Le chat de ma voisine
Dans le cadre de la Consultation publique « Mourir dans la dignité »
Je ne vous parlerai pas de mon meilleur ami qui était atteint de la sclérose latérale amyotrophique (maladie de Lou Gehrig) et qui m'avait demandé s’il était possible que je l'aide à mourir. Une simple réponse positive de ma part lui a donné la force de vivre sa vie jusqu'au bout. Je ne parlerai pas non plus de moi et de mon état de santé et des défis qui seront miens au cours des prochaines années. Non, j'aimerais mieux vous parler du chat de ma voisine.
Toutefois avant cette histoire quelques mots sur cette consultation.
Une responsabilité partagée
À travers cette consultation québécoise qui mérite qu'on s'y attarde, plusieurs questions se doivent d'être posées. La première qui me vient à l’esprit est comment à travers le cadre législatif fédéral-provincial actuel le gouvernement du Québec pourra donner suite à cette consultation alors que le pouvoir de légiférer en cette matière appartient au gouvernement d’Ottawa?
Bien sûr à l’instar de la Colombie-Britannique et de ces lignes directrices à l'intention des procureurs de la Couronne relativement aux accusations portées contre des personnes qui, par compassion envers le malade, participent à l'interruption de sa vie, le Québec pourrait prendre exemple. Celui-ci pourrait également s’inspirer d'autres pays tels que les États-Unis (l’Oregon), les Pays-Bas ou l’Australie. Toutefois un fait demeure, c’est une question qui relève avant tout du cadre exécutif et législatif canadien. À cet effet, dès 1994 le Sénat du Canada a constitué un comité spécial chargé d'étudier les questions de l'euthanasie et de l'aide au suicide. Ce comité a publié en juin 1995 un rapport intitulé De la vie et de la mort[1]. La conclusion générale de ce rapport mentionnait que :
La majorité des membres du Comité se sont opposés à l'euthanasie volontaire et ont recommandé qu'elle demeure une infraction criminelle assortie toutefois de peines moins sévères dans les cas où intervient un élément de compassion ou de pitié. Les autres membres du Comité ont recommandé que le Code criminel soit modifié afin de permettre l'euthanasie volontaire pour les personnes qui jouissent de toutes leurs facultés, mais sont physiquement incapables de se prévaloir de l'aide au suicide[2].
En vertu de l'article 241 du Code criminel, est coupable d'un acte criminel quiconque conseille à une personne de se donner la mort ou aide quelqu'un à se donner la mort, bien que le suicide en lui-même ne soit plus un acte criminel[3]
Bien des choses ont changé depuis 1995, entre autre l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement Conservateur. C’est donc dans ce contexte qu’en 2005, Francine Lalonde, députée du Bloc québécois, dépose un projet de loi sur le droit de mourir dignement. Toutefois, en raison du déclenchement d'élections au Canada, il n'y a pas eu de vote sur ce projet de loi. L’histoire est donc à suivre.
Un chapitre important du rapport du Sénat concernait la question des soins palliatifs.
Du cadre législatif à la personne
Cette question est pour moi l’enjeu de la consultation, beaucoup plus que les questions législatives, sémantiques ou rhétoriques. Pourquoi ?
Parce que le gouvernement a toute la lattitude dans ce domaine pour changer le cours des choses. Actuellement, le Québec ne possède que 600 lits en soins palliatifs. La question à se poser est donc qu’avons-nous à offrir aux gens en fin de vie ? Le Québec naît et meurt à l'hôpital.
Dans un cadre plus large, qu’avons-nous à offrir aux personnes atteintes de maladies évolutives et qui résident dans les Centres de soins de longue durée ?
