Mourir dans la dignité
Lancer une consultation publique sur l’euthanasie et le suicide assisté émane d’une société rendue relativement ouverte pour ce concept. La multitude des expériences et le vécu dans le quotidien des personnes souffrantes ainsi que de leur famille ont fait en sorte que la question s’est posée, mentalement si ce n’est pas verbalement. Néanmoins, c’est une question où c’est difficile de trancher sur une attitude, il n’y a pas de bon ou de mauvais traitement, c’est chacun en fonction de sa perception de ce qui est meilleur pour réduire la souffrance des proches ou même de soi, si ultérieurement le cas se présente. Le positionnement du gouvernement dans cet exercice relève d’un acte démocratique qui prend en considération l’opinion de public aussi bien que celui des professionnels. Vu l’étendue et la variante des facteurs à tenir compte on pourrait dire encore que c’est un acte délicat, complexe et audacieux.
Audacieux essentiellement puisqu’on aborde (ou peut-être encore mieux ??), on s’accorde une liberté et un droit. La liberté et le droit de choisir la mort. Dans un monde ou tous les efforts sont déployés pour assurer une meilleure qualité de vie, dans un pays ou l’espérance de vie est de 78 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes, lancer une consultation publique pour légaliser l’euthanasie et le suicide assisté, signifie en d’autres termes ouvrir une porte de secours pour les personnes souffrantes, avant d’atteindre l’agonie, et surtout quand on sait qu’il n’y a pas d’autre solution. Offrir une possibilité qui progressera vers un accès pour une plus grande liberté, un autre moyen qui ne va pas nécessairement dans le même sens que les autres, mais qui respecte encore plus le droit de la personne.
Par le biais de ce pas innovateur le gouvernement s’engage à tenir compte de l’avis du peuple, de son vécu et de ses opinions. Il s’engage aussi à respecter le jugement des professionnels qui vont s’exprimer en présentant leur savoir-faire dans les différentes sphères qui entourent le sujet. Il s’appuie aussi sur des expériences des autres pays qui ont adopté ce concept pour ne pas avancer aveuglément. Toutes ces balises constituent des paliers solides, dans le cas d’un résultat en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté, pour l’administration d’une loi, qui forme un cadre pour gérer les conditions d’utilisation.
D’autres aspects sont à tenir en compte aussi dans le développement de cette consultation. Même pour une société qui se dit laïque telle le Québec, n’empêche que c’est une société d’accueil pour des milliers de personnes et un espace multiculturel, un espace de partage d’idéologies, de cultures et de croyances. La mort, encore plus choisir la mort (même dans des cas d’agonie ou de souffrance extrêmes) ne fait pas essentiellement partie de la culture, de l’idéologie et des croyances de différentes communautés, au contraire c’est un sujet sacré, intangible, à voir tabou. Pour les communautés religieuses, le sujet aborde l’essence de leurs croyances et de leurs valeurs. L’émanation d’une telle loi doit être entourée par un cadre strict pour respecter, dans la mesure du possible, les valeurs de ces communautés et réduire les incidents qui pourraient leur nuire.
La légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté ou même le débat sur ce sujet engendreront des insécurités et des peurs. C’est un changement dans les mœurs et les habitudes et tout changement fait place à des résistances. Autant le changement est grand, autant l’insécurité et la peur sont grandes et dans ce cas le changement est énorme. Il atteint la question essentielle de la vie et de la mort. L’insécurité et la peur par rapport à ce changement, sont à la rigueur raisonnables. Cependant, ce n’est pas en ayant peur qu’on avance. L’euthanasie et le suicide assisté amèneront des changements, mais sans prendre des risques. Ce sont des changements qui feront progresser la société d’un autre pas vers un maximum de potentiel de liberté et de droit, et au nom de cette liberté, on offre le potentiel du choix, pour ceux qui le désirent, d’utiliser leurs droits.
Pour conclure, personnellement, je suis pour l’euthanasie et le suicide assisté. Je suis certaine que si j’ai une maladie incurable, je ne voudrais pas souffrir et je choisirais de me donner la mort pareil pour les personnes qui sont proches, tout en sachant que cette décision n’est pas facile à prendre.
Nadine Gharios ENP 7328