Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La lutte anti-tabac : jusqu’où le gouvernement du Québec est-il prêt à aller ?

par Mireille Poulin

ENP 7505

Cours du lundi soir

Que l’on pense aux lois, règlements et politiques mis en place au cours des dernières années dans le but de proscrire la vente de la malbouffe dans les écoles, d’interdire l’utilisation d’un téléphone cellulaire au volant ou encore aux discussions entourant le port du casque à vélo, force est de constater que le gouvernement du Québec s’immisce de plus en plus dans la vie privée des gens sous prétexte de protéger la santé de la population.  Pierre Simard, enseignant à l’ENAP, écrivait d’ailleurs dans La Presse, il y a quelques années, que  « nous vivons dans une société où l’État, au nom de la vertu, réussit à nous infantiliser; à gérer notre vie sous prétexte de nous protéger. »

Au moment où le rapport de mise en œuvre de la Loi sur le tabac (L.R.Q., chapitre T-0.01) vient d’être déposé à l’Assemblée nationale par le ministre Bolduc, il est intéressant de se pencher sur la question suivante : jusqu’où le gouvernement du Québec est-il prêt à aller dans le dossier de la lutte anti-tabac ?

Une question de santé publique importante

La Loi sur le tabac du ministre Rochon a été adoptée le 17 juin 1998 à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Elle a ensuite été renforcée en 2005 pour donner suite au dépôt d’un premier rapport de mise en œuvre. On y a alors intégré des mesures visant à restreindre davantage l’usage du tabac, sa distribution ainsi que la promotion des produits tabagique.

 

Cette loi visait à contrer un problème de santé publique important. En effet, selon l’Organisation mondiale de la santé, le tabac est mortel sous toutes ses formes et la consommation de celui-ci demeure la première cause évitable de décès dans le monde. Le tabagisme serait encore aujourd’hui la cause principale du cancer du poumon de même qu’un facteur de risque important pour bon nombre de cancer. D’après des analyses citées dans le rapport de mise en œuvre (Rehm et autres, 2006), 18,8 % de tous les décès survenus en 2002 seraient attribuables au tabagisme. On parle ici, pour cette seule année, de 10 414 décès causé par la consommation régulière de tabac ou, dans 209 cas, par l’exposition à la fumée secondaire. Tout récemment, une étude démontrait un facteur de risque particulièrement pour les gros fumeurs pendant leur cinquantaine d’être atteints plus tard de la maladie d’Alzheimer. 

 

Face à ces constats, le gouvernement du Québec était, selon moi, tout à fait en droit de légiférer afin de lutter contre cette mauvaise habitude encore trop présente dans notre société. L’une des responsabilités du ministère de la Santé et des Services sociaux est justement de voir au bien public. Dans le cas présent, il doit veiller au bien-être de la population en agissant positivement sur les déterminants de la santé et en élaborant les politiques et lois en matière de santé publique. Les effets néfastes de l’exposition à la fumée secondaire étant avérés, le gouvernement se doit de protéger autant que faire se peut les non-fumeurs.

 

Des résultats probants

 

Les mesures prévues dans la Loi pour restreindre l’usage du tabac dans certains lieux et encadrer davantage la vente du tabac, l’étalage et l’affichage de même que les campagnes de prévention semblent porter fruits. En effet, le taux de tabagisme est passé de 30 % à 21 % au cours des dix dernières années au Québec.  Les effets nocifs de l’exposition à la fumée secondaire sont maintenant connus et acceptés par une grande majorité de la population. Selon Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, « les prédictions alarmistes annonçant des tensions sociales ou la catastrophe économique pour les bars et les dépanneurs, suite aux mesures introduites en 2005, ne se sont aucunement concrétisées. Au contraire, la population a de toute évidence reconnu la justesse des mesures législatives pour lutter contre le tabac, notamment les interdictions de fumer et les contrôles sur les pratiques de l’industrie, puisque la loi a été très largement respectée »

 

Il est maintenant loin le temps où les étudiants et professeurs pouvaient fumer dans les corridors des cégeps sinon même dans les classes et où, à la sortie des bars, une odeur persistante de cendrier nous accompagnait jusqu’à la maison et suintait de tous les pores de notre peau. Les mesures graduelles d’application de la loi anti-tabac ont eu raison de bien des récalcitrants et, selon moi, une vaste majorité de la population ne souhaiterait pas revenir en arrière.

 

Les revendications des lobbys anti-tabac

 

 Forts de ces acquis, jusqu’où la population québécoise est-elle maintenant prête à aller ?

 

Le gouvernement du Québec a réussi son pari et sa loi a occasionné de grands changements dans la consommation du tabac au Québec. Ces mesures autrefois impopulaires et décriées sont maintenant acceptées de tous ou presque.

 

Les lobbyistes anti-tabac aimeraient maintenant que le gouvernement sévisse davantage et adopte une série de mesures dont un moratoire sur les nouveaux produits du tabac, l’emballage neutre et l’interdiction de fumer dans les automobiles en présence d’enfants.

 

« Un enfant exposé à la fumée secondaire dans une automobile court plus de risques de souffrir d’asthme, de respiration sifflante, de bronchite ou de pneumonie. Il est du devoir du gouvernement de préserver la bonne santé de nos enfants » souligne Dominique Massie, directrice générale de l’Association pulmonaire du Québec.