Avons-nous déjà oublié la triste histoire du Centre St-Charles Borromée qui entraîna le suicide de son directeur ?[4] D’autres questions du même ordre ont été soulevées par le documentaire de Benoit Dutrizac «Le dernier droit. Manon Brunelle»[5] concernant la vie au quotidien d’une personne vivant dans un CHSLD. Pour ceux qui n’ont pas vu ce documentaire sur une personne atteinte d’une maladie incurable et qui demandent le droit de mourir, vous ne pouvez imaginer et comprendre ce que représente la vie quotidienne dans de telles conditions.[6] Lors de sa présentation à Télé-Québec ce documentaire avait fait grand bruit.[7]
La question se pose qu’avez-nous à offrir à ces personnes ? Qu’avons-nous à offrir aux personnes âgées pour qui l’espérance de vie ne cesse de s’accroître ? Le suicide assisté ou l’euthanasie sont des choix qui doivent pouvoir être possibles aux citoyens. Toutefois, cela ne doit pas se faire en réponse à un manque de services ou de ressources pour accompagner ceux et celles qui se retrouvent limités par la maladie ou la vieillesse.
Oui, il est du devoir le de l'État de légiférer dans un pareil domaine. Il est toutefois également du devoir de l’État de permettre une participation sociale et une meilleure inclusion de toutes les composantes de la société. Comme le disait Coluche: «Dans la vie, il n’y pas de grands, pas de petits. La bonne longueur pour les jambes, c’est quand les pieds touchent bien à terre.»
Pour ce qui est du chat de ma voisine âgé de 90 ans, elle à dû hier, se séparer de celui-ci. Après 20 ans de vie commune dans le même appartement d'une coopérative d'habitation, ma douce voisine se devait de déménager dans un centre d'accueil à cause de sa perte d’autonomie. Seule celle-ci y était admise... En désespoir de cause, elle s'est décidée à accompagner son chat à l’euthanasie pour être près de lui jusqu'à son dernier souffle, car a-t-elle dit: «Il ne supportera pas le déménagement...moi non plus d'ailleurs!»
Son chat est mort entouré d'amour. Quand le moment sera venu pour ma voisine, qui sera à ses côtés? En coupant cette personne de son milieu de vie, quel goût de vivre lui a-t-on laissé? Ne l'avons-nous pas précipitée plus rapidement vers sa vie de vie?
Comme le disait Sartre: «Ce qui est terrible, ce n'est pas de souffrir ni de mourir, mais de mourir en vain.»[8]
Sylvain Le May
Étudiant
École nationale d’administration publique
Montréal
[1] Mollie Dunsmuir, Margaret Smith, Susan Alter, L'euthanasie et l'aide au suicide, Division du droit et du gouvernement Sandra Harder, Division des affaires politiques et sociales. Révisé le 12 août 1998.
[2] ibid
[3] En 1992, la Cour supérieure du Québec a statué, dans le cas de Nancy B., une femme atteinte d'une maladie incurable, que débrancher son respirateur à sa demande et laisser la nature suivre son cours ne constituerait pas un acte criminel.
[4] www.radio-canada.ca/radio/maisonneuve/27112003/30027.shtml
[5] Le 11 juin 2004, cette Québécoise s’est rendue à Zurich en Suisse afin d’être assistée dans son suicide par l’Association pour une mort digne, connue sous le nom de Dignitas*. Atteinte de sclérose en plaques et confinée dans une chambre d’un centre de soins de longue durée, elle souffre de solitude, de perte d’autonomie et d’un sentiment profond d’inutilité. Se voyant dépérir et parfaitement lucide, elle décide de mourir et engage sa démarche auprès de Dignitas. Pour son ultime voyage en Suisse, elle se fera accompagner par l’animateur Benoît Dutrisac et le réalisateur André St-Pierre.
[6] www.dailymotion.com/video/xceb37_manon-partie-1_news
[7] www.ledevoir.com/societe/medias/68781/television-tele-quebec-relance-le-debat-sur-le-suicide-assiste
[8] Sarte Jean-Paul, extrait de Situations III, www.evene.fr/celebre/biographie/jean-paul-sartre-55.php
Commentaires
Dans ton article tu insistes sur l'aspect social, sur les conditions de vie de ceux qui «réclament» l'euthanasie.
