d’avancer que les fonctionnaires éprouvent de plus en plus de difficultés à exercer leur rôle de conseiller et d’influence auprès des élus, une situation qui fait craindre pour les intérêts de la population puisqu’elle laisse une place importante à la puissance de plusieurs autres forces d’influence. À qui appartient donc désormais de protéger les intérêts des citoyens et des citoyennes en toute imputabilité et en toute impartialité ? Aux groupes de pression ? Aux sondages ? À l’opinion publique ? À la lumière des éléments  ou des événements qui influencent aujourd’hui les décisions des élus, nous sommes légitimés de nous demander si les fonctionnaires sont encore en mesure d’exercer un certain pouvoir.

 

Des exemples parlants

 

Au cours des dernières années, les exemples démontrant que les élus gouvernent maintenant sous la pression de l’opinion publique sont nombreux. Or, comme le déplore Joseph Facal « Aujourd’hui, toutes les opinions se valent. L’opinion du profane, qui n’est souvent qu’un préjugé, est traitée sur un même pied que celle de l’expert qui, lui, a planché sur la question pendant 20 ans. » (Extrait d’un article publié sous la plume de Jacqueline Cardinal et Laurent Lapierre dans La Presse du 19 septembre 2005).

 

Prenons par exemple, la volte-face extraordinaire du gouvernement Charest dans l’affaire du Mont-Orford en 2007. Le projet de privatisation du Mont-Orford, qui aura notamment coûté son poste au ministre Thomas Mulcair, est sans aucun doute l’une des plus incroyables sagas politiques des dernières années. Adopté après l’imposition du bâillon à l’Assemblée Nationale du Québec, vilipendé par deux ministres libéraux de l’époque, Pierre Paradis et Thomas Mulcair, défendu par un ancien ministre péquiste de l’Environnement, le projet de vente des terrains du Mont-Orford est finalement annulé par la ministre Line Beauchamp qui a justifié sa décision en évoquant que « … dans la région, il y a évolution des positions, notamment dans le cas de la MRC, dont le préfet et maire de Magog veut désormais une solution plus consensuelle. À force d’écouter, y compris mes collègues de la région, j’ai tiré mes conclusions. » (Extrait d’un article du Louis-Gilles Francoeur, publié dans Le Devoir du 8 mai 2007). Louis-George Francoeur écrira également que cette volte-face n’a d’égale que celle du Suroît en 2004.

 

Ici, peu importe les tenants et aboutissants du projet, peu importe le rationnel et le travail qui a mené à l’adoption forcée de ce projet par l’Assemblée Nationale, c’est la pression des citoyens sur un gouvernement, minoritaire rappelons-le, qui aura précipité son abandon par les élus. La privatisation du Mont-Orford aurait-elle subi le même sort sous un gouvernement majoritaire ? Le développement de cette question mériterait à elle seule un blogue tout entier mais je me permettrai de considérer a priori que son dénouement aurait été tout autre.

 

Les mesures de réduction des dépenses de nature administrative imposées dans le plus récent budget du gouvernement du Québec sont un autre exemple éloquent de décisions gouvernementales qui ont été prises, à mon avis, sous la pression de l’opinion publique. Soulignons que ces mesures incluent notamment une réduction de 25 % dans les dépenses de formation des employés de l’État. Or, il faut se rappeler que les mois précédant l’adoption du budget, les médias avaient fait état de nombreuses formations controversées qui étaient offertes aux fonctionnaires. En sabrant sans égard au contenu dans les budgets de formation, le gouvernement légitimait les perceptions et les préjugés de l’opinion publique et désavouait du même coup les décisions de l’appareil administratif.

 

Autre signe de l’influence des intérêts partisans dans la prise de décision du gouvernement Charest : l’adoption d’une loi spéciale autorisant le gouvernement à signer une entente de gré à gré avec le consortium Bombardier-Alstom, une entente qui va à l’encontre des ententes et des pratiques qui régissent le commerce international. Est-il utile de rappeler que l’adoption de cette Loi s’est faite dans le contexte d’une éventuelle élection partielle dans Kamouraska-Témiscouata, fief du regretté ministre Claude Béchard ? Hasard ou opportunisme ? En tous cas, comme s’en est inquiété publiquement Louise Harel : « il y a une très très forte présomption. » (Extrait d’un article de Jeanne Corriveau et Marco Bélair-Cirino publié dans le Devoir du 5 octobre 2010.)

 

Ainsi, comme l’avait si bien observé  Alfred Sauvy (1896-1990) : « L’opinion publique, cette puissance anonyme, est souvent une force politique et cette force n’est prévue dans aucune constitution. »

 

L’opinion publique comme force politique

 

Aussi, dans un contexte fortement marqué par l’émergence de facteurs d’influence de plus en plus importants, il apparaît que les administrations publiques font face à une perte significative de leur pouvoir d’influence et de conseil. Si on ajoute à cette perte la perception négative de l’opinion publique à l’égard des administrations publiques, cela pourrait s’avérer comme un élément de démobilisation important pour les fonctionnaires.

 

Permettre aux administrations publiques de jouer leur vrai rôle

 

Il est donc essentiel de redonner rapidement aux administrations publiques le rôle central et influent qu’elles doivent jouer auprès des gouvernements dans les États de droit. J’aime tout particulièrement la définition de le relation élu-administrateur que fait Roland Parenteau dans son livre Management public, comprendre et gérer les institutions de l’État : « La vision classique de cette relation – l’élu commande et l’administrateur exécute – est depuis longtemps dépassée et sa persistance dans certains milieux tient sans doute de la nostalgie ou d’un défaut d’information…Si on accepte de laisser de côté certaines distinctions savantes qui s’imposeraient devant pareille constatation, on peut conclure que l’élu fait aussi de l’administration et que l’administrateur fait également de la politique. »

 

Encore faut-il ne pas laisser à l’opinion publique le soin de gouverner.

 

monique guay

principes et enjeux de l’administration publique

enap 7505 – cours de m. rémy trudel (lundi soir automne 2010)

 

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