 

L’article 77 de la Loi prévoit sa révision à chaque cinq ans. Le gouvernement du Québec s’est donc doté d’un mécanisme de contrôle permettant une évaluation fréquente de la mise en œuvre de sa loi et de la nécessité d’adopter des modifications à celle-ci dans le but de la renforcer, le cas échéant. Le ministre Bolduc est-il prêt à faire un pas de plus en répondant aux revendications des lobbyistes ? Nous le saurons au cours des prochains mois. Il devra peser les pour et les contre de l’adoption de nouvelles mesures. Dans la balance, d’une part, les coûts d’hospitalisation engendrés par la consommation du tabac, les nouvelles stratégies des grandes compagnies de tabac qui cherchent par tous les moyens à s’attirer la jeune clientèle et d’autre part, les pressions des fumeurs et des gens qui jugent que le gouvernement n’a pas à s’immiscer dans les habitudes de vie des citoyens aussi néfastes soient telles.  

 

Sources :

SIMARD, Pierre. La grande garderie, paru dans le journal La Presse. Notes de cours et textes sur des enjeux de la séance 3 du cours ENP-7505 de Rémy Trudel,

Ministère de la Santé et des Services sociaux Yves Bolduc, « Rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010 », 18 octobre 2010. http://cqct.qc.ca/Documents_docs/DOCU_2010/RAPP_10_10_18_RapportMiseEnOeuvreLoTabac_2010.pdf

 

COALITION QUÉBÉCOISE POUR LE CONTRÔLE DU TABAC, Communiqué de presse du 18 octobre 2010 http://www.cqct.qc.ca/Communiques_docs/2010/PRSS_10_10_18_ReactionRapportMiseEnOeuvre2010.pdf

Société canadienne du cancer, Statistiques canadiennes sur le cancer, 2010.

http://www.cancer.ca/~/media/CCS/Canada%20wide/Files%20List/liste%20de%20fichiers/PDF%20-%20Policy%20-%20Canadian%20Cancer%20Statistics%20-%20French/Canadian%20Cancer%20Statistics%202010%20-%20French.ashx

 

L.R.Q., chapitre T-0.01, Loi sur le tabac http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/T_0_01/T0_01.htm

 

Heavy Smoking in Midlife and Long-term Risk of Alzheimer Disease and Vascular Dementia Minna Rusanen; Miia Kivipelto; Charles P. Quesenberry, Jr; Jufen Zhou; Rachel A. Whitmer. . Archives of Internal Medicine, 2010;



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Je suis d'accord que le Gouvernement intervienne dans le cadre de la lutte anti-tabac. Si les adultes ne sont pas assez responsables pour ne pas exposer leurs jeunes à la cigarette alors pourquoi ne pas l'interdire par une loi. Ce qui me préoccupe par contre, aurons-nous les moyens de nos ambitions. Bien que le Gouvernement dit interdire l'utilisation du cellulaire au volant, les faits nous montrent que plusieurs ne s'en soucient point. Il ne s'écoule pas une journée sans que je vois 2, 3 ou même plus, automobilistes utilisés leur téléphone. La sécurité policière aura-t-elle les moyens de faire respecter cette loi. J'en doute mais je crois qu'il faut encore espérer que les campagnes de préventions seront en mesure de sensibiliser les inconscients qui ne voient pas l'impact de leur habitude de vie sur les autres! Je rêve du matin, où je pourrai franchir les portes du bureau sans avoir à subir cette senteur dès plus désagréable.

  • Lutter contre le tabac est une priorité de santé publique et le gouvernement doit vraiment adopter des mesures sévères pour interdire les activités de contrebande de produits du tabac qui touchent surtout nos jeunes.

  • S'il est d'une lutte collective plutôt "facile" pour nous tous d'adhérer, c'est celle contrôlant l'industrie du tabac. Nous l'avons vu: les compagnies de tabac dirigent de plus en plus leurs produits avec des emballages attrayants et visant majoritairement les femmes et les jeunes. (Exemple: les cigarettes SUPERSLIMS de Benson & Hedges font la promotion d'une image élégante et féminine d'une cigarette).

    Nous devons donc tous être très sceptiques face à cette industrie.

    Qui plus est, il serait aberrant de dire, dans le cas du tabac, que le gouvernement n'a pas d'affaire dans la vie privée des citoyens. Si l'État assume les coûts de santé en découlant et qu'il me martèle en plus que je dois en tant que contribuable me serrer toujours plus la ceinture pour payer les soins de santé, je m'attends à ce qu'il fasse preuve d'une conduite exemplaire et gère les revenus de l'État de façon optimale pour la collectivité.

  • Je pense que l’Etat garant avant tout du bien être des citoyens et donc la santé doit être une préoccupation primordiale dans toute intervention. Au Québec l’action étatique est encore timide en ce qui concerne l’intervention dans le domaine de tabac et cela ou moins au deux raisons:
    -D`une part, la vente du tabac de contrebande constitue plus de 40% de la vente totale des cigarettes vendues à la province. Ce qui constitue un gaspillage au niveau fiscal car le trésor perte des recettes. Ces derniers doivent constituer la base des recettes du ministère de la santé dont un grand nombre des passions sont des fumeurs. Donc le fumeur de tabac issu de contrebande ne paye pas des impôts sur son choix (choix de fumer) en plus il reçoit des soins payer généralement par des citoyens non fumeurs.
    - D’autre part, les prix de vente des cigarettes au Québec sont les moins élevés au Canada, ce qui permet un certain encouragement des citoyens surtout les jeunes à fumer. D’ailleurs le taux de tabagisme au Québec est de 21.% alors qu’il est à 16% dans l’Ontario.
    abdelmajid zerra groupe Mardi soir

Les commentaires sont fermés.