Les conditions de vie dans certaines résidences peuvent laisser à désirer en effet mais si elles constituent un motif pour légaliser l'euthananasie pourquoi ne pas proposer des solutions à l'endroit des CHSD. Oui ce sera onéreux et difficile de s'assurer du même standard de vie pour tous les aînés mais pas impossible.
Par contre en légalisant cette pratique, on devrait aussi modifier le rôle des CHSD, comme par exemple «Résidence pour aînés spécialisée en euthanasie». Je crois qu'on assisterait à la disparition soudaine de la population des personnes du troisième âge.
Je pense que l'on devrait suffisamment analyser les conséquences de l'euthanasie sur les valeurs de la société québécoise avant de la légaliser.
En effet, les personnes âgées en perte d'autonomie doivent tout abandonner du jour au lendemain pour aller finir leurs jours dans un centre. Tout abandonner, leurs maison, leurs souvenirs, leurs mobiliers et surtout leur fidèle compagnon de vie (chat, chien). L'animal de compagnie est important chez les personnes âgées. Il leur apporte de l'amour et nécessitant un minimum de soins les oblige à se mouvoir.
Un hiver, mon grand-père atteint d'une méchante bronchite ne sortait plus de la maison et ma grand-mère lui apportait les soins qu'elle pouvait. Je passais tous les matins les voir avant d'aller travailler en leur laissant mon petit chien pour la journée et repassait le soir après le travail pour leur apporter des courses et récupérer mon petit chien, Scott.
Mon grand-père faisait sa sieste avec lui et petit à petit mes grands-parents ont trouvé la force de sortir après la sieste pour le chien au lieu de le mettre dans le jardin pour ses besoins. Les promenades s'ont devenues régulières et de plus en plus longues. Scott a sauvé mon grand-père, comme il le dit lui-même. Mes grands-parents ont retrouvé la force de lutter contre les maux de la vie et de la vieillesse grâce à mon petit chien.
Ma belle-mère qui a pris la décision de partir en appartement pour personnes autonomes comme ses soeurs et de mettre en vente son triplex où elle a passé les cinquante dernières années. Mais voilà, elle garde de façon régulière le vieux chien de sa petite fille... Quitter son logement devient plus difficile de part le chien qu'elle devra quitter car sa résidence ne tolère pas les animaux.
À quand les résidences, centres pour personnes àgées autorisant les animaux ?
On les tolère bien dans les services de soins palliatifs en simple visite.
En effet, les personnes âgées en perte d'autonomie doivent tout abandonner du jour au lendemain pour aller finir leurs jours dans un centre. Tout abandonner, leurs maison, leurs souvenirs, leurs mobiliers et surtout leur fidèle compagnon de vie (chat, chien). L'animal de compagnie est important chez les personnes âgées. Il leur apporte de l'amour et nécessitant un minimum de soins les oblige à se mouvoir.
Un hiver, mon grand-père atteint d'une méchante bronchite ne sortait plus de la maison et ma grand-mère lui apportait les soins qu'elle pouvait. Je passais tous les matins les voir avant d'aller travailler en leur laissant mon petit chien pour la journée et repassait le soir après le travail pour leur apporter des courses et récupérer mon petit chien, Scott.
Mon grand-père faisait sa sieste avec lui et petit à petit mes grands-parents ont trouvé la force de sortir après la sieste pour le chien au lieu de le mettre dans le jardin pour ses besoins. Les promenades s'ont devenues régulières et de plus en plus longues. Scott a sauvé mon grand-père, comme il le dit lui-même. Mes grands-parents ont retrouvé la force de lutter contre les maux de la vie et de la vieillesse grâce à mon petit chien.
Ma belle-mère qui a pris la décision de partir en appartement pour personnes autonomes comme ses soeurs et de mettre en vente son triplex où elle a passé les cinquante dernières années. Mais voilà, elle garde de façon régulière le vieux chien de sa petite fille... Quitter son logement devient plus difficile de part le chien qu'elle devra quitter car sa résidence ne tolère pas les animaux.
À quand les résidences, centres pour personnes àgées autorisant les animaux ?
On les tolère bien dans les services de soins palliatifs en simple visite.